Document de principes
Affichage : le 15 mars 2022
Sarah D McDonald MD, Michael Narvey MD, William Ehman MD, Venu Jain MD PhD, Krista Cassell MD, Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, Société canadienne de pédiatrie, Comité d’étude du fœtus et du nouveau-né
J Obstet Gynaecol Can 2022;44(3):323-33.
Objectif : Évaluer l’effet du clampage retardé du cordon et de la traite du cordon ombilical sur les risques de mortalité et de morbidité maternelles et néonatales en contexte de grossesses monofœtale ou gémellaire.
Professionnels cibles : Fournisseurs de soins de maternité et néonataux.
Population cible : Femmes enceintes dont la grossesse monofœtale ou gémellaire est à terme ou avant terme.
Données probantes : Une recherche a été effectuée au moyen des bases de données Medline, PubMed, Embase et Cochrane Library, de leur création jusqu’à mars 2020, à partir de termes MeSH et de mots clés liés au clampage retardé du cordon et à la traite du cordon ombilical. Le présent document est un résumé des données probantes et non pas une revue méthodologique.
Méthodes de validation : Les auteurs ont évalué la qualité des données probantes et la force des recommandations en utilisant le cadre méthodologique d’évaluation, de développement et d’évaluation (GRADE). Voir l’annexe A en ligne (tableau A1 pour les définitions et tableau A2 pour l’interprétation des recommandations fortes et conditionnelles [faibles]).
Bénéfices, risques et coûts : Chez les prématurés de grossesse monofœtale, le clampage retardé de 60 à 120 secondes idéalement, mais d’au moins 30 secondes, réduit le risque de mortalité et de morbidité. Chez les jumeaux prématurés, le clampage retardé est associé à certains bénéfices. Chez les nourrissons de grossesse monofœtale à terme, le clampage retardé de 60 secondes améliore les paramètres hématologiques. Chez les très prématurés, la traite du cordon ombilical augmente le risque d’hémorragie intraventriculaire.
Prématuré : ≤ 37 semaines d’âge gestationnel
Grand prématuré : < 32 semaines d’âge gestationnel
Très grand prématuré : < 28 semaines d’âge gestationnel
AG | âge gestationnel |
CIC | clampage immédiat du cordon |
CRC | clampage retardé du cordon |
DM | différence moyenne |
ECN | entérocolite nécrosante |
ECR | essai clinique randomisé |
HIV | hémorragie intraventriculaire |
IC | intervalle de confiance |
RC | rapport de cotes |
RCIU | retard de croissance intra-utérin |
RR | risque relatif |
SA | semaines d’aménorrhée |
TCO | traite du cordon ombilical |
Pour faciliter leur mise en œuvre, les recommandations ciblent de façon distincte les prématurés et les nourrissons à terme. Les risques associés à la prématurité diminuent considérablement en corrélation avec l’avancement de l’âge gestationnel, de sorte que les bénéfices absolus du clampage retardé du cordon diminuent eux aussi.
Les pratiques exemplaires pour la prise en charge du cordon ombilical améliorent le transfert de sang du placenta au nouveau-né. Le clampage retardé du cordon (CRC) implique d’attendre avant de clamper le cordon, tandis que la traite du cordon ombilical (TCO) consiste à presser le sang le long du cordon vers le nourrisson, à une ou plusieurs reprises [1].Dans la présente déclaration, le terme clampage retardé du cordon exprime un choix de pratique et est utilisé au lieu du terme clampage tardif du cordon, qui laisse entendre qu’on a été lent à agir. Le CRC et la TCO aident à augmenter le volume sanguin pendant que les poumons du nourrisson se dilatent pendant la transition à la vie extra-utérine [1][2]. Les deux pratiques améliorent l’oxygénation, la pression artérielle et le taux d’hémoglobine et réduisent le risque d’ischémie pendant la transition de la circulation placentaire à la circulation pulmonaire [3][4].
