Document de principes
Affichage : le 24 octobre 2018 | Reconduit : le 11 janvier 2024
Stacey A. Bélanger, Debbi Andrews, Clare Gray, Daphne Korczak; Société canadienne de pédiatrie, Comité de la santé mentale et des troubles du développement
Paediatr Child Health 2018, 23(7):454–461.
Le trouble de déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) est un trouble neurodéveloppemental chronique. La Société canadienne de pédiatrie a préparé trois documents de principes après avoir effectué des analyses bibliographiques systématiques. Leurs objectifs s’établissent comme suit :
1) Résumer les données probantes cliniques à jour sur le TDAH.
2) Établir une norme pour les soins du TDAH.
3) Aider les cliniciens canadiens à prendre des décisions éclairées et fondées sur des données probantes pour rehausser la qualité des soins aux enfants et aux adolescents qui présentent cette affection.
Les thèmes abordés dans la partie 1, qui est axée sur le diagnostic, incluent la prévalence, la génétique, la physiopathologie, le diagnostic différentiel, ainsi que les troubles psychiatriques et les troubles du développement comorbides. En plus des recherches dans les bases de données, les auteurs ont analysé les directives les plus récentes de l’American Academy of Pediatrics, de l’American Academy of Child and Adolescent Psychiatry, du National Institute for Health and Clinical Excellence, du Scottish Intercollegiate Guidelines Network et de l’Eunethydis European ADHD Guidelines Group. Puisque le TDAH est un trouble hétérogène, son évaluation médicale complète devrait toujours inclure une anamnèse fouillée, un examen physique et une évaluation approfondie du diagnostic différentiel et des comorbidités connexes. Les auteurs proposent des recommandations précises sur la récolte d’information, les tests à effectuer et les orientations vers divers services.
Mots-clés : Attention deficit hyperactivity disorder; Comorbidity; Diagnosis; Etiology
Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux – 5e édition (DSM-5) classe le trouble de déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) parmi les troubles neurodéveloppementaux et le définit comme « un mode persistant d’inattention et/ou d’hyperactivité-impulsivité qui interfère avec le fonctionnement ou le développement,… et qui a un retentissement négatif direct sur les activités sociales et scolaires/professionnelles » [1]. Le TDAH est le troisième trouble de santé mentale en importance dans le monde, après la dépression et l’anxiété; il touche une proportion estimative de 3,4 % des enfants et des adolescents [2].
La prévalence du TDAH est stable au sein de la population pédiatrique depuis trente ans [3], sauf aux États-Unis [4], où elle a augmenté. Elle est plus faible selon la définition du TDAH tirée de la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, 10e édition, car la CIM-10 exige le respect de critères liés à la fois à l’inattention et à l’hyperactivité [5]. Le TDAH s’associe à des résultats cliniques indésirables importants pendant l’enfance et l’adolescence : problèmes scolaires (responsables de faibles taux de diplomation au secondaire et d’études postsecondaires) [6], relations difficiles avec les camarades [7] et taux accru d’accidents d’automobile, de blessures accidentelles et de consommation de substances psychoactives. Le risque d’une telle consommation augmente encore davantage lorsque le TDAH est lié à un trouble des conduites [8][9]. Ces comorbidités du TDAH sont liées à une augmentation du taux de mortalité [10].
D’après les évaluations à jour, 50 % des enfants ayant un TDAH continuent de présenter des symptômes à l’adolescence et à l’âge adulte. Les prédicteurs de cette persistance sont l’inattention combinée à l’hyperactivité, la gravité des symptômes, des troubles dépressifs majeurs ou d’autres troubles de l’humeur associés, plusieurs comorbidités (plus de trois autres troubles figurant dans le DSM), ainsi que l’anxiété et les troubles de personnalité antisociale des parents [11].
Le TDAH est un trouble aux étiologies multiples. La combinaison de facteurs génétiques, neurologiques et environnementaux contribue à sa pathogenèse et à son phénotype hétérogène [12].
