Document de principes
Affichage : le 11 janvier 2024
Gabriel Altit MD, Danica Hamilton inf., Karel O’Brien MD M. Sc., Comité d’étude du fœtus et du nouveau-né
Les soins peau-à-peau (SPP) sont un aspect important des soins au parent et au nourrisson pendant la période néonatale et la première enfance. Ils doivent être entrepris immédiatement après la naissance et faire partie des soins standards dans tous les milieux, y compris à la maison. Selon de solides données probantes, les SPP ont un effet positif sur l’allaitement et l’alimentation par du lait humain, tant chez les nourrissons à terme que prématurés, de même que sur la mortalité, la stabilité cardiorespiratoire et la thermorégulation. Les SPP réduisent la douleur et le stress chez les nourrissons, accroissent l’attachement entre le parent et son nourrisson et ont des effets bénéfiques sur le neurodéveloppement de l’enfant ainsi que sur la santé mentale des parents. Le caractère sécuritaire et la faisabilité des SPP sont établis chez les nourrissons à terme et prématurés, et ces soins sont recommandés dans le cadre d’une pratique exemplaire auprès de tous les nourrissons. Les avantages des SPP sont supérieurs aux risques dans la plupart des situations, et malgré les défis qui y sont associés, les dispensateurs de soins devraient adopter des protocoles et prévoir des adaptations pour s’assurer que les SPP soient offerts, de manière que le parent, la famille, le nourrisson et l’équipe soignante vivent une expérience sécuritaire et positive. Le présentA document de principes s’adresse à toutes les familles, telles qu’elles se définissent et se déterminent elles-mêmes, et tiennent compte de l’importance de personnaliser la communication, le langage et la terminologie en matière de santé pour que l’équipe soignante réponde aux besoins particuliers de la famille.
Mots-clés : allaitement; méthode kangourou; neurodéveloppement; soins peau-à-peau
Les soins peau-à-peau (SPP), qu’on appelle également « méthode kangourou » (MK), sont une pratique exemplaire importante pendant la période néonatale et devraient faire partie de la norme des soins pour tous les nouveau-nés en salle d’accouchement, en contexte postpartum, néonatal, pédiatrique et communautaire, de même qu’à la maison. Ils font partie intégrante de l’adaptation du nouveau-né à la vie postnatale, aident les parents à amorcer l’alimentation par du lait humain et l’attachement et améliorent le développement et la stabilité physiologique[1][2]. Les SPP peuvent être exercés à la fois en milieu de soins et à la maison, et il faut en renforcer l’importance après le congé de l’hôpital grâce à l’éducation de la famille et au soutien de l’équipe soignante. Cette intervention sécuritaire et peu coûteuse a de multiples effets bénéfiques démontrés pour les nouveau-nés, à la fois dans les pays à faible revenu, à revenu intermédiaire et à revenu élevé, et mérite de devenir une norme mondiale des soins[3].
Les SPP doivent commencer immédiatement après la naissance, quel que soit le mode d’accouchement (voie vaginale ou césarienne; tableau 1). Le nouveau-né est couché en décubitus ventral sur l’abdomen ou la poitrine nu du parent qui vient d’accoucher, sans vêtements pour les séparer. À moins que le nouveau-né ait besoin d’une réanimation néonatale avancée, ce contact devrait se poursuivre sans interruption, au moins pendant la première heure suivant l’accouchement[4], ce qui correspond à la période nécessaire pour que le nouveau-né transitionne par les phases comportementales innées qui mènent au premier allaitement[5]-[8]. Afin de favoriser une adaptation extra-utérine optimale et l’adaptation à l’alimentation par du lait humain, les SPP doivent être offerts prioritairement par le parent qui a accouché. Si ce parent se trouve dans un état instable, une autre personne désignée par le parent ou la famille peut les entreprendre.
Après le premier contact, les SPP peuvent se poursuivre en couchant le nouveau-né en décubitus ventral, vêtu seulement d’une couche, sur la poitrine nue de son parent. Si le nouveau-né est prématuré ou de petit poids, il faut soutenir les parents pour qu’ils fournissent des SPP aussi souvent et aussi longtemps qu’ils le peuvent et le désirent[4]. Une récente analyse des données probantes a incité l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à recommander d’entreprendre les SPP le plus rapidement possible après la naissance au sein de cette population, puis à prolonger le contact au moins huit heures par jour ou le plus longtemps possible (jusqu’à 24 heures par jour)[4]. Les SPP peuvent être interrompus si l’état du nouveau-né ou du parent qui a accouché devient instable ou si celui-ci est trop fatigué pour tenir le nouveau-né de manière sécuritaire. Dans ces situations, les SPP peuvent être assurés par l’autre parent ou une autre personne désignée.
