Document de principes
Affichage : le 7 janvier 2025
Michael Narvey MD, Danica Hamilton inf. M. Sc. inf. MBA, Vanessa Paquette B. Sc. (pharm) ACPR D. Pharm., Comité d’étude du fœtus et du nouveau-né
L’incidence de nouveau-nés à risque de sevrage attribuable à l’exposition anténatale à des substances psychoactives augmente rapidement, ce qui soulève d’importantes inquiétudes pour leur santé et leur développement précoce. L’accès à des soins prénatals qui reposent sur la sécurisation culturelle et le respect des traumatismes ainsi qu’un soutien relativement à la consommation d’opioïdes améliorent le pronostic à la fois pour la mère ou le parent qui a accouché et pour le fœtus. Les nouveau-nés sont à haut risque de présenter des symptômes d’abstinence ou de sevrage qui doivent faire l’objet d’une évaluation et d’un soutien non pharmacologique au début de la période néonatale; ils pourraient même nécessiter un traitement pharmacologique par la suite. Le présent document de principes porte expressément sur les femmes ou les personnes exposées à des substances psychoactives pendant leur grossesse, particulièrement des opioïdes, sur leur nouveau-né et sur les effets du sevrage et des stratégies de prise en charge chez les nouveau-nés.
Le présent document de principes inclut toutes les familles, telles qu’elles se définissent et se déterminent elles-mêmes et quelles qu’en soient la structure et l’identité. Les communications de l’équipe soignante, son langage et sa terminologie doivent reposer sur la sécurisation culturelle et le respect des traumatismes et être personnalisées pour répondre aux besoins et à l’identité qu’exprime chaque famille.
Mots-clés : exposition aux substances psychoactives pendant la grossesse (ESG); manger, dormir consoler (MDC); nouveau-né exposé aux opioïdes; nouveau-né exposé aux substances psychoactives; planification du congé; soins respectueux des traumatismes (SRT); syndrome d’abstinence néonatale (SAN); syndrome de sevrage néonatal aux opioïdes (SSNO)
De 2010 à 2020, l’Institut canadien d’information sur la santé a signalé une augmentation des diagnostics de syndrome d’abstinence néonatale (SAN) chez les nouveau-nés, lesquels sont passés de 3,5 cas à 6,3 cas sur 1 000 naissances vivantes (ce qui exclut le Québec)[1]. Bon nombre de ces cas sont attribués à une exposition aux opioïdes et entraînent un syndrome de sevrage néonatal aux opioïdes (SSNO)[2]. Selon des rapports, les mises en observation des nouveau-nés augmentent en raison de symptômes de sevrage, mais les cas de SAN et de SSNO demeurent sous-déclarés au Canada[3]. Les coûts d’hospitalisation démontrent le fardeau important que représente ce problème pour la santé des nouveau-nés, de leur famille, des unités hospitalières, des professionnels de la santé et des autres ressources communautaires[4].
Les complications à court terme, particulièrement le SAN et le SSNO, sont les effets les plus reconnus de l’exposition du fœtus aux opioïdes. Les symptômes de SAN et de SSNO touchent les systèmes nerveux central, gastro-intestinal, respiratoire et musculosquelettique[5]. Il est difficile de prédire le pronostic à long terme des nouveau-nés en raison des multiples facteurs de risque interreliés qui, on le sait, ont des conséquences sur leur développement[6][7], de même qu’en raison du peu de recherches de qualité sur leur suivi à long terme et celui de leur famille.
Les opioïdes sont la principale classe de médicaments à induire un état de sevrage chez le nouveau-né, lequel nécessitera des stratégies de prise en charge. Dans le présent document de principes, à moins d’une indication à l’effet contraire, le terme « sevrage » désigne le sevrage des opioïdes. De plus, le modèle d’évaluation « manger, dormir, consoler » (MDC) et les stratégies non pharmacologiques qui y sont proposées peuvent contribuer au sevrage d’autres substances psychoactives. Le présent document de principes met à jour un point de pratique publié par la Société canadienne de pédiatrie en 2018[8].