Les données probantes tirées d’études sur les familles, les jumeaux et les enfants adoptés indiquent fortement que le TDAH est un trouble hautement héréditaire et polygénique [13]. Les variantes des gènes évocatrices d’un risque de TDAH sont importantes pour le développement cérébral, la migration cellulaire et l’encodage génétique pour les récepteurs et les transporteurs des catécholamines [13][14]. D’après l’identification des ensembles de gènes qui ont une incidence sur les neurotransmetteurs du cerveau [15], de rares variantes du nombre de copies ou l’accumulation d’importantes délétions et duplications qui influent sur la transcription génique sont plus courantes chez les personnes ayant un TDAH [16]. (Pour en savoir plus, voir le document de principes connexe sur les populations particulières.) Les recherches pharmacogénétiques en cours visent à cibler les gènes qui contribuent à la réponse pharmacologique au TDAH [17].
Des facteurs neurologiques non héréditaires qui touchent le développement du cerveau ou qui provoquent des lésions cérébrales contribuent à la pathogenèse du TDAH. L’influence de la grossesse et des complications de l’accouchement prête à controverse, mais selon de solides données probantes, l’exposition à l’alcool ou au tabac in utero [18] et un petit poids à la naissance (moins de 2 500 grammes) [19][20] accroîtraient le risque de TDAH. Les lésions cérébrales hypoxiques ou anoxiques [21], les troubles épileptiques [22] et les lésions cérébrales traumatiques [23]–[25] contribuent également au risque de TDAH.
Il est démontré que l’exposition à des toxines environnementales (notamment le plomb, les pesticides organophosphorés et les polychlorobiphényles) s’associe aux symptômes du TDAH [20][26][27]. À moins que l’enfant ait été victime de privations précoces et exceptionnelles [28][29], le lien de causalité entre l’environnement familial, l’adversité psychosociale et le TDAH n’est pas clairement démontré [20][30][31].
D’après les études de neuro-imagerie, le TDAH est un trouble du développement précoce du cerveau. Selon des études d’imagerie par résonance magnétique volumétriques [32] et fonctionnelles [33], les différences proviennent du développement structurel et de l’activation fonctionnelle du cortex préfrontal, des noyaux gris centraux, du cortex cingulaire antérieur et du cervelet [34]. L’activité entre ces zones du cerveau dépend des circuits catécholaminergiques [35]. Malgré les données probantes peu concluantes quant aux déficits de ces neurotransmetteurs, leur rôle est corroboré par leur distribution dans les zones du cerveau liées au TDAH et par la réponse positive des patients ayant un TDAH aux médicaments modulateurs de la neurotransmission des catécholamines [36]. Le retard de la maturation corticale est étayé, l’épaisseur corticale maximale du cerveau étant atteinte à l’âge de sept ans chez les enfants « neurotypiques » et de dix ans chez ceux ayant un TDAH [37].
Le TDAH demeure difficile à diagnostiquer en raison de l’absence de biomarqueurs et de symptômes spécifiques, de l’étendue du diagnostic différentiel et des comorbidités fréquentes. Le DSM-5 contient des améliorations diagnostiques. En effet, les critères décrivent désormais les comportements indispensables dans un groupe d’âge plus vaste, et l’évolution naturelle est mieux saisie compte tenu du moins grand nombre de symptômes nécessaires pour atteindre le seuil diagnostique à l’adolescence et à l’âge adulte. Malgré certaines modifications entre le DSM-IV et le DSM-5, on peut utiliser les mêmes questionnaires, échelles d’évaluation et outils diagnostiques (https://cps.ca/fr/mental-health-screening-tools) ou des documents semblables pour colliger l’information diagnostique auprès de divers répondants. Les symptômes doivent s’observer dans de multiples milieux et entraver les activités quotidiennes. Les principaux éléments de la démarche diagnostique sont exposés dans plusieurs lignes directrices [38][39] et résumés au tableau 1.
Il peut être difficile d’obtenir un diagnostic de TDAH chez les enfants d’âge préscolaire et les adolescents. Selon certaines données probantes, les critères du DSM peuvent être appliqués aux enfants d’âge préscolaire, mais il peut être difficile d’obtenir des observations sérieuses de la part de répondants qui ne sont pas les parents [38]. Seules l’échelle d’évaluation des dimensions du comportement de Conner et les échelles d’évaluation du TDAH IV sont validées dans ce groupe d’âge [40]. Avant de poser un diagnostic de TDAH et d’amorcer le traitement chez des enfants d’âge préscolaire, l’American Academy of Pediatrics (AAP) recommande que les parents appelés à consulter pour faire évaluer la possibilité de TDAH chez leur jeune enfant participent à un programme de formation parentale [38], qui pourra les aider à revoir leurs attentes en matière de développement compte tenu de l’âge de leur enfant et à acquérir des habiletés de gestion des comportements à problème.