Les soins mère kangourou (SMK) désignent un contact peau-à-peau précoce, continu et prolongé entre le parent qui a accouché et son nouveau-né, ainsi qu’une alimentation exclusive par du lait humain, même si les termes SPP, MK et SMK sont utilisés de manière pratiquement interchangeable[1]. Les SMK ont vu le jour à Bogotá, en Colombie, en réaction aux ressources limitées et au taux élevé de décès néonatals[9]. Les SMK sont également définis par des SPP ou une MK précoces et continus donnés aux nouveau-nés prématurés ou de petit poids à la naissance par le parent qui a accouché, et ce, pendant des périodes prolongées pouvant atteindre 24 heures par jour, accompagnés d’une alimentation exclusive par du lait humain, un congé précoce et la poursuite de ces soins à la maison[9]. L’équipe soignante joue un rôle de soutien important, car elle fournit de l’information respectueuse de la culture au sujet des SPP ainsi que l’équipement et les ressources nécessaires pour répondre aux besoins particuliers de la famille. Il incombe également à l’équipe soignante de décrire l’importance des SPP et d’en faciliter l’utilisation auprès de tous les nouveau-nés, quels que soient les modalités d’alimentation[10] et les soins à leur administrer[11] (tableau 2).
De solides données probantes tirées d’études randomisées et contrôlées et d’analyses systématiques corroborent les effets positifs des SPP sur pratiquement tous les résultats décrivant l’adoption du lait humain pour l’alimentation des nourrissons à terme et prématurés. Des études sur les nourrissons peu prématurés associaient les SPP à une augmentation du taux d’allaitement exclusif entre le congé et un mois de vie ainsi qu’à toute fréquence d’allaitement entre un et quatre mois de vie[5]. Selon des analyses systématiques et une méta-analyse, les SPP en milieu néonatal (y compris auprès des nourrissons prématurés) accroissaient le taux d’allaitement exclusif de manière significative au moment du congé et des suivis à l’âge de un, trois et quatre mois[1]-[3],[12][13]. Il est démontré que les SPP, même s’ils sont donnés pendant de courtes périodes ne dépassant pas une heure, accroissent la durée de toute forme d’allaitement[1][2]. De plus, les SPP sont associés à de plus forts volumes de lait humain exprimé et jouent un rôle important pendant la transition des nourrissons de l’alimentation par sonde à l’allaitement[2].
Une analyse systématique a démontré que les nouveau-nés qui reçoivent des SPP présentent invariablement des taux de mortalité plus faibles, et ce, dans diverses populations de nouveau-nés de pays aux profils économiques variés[3]. Une autre étude systématique réalisée surtout dans des pays à faible revenu ou à revenu modéré a établi que les nouveau-nés prématurés dont l’état s’était stabilisé et qui recevaient des SPP voyaient leur taux de mortalité diminuer[12]. Une vaste étude randomisée et contrôlée récente a démontré que les nouveau-nés dont le poids se situait entre 1,0 kg et 1,799 kg et qui recevaient des SMK constants amorcés immédiatement après la naissance voyaient leur survie néonatale augmenter de 25 % par rapport à ceux ayant commencé à recevoir des SMK après la stabilisation[14]. Les trois études ont également fait état d’une diminution des taux observés d’hypothermie et de sepsis présumé, qui peuvent expliquer au moins en partie le plus faible taux de mortalité au sein de cette population[3],[12],[14].
Des études ont porté sur les effets des SPP sur la physiologie et l’adaptation des nouveau-nés. Dans deux études, ceux qui avaient reçu des SPP obtenaient de meilleurs scores globaux en matière de stabilité cardiorespiratoire[5]. Une récente analyse systématique des publications scientifiques a évalué uniquement les effets des SPP sur la stabilité physiologique du nouveau-né (notamment, la thermorégulation et la stabilisation). Les SPP amorcés immédiatement après la naissance étaient liés à la stabilisation des paramètres physiologiques, y compris la température, l’oxygénation et la fréquence cardiaque[15]. La sécurité et la faisabilité des SPP en milieu hospitalier ont été établies chez les nouveau-nés modérément (32 à 34 semaines d’âge gestationnel) et extrêmement (moins de 28 semaines d’âge gestationnel) prématurés, et les SPP ont été recommandés comme norme des soins dans les unités de haute et basse technologie[16]. Selon une autre analyse systématique, ils pourraient assurer une protection contre l’apnée du prématuré[17].