Chez les femmes ou les personnes exposées à des substances psychoactives pendant leur grossesse, cette période peut représenter une excellente occasion de s’investir dans des soins de santé ou des soins autoadministrés qui peuvent exercer une influence positive sur elles ou leur fœtus[9]-[12]. Il est essentiel d’offrir des soins prénatals sensibles à la culture et respectueux des traumatismes pour soutenir les personnes ESG[12]. Cette approche peut les inciter à divulguer leur utilisation de substances psychoactives, si elles ne l’avaient pas encore fait, et favoriser des soins de soutien et une prise en charge plus rapides. Chez les personnes ESG, on peut observer des chevauchements fréquents avec les aspects négatifs des déterminants sociaux de la santé. Les préjugés, le racisme, le sexisme, la pauvreté, les iniquités de genre, l’exposition à la violence fondée sur le genre ou entre partenaires intimes, la précarité du logement, l’insécurité alimentaire et les traumatismes peuvent discréditer l’obtention de soins, les décourager ou avoir ces deux effets. Au Canada, ces facteurs peuvent amplifier les effets historiques et continus de la colonisation et du racisme envers les Autochtones dans le milieu de la santé, ce qui constitue des obstacles majeurs à l’accès aux soins[12]-[14]. Le plus tôt possible, et en plus du dépistage prénatal systématique et de l’histoire sociale, un professionnel de la santé devrait obtenir une histoire complète de ces déterminants.
Un autre obstacle à l’obtention de soins prénatals rapides chez les personnes ESG provient du recours antérieur aux « alertes bébé » et de la peur persistante de les déclencher, c’est-à-dire qu’un représentant d’une agence de protection de l’enfance avise l’hôpital d’une naissance imminente afin d’intervenir à l’accouchement ou peu après[14]-[16]. Les alertes bébés ont été abolies dans de nombreuses régions du Canada, et il n’y a pas d’obligation à signaler un fœtus. Les professionnels de la santé doivent donc connaître les pratiques de protection de l’enfance de leur région.
Dans le cadre de l’histoire ciblée, le professionnel de la santé doit s’informer de manière non moralisatrice, mais précise, de la consommation de médicaments sur ordonnance ou en vente libre, de substances non réglementées — y compris les produits complémentaires et parallèles —, d’alcool, de marijuana et de nicotine. Il doit donner des conseils et appuyer des décisions éclairées, selon une approche de réduction des méfaits. Il doit également préciser que le risque d’infections comme l’hépatite B, l’hépatite C et le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) augmente avec certains modes de consommation, particulièrement l’inhalation et l’injection.
Des services de santé complets peuvent avoir des effets de « traitement préventif » sur les nouveau-nés en contribuant à interrompre les effets intergénérationnels de l’utilisation de substances psychoactives[11]. Cette interruption peut, à son tour, réduire le risque qu’un nouveau-né touché fasse un usage inapproprié de substances psychoactives plus tard dans sa vie[11]. Il est recommandé de solliciter des collaborations et des consultations en périnatalogie, en pédiatrie et en néonatologie, au besoin, afin d’obtenir les soins personnalisés nécessaires.
Chez les personnes ESG qui présentent un trouble connu de l’usage des opiacés, il est recommandé d’entreprendre ou de poursuivre un traitement par agonistes opioïdes[17]-[21]. Pendant la grossesse, ce traitement réduit le risque de surdose et d’utilisation globale de substances non réglementées, réduit les infections et améliore les soins prénatals et les résultats obstétricaux et néonatals[20]-[23]. La buprénorphine peut être associée à un moins grand nombre de SAN que la méthadone. Une étude a établi que le diagnostic de SAN s’établissait à 69,2 % chez les personnes qui avaient reçu de la méthadone et à 52 % chez celles qui avaient reçu de la buprénorphine 30 jours avant l’accouchement[20].
Les manifestations néonatales du SAN et du SSNO varient considérablement selon les substances utilisées et l’exposition in utero, la fréquence de la consommation, la dose, le moment de l’ingestion, le métabolisme de l’adulte et l’âge gestationnel au moment de l’accouchement. Les symptômes incluent une série de perturbations neurologiques, gastro-intestinales, respiratoires et musculosquelettiques, énumérées au tableau 1[22][24]-[27]. Chez les nouveau-nés, le moment des manifestations dépend de la demi-vie de la substance ingérée, et les symptômes de SAN et de SSNO font généralement leur apparition aux moments indiqués au tableau 2[22][24]-[27].