Tableau 1. Processus clinique et « perles » dans le diagnostic de TDAH : la mise en œuvre de lignes directrices et d’un consensus d’experts |
Prévoir plusieurs rendez-vous en cabinet pour effectuer l’évaluation diagnostique. |
Obtenir de l’information détaillée sur les événements prénatals et périnatals et l’évolution physique et mentale du patient. |
Obtenir l’histoire du développement et du comportement (motricité, langage, étapes du développement social et comportement, y compris le tempérament, la régulation émotionnelle et l’attachement). (L’évaluation des étapes du développement est particulièrement importante pour poser un diagnostic chez les enfants d’âge préscolaire, parce qu’un problème d’attention et d’hyperactivité peut également être la manifestation d’un trouble neurodéveloppemental.) |
Évaluer la santé physique et mentale de la famille, le fonctionnement familial et les styles d’adaptation des parents ou des tuteurs. S’informer des troubles génétiques. Rechercher les troubles comorbides (psychiatriques, neurodéveloppementaux et physiques). (Les symptômes comorbides respectent-ils les critères d’un autre trouble qui constitue le principal diagnostic OU qui coexiste avec le diagnostic principal de TDAH OU s’agit-il plutôt de symptômes secondaires (découlant du TDAH)?) |
Examiner la progression scolaire (p. ex., bulletins, exemples de travaux) et chercher des symptômes de trouble d’apprentissage [69]. (Les impressions cliniques et les échelles standardisées demeurent les pratiques les plus efficaces pour évaluer la symptomatologie du TDAH.) |
Obtenir des échelles d’évaluation standardisées du comportement qui tiennent compte des critères du DSM-5 du point de vue des parents ou des tuteurs, des enseignants et de l’adolescent lui-même. Une liste des outils de dépistage et des échelles d’évaluation, surtout en anglais, figure à l’adresse https://cps.ca/fr/mental-health-screening-tools. (Les échelles d’évaluation ne diagnostiquent pas le TDAH, mais fournissent des impressions subjectives pour contribuer à quantifier le degré de déviation d’un comportement par rapport à la norme et peuvent être utilisées pour déterminer les effets des interventions à la maison ou à l’école [70].) |
À moins que l’anamnèse et l’examen physique ne l’indiquent :
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Consulter les critères du DSM-5 qui précisent les caractéristiques et symptômes fondamentaux du TDAH : 1. Les symptômes sont graves, persistants (présents avant l’âge de 12 ans et depuis au moins six mois) et ne sont pas appropriés à l’âge et au développement du patient.
2. Les symptômes s’associent à une altération de la performance scolaire, des relations avec les camarades et la famille et des habiletés d’adaptation.
3. S’il y a divergence des symptômes dans divers contextes, il est important d’en établir la raison. 4. Préciser le type de présentation du TDAH en fonction du DSM-5 : i) Présentation combinée (respect des critères d’inattention et d’hyperactivité-impulsivité) ii) Présentation inattentive prédominante (respect des critères d’inattention) iii) Présentation hyperactive/impulsive prédominante (respect des critères d’hyperactivité-impulsivité) 5. Préciser la gravité actuelle (légère, modérée, grave) d’après les symptômes et le degré d’altération fonctionnelle. |
Examens médicaux : Effectuer une évaluation physique et neurologique approfondie et examiner les possibilités de dysmorphies [71]. |
Traduit et adapté des références [38][39][72]-[75]; TDAH trouble de déficit de l’attention/hyperactivité; DSM Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux |
Il peut également être difficile de trouver plusieurs répondants pour obtenir de l’information diagnostique à l’adolescence. L’adolescent a de multiples enseignants au secondaire, ses parents ou ses tuteurs ont moins l’occasion d’observer son comportement que pendant l’enfance, il est moins susceptible d’afficher des comportements manifestes (p. ex., l’hyperactivité) et dans son autoévaluation, il a souvent tendance à atténuer ses comportements problématiques. Il est important de déterminer si les manifestations du TDAH étaient observables lorsque l’adolescent était plus jeune et d’envisager sérieusement les troubles liés à une substance, la dépression et l’anxiété parmi les diagnostics coexistants ou les autres diagnostics possibles.