Il est démontré que de multiples facteurs influent sur la colonisation microbienne chez les nourrissons prématurés, y compris le recours aux antibiotiques, la consommation de lait humain et le mode d’accouchement[18]. On comprend mal le rôle des SPP dans la modification du microbiote intestinal et leurs effets sur les risques de sepsis et le développement du cerveau du nourrisson. On sait toutefois que les nourrissons prématurés qui reçoivent des SPP sont colonisés par les bactéries de leur mère, ce qui contribue à réguler leur microbiome et à réduire leur colonisation par des bactéries pathologiques après la naissance[19]-[21]. Il faut toutefois respecter les directives locales en matière de prévention et de contrôle des infections pour éviter la transmission nosocomiale ou horizontale des infections aux nourrissons.
De multiples analyses ont confirmé l’efficacité des SPP à soulager la douleur attribuable à des interventions chez les nouveau-nés à terme[22],[23] et prématurés[22], particulièrement lorsqu’ils sont combinés à l’allaitement. Par exemple, des SPP d’une durée d’au moins dix minutes avant une injection intramusculaire réduisent la réaction des nouveau-nés à terme à la douleur[23].
Des recherches en psychologie du développement et en santé mentale du nourrisson confirment la fonction essentielle de régulation que procure au nourrisson la présence du parent qui a accouché et le toucher parental. Dans les publications scientifiques, les principaux indicateurs de stress incluent la variabilité de la fréquence cardiaque du nourrisson, les taux de cortisol et d’ocytocine du nourrisson et de la mère et les questionnaires qui mesurent le stress de la mère[24]. Les données probantes indiquant que les SPP peuvent réguler le stress du nourrisson sont mitigées. Les protocoles des SPP variaient selon les études, et bon nombre d’entre elles comportaient un petit échantillon de sujets, différents critères d’inclusion et d’exclusion ou des groupes témoins hétérogènes[25]. Cependant, selon une récente analyse des données probantes, les SPP atténuent la variabilité de la fréquence cardiaque des nourrissons, réduisent leur taux de cortisol et accroissent leur taux d’ocytocine; tous ces effets appuient l’utilisation des SPP pour réduire le stress et comme élément essentiel de soins hospitaliers de qualité[26].
Les nourrissons prématurés sont plus à risque de présenter des différences neurodéveloppementales, qui peuvent se manifester de diverses façons[27], y compris une modification du fonctionnement de l’axe hypothalamo-surrénalien[28]. Selon certaines études, en milieu hospitalier, l’exposition du nourrisson à des actes médicaux nécessaires, mais stressants, la séparation d’avec ses parents et les interventions douloureuses auxquelles il est exposé sont tous des éléments qui contribuent à perturber la maturation du cerveau prématuré[29][30]. Cependant, d’après des recherches sur des modèles animaux, lors des interventions douloureuses, les soins et le soutien apportés au parent qui a accouché peuvent également contribuer à atténuer les effets négatifs du séjour hospitalier sur le cerveau en développement du nourrisson, en partie en accroissant la sécrétion d’ocytocine, un neuropeptide qui amplifie les effets tampons du soutien social sur la réponse au stress. Par ailleurs, des études ont démontré que les nourrissons qui reçoivent des SPP présentent une organisation du sommeil plus mature, un meilleur cycle de sommeil et un développement de l’électroencéphalographie à amplitude intégrée (EEGa) plus normal[31].