Les nouveau-nés prématurés sont moins à risque de SAN et de SSNO, et leurs symptômes ne sont pas nécessairement aussi apparents[28][29]. L’exposition plus courte, la transmission réduite par le placenta, l’incapacité des reins et du foie immatures à métaboliser pleinement les substances, ainsi que les réserves lipidiques minimes, sont liées à un dépôt et à une activité plus faibles des opioïdes, sans compter la capacité limitée du cerveau à exprimer les symptômes de SAN et de SSNO[29].
Selon les publications, le taux déclaré de nouveau-nés qui devront recevoir un traitement pharmacologique est élevé, entre 50 % et 80 %[30][31]. Un centre canadien, qui s’écarte de cette tendance, a déclaré que seulement 3,5 % des nouveau-nés recevaient un traitement pharmacologique (n=57) lorsque la cohabitation est devenue le modèle des soins, par rapport à 83,3 % (n=24) chez ceux qui étaient admis en soins intensifs[32]. La durée du séjour hospitalier est passée d’une moyenne de 24 à cinq jours, ce qui fait ressortir l’importance de la cohabitation[32].
Des affections néonatales comme l’hypoglycémie, l’hypocalcémie, les lésions du système nerveux central, l’hyperthyroïdie, le sepsis ou d’autres infections, qui peuvent se manifester par des symptômes semblables à ceux du SAN et du SSNO, doivent être envisagées dans le cadre du diagnostic différentiel. Consulter le document de principes de la SCP sur La réduction du risque d’infection périnatale chez les nouveau-nés de mères dont les soins prénatals étaient inappropriés[33] pour obtenir des ressources supplémentaires.
Tableau 1. Les signes et symptômes de syndrome d’abstinence néonatale et de syndrome de sevrage néonatal aux opioïdes |
Caractéristiques* |
W – État de veille (wakefulness) |
I – Augmentation de l’irritabilité, du tonus et du réflexe de Moro, incapacité de se laisser consoler, incapacité de coordonner l’alimentation par voie orale |
T – Tremblements (agitation), instabilité de la température ou fièvre, tachypnée |
H – Hyperactivité, pleurs aigus ou excessifs, hoquets, hypersensibilité aux bruits, hyperréflexie (y compris les bâillements) |
D – Diaphorèse, tétée désorganisée, diarrhée (explosive), sommeil perturbé, comportements d’alimentation perturbés (y compris une tétée excessive, mais non nutritive et une consommation par voie orale réduite) |
R – Détresse respiratoire, écoulement nasal, régurgitation, marques de frottement (excoriation), rejet des boires |
A – Apnée, dysfonctionnement du système nerveux autonome (fréquence cardiaque et respiratoire) |
W – Perte de poids (weight loss) entraînant une augmentation des besoins caloriques |
A – Alcalose (respiratoire) |
L – Léthargie et larmoiements (larmes) |
S – Reniflements (snuffles), éternuements, convulsions |
Reproduit des références[22][24]-[27]
*Note : Peut inclure une partie ou la totalité de ces signes et symptômes. La plupart deviennent apparents de 48 à 72 heures après l’accouchement et peuvent persister pendant des semaines (de dix à 30 jours). L’irritabilité, les perturbations du sommeil et la difficulté à s’alimenter peuvent persister de quatre à six mois.
Tableau 2. L’apparition des signes et symptômes de syndrome d’abstinence néonatale et de syndrome de sevrage néonatal aux opioïdes d’après l’agent pharmacologique |
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Agent |
Période après l’accouchement* |
Méthadone |
24 à 72 heures |
Buprénorphine |
24 à 72 heures |
Héroïne |
24 heures |
Fentanyl |
24 heures |
Benzodiazépines |
De quelques heures à quelques semaines, selon l’agent |
*Note : La période peut varier considérablement et dépendre de l’utilisation de multiples substances psychoactives. Les benzodiazépines sont incluses en raison des contaminants contenus dans les substances non réglementées.
Chez les nouveau-nés ESG, le professionnel de la santé doit évaluer la présence de symptômes de sevrage pour déterminer la nécessité d’ajouter une surveillance, des soins infirmiers, un traitement médical ou un traitement pharmacologique[34]. Les nouveau-nés devraient être évalués pendant un cycle d’éveil naturel et ne devraient pas être dérangés pendant leur sommeil ou le boire.