La recherche a établi que les prématurés de grossesse monofœtale assignés aléatoirement au CRC avaient un taux de mortalité et de morbidité (y compris d’hémorragie intraventriculaire (HIV)) plus faible que celui observé dans le groupe des nouveau-nés soumis au clampage précoce du cordon [1][5]. Le CRC est de plus en plus connu et pratiqué au Canada, mais une minorité de nourrissons admissibles nés à moins de 32 semaines en ont bénéficié en 2018 [6]. La présente déclaration a été rédigée conjointement par des experts en obstétrique et en pédiatrie à partir des meilleures données probantes actuelles (figure 1) et met à jour les recommandations sur la prise en charge du cordon formulées par le comité d’étude du fœtus et du nouveau-né de la Société canadienne de pédiatrie (SCP) dans un document de principes publié en 2019 [7]. La directive clinique aborde notamment les issues maternelles, les contre-indications et les facteurs qui favorisent la pratique du CRC et de la TCO pour tous les nourrissons, mais surtout les prématurés, au Canada.
Une recherche documentaire a été effectuée pour répertorier les essais cliniques randomisés (ECR), les revues systématiques d’ECR et les études observationnelles. Une recherche a été effectuée au moyen des bases de données Medline, PubMed, Embase et Cochrane Library, de leur création jusqu’à mars 2020, à partir de termes MeSH et de mots clés liés au clampage retardé du cordon et à la traite du cordon ombilical. Les recommandations s’appuient sur : 1) le cadre décisionnel GRADE [8]; 2) la Grille d’évaluation de la qualité des recommandations pour la pratique clinique II (AGREE II) [9]; et 3) l’outil AGREE-Recommendation Excellence (AGREE-REX) qui évalue l’applicabilité clinique, les valeurs et préférences et la capacité de mise en œuvre des recommandations [10].
Le CRC réduit le risque de mortalité d’environ 30 % chez les très grands prématurés (âge gestationnel (AG) < 28 semaines) et les prématurés globalement. Deux récentes méta-analyses d’ECR ont révélé un risque relatif (RR) de 0,70 pour les très grands prématurés (intervalle de confiance (IC) à 95 % : 0,51-0,95) [5] et de 0,73 pour les prématurés globalement (IC à 95 % : 0,54-0,98)[1]. Bien que la réduction du risque relatif soit similaire chez les très grands prématurés et l’ensemble des prématurés en général, les risques associés à la prématurité diminuent considérablement à mesure que l’âge gestationnel augmente. Par conséquent, les bénéfices absolus du CRC diminuent également.
De plus, il a été démontré que le CRC diminue de façon significative les risques de morbidité, y compris le risque d’hémorragie intraventriculaire (HIV) (RR : 0,83; IC à 95 % : 0,70-0,99) [1] et d’entérocolite nécrosante (ECN) (RR : 0,59; IC à 95 % : 0,37-0,94) [11]. Les valeurs de pression artérielle moyenne [1] et d’hématocrite [5] étaient significativement plus élevées dans le groupe de CRC comparativement au groupe de CIC. Le CRC a également réduit de façon significative le recours à des interventions telles que la transfusion sanguine (RR : 0,66; IC à 95 % : 0,50-0,86) et le besoin d’inotropes (RR : 0,37; IC à 95 % : 0,17-0,81) [1].
Les rares effets indésirables associés au CRC sont l’élévation du pic de bilirubine (différence moyenne (DM) : 4,43 µmol/L; IC à 95 % : 1,15-7,71 µmol/L) et la polyglobulie chez les prématurés globalement (RR : 2,65; IC à 95 % : 1,61-4,37) [5]. Cependant, le recours à l’exsanguinotransfusion [5] ou à l’exsanguinotransfusion partielle [9] n’a pas augmenté de façon significative.
Le CRC n’est pas associé à l’hypothermie, ni dans les revues systématiques des données randomisées [1][5] ni dans les données observationnelles canadiennes [6].
Les bénéfices du CRC chez les prématurés de grossesse monofœtale se prolongent après la période néonatale. Une récente méta-analyse d’ECR a révélé que de 6 à 10 semaines après la naissance avant terme, le CRC avait légèrement augmenté l'hématocrite (DM : 1,09; IC à 95 % : 0,72-1,49) et le taux sérique de ferritine (DM : 0,38; IC à 95 % : 0,01-0,74) [12].
Les enfants nés à moins de 32 semaines et affectés aléatoirement au groupe de CRC à 120 secondes ou plus, en comparaison avec le groupe de CIC, présentaient un moindre risque de mortalité ou de devenir neurodéveloppemental défavorable à l’âge de 2 ans (critère composite; RR : 0,61; IC à 95 % : 0,39-0,96) [13].