Une récente étude randomisée et contrôlée réalisée en Chine[32] a confirmé encore davantage l’effet des SPP sur le développement du nourrisson. Dans cette étude, les chercheurs ont comparé des nourrissons du groupe témoin qui n’avaient pas eu d’interactions avec leurs parents (conformément à la norme de soins dans cette unité néonatale) à des nourrissons du groupe d’intervention qui avaient reçu des SPP au moins une heure par jour pendant 14 jours. Ainsi, l’EEGa, les résultats neurocomportementaux aux jours sept et 14 et les résultats de l’évaluation comportementale et neurologique à l’âge de trois et six mois étaient plus satisfaisants chez les nourrissons qui avaient reçu des SPP que dans le groupe témoin. Il a également été démontré que les SPP améliorent la croissance générale du nourrisson[33] ainsi que les taux d’allaitement et d’alimentation par du lait humain, des effets qui ont une incidence positive sur le cerveau en développement du nourrisson. D’après des données émergentes, le contact visuel et vocal précoce avec les parents, facilité par les SPP, favorise le développement de l’attachement et de l’harmonisation entre le nourrisson et ses parents, et même du langage dans le cadre des premières étapes du développement et de la santé relationnelle[34]-[36].
Chez les nouveau-nés exposés à des substances psychoactives in utero qui présentent un syndrome d’abstinence néonatale (ou un syndrome néonatal de sevrage des opioïdes) ou sont susceptibles d’en présenter un, le contact assuré par les SPP est d’abord une intervention non pharmacologique de gestion des symptômes [37-39]. Dans tous les cas, les SPP réguliers encouragent la réceptivité et l’attachement des parents [40]. Les SPP favorisent de meilleurs profils de sommeil et sont associés à la fois à une diminution des besoins de traitement pharmacologique et de la durée du séjour hospitalier chez les nouveau-nés.
Les SPP donnent aux parents des occasions d’interactions positives avec leur nourrisson, même en soins intensifs. De l’ocytocine est libérée en réaction aux SPP avec le parent qui a accouché et l’autre parent, ce qui entraîne une baisse démontrée du stress et de l’anxiété[41]. La libération d’ocytocine encourage aussi l’attachement et l’harmonisation entre le parent et le nourrisson. Cette harmonisation incite les parents à se sentir plus en confiance et plus à l’aise de prendre soin de leur nourrisson[42]. Les analyses systématiques ont confirmé que les SPP ont un petit effet protecteur sur les scores de dépression chez les mères de nourrissons prématurés ou de petit poids à la naissance[43][44]. Selon une analyse, des interventions du parent qui n’a pas accouché auprès de son nourrisson en soins intensifs néonatals, notamment les SPP et d’autres contacts tactiles, avaient des effets positifs généraux démontrés, y compris sur la santé mentale de ce parent[45]. Les SPP sont une pratique exemplaire établie qui contribue au développement du nourrisson et à la santé relationnelle entre lui et ses parents.
Il y a déjà eu des cas de collapsus soudain et inattendu du nouveau-né associés aux SPP dans des milieux non surveillés, mais ils sont très rares (incidence estimative de 2,6 à 133 cas sur 100 000 nouveau-nés), l’inattention du parent (p. ex., à cause du manque de sommeil ou de l’épuisement) étant un facteur de risque possible[46][47]. La plupart des décès sont directement attribuables au fait d’être resté coincé, à une suffocation ou à une chute[48]. Cependant, un rapport reposant sur les données des Centers for Disease Control and Prevention a établi que l’adoption des SPP et de l’allaitement était temporellement associée à une baisse du risque de décès soudain et inattendu dans les six jours suivant la naissance[49]. Grâce à un soutien et des conseils appropriés aux parents, les SPP devraient faire partie des soins postnatals systématiques, même en milieu postopératoire.
Un membre de l’équipe soignante devrait maintenir la dyade parent-nouveau-né en observation constante immédiatement après la naissance, puis régulièrement pendant les soins postnatals[48]. Les parents devraient se faire enseigner à vérifier la respiration, l’activité, la coloration, le tonus et la position de leur nouveau-né, de même que l’absence de signe d’obstruction des voies respiratoires[48]. Si le nouveau-né est en bonne position pendant les SPP, son visage est visible, il a le cou droit ou en légère extension (position de reniflement) et la tête tournée sur le côté pour éviter de lui obstruer les voies respiratoires ou de lui couvrir la bouche. Les professionnels de la santé devraient évaluer la somnolence et l’épuisement des parents dans la foulée de l’expérience de l’accouchement et leur fournir un soutien approprié afin qu’ils offrent des SPP sécuritaires. Lorsqu’un parent a besoin de se reposer, le nouveau-né devrait être placé peau-à-peau sur l’autre parent (ou sur une autre personne éveillée et vigilante) ou, s’ils ne sont pas disponibles, dans une couchette, conformément à toutes les pratiques de sommeil sécuritaires[48]-[52].