Pour ce faire, le score de Finnegan est un outil largement utilisé pour détecter les comportements associés au sevrage[35]. Un premier score de Finnegan doit être mesuré dans l’heure ou les deux heures suivant l’accouchement, puis toutes les trois à quatre heures par la suite, conjointement avec les évaluations effectuées par le professionnel de la santé et en coordination avec les cycles de sommeil et d’éveil du nouveau-né.
D’après des données probantes et en émergence, le modèle « manger, dormir, consoler » (MDC) peut remplacer le score de Finnegan[36][37]. Ce modèle fonctionnel axé sur la famille, qui évalue la capacité du nouveau-né à manger, dormir et être consolé, vise d’abord à maintenir les dyades ensemble[35]. Il est démontré que ce modèle favorise une diminution du séjour hospitalier (qui passe de 15 à huit jours) et des traitements pharmacologiques, sans accroissement significatif des événements indésirables ni des réhospitalisations[38][39]. Compte tenu de ces avantages, les centres abandonnent de plus en plus le score de Finnegan au profit du modèle MDC.
Que l’un ou l’autre modèle soit utilisé, une série d’évaluations continues et précises des symptômes s’impose pour s’assurer que tant le nouveau-né que sa famille reçoivent des soins appropriés[40]. Ces évaluations doivent être effectuées pendant une période minimale de 72 heures et se poursuivre jusqu’à 120 heures si le nouveau-né a été exposé à un opioïde à plus longue durée d’action[27], de même que pendant l’instauration, la durée et l’arrêt du traitement pharmacologique, s’il est prescrit[40]. Une diversité de ressources, de vidéos de formation, de modules d’autoapprentissage en ligne et d’approches de « formation du formateur » est désormais offerte pour former l’équipe soignante à effectuer une évaluation précise et uniforme du SAN et du SSNO[41][42]. Le document sur l’utilisation périnatale de substances psychoactives, en anglais, en est un exemple recommandé.
Plusieurs facteurs influent sur les résultats cliniques : la précision de l’évaluation, la cohabitation de la dyade, l’administration des soins dictée par le nouveau-né, le mode de prise en charge des symptômes, le milieu physique des soins ainsi que les connaissances et l’expérience du professionnel de la santé. Une participation multidisciplinaire (p. ex., par les soins infirmiers, la médecine néonatale, la pédiatrie, le travail social, la pharmacie, la nutrition et les services de soutien communautaire) est optimale pour la prise en charge des symptômes et l’octroi du congé au moment approprié[43]. Les objectifs thérapeutiques consistent à prévenir les complications associées au SAN et au SSNO et à rétablir les activités normales du nouveau-né telles que le sommeil, une alimentation suffisante pour la croissance et la prise de poids, ainsi que l’adaptation à l’environnement.
La séparation de la dyade est nuisible à l’attachement précoce et à l’établissement des liens. Les publications appuient le maintien des mères ou des parents qui ont accouché et qui sont dépendants des opioïdes avec leur nouveau-né dès la naissance, grâce à des pratiques comme la cohabitation[44]-[48]. La cohabitation est associée à d’autres avantages, soit un moins grand nombre d’admissions en soins intensifs, un plus fort taux d’instauration de l’allaitement ou d’alimentation par du lait humain, un moins grand recours à la pharmacothérapie et des séjours hospitaliers plus courts[44]-[48]. Le modèle de cohabitation devrait être priorisé dès que le nouveau-né est à terme ou presque à terme, que son état médical est stable, que la mère ou le parent qui a accouché est en mesure d’être le principal responsable des soins et que les ressources sont en place pour soutenir à la fois la famille et les professionnels de la santé[48].
La prise en charge initiale en est d’abord une de soutien parce que les interventions médicales peuvent prolonger l’hospitalisation, perturber la cohabitation ou soumettre le nouveau-né à la prise de médicaments inutiles. Il est démontré que les interventions non pharmacologiques peuvent réduire les effets du sevrage et devraient être entreprises dès l’accouchement[3][48]. Des soins peau-à-peau, des soins dictés par le nouveau-né, un emmaillotage sécuritaire, un réveil en douceur, un milieu calme, une stimulation minimale, un éclairage tamisé et un positionnement adapté au développement en sont des exemples[24][48][49].