La prévalence de l’hématocrite de moins de 45 % (seuil d’anémie pour l’étude) s’est avérée significativement plus faible chez les nourrissons affectés aléatoirement aux groupes de CRC à 60 ou 180 secondes comparativement à ceux du groupe de clampage à 15 secondes. Cependant, la prévalence d’un hématocrite d’au moins 65 % (seuil de polyglobulie pour l’étude) était significativement plus élevée en cas de CRC à 180 secondes (14,1 %) comparativement au clampage à 15 secondes (4,4 %), mais pas significativement plus élevée en cas de clampage à 60 secondes (5,9 %) [14]. Aucune différence significative n’a été observée pour la prévalence de l’admission à l’unité de soins intensifs néonataux (USIN) après un CRC à 15 secondes, à 60 secondes ou à 180 secondes (4,3 %, 5,5 % et 8,7 %, respectivement) [14].
La plupart des ECR sur le CRC chez les nourrissons à terme portent sur les plus longues durées de retardement du clampage [15]. Une méta-analyse d’ECR a observé que les nouveau-nés à terme affectés aléatoirement au clampage retardé d’au plus 60 secondes n’ont connu aucune amélioration des taux de mortalité ou de morbidité, y compris d’admission à l’USIN, comparativement à ceux affectés au CRC à plus de 60 secondes jusqu’à l’arrêt de la pulsation du cordon, quoique les nouveau-nés affectés au clampage retardé d’au plus 60 secondes ont présenté un taux d’hémoglobine légèrement plus faible (DM : -1,49 g/dL, IC à 95 % : -1,78 à -1,21 g/dL) et un risque significativement plus faible d’ictère nécessitant une photothérapie (RR : 0,62, IC à 95 % : 0,41-0,96) [15].
Chez les nourrissons de grossesse monofœtale à terme, les bénéfices du CRC après la période néonatale sont démontrés presque exclusivement dans les ECR sur le CRC à plus de 60 secondes. Ces essais montrent une amélioration significative des taux d’hémoglobine, de fer, de ferritine et de saturation de la transferrine avec de plus faibles taux de carence en fer à différents moments entre 4 et 12 mois (RR : 0,68; IC à 95 % : 0,49-0,94 dans une méta-analyse de 20 ECR) [12].
À 4 ans, les enfants affectés aléatoirement au CRC (> 180 secondes par rapport au CIC) ont obtenu de meilleurs scores de motricité fine et de développement social, mais aucune différence n’a été relevée quant au quotient intellectuel (QI) ou à 15 autres critères [16].
Il existe peu de données sur la prise en charge du cordon chez les jumeaux prématurés, car elles se limitent à un seul ECR de faible envergure [17] (80 jumeaux, dont 55 issus de grossesses monochoriales) et à deux études de cohortes [18][19]. Une méta-analyse révèle qu’aucun des quatre essais incluant des jumeaux n’avait stratifié les résultats d’après ce paramètre [5]. Une étude observationnelle canadienne a constaté certains bénéfices chez les 624 jumeaux ayant reçu le CRC comparativement à un nombre plus élevé de jumeaux ayant reçu le CIC [20]. Bien que le CRC n’a été associé à aucune différence dans les taux de mortalité ou de lésion cérébrale grave (rapport de cotes ajusté (RCa) : 1,07; IC à 95 % : 0,78-1,47), il a été associé à une diminution du besoin de transfusion (coefficient ajusté : -0,49; IC à 95 % : -0,86 à -0,12). Dans cette étude, le CRC a aussi été associé à une réduction du risque d’intubation en salle d’accouchement (RCa : 0,53; IC à 95 % : 0,42-0,68), du besoin de ventilation mécanique (RCa : 0,51; IC à 95 % : 0,39-0,67) et de la durée du séjour à l’USIN (coefficient ajusté : -4,17; IC à 95 % : 8,15 à -0,19) [20] bien que ces résultats puissent se rapporter davantage aux nourrissons stables à la naissance qui reçoivent le CRC. Dans une cohorte de jumeaux de moins de 32 semaines d’AG, le CRC a été associé à des taux significativement plus faibles de transfusion érythrocytaire et d’administration de surfactants [18]. Aucune étude n’a stratifié les résultats selon que les grossesses gémellaires étaient monochoriales ou bichoriales, même si la plupart n’ont pas exclu les jumeaux de grossesses monochoriales [17]-[20].
