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Il faut qu’on parle : repenser notre relation aux écrans

Affiché le 24 novembre 2022 par la Société canadienne de pédiatrie | Permalink

Catégorie(s) : Documents de principes et points de pratique

par les docteurs Richard Stanwick et Robin Williams

La pandémie a bouleversé la vie familiale de toutes sortes de façons. L’utilisation et l’exposition accrues des enfants et de leurs parents aux médias numériques font partie des plus remarquables. Les écrans ont été sollicités pour socialiser et travailler comme jamais auparavant, et même si une grande partie de cette connectivité était nécessaire, créative et bénéfique, certains aspects de notre relation aux écrans n’ont pas été sans conséquences.

La SCP a publié deux documents de principes sur les effets de l’utilisation croissante des écrans chez les jeunes enfants du Canada. Le premier, en 2017, constatait déjà que la manière dont les enfants de moins de cinq ans utilisent les écrans avait peut-être autant d’importance que le temps consacré à les utiliser. Une mise à jour publiée en novembre 2022 renforce les conseils sur une utilisation plus saine des écrans : limiter le temps d’écran, en atténuer les effets négatifs, les utiliser en pleine conscience et donner l’exemple d’attitudes saines.

Qu’est-ce qui a changé en cinq ans? D’abord, les recherches sur le développement des enfants ont fait largement ressortir un simple fait : l’acquisition précoce du langage et l’apprentissage social sont plus efficaces lorsqu’ils sont vécus de manière interactive, en temps réel et dans un lieu réel, avec des personnes en chair et en os. De plus, le recours possible à ce mode d’apprentissage au quotidien a beaucoup diminué. Les périodes de jeu des enfants avec leurs camarades en milieu de garde, dans des groupes de jeu communautaires et à la maternelle ont été brutalement mises en veilleuse pendant la pandémie. La plupart des établissements préscolaires ont fermé leurs portes. Même les parcs de quartier ont été interdits pendant une certaine période. Enfin, lorsque les parents se sont mis à travailler de la maison, les familles ont dû composer avec de nouveaux taux de « technoférence » complexes, c’est-à-dire que les habitudes, les jeux et les interactions de la famille ont été fréquemment interrompus par les appareils numériques. À divers degrés, ces trois facteurs ont incité les parents à se fier davantage aux écrans pour éduquer, consoler et occuper les jeunes enfants, et peut-être à moins s’asseoir avec eux pour les regarder.

Puisque la vie communautaire et l’école ont repris plus normalement au Canada, les parents et les éducateurs à la petite enfance doivent réévaluer leurs relations avec les écrans. Parfois, il suffit de les éteindre, mais le plus souvent, il faut se rappeler et relancer ce qu’on savait déjà avant la pandémie :

  • Lire, parler et chanter avec les jeunes enfants favorisent de solides relations familiales.
  • Recourir à un plan médiatique familial contribue à réduire l’utilisation des médias en arrière-plan et à éviter les écrans à l’heure des repas et du coucher.
  • Favoriser des liens communautaires « dans un milieu réel » et des activités qui stimulent le jeu (p. ex., terrain de jeu de quartier et groupes de jeu) et encouragent l’alphabétisation précoce (p. ex., programmes de bibliothèque) est hautement bénéfique pour les enfants et les parents. 
  • Établir systématiquement des limites de temps d’écran intentionnelles (« Nous allons regarder ce contenu, à ce moment-là et pour cette raison-là. ») et communes est plus efficace qu’une mise à zéro intransigeante (« Pas de télévision tant que tu n’auras pas fait d’exercice. »).
  • Le jeu actif et immersif exige de l’attention, de l’investissement et un plaisir partagé.

Pour rétablir les périodes de jeu dans la vie des enfants après la pandémie, il faut trouver des occasions de remplacer le temps d’écran par le jeu, de préférence à la maison, à proximité et en milieu de garde (en installation, en milieu familial, en milieu préscolaire ou à la maternelle). Les apprentissages sociaux et affectifs par des jeux réguliers avec d’autres enfants. Selon une étude récente, le jeu pendant les années préscolaires avec un groupe d’amis homogène réduit le risque de trouble de santé mentale à l’âge adulte [1]. Des milieux bienveillants et des lieux d’apprentissage qui cultivent les amitiés pendant la période préscolaire favorisent les aptitudes de jeu émergentes, comme la pensée commune et la réciprocité qui, à leur tour, stimulent les aptitudes cognitives et sociales et le bien-être émotionnel [2] de manières que jamais les écrans ne pourront apporter.

Les milieux de garde sans écran sont rares, sinon introuvables, pour les enfants du Canada, et il est connu que les conditions qui prévalaient pendant la pandémie ont provoqué ou exacerbé des retards en matière de littératie et de numératie dans les populations déjà défavorisées [3]. Chez les enfants de la maternelle et du primaire, il est capital d’accroître l’accès à des milieux de garde de qualité et à des programmes parascolaires où le temps d’écran est minimal ou même inexistant pour répondre à leurs besoins. Un milieu de garde de qualité ne se limite pas à s’occuper des enfants pour que les parents puissent travailler. Il offre des occasions de jouer ainsi que de créer des réseaux et des aptitudes entre amis, au-delà de ce qu’il est possible au cours d’une journée scolaire régulière.

Les parents doivent aussi donner l’exemple de l’utilisation des médias au quotidien. Les professionnels de la santé peuvent conseiller aux parents d’épouser ce rôle en pleine conscience, en les encourageant à ranger leurs propres écrans, particulièrement aux repas, à éteindre la télévision qui est allumée en arrière-plan et à être attentifs et curieux des relations de leurs enfants, que ce soit avec leurs amis dans la vraie vie ou dans les médias sociaux.

Les parents assument un rôle réjouissant, mais difficile, et depuis quelques années, la plupart ont ressenti de la fatigue, de l’inquiétude et de la culpabilité. Nous avons tous été transformés par la pandémie, mais en qualité de pédiatres, nous pouvons encourager les parents à redéfinir les relations de leur famille aux écrans. Les parents ont fait ce qu’ils avaient à faire pour traverser le pire de la pandémie, mais il est maintenant essentiel de corriger le tir.

Le docteur Richard Stanwick, pédiatre et médecin-hygiéniste en chef de Island Health (Victoria, Colombie-Britannique) récemment retraité, et la docteure Robin Williams, pédiatre et médecin de santé publique, sont d’anciens présidents de la Société canadienne de pédiatrie.

Références

  1. Zhao YV, Gibson JL. Evidence for protective effects of peer play in the early years: Better peer play ability at age 3 years predicts lower risks of externalising and internalising problems at age 7 years in a longitudinal cohort analysis. Child Psychiatry Hum Dev 2022. https://doi.org/10.1007/s10578-022-01368-x.
  2. McCain MN. EYS: Early Years Study 4: Thriving Kids, Thriving Society. Toronto, Ont.: Margaret and Wallace McCain Family Foundation; 2020.
  3. Whitley J, Beauchamp MH, Brown C. Impact de la COVID-19 sur l’apprentissage et la réussite des enfants et des adolescents canadiens vulnérables. In : Les enfants et les écoles pendant la COVID-19 et au-delà : interactions et connexion en saisissant les opportunités; une note de breffage de la SARC. Ottawa, Ont. : La Société royale du Canada, 2021.

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Mise à jour : le 20 juin 2023