L’allaitement ou l’alimentation par du lait humain exprimé doivent être encouragés, car ils peuvent retarder l’apparition des symptômes de sevrage et en limiter la gravité tout en réduisant la nécessité d’un traitement pharmacologique[50][51]. Les mères ou les personnes qui ont accouché et sont séronégatives au VIH, qui suivent un traitement établi par agonistes opioïdes et ne consomment pas de substances psychoactives non réglementées doivent être soutenues dans leur choix d’allaiter[17]. L’allaitement procure l’alimentation optimale, favorise l’attachement et facilite la confiance et la compétence des parents. Lorsqu’elles ont été ESG, les mères et les personnes qui ont accouché peuvent avoir besoin d’un soutien supplémentaire puisqu’elles sont moins susceptibles d’instaurer l’allaitement ou l’alimentation par du lait humain exprimé et plus susceptibles d’y mettre rapidement un terme[48][52][53]. Les nouveau-nés qui prennent peu de poids à cause d’une alimentation perturbatrice (ou perturbée) peuvent profiter de suppléments pour accroître leur apport calorique ou leur apport liquidien total[54].
Les nouveau-nés dont les symptômes de sevrage persistent malgré l’optimisation des soins non pharmacologiques ou qui ne sont pas en mesure de manger, de dormir en continu ou d’être consolés auront probablement besoin d’une intervention pharmacologique[42]. Lors d’un traitement pharmacologique, il est courant de mettre le nouveau-né, et idéalement la dyade, en surveillance et en observation cardiorespiratoire ou de lui offrir un niveau de soins plus élevé si l’état du nouveau-né est instable sur le plan médical. Un centre canadien a réussi à organiser l’instauration de morphine par voie orale dans une unité postnatale sans surveillance continue, et ce, sans que des événements indésirables s’ensuivent[55][56]. Si le nouveau-né est séparé de sa mère ou du parent qui a accouché, il doit reprendre la cohabitation dès que son état le permet[46][48]. Plusieurs agents pharmacologiques ont été utilisés pour traiter le SSNO, mais les données probantes tirées des études cliniques sont insuffisantes pour déterminer quel traitement est optimal (tableau 3)[27][42][57]-[64].
Une analyse Cochrane effectuée en 2021 pour évaluer les traitements pharmacologiques a établi que le recours à un opioïde était associé à une diminution des échecs thérapeutiques par rapport au phénobarbital, au diazépam ou à la chlorpromazine[65]. La morphine et la méthadone demeurent les médicaments de première ligne les plus utilisés [66] et semblent tout aussi sécuritaires et efficaces. La morphine et la méthadone présentaient des taux similaires d’échec thérapeutique, d’instauration de l’allaitement ou d’alimentation par du lait humain exprimé, d’événements indésirables et de placements en foyer d’accueil[65]. Quelques études ont fait état de séjours hospitaliers plus courts lors de la prise de méthadone plutôt que de morphine[67]-[70].
Les sédatifs non opioïdes peuvent être administrés comme traitements d’appoint aux opioïdes lorsque les symptômes de SSNO ne sont pas bien contrôlés à l’aide d’un seul médicament. Le phénobarbital et la clonidine sont les plus prescrits, mais les données sont insuffisantes pour déterminer lequel est préférable. Dans une étude de cohorte rétrospective, la durée de l’hospitalisation et du traitement à la morphine était plus courte chez les nouveau-nés qui recevaient du phénobarbital que chez ceux qui recevaient de la clonidine, sans modifier la dose maximale de morphine. Les nouveau-nés étaient plus susceptibles d’obtenir leur congé de l’hôpital s’ils prenaient encore du phénobarbital plutôt que de la clonidine[71]. Une analyse Cochrane de 2021 n’a établi aucune différence quant aux échecs de traitement chez les nouveau-nés qui recevaient du phénobarbital plutôt que de la clonidine comme traitement d’appoint aux opioïdes (deux études). Par ailleurs, les événements indésirables ne différaient pas entre ces deux sédatifs, mais cette observation reposait sur des données probantes très faibles[72]. Les effets neurodéveloppementaux à long terme de l’exposition au phénobarbital demeurent largement inconnus.
Le phénobarbital pourrait être le traitement d’appoint favorisé en cas de SAN découlant d’une exposition à de multiples substances psychoactives, y compris des sédatifs et des hypnotiques (benzodiazépines). L’analyse Cochrane de 2021 a comparé le phénobarbital au diazépam chez les nouveau-nés exposés aux opioïdes et à d’autres substances psychoactives et a observé un plus faible taux d’échec thérapeutique avec la prise de phénobarbital[72]. Bien qu’ils soient limités, les rapports de cas et les séries de cas de sevrage néonatal des benzodiazépines décrivent un traitement satisfaisant des symptômes grâce au phénobarbital[73].