Le diagnostic différentiel du TDAH, à l’instar de celui de nombreuses présentations complexes, peut être considérablement restreint par une anamnèse et un examen physique habilement exécutés. Les symptômes et le contexte dans lequel ils se manifestent doivent tous deux être explorés (tableau 1).
Le DSM-5 dresse la liste de 16 affections ou groupes d’affections à distinguer du TDAH, dont plusieurs peuvent également être des comorbidités. Certains troubles du développement et du comportement souvent confondus avec le TDAH figurent au tableau 2 [41].
Les affections qui font partie du diagnostic différentiel peuvent être regroupées pour faciliter l’anamnèse. Si l’on se penche d’abord sur les troubles considérés comme d’ordre psychiatrique, le TDAH est souvent classé avec des affections externalisées associées à des comportements visibles, souvent disruptifs et agressifs, tels que le trouble oppositionnel avec provocation et les troubles explosifs intermittents, un comportement disruptif étant confondu avec de l’hyperactivité ou une réactivité impulsive. Quant aux « troubles internalisés » unipolaires (p. ex., troubles anxieux, dépression), ils peuvent être confondus avec une présentation inattentive, alors que les troubles de l’humeur accompagnés de virages de l’humeur et d’une mauvaise régulation émotionnelle (p. ex., trouble bipolaire, trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle (TDDÉ)) peuvent imiter tous les symptômes du TDAH (présentation combinée).
Le DSM-5 regroupe les troubles liés à des traumatismes et ceux liés à des facteurs de stress. En cas de trouble réactionnel de l’attachement, la désinhibition sociale peut d’abord ressembler à l’impulsivité et à l’isolement social observés en cas de TDAH. Cependant, l’exploration de l’histoire sociale et des relations de l’enfant au fil du temps peut contribuer à distinguer les diverses affections. De nombreux enfants ayant un TDAH sont en mesure de faire les premières démarches de socialisation, mais éprouvent de la difficulté à perpétuer leurs relations à cause de leur dysrégulation émotionnelle. Les troubles adaptatifs, où les symptômes affectifs ou comportementaux se manifestent en réponse à un stress établi (p. ex., maladie ou décès d’un membre de la famille ou d’un ami proche, séparation ou divorce) et au trouble de stress post-traumatique (TSPT), ne font pas partie du diagnostic différentiel de TDAH dans le DMS-5. Le TSPT doit toujours être envisagé en cas d’antécédents de traumatisme établi (p. ex., maltraitance) [42].
Les enfants qui fonctionnent aux extrêmes du développement cognitif, tels que ceux qui ont un handicap intellectuel (voir le document de principes connexe sur les populations particulières) ou un fonctionnement intellectuel supérieur, peuvent être déconnectés et inattentifs en classe, les premiers parce que la matière présentée peut être trop difficile, et les seconds parce qu’ils la maîtrisent déjà. Ainsi, les enfants dont les tâches d’apprentissage sont mal agencées à leur capacité peuvent aussi devenir disruptifs. De même, les enfants ayant un trouble spécifique des apprentissages ou un trouble du langage peuvent présenter de l’inattention et (parfois) des symptômes disruptifs, lorsque leur domaine particulier de difficulté est mis en relief par des travaux à faire en classe ou à la maison (p. ex., l’enfant dyslexique qui devient inattentif pendant la période de lecture).
Tableau 2. Affections souvent confondues avec le TDAH (par ordre décroissant de fréquence) |
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Information extraite et traduite de la référence [41]; TDAH trouble de déficit de l’attention/hyperactivité |
Les mouvements associés aux troubles du spectre de l’autisme (voir le document de principes connexe sur les populations particulières) et aux autres troubles neurodéveloppementaux (p. ex., troubles des mouvements stéréotypés, syndrome de la Tourette) peuvent être confondus avec l’hyperactivité. Les autres troubles de la communication sociale et le manque d’ouverture sociale peuvent contribuer à dépister les troubles du spectre de l’autisme, alors que le type de mouvements (soudains, rapides, non rythmiques) et leur distribution (yeux, visage, haut du corps, voix) peuvent contribuer à détecter les tics.
Le DSM-5 fait également état d’affections (p. ex., troubles de la personnalité, psychoses, troubles de l’usage de substances) qui sont moins courantes au sein de la population pédiatrique, mais qui doivent être envisagées dans l’évaluation des enfants plus âgés et des adolescents. Ces affections peuvent s’associer à l’inattention, à l’impulsivité et aux problèmes scolaires, mais il faut prévoir un suivi en psychiatrie ou d’autres services appropriés en santé mentale. Il faut également revoir attentivement la médication de l’enfant pour déterminer son potentiel à induire des symptômes de TDAH, d’anxiété, de dépression ou de psychose.