Tableau 1. Les soins peau-à-peau immédiatement après un accouchement par voie vaginale ou par césarienne |
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Tableau 2. Des soins peau-à-peau continus accompagnés d’un soutien |
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La médication (prescrite ou non), la consommation de substances psychoactives et un traitement aux agonistes des opioïdes peuvent provoquer la somnolence ou le sevrage chez les parents. Il faut tenir compte de ces effets pour soutenir les SPP en toute sécurité[53]. Un counseling supplémentaire peut s’imposer pour assurer des SPP sécuritaires, et les échanges avec les parents ou les membres de la famille au sujet des risques doivent être francs tout en demeurant ouverts, respectueux et dénués de jugement. Éviter les paroles stigmatisantes et donner la priorité à l’individu (p. ex., « le parent qui consomme de l’alcool »). Ces échanges sont confidentiels et ne doivent être transmis qu’après avoir obtenu l’autorisation explicite du parent qui a accouché[53][54].
Selon des études chez les nouveau-nés prématurés (y compris les extrêmes prématurés), sur le plan clinique, les signes vitaux ou les besoins en oxygène ne fluctuent pas de manière significative avant et après les SPP[55]-[59], mais ceux-ci semblent favoriser une thermorégulation plus mature, une légère augmentation de la température et une amélioration de certaines variables physiologiques[59]-[61]. Les SPP n’accroissaient pas la fréquence ni la durée des épisodes d’apnée[62][63] ou la consommation d’oxygène[64]. La plupart des études reposaient sur des séances de SPP de 60 à 90 minutes.
Divers rapports ont confirmé la faisabilité des SPP chez les nouveau-nés prématurés et à terme qui sont intubés[55][57][58][65][66] ou sous ventilation assistée non invasive[58]. Aucunes données probantes ne portent sur les risques d’extubation non planifiée ou de délogement des tubulures pendant les SPP[55][66][67]. Pour plus de sécurité, certains préconisent la présence de deux travailleurs de la santé pour faciliter le transfert et s’assurer que l’équipement (p. ex., la tubulure pour ventilation assistée) est bien positionné[66]. Les SPP ont également été évalués chez 25 nouveau-nés en soins intensifs à cause d’une cardiopathie congénitale[68][69]. Pendant 60 séances de SPP d’une heure, aucun événement indésirable (y compris le délogement) n’a été constaté, malgré la présence de multiples tubulures, sondes, fils et cathéters. Des centres ont décrit avoir fourni des SPP systématiques sans problèmes aux nouveau-nés ayant un drain thoracique et sous ventilation, y compris la ventilation oscillatoire à haute fréquence[70] ou la ventilation par jet[71], ce qui démontre la faisabilité des SPP auprès des nouveau-nés gravement malades. Chez les extrêmes prématurés, le report des SPP peut être justifié pendant les 72 premières heures de vie, en raison d’inquiétudes relatives à la manipulation et à la neuroprotection. Cependant, la faisabilité d’offrir des occasions de SPP à cette population pendant la même période a également été confirmée, sans accroître le taux d’hémorragies intraventriculaires[72]. En milieu surveillé, une approche d’équipe interprofessionnelle s’impose pour déterminer si chaque nouveau-né est prêt à recevoir des SPP.
Les contre-indications relatives aux SPP incluent la présence d’une anomalie de la paroi abdominale ou du tube neural, l’instabilité postopératoire (ou une stabilité encore indéterminée), et une instabilité importante associée à la manipulation ou à une convalescence prolongée[70]. Pendant l’hypothermie thérapeutique, on peut tout de même envisager que le parent tienne son nourrisson[73][74]. Dans presque toutes les situations complexes sur le plan médical, les avantages des SPP sont supérieurs aux risques. Malgré les défis qui y sont associés, les dispensateurs de soins devraient adopter des protocoles et prévoir des adaptations pour s’assurer que les SPP soient offerts, de manière que le parent, la famille, le nourrisson et l’équipe soignante vivent une expérience sécuritaire et positive.
