Document de principes
Affichage : le 4 mars 2022
James Irvine, Leanne M. Ward; Société canadienne de pédiatrie, Comité de la santé des Premières Nations, des Inuits et des Métis
Paediatr Child Health 2022 27(2):128 (Résumé)
Le rachitisme par carence en vitamine D et les autres manifestations d’une carence grave, comme la myocardiopathie et les convulsions hypocalcémiques, sont encore diagnostiqués au Canada. Les nourrissons autochtones allaités, notamment ceux qui habitent dans des communautés du Nord, sont démesurément touchés, même si ceux qui reçoivent des préparations commerciales n’en sont pas exemptés lorsque le taux sérique de vitamine D de la mère est extrêmement bas. Le présent document de principes, qui se veut une révision d’un document déjà publié par la Société canadienne de pédiatrie, porte sur la prévention du rachitisme et de l’hypocalcémie causés par la carence en vitamine D chez les enfants autochtones. Il est recommandé d’évaluer le risque d’une telle carence chez chaque dyade mère-nourrisson, en raison du lien entre sa présence chez la mère et chez le nourrisson. En plus de proposer des mesures de soutien pour favoriser une meilleure adhésion à la prise de vitamines supplémentaires, il est préconisé de prescrire un ajout de suppléments aux femmes pendant la période prénatale et aux nouveau-nés en cas d’exposition à un risque marqué, sans compter que des doses plus élevées intermittentes de suppléments peuvent être nécessaires dans certains cas. L’insécurité alimentaire peut également contribuer au rachitisme, et c’est pourquoi des revendications s’imposent pour éviter la carence en vitamine D chez les enfants autochtones.
Mots-clés : Autochtones; carence en vitamine D; hypocalcémie; Inuit; Métis; Première Nation; rachitisme
La grave carence en vitamine D (CvitD) qui prend la forme d’un rachitisme et d’autres manifestations majeures, y compris la myocardiopathie, les convulsions hypocalcémiques et les fractures, persiste chez les nourrissons et les enfants du Canada [1]. Les nourrissons autochtones allaités, notamment ceux qui habitent dans les communautés du Nord, sont démesurément touchés [2], même si ceux qui reçoivent des préparations commerciales n’en sont pas exemptés [1][3]. Les facteurs de risque de CvitD symptomatique chez les nourrissons sont à la fois d’ordre biophysique et social; ils incluent une CvitD chez la mère, une peau plus foncée, la saison hivernale, une situation défavorisée, l’exposition réduite au soleil, la résidence dans une latitude nordique et l’insécurité alimentaire [2][4]-[7]. Selon des données probantes, la CvitD augmenterait chez les femmes autochtones, car la consommation d’aliments indigènes (y compris le poisson et les mammifères marins) a diminué au fil du temps [8]-[10] en raison des déplacements forcés, des pensionnats, des problèmes environnementaux, de la pauvreté et d’autres facteurs [11][12]. L’adhésion aux recommandations des professionnels de la santé à l’égard des suppléments recommandés à la mère pendant la période prénatale et aux nourrissons par la suite influe aussi sur le taux sérique de vitamine D (VitD). Enfin, la variabilité génétique peut contribuer au risque individuel de CvitD [13].
Des stratégies en population, comme l’enrichissement des préparations commerciales, les conseils alimentaires et les suppléments par voie orale, préviennent généralement la CvitD avec efficacité chez la plupart des Canadiens. Il est beaucoup moins certain que les lignes directrices visant la population générale canadienne de nouveau-nés à terme et en santé [14][15] conviennent aux nouveau-nés de mères présentant une grave CvitD [2]. L’absence d’adhésion aux lignes directrices à jour représente le plus grand danger de CvitD symptomatique dans les groupes vulnérables. Étant donné la persistance du rachitisme malgré des lignes directrices bien publicisées, les stratégies actuelles semblent insuffisantes [1][16].
Le présent document de principes révisé et les recommandations qui s’y rattachent portent davantage sur la prévention du rachitisme et de la CvitD symptomatique que sur l’optimisation des taux de VitD. Il n’aborde pas les autres effets défavorables susceptibles d’être liés à la CvitD [17]. Le document de principes est une révision de celui publié par la Société canadienne de pédiatrie en 2007, intitulé Les suppléments de vitamine D : Recommandations pour les mères et leur nourrisson au Canada [18]. Les auteurs ont procédé à une analyse fouillée des publications médicales anglophones sur la CvitD dans les bases de données de PubMed et de Cochrane entre 2007 et 2020 et ont privilégié les études randomisées et contrôlées, les analyses systématiques, les études canadiennes et les rapports relatifs aux populations autochtones.