Par ailleurs, des affections médicales peuvent imiter le TDAH à présentation inattentive, telles que celles qui sont responsables de fatigue ou de douleur (apnée obstructive du sommeil, maladie inflammatoire de l’intestin), les altérations sensorielles (visuelles ou auditives), les maladies chroniques qui nuisent à la fréquentation scolaire (si bien que l’enfant ne comprend plus ou ne suit plus ce qui est enseigné) et les affections neurologiques qui compromettent l’attention et l’éveil (p. ex., épilepsie, état post-commotionnel). Toutes ces affections peuvent également coexister avec le TDAH. Le traitement d’une affection diagnostiquée peut évoquer la possibilité d’un TDAH comorbide.
La prévalence de TDAH chez les enfants atteints d’épilepsie est de deux à trois fois plus élevée que dans la population générale et s’associe communément à une présentation inattentive. D’ordinaire, les symptômes de TDAH sont généralement présents au moment des premières convulsions ou auparavant, ce qui est évocateur d’une comorbidité plutôt que d’un effet de l’épilepsie ou des antiépileptiques. L’épilepsie compliquée, la fréquence accrue de convulsions et une apparition plus précoce s’associent à un risque élevé de TDAH, et ces patients affichent surtout une présentation combinée. Les antiépileptiques, particulièrement le phénobarbital et, dans une moindre mesure, la phénytoïne, la carbamazépine et l’acide valproïque, peuvent influer sur l’attention et l’activité. Les antiépileptiques plus récents (gabapentine, tiagabine, vigabatrine et lamotrigine) ont peut-être moins d’incidence sur la cognition [43].
De nombreuses affections génétiques (syndrome de l’X fragile, syndrome de Turner, sclérose tubéreuse, neurofibromatose, syndrome de délétion 22q11), particulièrement celles qui sont liées à des symptômes du développement, ont une plus forte prévalence de TDAH que dans la population générale [44]–[48]. Chez bien des enfants, les anomalies congénitales, les dysmorphies importantes, les convulsions ou le retard du développement global seront probablement observés avant l’apparition des symptômes du TDAH. Cependant, lorsque les symptômes et les signes sont subtils, intermittents ou à apparition plus tardive (p. ex., neurofibromatose, où les problèmes dermatologiques peuvent s’accentuer avec l’âge, syndromes associés à une dysmorphie faciale plus apparente au fil du temps ou syndrome de l’X fragile), l’inattention ou l’hyperactivité peut être le premier facteur de consultation.
Le trouble du processus auditif central, qui désigne une grappe de symptômes, est une affection qui contrecarre la capacité de comprendre ou de discriminer les stimuli auditifs malgré une ouïe et un intellect normaux [49]. Il fait l’objet d’interventions auditives, y compris l’attribution d’une place spéciale à l’avant, des systèmes de champ acoustique, des appareils FM personnels et des écouteurs, mais son statut d’entité distincte est remis en question en raison de sa forte comorbidité avec le TDAH [50].
Le TDAH, un trouble neurodévelopemental, s’associe surtout à d’autres affections psychiatriques et neurodéveloppementales [51]. La présence d’un trouble comorbide peut avoir une incidence sur la présentation des symptômes, leur gravité et l’altération fonctionnelle. Les cliniciens doivent connaître les comorbidités courantes pour adopter une approche thérapeutique efficace et multidimensionnelle, d’abord axée sur l’affection responsable de l’altération fonctionnelle la plus marquée, qu’il s’agisse du TDAH ou d’un trouble comorbide [52].
Les troubles disruptifs incluent le trouble oppositionnel avec provocation et le trouble des conduites, qui se caractérisent par des comportements externalisés et agressifs. Selon les études, la fréquence des troubles oppositionnels avec provocation et des troubles des conduites associés au TDAH atteint les 90 % [53][54].