Les études sur les jumeaux à terme ne portent pas exclusivement sur les jumeaux ou ne comportent aucune stratification des données sur les jumeaux lorsqu’ils étaient inclus [15].
Les utérotoniques augmentent le tonus utérin pour prévenir l’hémorragie post-partum. On les administre en prophylaxie, car ils s’avèrent très importants pour réduire les risques de morbidité et mortalité maternelles. Toutefois, chez les prématurés, on craint que l’utilisation d’utérotoniques IV pour prévenir l’hémorragie post-partum puisse entraîner une transfusion placentaire trop rapide [21] ou, inversement, une diminution du débit sanguin secondaire à la contraction utérine [3][22].
On connaît peu de choses sur les effets des utérotoniques chez le nourrisson. Une étude réalisée dans les années 1960 a montré qu’en l’absence d’utérotoniques, la transfusion de sang placentaire vers le nourrisson passe d’environ 25 % à 15 secondes, à environ 50 % à 60 secondes et à une transfusion quasi complète à 2 à 3 minutes [21].
Le moment optimal pour administrer un utérotonique prophylactique en relation avec le CRC n’est pas encore clair, car il varie dans les essais entre le moment suivant l’extraction de l’épaule antérieure et le moment suivant le clampage du cordon [1][15]. Une méta-analyse remarque que le moment de l’administration d’ocytocine, quelle que soit la voie d’administration, n’a aucun effet significatif sur les issues maternelles, mais les données demeurent limitées [23]. Dans deux méta-analyses, les analyses de sous-groupes établis en fonction de l’administration des utérotoniques avant ou après le CRC [5][15] n’ont relevé aucune différence significative quant aux risques de mortalité ou morbidité néonatales chez les prématurés [6] et les nourrissons à terme [11], mais cette observation repose sur des données limitées.
Étant donné le risque potentiel d’une transfusion placentaire trop rapide et le manque de données probantes de puissance suffisante pour suggérer un moment d’administration optimal, il y a lieu de ne pas administrer les utérotoniques IV prophylactiques avant le clampage du cordon en cas d’accouchement avant terme [24]. Les monographies des utérotoniques indiquent un début d’action presque immédiat lorsqu’ils sont administrés par voie intraveineuse. En cas d’accouchement avant terme, il est donc recommandé d’attendre que le cordon soit clampé avant d’administrer un utérotonique [25]. Étant donné que le délai d’action de l’ocytocine intramusculaire est plus lent, il peut être raisonnable d’administrer ce médicament sans délai ou d’attendre jusqu’au clampage du cordon en l’absence d’hémorragie importante ou de risque d’hémorragie [25]. Pour les accouchements à terme, lorsque le risque d’hémorragie post-partum maternelle est élevé, que les bénéfices du CRC sont moindres et que le risque d’une transfusion placentaire trop rapide est faible, il ne faut pas retarder l’administration d’utérotoniques. Il faut plutôt les administrer dès la sortie de l’épaule antérieure du dernier nourrisson.
La durée optimale de retardement du clampage n’a pas encore été déterminée, bien que le délai le plus courant soit d’au moins 60 secondes [1][5] et puisse aller jusqu’à 180 secondes [26]. Chez les prématurés, une récente méta-analyse Cochrane de 25 ECR montre une variété de délais étudiés : 30-59 secondes (10 essais), 60-120 secondes (6 essais), > 120 secondes (3 essais) et protocoles mixtes ou inconnus (6 essais) [1]. Pour les quelques essais où le clampage était le plus retardé, le délai est décrit comme supérieur à 120 secondes chez les nourrissons de 30 à 36 semaines [27], de 120 à 180 secondes chez les nourrissons de 29 à 42 semaines (AG moyen de 38 semaines) [28] et de 180 secondes chez ceux de 34 à 36 semaines [26]. Malgré cette méta-analyse, il n’a pas été possible d’établir un délai optimal.
Les essais de grande envergure en cours devraient permettre de déterminer si les prématurés nécessitant une stabilisation peuvent bénéficier que l’on retarde le clampage du cordon pendant plus longtemps. Des études de petite envergure ont démontré qu’il était possible de stabiliser des prématurés avec une circulation placentaire intacte pendant plus de 4 minutes [9], et des résultats similaires ont été obtenus pour plusieurs paramètres en comparaison avec le CRC à 30 à 60 secondes. Cependant, le délai de plus longue durée a entraîné une réduction du pH ombilical [29], une augmentation du risque d’hypothermie (48,6 %) et un risque beaucoup plus élevé d’hyperbilirubinémie nécessitant une photothérapie (94,6 %) [9].