Les SPP ne devraient pas être considérés comme optionnels en milieu hospitalier, mais faire partie des soins essentiels aux nouveau-nés, même en milieu de soins à haute intensité. Puisque les SPP se généralisent, les praticiens responsables devront prévoir la présence de personnel empathique et formé, de l’équipement (p. ex., lit ou fauteuils pour un confort optimal, écrans d’intimité), du temps et de l’espace nécessaires[75]. Il faudrait qu’une équipe multidisciplinaire, incluant des familles ayant une expérience vécue, rédige les politiques et protocoles de leur établissement adaptés aux populations locales de patients (p. ex., unité de soins à haute intensité, pouponnière, unité d’hospitalisation standard). L’objectif consiste à promouvoir des occasions de SPP précoces et maximales pour les nouveau-nés et leur famille, tout en s’assurant que les parents et l’équipe soignante disposent des ressources appropriées. Certaines directives publiées, telles que celles qui sont citées dans le présent document à l’égard des soins après une césarienne[69][76], peuvent être adaptées aux conditions locales.
Le clinicien doit envisager des formations, des simulations et des exercices pratiques en compagnie des dispensateurs de soins et des parents dans une unité néonatale ou d’autres types de pouponnière, axés sur le transfert des nourrissons sous assistance respiratoire ou autre type d’assistance sur la poitrine d’un parent ou à partir de ce parent. La plupart des répondants à un sondage en ligne[77] auprès de dispensateurs de soins néonatals ont convenu qu’un dispositif d’aide aux SPP (p. ex., emmaillotage, tissu ou vêtement pour aider au bon positionnement pendant les SPP), qui permettent aux dispensateurs de soins d’accéder rapidement au nourrisson, aiderait le parent à se reposer pendant que le nourrisson est relié à un moniteur et pourrait améliorer l’expérience des parents à l’égard des SPP. Cependant, l’absence de tels dispositifs ne devrait jamais empêcher le recours aux SPP. Enfin, du personnel formé devrait être disponible en milieu de soins à haute intensité pour aider à transférer les nourrissons sous technologie d’assistance et pour surveiller les séances de SPP. Lorsque les SPP seront pleinement adoptés au Canada à titre de pratique exemplaire et de norme de soins, ils procureront une expérience sécuritaire, positive et bénéfique, tant pour les nourrissons que pour les parents.
Pour que les soins peau-à-peau (SPP) deviennent une pratique exemplaire établie auprès de tous les nourrissons dans tous les milieux néonatals et tous les domiciles, les recommandations suivantes s’appliquent :
Outre ce qui précède, l’équipe de soins néonatals devrait prendre les mesures suivantes :
Les auteurs tiennent à remercier Pamela Hamilton, qui a produit les images, et Laura N. Haiek, MD, M. Sc., qui a révisé et édité le manuscrit. Le comité des maladies infectieuses et d’immunisation, le comité de nutrition et gastroentérologie, le comité de la pédiatrie communautaire, le comité de la santé des Premières Nations, des Inuits et des Métis et le comité des soins aigus de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent document de principes. Les comités directeurs de la section de la médecine d’urgence pédiatrique, de la section de la pédiatrie du développement, de la section de la pédiatrie hospitalière et de la section de la santé des enfants et des adolescents dans le monde l’ont également révisé, de même que le groupe de travail de la petite enfance de la SCP et des membres du comité d’exercice clinique de l’Association canadienne des infirmières et infirmiers en périnatalité et en santé des femmes. Enfin, il a été révisé et approuvé par l’Association canadienne des infirmières et infirmiers en néonatologie.
COMITÉ D’ÉTUDE DU FŒTUS ET DU NOUVEAU-NÉ DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE (Juillet 2022)
Membres : Gabriel Altit MD, Anne-Sophie Gervais MD (membre résidente), Heidi Budden MD (représentante du conseil), Leonora Hendson MD (membre sortante), Souvik Mitra MD, Michael R. Narvey MD (président), Eugene Ng MD, Nicole Radziminski MD
Représentants : Eric Eichenwald MD (comité d’étude du fœtus et du nouveau-né, American Academy of Pediatrics), William Ehman MD (Le Collège des médecins de famille du Canada), Danica Hamilton inf. (Association canadienne des infirmières et infirmiers en néonatologie), Emer Finan MBBCH (comité directeur de la section de la médecine néonatale et périnatale de la SCP), Chantal Nelson Ph. D. (Agence de la santé publique du Canada), R. Douglas Wilson MD (La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada)
Auteurs: Gabriel Altit MD, Danica Hamilton inf., Karel O’Brien MD M. Sc.
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 11 juillet 2024
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