On observe des troubles anxieux chez environ 30 % des patients ayant un TDAH [55][56]. Les enfants qui ont un TA associé au TDAH présentent plus de craintes par rapport à l’école, plus d’inattention, de moins bonnes compétences sociales et des symptômes plus graves [57] que ceux dont le TDAH n’est pas lié au TA. De plus, les symptômes du TDAH peuvent nuire à la capacité de l’enfant à participer à une thérapie cognitivo-comportementale pour traiter son TA et compliquer le choix des médicaments, car les stimulants peuvent accroître les symptômes d’anxiété.
Les enfants qui ont un TDAH peuvent également ressentir des symptômes dépressifs comorbides, particulièrement à l’approche de l’adolescence et de l’âge adulte. Les données s’accumulent pour indiquer une continuité hétérotypique entre ces deux affections, qui partageraient les mêmes traits sousjacents chez certains enfants [58]. La validité du diagnostic de TB, surtout au sens large, demeure controversée à la préadolescence. Des chercheurs font état d’un chevauchement des symptômes comportementaux chez les préadolescents ayant un TDAH et ceux qui ont un TB, lequel peut être difficile à démêler. L’ajout du TDDÉ au DSM-5 décrit peut-être mieux les enfants ayant des problèmes de régulation émotionnelle extrêmes.
Le taux de TUS augmente lorsque les enfants ayant un TDAH atteignent l’adolescence et l’âge adulte [59]. Il se peut que la consommation de substances psychoactives représente une tentative d’automédication. Le traitement du TDAH associé aux TUS est compliqué par des risques de mésusage et de détournement des stimulants sur ordonnance [59]. Selon une récente méta-analyse [60], un traitement aux stimulants ne favorise ni ne prévient de futurs TUS chez les jeunes ayant un TDAH.
La coexistence du TDAH et des tics peut être problématique, car les stimulants peuvent exacerber les tics. Puisque les tics ont tendance à s’intensifier et se résorber tour à tour, il est difficile d’établir si cette relation entre les stimulants et les tics est causale ou fortuite [61][62]. Certains enfants ayant un TDAH et des tics qui prennent des stimulants sont moins stressés et ont moins de tics.
Le retard persistant de la motricité et de la coordination est courant chez les personnes ayant un TDAH [63]. La motricité fine est l’un des volets de la motricité les plus touchés [64]. Il est important d’utiliser un questionnaire de dépistage et de procéder à un examen neuromoteur ciblé lorsqu’on soupçonne un trouble développemental de la coordination [63].
Voir le document de principes connexe sur les populations particulières ayant cette affection.
Le trouble d’apprentissage est la principale affection comorbide du TDAH [51]. En effet, environ le tiers des enfants ayant un TDAH ont également un TSdA [65]. Cependant, les enfants ayant seulement un TSdA peuvent présenter des symptômes d’inattention parce qu’ils ne comprennent pas ce qui leur est enseigné. Une évaluation psychoéducative attentive peut contribuer à déterminer si le TSdA de l’enfant est un diagnostic primaire ou si le TDAH et le TSdA sont associés.
Les symptômes de TDAH, particulièrement chez les filles, accroissent le risque de troubles des conduites alimentaires [66]. Cette comorbidité peut compliquer le traitement et empêcher les rémissions [67].
Le TDAH est un trouble hétérogène. Les pédiatres et les médecins de famille sont les premiers dispensateurs de soins à procéder à une évaluation médicale des enfants et des adolescents ayant un TDAH, qui devrait toujours comprendre une anamnèse complète, un examen physique et une prise en compte du diagnostic différentiel et des comorbidités possibles. Il est donc capital que leur formation leur fournisse les compétences cliniques nécessaires pour évaluer et prendre en charge le TDAH et ses troubles comorbides [68].
Le comité de la santé de l’adolescent et le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie, de même que des représentants de l’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (ACPEA), ont révisé le présent document de principes.
Membres: Debbi Andrews MD (présidente), Susan Bobbitt MD, Alice Charach MD, Brenda Clark MD (membre sortante), Mark E. Feldman MD (représentant du conseil sortant), Johanne Harvey MD (ancienne représentante du conseil), Benjamin Klein MD, Oliva Ortiz-Alvarez MD, Sam Wong (représentant du conseil)
Représentantes: Sophia Hrycko MD, Association canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent; Angie Ip MD, section de la pédiatrie du développement de la SCP; Aven Poynter MD, section de la santé mentale de la SCP
Auteures principales : Stacey A. Bélanger MD Ph.D., Debbi Andrews MD, Clare Gray MD, Daphne Korczak MD
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 31 mai 2024