Dans le cadre d’une méta-analyse d’ECR, les nourrissons à terme ayant reçu le clampage retardé d’au plus 60 secondes (comparativement à > 60 secondes, jusqu’à l’arrêt de la pulsation du cordon) présentaient une réduction significative du risque d’ictère nécessitant une photothérapie (RR : 0,62; IC à 95 % : 0,41-0,96) [15].
Pour les nourrissons ayant besoin de réanimation, des essais ont établi que la réanimation à cordon intact est réalisable tant chez les prématurés [9][30][31] que chez les nourrissons à terme [32]. Par rapport au CIC, le CRC a entraîné une amélioration significative de la saturation en oxygène et de la fréquence cardiaque chez un ensemble de nourrissons à terme et prématurés présentant une dépression respiratoire à la naissance [33]. La pression artérielle moyenne et la saturation en oxygène dans les tissus cérébraux se sont aussi améliorées chez les nourrissons ayant bénéficié d’une réanimation à cordon intact comparativement à ceux ayant reçu le CRC à 60 secondes sans réanimation à cordon intact [34]. Des essais de plus grande envergure sont en cours pour valider ces résultats.
En raison de la faible pression veineuse ombilicale, la plupart des essais ont positionné le nourrisson en utilisant la gravité pour améliorer le flux vers le nourrisson [3][36]. Des études mettent en garde contre l’élévation du nourrisson, laquelle peut nuire au flux [35]. Aucun essai n’a encore comparé les issues néonatales selon le positionnement [3][36].
Selon une méta-analyse Cochrane de 25 ECR sur le CRC chez les prématurés, la plupart des essais indiquent que le CRC a été réalisé en positionnant le nourrisson au niveau ou au-dessous de l’orifice vaginal ou de l’incision de la césarienne [1]. Dans une autre méta-analyse de 27 essais, l’analyse de sous-groupes n’a pas permis d’établir la meilleure position, quoique les données fussent limitées [5]. Pour maintenir la température, les nourrissons ont été enveloppés d’une serviette chaude ou recouverts d’un sac ou film de polyéthylène de qualité médicale [1]. Les prématurés peuvent être placés, avec cordon intact, sur un chariot de réanimation au chevet de la mère [9][24].
Dans une méta-analyse d’ECR, le positionnement des nourrissons à terme pendant le CRC variait entre au-dessous de l’orifice vaginal jusqu’à sur l’abdomen de la mère, cette dernière position étant généralement associée à un CRC à 180 secondes ou plus [15]. Aucun bénéfice clair n’a été établi en fonction du positionnement.
L’efficacité du CRC après une césarienne a été remise en question, car l’intervention chirurgicale utérine peut diminuer la transfusion placentaire, possiblement en raison d’une réduction du tonus utérin [37]-[39]. Cela dit, le tonus est plus susceptible d’être un problème en cas d’accouchement à terme plutôt qu’avant terme. Une étude a montré que les nourrissons nés à terme par césarienne et ayant reçu le CRC n’ont présenté aucune réduction significative du volume sanguin placentaire résiduel par rapport à ceux ayant reçu le CIC ou nés par voie vaginale [39]. Une méta-analyse d’ECR n’a pas non plus observé de différences entre les sous-groupes quant aux issues néonatales selon le mode d’accouchement chez les prématurés, mais les données globales sont limitées [40].
Les données sur les issues maternelles sont très limitées. Les méta-analyses Cochrane n’ont relevé aucune différence significative pour le besoin de transfusion (dans un seul ECR ayant inclus les accouchements vaginaux et les césariennes) ni les pertes sanguines maternelles de (> 500 mL, dans un seul ECR sur les accouchements vaginaux) après un CRC comparativement au CIC [1] en cas d’accouchement avant terme ni après un CRC à 60 secondes par rapport au CRC à plus de 60 secondes en cas d’accouchement à terme [15]. Les données stratifiant les issues maternelles selon le mode d’accouchement sont insuffisantes. La même analyse Cochrane [1] a répertorié un seul ECR portant sur les effets de la TCO sur la perte sanguine maternelle d’au moins 500 mL, mais cet événement n’a été observé dans aucun des groupes de l’étude [41]. Pour les grossesses gémellaires, les résultats sont contradictoires en ce qui concerne l’augmentation des saignements en cas de CRC [19][42].