Chez les nouveau-nés et les jeunes enfants, la grave CvitD peut nuire à la minéralisation des tissus osseux (ostéomalacie) et à la formation des plaques de croissance (rachitisme); elle peut aussi être responsable de convulsions, de myocardiopathie et de manifestations plus discrètes (tableau 1) [1][19]-[21].
Puisque les manifestations cliniques de la CvitD peuvent être discrètes, la véritable prévalence est probablement sous-estimée [20]. Selon des données post-mortem, les plaques de croissance peuvent subir des modifications histologiques sans s’accompagner de modifications radiographiques ou physiques, si bien que les signes précoces du rachitisme peuvent passer inaperçus [22]. La CvitD de la mère peut provoquer un rachitisme congénital, défini comme une maladie qui se manifeste dans les 30 premiers jours de vie [23].
La proportion d'enfants autochtones et du Nord atteints de rachitisme par CvitD est démesurée [2][24][25]. Selon les médecins qui en ont rendu compte dans des publications canadiennes, tous les nouveau-nés atteints de rachitisme par CvitD observé à la naissance ou auparavant (rachitisme congénital) étaient d’origine autochtone [26][27]. Le Programme canadien de surveillance pédiatrique a confirmé 104 cas de rachitisme par CvitD au Canada sur une période de deux ans (de 2002 à 2004), à l’exclusion de ceux atteints d’une maladie sous-jacente [2]. Les taux les plus élevés étaient déclarés dans le nord du Canada, et la plupart provenaient de l’Ontario. D’après les déclarations des médecins, 94 % de ces enfants étaient allaités, 89 % avaient la peau plus ou moins foncée et 25 % étaient issus des Premières Nations ou du peuple inuit, représentant 3 % de l’ensemble de la population canadienne [28]. Aucun des enfants atteints de rachitisme n’avait reçu la quantité de suppléments de VitD recommandée, soit 400 unités internationales par jour (UI/jour). Cependant, les quelques nourrissons des Premières Nations dont le taux de VitD de la mère était inférieur à 27,5 nmol/L recevaient une quantité suffisante de préparation commerciale enrichie de VitD pour favoriser une croissance normale. Selon un autre rapport, les nourrissons qui recevaient des préparations commerciales n’étaient pas exemptés du rachitisme ou de la CvitD symptomatique : six jeunes nourrissons autochtones ont souffert de convulsions hypocalcémiques entre cinq jours et sept semaines de vie, même s’ils consommaient des préparations commerciales contenant 400 UI/L de VitD et s’ils prenaient un poids approprié [3]. Une CvitD importante chez les mères était probable puisqu’aucune d’entre elles n’avait pris de vitamines pendant la période prénatale.
Dans un sondage du Programme canadien de surveillance pédiatrique réalisé en 2015, 48 cas de rachitisme nutritionnel et 101 cas de CvitD symptomatique sans rachitisme ont été recensés, y compris deux décès non reliés à ces affections [29]. Même si l’identité autochtone n’était pas précisée, la grande majorité de ces enfants avaient la peau foncée.
Dans une analyse régionale effectuée au Manitoba, dans le nord de l’Ontario et à l’ouest du Nunavut, 46 cas de rachitisme ont été signalés entre 2003 et 2015 chez des enfants de moins de sept ans [16]. Ces enfants avaient un âge médian de 9,1 mois, 50 % étaient d’origine autochtone (selon les médecins), le tiers provenait de Winnipeg et plus de 75 % habitaient dans un territoire de recensement défavorisé.
Les recommandations canadiennes incluent 400 UI/jour de suppléments de VitD aux nourrissons et aux enfants de moins de deux ans qui sont allaités partiellement ou exclusivement [14][15]. L’apport maximal tolérable désigne l’apport nutritionnel quotidien continu le plus élevé susceptible de ne poser aucun risque d’effets défavorables sur la santé de pratiquement toute la population concernée [30]. Ainsi, l’apport maximal tolérable en VitD correspond à 1 000 UI/jour chez les nourrissons âgés de moins de six mois, à 1 500 UI/jour chez ceux âgés de six à 12 mois et à 2 500 UI/jour et 3 000 UI/jour chez les enfants âgés de un à trois ans et de quatre à huit ans [31].