Lorsque l’exposition aux opioïdes s’est produite pendant la période prénatale, pendant l’accouchement ou pour traiter un SSNO, la naloxone ne doit pas être administrée au nouveau-né ayant un SAN ou un SSNO parce que ce médicament peut exacerber le syndrome de sevrage sous-jacent, y compris l’apparition de convulsions[24][74].
Tableau 3. Le traitement pharmacologique du SAN et du SSNO |
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Médicaments |
Mécanisme d’action |
Dose |
Commentaires |
Morphine |
Agoniste des récepteurs mu |
0,03 à 0,05 mg/kg/dose toutes les 3 h ou 4 h, par voie orale. Accroître de 0,03 à 0,05 mg/kg/dose, au besoin[58]. Les sevrages sont variables et propres aux patients : réduire de 10 % à 20 % toutes les 24 h à 48 h, selon la tolérance. |
Demi-vie[57] : Nouveau-nés prématurés : 9 h Nouveau-nés à terme : 6,5 h Le plus utilisé en première ligne. La pratique varie. La dose indiquée désigne une plage générale initiale. |
Méthadone |
Agoniste des récepteurs mu; antagoniste des récepteurs N-méthyl-D-aspartate |
0,05 à 0,1 mg/kg/dose toutes les 6 h à 12 h, par voie orale. Accroître de 0,05 mg/kg toutes les 24 h à 48 h. Sevrage : Réduire de 10 % à 20 % toutes les 24 h à 48 h, selon la tolérance. |
Demi-vie[59-61] : de 14 h à 44 h Utilisée dans de nombreux pays en première ligne lorsque la mère ou la personne qui a accouché prend de la méthadone. Un dosage adapté aux symptômes (PRN), conforme au modèle MDC, peut être envisagé. |
Phénobarbital |
Agoniste des récepteurs de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) |
Dose de charge (facultative) : de 10 à 20 mg/kg, par voie orale. Dose d’entretien : 5 mg/kg/jour, par voie orale, en une dose ou divisés en deux doses. Sevrage : Réduire de 10 % à 20 % toutes les 24 h à 48 h une fois les symptômes bien contrôlés. |
Nouveau-né prématuré : 140 h Nouveau-né à terme : 100 h Diminue avec l’âge : 67 h à 4 semaines de vie Peut être utilisé conjointement avec des opioïdes, notamment en cas d’utilisation de multiples substances, y compris les benzodiazépines. |
Clonidine |
Agoniste des récepteurs alpha-2 adrénergiques |
0,5 à 1 mcg/kg/dose toutes les 4 h à 6 h, par voie orale Selon des données limitées, la dose d’entretien peut être titrée à un maximum de 2 mcg/kg/dose toutes les 4 h. Sevrage : Réduire de 25 % de la dose quotidienne totale tous les deux jours (de toutes les 4 h à 6 h × 48 h à toutes les 8 h × 48 h, puis à toutes les 12 h × 48 h au coucher avant de mettre un terme au traitement). |
Demi-vie[64] : 17 h Option conjointement avec les opioïdes, notamment en présence de symptômes de SAN du système nerveux autonome. Un arrêt abrupt peut provoquer une hausse rapide de la tension artérielle et de la fréquence cardiaque. Un sevrage graduel est recommandé. |
Note : Il est recommandé que les organisations préparent et respectent des protocoles standardisés pour prendre le SAN en charge, y compris le traitement et le dosage pharmacologiques[27][42].