La plupart des nourrissons devraient recevoir le CRC. Dans la littérature, les contre-indications absolues au CRC sont rares, mais comprennent les suivantes : anasarque fœtoplacentaire [43], certaines anomalies fœtales (p. ex., hernie diaphragmatique à terme) [44], besoin de réanimation maternelle ou néonatale immédiate [43] (sauf dans les centres ayant l’expérience et l’équipement nécessaires pour effectuer une réanimation à cordon intact) ou atteinte de la circulation placentaire (p. ex., vasa prævia ou placenta prævia avec saignement actif, lésion placentaire ou hématome rétroplacentaire [44][45]). Deux essais ont exclu les cas connus de syndrome transfuseur-transfusé et un autre a exclu les jumeaux de grossesse monochoriale [24][46]. Certains essais, mais pas tous, ont exclu les cas de RCIU, probablement en raison d’une association avec la polyglobulie [41][47]-[49].
Les contre-indications relatives au CRC sont rares, mais comprennent les facteurs de risque d’hyperbilirubinémie significative (p. ex., polyglobulie, RCIU sévère, diabète prégestationnel) chez les nourrissons à terme, des titres d’anticorps maternels élevés et la naissance du premier jumeau dans une grossesse monochoriale. Dans toutes ces circonstances, il faut envisager le clampage immédiat du cordon.
Des données canadiennes récentes sur les nourrissons de faible poids à la naissance sous le 10e percentile et d’un AG de moins de 33 semaines indiquent que le CRC est associé à une réduction du taux de mortalité et de morbidité grave (RCa pour la mortalité ou la morbidité grave : 0,60; IC à 95 % : 0,42-0,86), du risque d’intubation à la naissance (RCa : 0,29; IC à 95 % 0,16-0,52), du besoin d’inotropes (RCa : 0,47; IC à 95 % : 0,23-0,97), du risque d’HIV (RCa : 0,70; IC à 95 % : 0,52-0,92) et du risque de dysplasie broncho-pulmonaire (RCa : 0,61; IC à 95 % : 0,45-0,82) [50]. Dans une étude où le CRC n’a pas été utilisé, le risque de polyglobulie observé augmentait parallèlement à la gravité du retard de croissance (nourrissons à terme, sans RCIU : 6,2 %; RCIU léger : 8,25 %; RCIU modéré : 12,5 %; RCIU grave : 36,2 %) [47].
Une méta-analyse de 5 ECR a révélé une augmentation significative du risque d’HIV grave chez les nourrissons de 32 semaines 6 jours ou moins avec la TCO comparativement au CRC (RR : 1,95; IC à 95 % : 1,01-3,76) [51]. Les chercheurs ont supposé que cet effet était lié à la variation rapide du volume sanguin.
Une méta-analyse a répertorié seulement 2 études comparant la TCO au CRC, où le CRC est défini dans les 2 études comme un clampage réalisé à ou dans les 30 secondes [52]. Il y a très peu de données comparant la TCO au CRC, tel que généralement défini, chez les nourrissons à terme.
En 2018, le réseau pancanadien sur les naissances prématurées (Canadian Preterm Birth Network (CPTBN)) et un grand groupe multidisciplinaire de parties prenantes (composé de spécialistes en médecine fœto-maternelle, d’obstétriciens, de néonatologistes, de pédiatres, d’infirmières, d’administrateurs et de parents) ont établi un protocole de consensus pour les prématurés, protocole qui a éclairé la présente déclaration (voir la figure 1). La littérature a été passée en revue et l’ébauche d’un protocole de consensus non publié a été rédigée en s’attardant à la pratique du CRC et à son adoption.
Les équipes de soins qui souhaitent adopter le CRC peuvent consulter une revue systématique récente ayant évalué les stratégies, les obstacles et les leviers des pratiques exemplaires [54]. La principale stratégie d’adoption consiste à utiliser des approches multidisciplinaires d’amélioration de la qualité intégrant des protocoles, politiques ou trousses d’outils, de la formation (p. ex., séances scientifiques, enseignement didactique), des simulations et des rappels (p. ex., affiches, infolettres). À l’occasion, les équipes ont utilisé des champions et une formule de rétroaction et de débreffage [53].