Les données probantes sont mitigées quant au taux sérique de 25-hydroxyvitamine D (25(OH)D) au-dessus duquel le rachitisme est évité, mais elles indiquent un risque accru de rachitisme lorsque les valeurs sont inférieures à 30 nmol/L. Cependant, des valeurs qui atteignent 50 nmol/L n’éliminent pas nécessairement le risque de rachitisme [31]. Les études qui évaluent le taux sérique de VitD chez les nourrissons autochtones sont limitées. Selon l’Enquête sur la santé des enfants inuits du Nunavut, 13,6 % des enfants d’âge préscolaire présentaient un taux de 25(OH)D inférieur à 25 nmol/L et 36,5 %, un taux inférieur à 37,5 nmol/L [32].
Depuis 1988, la Société canadienne de pédiatrie recommande d’administrer des suppléments de 800 UI/jour de VitD aux nourrissons autochtones allaités du Grand Nord pendant l’hiver, et de 400 UI/jour à ceux qui reçoivent des préparations commerciales, à cause de leur risque plus élevé [18][33]. Selon les recommandations consensuelles contenues dans des lignes directrices internationales, un supplément de 400 UI/jour suffit pour prévenir le rachitisme, même s’il est également préconisé de mettre sur pied des programmes spéciaux de prévention du rachitisme ciblant les nourrissons et les enfants à risque et de surveiller les taux de 25(OH)D chez ceux présentant des facteurs de risque démontrés [34]. Il n’est pas toujours réaliste d’effectuer des tests sériques chez les nourrissons des régions éloignées du Nord, et les mesures systématiques des taux sériques de 25(OH)D sont généralement considérées comme inutiles en raison des normes relatives à l’administration de suppléments de VitD [35].
Les études révèlent une augmentation des taux sériques moyens de 25(OH)D grâce à des suppléments quotidiens de 400 UI. Cependant, un pourcentage non négligeable de nourrissons continuait de présenter une insuffisance en VitD malgré tout, les taux se situant entre moins de 27,5 nmol/L [36] et moins de 37,7 nmol/L [37] chez 11 % et 30 % d’entre eux, respectivement. Une étude réalisée dans le sud du Canada auprès de nourrissons principalement de race blanche et de milieux favorisés a confirmé cette insuffisance persistante, puisque 32 % des nourrissons dont le taux de référence était inférieur à 50 nmol/L sont demeurés sous ce taux même après avoir reçu des suppléments de 400 UI/jour sur une période de trois mois [38].
Les études qui évaluent l’efficacité de diverses doses de suppléments de VitD sont rassurantes à l’égard de l’innocuité de doses élevées. Une étude randomisée et contrôlée, réalisée à Montréal auprès de nourrissons allaités majoritairement blancs dont le taux de VitD était en grande partie suffisant à la naissance (25(OH)D supérieure à 50 nmol/L), a révélé un taux supérieur à 50 nmol/L à l’âge de trois mois chez 97 % d’entre eux grâce à l’administration de suppléments de 400, 800, 1 200 ou 1 600 UI/jour [38]. Seuls les suppléments de 1 600 UI/jour entraînaient des taux de 25(OH)D indûment élevés (plus de 250 nmol/L). D’autres études randomisées et contrôlées [39]-[41] ont démontré l’efficacité de suppléments de 400 UI/jour pour parvenir à une 25(OH)D supérieure à 50 nmol/L. D’après une étude effectuée en Alberta, 10 % des nourrissons allaités exclusivement qui recevaient des suppléments de VitD présentaient des taux de 25(OH)D inférieurs à 50 nmol/L, même si 90 % de leurs mères, majoritairement blanches (87 %), prenaient des suppléments de VitD pendant la période prénatale [42]. Bon nombre de ces études ne peuvent pas être généralisées dans les populations les plus à risque de CvitD, parce qu’elles ont été menées en grande partie auprès de populations blanches de milieux favorisés. Selon ces études, dont l’une [43] incluait des femmes enceintes qui avaient reçu 2 000 UI par jour tandis que leurs nourrissons en recevaient 800 UI par jour, les doses de 1 200 UI/jour sont toutefois sécuritaires. Ces études ne fournissent pas de données probantes sur la pertinence d’administrer un supplément quotidien de 400 UI aux nouveau-nés de mères ayant une CvitD.