MDC manger, dormir, consoler; h heures; PRN selon les besoins
Le secret d’une transition réussie dans la communauté consiste à garantir la continuité des soins et à assurer une planification avancée en prévision du moment où les critères de congé seront respectés. La durée du séjour hospitalier varie selon l’exposition aux substances psychoactives pendant la période prénatale, la gravité des symptômes de sevrage, la nécessité d’administrer un traitement pharmacologique et les facteurs sociaux[75][76]. Lorsqu’il n’est pas nécessaire de recourir à la pharmacothérapie dans les 72 heures lors de la prise d’opioïdes à courte durée d’action et dans les 120 heures lors de la prise d’opioïdes à longue durée d’action, le nouveau-né est admissible au congé[28][77]. Une planification personnalisée du congé doit inclure une orientation appropriée de la famille ou du responsable du nouveau-né vers un professionnel des soins primaires au courant de la prise en charge du SAN ou du SSNO qui suggérera des ressources locales de soutien et une évaluation neurodéveloppementale du nouveau-né. Il est essentiel de communiquer avec la famille du nouveau-né et avec le professionnel des soins primaires au sujet de la planification du congé et du suivi[47][78]. Les orientations en milieu communautaire doivent être adaptées à la culture et peuvent inclure des programmes de traitement continu des substances psychoactives, des services de santé publique aux enfants (p. ex., programmes à la petite enfance), un travailleur en soutien communautaire, des programmes de développement des nourrissons et des groupes d’entraide parentale[8].
Récemment, certains praticiens ont décidé de donner congé dans la communauté aux nouveau-nés qui recevaient un traitement pharmacologique, afin qu’ils y poursuivent leur sevrage. Une petite étude canadienne[79] a comparé le sevrage de la morphine en milieu hospitalier à celui en milieu communautaire de deux groupes ayant été exposés aux opioïdes de façon similaire pendant leur grossesse et dont les caractéristiques initiales étaient semblables. Le sevrage dans la communauté (32 jours dans la communauté par rapport à 19 jours à l’hôpital) était associé à un moins grand nombre de nouvelles visites à l’hôpital pour prendre en charge le SAN ou le SSNO (2 % plutôt que 14 %). De plus, le congé dans la communauté assorti à une stratégie de sevrage permettait d’épargner la somme estimative de 11 000 $ par nouveau-né. Une analyse systématique canadienne[80] a porté sur le sevrage dans la communauté, dont les avantages incluaient un séjour hospitalier plus court (de 7,9 à 18,9 jours dans la communauté par rapport à 15,7 à 39,6 jours à l’hôpital). Grâce à des mesures de soutien appropriées, une approche dans la communauté permet de réussir la transition sans augmentation des événements indésirables à la maison ou des réhospitalisations. Des taux accrus d’allaitement ou d’alimentation par du lait humain exprimé étaient également observés lorsque les nouveau-nés étaient sevrés de leur pharmacothérapie en milieu communautaire[81]. Les professionnels de la santé en milieu hospitalier doivent s’assurer que le nouveau-né peut tolérer la baisse graduelle de la pharmacothérapie avant son congé, lui assurer l’accès aux médicaments nécessaires et prévoir un plan de sevrage que le professionnel de la santé communautaire et la famille suivront à la maison.
Les auteurs souhaitent saluer et remercier le docteur Thierry Lacaze-Masmonteil et Pat O’Flaherty pour leur document de principes de 2018 intitulé La prise en charge des nouveau-nés dont la mère a pris des opioïdes pendant la grossesse, qui est la source du présent document de principe, lequel a été révisé par le comité de la pédiatrie communautaire et par le comité de la santé des Premières Nations, des Inuits et des Métis de la Société canadienne de pédiatrie.
COMITÉ D’ÉTUDE DU FŒTUS ET DU NOUVEAU-NÉ DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE (2023-2024)
Membres : Michael Narvey MD (président), Heidi Budden MD (représentante du conseil), Souvik Mitra MD M. Sc., Eugene Ng MD, Gabriel Altit MD, Nicole Radziminski MD, Anne-Sophie Gervais MD (membre résidente)
Représentants : William Ehman (Le Collège des médecins de famille du Canada), Chantal Nelson (Agence de la santé publique du Canada), Eric Eichenwald (American Academy of Pediatrics, comité d’étude du fœtus et du nouveau-né), Douglas Wilson (La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada), Isabelle Milette (Association canadienne des infirmières et infirmiers en néonatologie), Emer Finan MBBCH (section de la médecine néonatale et périnatale de la SCP)
Auteurs : Michael Narvey MD, Danica Hamilton inf. M. Sc. inf. MBA, Vanessa Paquette B. Sc. (pharm.) ACPR D. Pharm.
Financement
Aucun financement n’a été accordé pour la préparation du présent manuscrit.
Conflits d’intérêts potentiels
Aucun auteur n’a déclaré de conflits d’intérêts.
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 20 janvier 2025
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