Les équipes pourraient devoir surmonter certains obstacles [53] :
Les équipes peuvent mettre à profit différentes stratégies [54]-[57] :
Chez les prématurés de grossesse monofœtale, le CRC réduit les risques de mortalité et de morbidité. Chez les nourrissons de grossesse monofœtale à terme, le CRC améliore les paramètres hématologiques. Chez les jumeaux prématurés, les données observationnelles sur le CRC semblent indiquer quelques bénéfices. Chez les grands prématurés, la TCO double le risque d’HIV comparativement au CRC. On dispose de données limitées sur les jumeaux prématurés (quelques bénéfices suggérés) et les issues maternelles (aucune issue défavorable significative signalée). La mise en œuvre normalisée des pratiques de CRC par une équipe multidisciplinaire devrait s’appliquer à la plupart des nourrissons, car les contre-indications au CRC sont rares. L’adoption des pratiques exemplaires peut être favorisée par des rappels, des protocoles et les communications d’équipe. Les domaines justifiant une étude plus approfondie comprennent la TCO lente, le CRC chez les jumeaux, le moment de l’administration des utérotoniques ainsi que la stabilisation des prématurés et la réanimation des nourrissons prématurés ou à terme avec cordon intact.
Figure 1. Organigramme de la stratégie de clampage retardé du cordon. |
Les auteurs tiennent à remercier la docteure Kristen Viaje pour l’aide qu’elle a apportée à l’analyse bibliographique. La Société canadienne des anesthésiologistes, l’Association canadienne des infirmières et infirmiers en périnatalité et en santé des femmes, les membres du Comité consultatif sur l’exercice de la médecine familiale et du groupe d’intérêt en soins de maternité et de périnatalité du Collège des médecins de famille du Canada, le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie et les membres du comité de médecine fœtomaternelle de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada ont révisé le présent document de principes.
Société des obstétriciens et gynécologues du Canada – Comité de pratique clinique – obstétrique (2021)
Membres : Douglas Black, MD (président), Krista Cassell, MD, Mélina Castonguay, RM, Cynthia Chan, MD, Elissa Cohen, MD, Gina Colbourne, MD, Christine Dallaire, MD, Kirsten Duckitt, MD, Sebastian Hobson, MD, Amy Metcalfe, PhD, J. Larry Reynolds, MD, Debbie Robinson, MD, Marie-Ève Roy-Lacroix, MD, Kristen Simone, MD, Katherine Tyndall, RN
Comité d’étude du fœtus et du nouveau-né de la SCP (2020-2021)
Membres : Gabriel Altit MD, Nicole Anderson MD (member résidente), Heidi Budden MD (Représentant du conseil), Leonora Hendson MD (past member), Souvik Mitra MD, Michael R. Narvey MD (président), Eugene Ng MD, Nicole Radziminski MD, Vibhuti Shah MD (ancien membre)
Représentants : Radha Chari MD (The Society of Obstetricians and Gynaecologists of Canada), James Cummings MD (Committee on Fetus and Newborn, American Academy of Pediatrics), William Ehman MD (College of Family Physicians of Canada), Danica Hamilton inf. (Canadian Association of Neonatal Nurses), Chloë Joynt MD (CPS Neonatal-Perinatal Medicine Section Executive), Chantal Nelson PhD (Public Health Agency of Canada)
Auteurs principaux : Sarah D McDonald MD, Michael Narvey MD, William Ehman MD, Venu Jain MD PhD, Krista Cassell MD
COMITÉ D’ÉTUDE DU FŒTUS ET DU NOUVEAU-NÉ DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE (2020-2021)
Membres : Gabriel Altit MD, Nicole Anderson MD (membre résidente), Heidi Budden MD (représentante du conseil), Leonora Hendson MD (membre sortante), Souvik Mitra MD, Michael R. Narvey MD (président), Eugene Ng MD, Nicole Radziminski MD, Vibhuti Shah MD (membre sortant)
Représentants : Radha Chari MD (La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada), James Cummings MD (comité d’étude du fœtus et du nouveau-né, American Academy of Pediatrics), William Ehman MD (Le Collège des médecins de famille du Canada), Danica Hamilton inf. (Association canadienne des infirmières et infirmiers en néonatologie), Chloë Joynt MD (comité directeur de la section de la médecine néonatale et périnatale de la SCP), Chantal Nelson Ph. D. (Agence de la santé publique du Canada)
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 8 février 2024