L’Académie canadienne des sciences de la santé appuie la variation des doses de suppléments de VitD en fonction du risque, notamment chez les nouveau-nés prématurés ou à terme à la peau foncée ou qui sont vulnérables à une CvitD à la naissance à cause d’une CvitD de la mère [44].
Depuis 2018, la Division de la santé publique de l’Alaska recommande l’administration de 800 UI/jour de VitD à tous les nourrissons de l’État allaités exclusivement ou partiellement, et 400 UI/jour de VitD à ceux qui reçoivent des préparations commerciales [45]. Ces recommandations reposent sur le fait qu’un supplément de 400 UI/jour n’élimine pas nécessairement le risque de rachitisme chez les nourrissons d’une mère ayant une grave CvitD. Des suppléments de 800 UI/jour semblent plus efficaces pour assurer des taux de VitD suffisants (c’est-à-dire de plus de 50 nmol/L).
La prévention de la CvitD chez la mère constitue une stratégie importante pour réduire la CvitD symptomatique, y compris le rachitisme congénital chez les nouveau-nés, en raison du lien entre les taux de VitD chez la mère et son nourrisson [46]. Même si des études auprès de femmes enceintes du sud du Canada, qui sont largement d’ascendance européenne et vivent dans une situation socioéconomique favorisée, démontrent des taux sériques de 25(OH)D suffisants [47][48] pour prévenir cette affection, on constate des taux de CvitD élevés chez les femmes autochtones canadiennes [9][49]. Ainsi, 24 % des femmes enceintes des Premières Nations de la Saskatchewan présentaient un taux de 25(OH)D inférieur à 37,5 nmol/L, par rapport à un pourcentage inférieur à 8,3 % chez les femmes enceintes hors des Premières Nations ([50], communication personnelle avec le docteur Denis Lehotay en janvier 2015).
Les taux de 25(OH)D de la mère sont limités par l’administration de certains médicaments, y compris certains antiépileptiques et antirétroviraux [51], par la pigmentation cutanée, l’exposition limitée au soleil, les variations saisonnières, la vie dans des latitudes plus élevées (au-dessus d’une latitude de 55° [52][53]), le tabagisme, l’obésité et l’absence de suppléments ou la consommation limitée d’aliments riches en VitD, tels que le poisson et le lait [7][53]. L’apport alimentaire dépend de l’accès aux aliments sains ou enrichis, de leur disponibilité et de leur coût, de la récolte de produits alimentaires locaux, des expériences culturelles et traditionnelles, de la consommation d’aliments riches en VitD par l’entourage et de la situation socioéconomique [6][54].
La consommation de produits laitiers peut être limitée en raison de l’intolérance au lactose au sein des populations autochtones [55][56], confirmée par plusieurs enquêtes régionales colligées dans l’Étude sur l’alimentation, la nutrition et l’environnement chez les Premières Nations (EANEPN) [57] et du fait qu’en plus de ne pas être intégrés au régime traditionnel, le lait et les produits laitiers sont coûteux. L’insécurité alimentaire est marquée dans le Grand Nord du Canada, où 63 % des ménages inuits vivent une insécurité alimentaire modérée ou grave, par rapport à 8,4 % des autres ménages canadiens [58][59].
Les données probantes tirées de l’EANEPN démontrent clairement que l’apport en VitD des populations autochtones canadiennes est plus élevé lorsque celles-ci consomment des aliments traditionnels. Cette observation est confirmée par d’autres études canadiennes [9][49][60]-[62]. Selon d’autres données probantes, l’apport en VitD [8], les taux sériques de 25(OH)D [63] et la consommation d’aliments traditionnels [9][10] sont à la baisse dans les populations autochtones.
Chez les femmes enceintes, l’apport nutritionnel recommandé de vitamine D est de 600 UI/jour [31]. Cet apport repose sur la quantité qui atteint ou dépasse les besoins de 97,5 % de la population très peu exposée au soleil. Santé Canada recommande aux femmes enceintes de prendre une multivitamine quotidienne contenant de l’acide folique et du fer, mais ne traite pas expressément de la VitD, même si de nombreuses multivitamines en contiennent, y compris celles prévues pour la période prénatale [64][65]. La VitD peut provenir des aliments recommandés dans le Guide alimentaire canadien, notamment le poisson, le lait faible en matières grasses et les boissons de soja enrichies. De plus, le Guide alimentaire canadien favorise la consommation d’aliments traditionnels pour améliorer la qualité du régime alimentaire [66].
D’après certaines études, les femmes enceintes n’obtiennent pas toutes des taux suffisants de 25(OH)D par l’ingestion de suppléments quotidiens de 400 UI [67]-[69]. D’autres études canadiennes auprès de femmes enceintes révèlent que l’ethnie non européenne est associée à des taux de 25(OH)D plus bas [70] ou à de plus fortes proportions de femmes dont la mesure est inférieure à 50 nmol/L [47][71][72]. Dans une étude canadienne randomisée et contrôlée, 2 000 UI/jour de suppléments administrés à la mère maintiennent les taux de 25(OH)D à plus de 30 nmol/L chez le nourrisson jusqu’à huit semaines de vie, sans que celui-ci reçoive des suppléments, tandis que si elles prennent des suppléments de 400 à 1 000 UI/jour, les nourrissons peuvent encore être vulnérables (98 % par rapport à 57 % et à 84 %) [73].
Le Consensus canadien sur la nutrition féminine souligne l’importance d’un régime alimentaire équilibré pour toutes les femmes, mais indique que les femmes enceintes des Premières Nations sont exposées à un risque particulièrement élevé de CvitD. On y recommande un supplément de VitD pour toutes les femmes qui n’en consomment pas une quantité suffisante [74]. De multiples études cliniques n’ont pas fait ressortir d’effets indésirables à des doses de suppléments équivalant à 1 000 à 2 000 UI/jour, ou à 60 000 UI par mois [43][73][75][76] ou même jusqu’à 4 000 UI/jour [69]. Certaines analyses systématiques d’études sur les issues des grossesses ont donné des résultats faibles ou mitigés. Certaines données probantes ont toutefois porté sur l’innocuité de diverses doses de VitD. Selon une étude, des suppléments administrés à des doses maximales de 2 000 UI/jour pendant la grossesse étaient associés à une diminution du risque que les nouveau-nés soient petits par rapport à leur âge gestationnel et à l'absence d’effets défavorables [75]. Une autre analyse d’études randomisées et contrôlées dans lesquelles des femmes enceintes recevaient des suppléments de plus de 600 UI/jour (par rapport à celles qui en recevaient moins de 600 UI/jour) n’a établi aucune différence sur le plan des effets défavorables et a observé un plus faible risque de diabète gestationnel [77].
Il est recommandé d’administrer 1 000 UI/jour aux femmes enceintes qui habitent en Alaska, en plus d’une vitamine prénatale quotidienne contenant 400 UI de VitD. Cette recommandation découle du fait qu’un supplément de 400 UI ne semble pas suffire à toutes les femmes enceintes. Les doses plus élevées semblent sécuritaires, même si elles sont beaucoup plus faibles que l’apport maximal tolérable de 4 000 UI/jour préconisé pour les femmes enceintes.
Quelques études randomisées et contrôlées ont évalué l’efficacité et l’innocuité à plus long terme (plus de quelques années) de doses élevées intermittentes de suppléments chez les nouveau-nés ou les mères enceintes à haut risque. En revanche, de nombreuses études sur le traitement intermittent ont révélé quelles doses assurent une innocuité et des avantages à court terme lorsque l’adhésion pose problème.
Diverses organisations professionnelles de l’Australie, de la France, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni recommandent actuellement de plus fortes doses pour les femmes enceintes vulnérables, tandis que certaines recommandent plutôt un traitement intermittent [78]-[81]. L’utilisation de cholécalciférol (vitamine D3), dont la demi-vie est plus longue, comporte des avantages par rapport à l’ergocalciférol (vitamine D2) lors de l’administration de doses intermittentes, mais les deux conviennent pour l’administration de doses au quotidien [34].
Selon un commentaire tiré de directives consensuelles internationales, chez les nourrissons et les tout-petits dont le taux de 25(OH)D est inférieur à 50 nmol/L et dont l’administration quotidienne de suppléments de vitamine D n’est pas idéale, des bolus intermittents de 50 000 à 100 000 UI tous les trois mois sont prometteurs, même si l’innocuité et l’efficacité de cette approche doivent être soumises à des études pour qu’on puisse les comprendre pleinement [34]. Chez les nourrissons dont la mère présentait une CvitD, un seul bolus de 30 000 UI de vitamine D3, suivi de l’administration quotidienne d’un supplément de 400 UI, permettait d’atténuer la CvitD plus rapidement que les seuls suppléments quotidiens de 400 UI [82]. Selon une analyse systématique de solutions de rechange à l’administration de suppléments quotidiens, les suppléments intermittents de VitD se révèlent prometteurs, mais plus de recherches devront être réalisées pour en vérifier l’efficacité et l’innocuité avant d’en recommander l’utilisation régulière et généralisée [83].
L’adhésion aux suppléments demeure le principal obstacle à une prévention efficace de la CvitD au Canada. Il faut corriger les obstacles à l’utilisation de suppléments chez les femmes enceintes et les nourrissons défavorisés sur le plan social. Les stratégies qui favorisent le mieux l’adhésion reposent sur les habitudes et les comportements, comme le fait de lier la médication à des pratiques déjà acquises. Certaines données probantes indiquent qu’en elles-mêmes, les connaissances ne suffisent pas pour modifier l’adhésion [84]. La remise de suppléments pour l’année entière pourrait l’améliorer [44]. Si on accompagne cette remise de suppléments de VitD d’information éducative, on obtient plus de succès que par la couverture gratuite en échange d’un chèque-cadeau ou d’une simple prescription [85]-[88]. Les connaissances des professionnels de la santé, incluant les pharmaciens, sur la VitD et la promotion de son administration à chaque bilan de santé améliore les taux d’adhésion. La distribution d’information contenant des directives claires et faciles à suivre peut également être utile. Pour favoriser l’adhésion, il est toutefois plus important d’entretenir une relation positive avec un professionnel de la santé, axée sur la confiance et la communication [89]. Pour favoriser l’adhésion, on peut envisager des doses élevées intermittentes de suppléments par voie orale dans certaines situations à haut risque, en consultation avec un expert du traitement par la vitamine D.
Lors des rendez-vous prénatals systématiques et des bilans de santé des nourrissons et des enfants, les professionnels de la santé devraient respecter trois étapes :
Étape 1. À chaque bilan de santé, évaluer chaque femme enceinte, chaque nourrisson et chaque enfant afin d’établir leur risque nutritionnel de CvitD. S’informer de l’apport nutritionnel et de la prise de suppléments de VitD pour évaluer le risque, mais envisager également les effets de la situation socioéconomique et des autres déterminants sociaux de la santé.
Étape 2. Déterminer la quantité de suppléments de vitamine D à administrer, en fonction du risque
Étape 3. Soutenir et surveiller l’adhésion à l’administration de suppléments à chaque rendez-vous.
Les pédiatres et les professionnels de la santé devraient envisager deux autres étapes :
Étape 4. Établir un autre plan d’action dans les situations particulièrement à haut risque, notamment lorsque l’adhésion pose problème.
Étape 5 : Revendiquer.
Le comité de nutrition et de gastroentérologie, le comité de la pédiatrie communautaire et le comité de la pharmacothérapie et des substances dangereuses de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent document de principes, de même que les membres du comité consultatif des médecins de famille, du comité de pratique clinique – obstétrique et du comité sur la santé des femmes autochtones de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada
COMITÉ DE LA SANTÉ DES PREMIÈRES NATIONS, DES INUITS ET DES MÉTIS DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE (2019-2020)
Membres : Margaret Berry MD; Leigh Fraser-Roberts MD; Ryan Giroux MD (membre résident); James Irvine MD (membre sortant); Radha Jetty MD (présidente); Véronique Anne Pelletier MD; Brett Schrewe MD; Raphael Sharon MD (représentant du conseil)
Représentants : Karen Beddard, Inuit Tapiriit Kanatami; Shaquita Bell MD, American Academy of Pediatrics; Laura Mitchell BA MA, Patricia Wiebe MD, M.Sc., Services aux Autochtones Canada, Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits; Melanie Morningstar, Assemblée des Premières Nations; Marilee Nowgesic, inf., Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada; Eduardo Vides, Ralliement national des Métis
Auteurs principaux : James Irvine MD, Leanne M Ward MD
Les points de vue exprimés dans le présent document ne représentent pas nécessairement les positions, les décisions, ni les politiques de la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits ou de ses représentants.
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 8 février 2024