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L’utilisation d’ondansétron par voie orale au département d’urgence pour traiter les vomissements aigus liés à la gastroentérite chez les nourrissons et les enfants

Affichage : le 19 décembre 2018


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Auteur(s) principal(aux)

A Cheng; Société canadienne de pédiatrie. Mise à jour par Marie-Joëlle Doré-Bergeron et Laurel Chauvin-Kimoff, Comité des soins aigus

Résumé

La gastroentérite aiguë est l’une des principales causes de visites au département d’urgence. Même si c’est généralement une infection spontanément résolutive, les vomissements qui y sont liés peuvent causer divers degrés de déshydratation, entraîner l’insertion d’un cathéter intraveineux ou d’une sonde nasogastrique, des anomalies électrolytiques ou une hospitalisation. L’ondansétron est un médicament antiémétique très puissant, efficace pour prévenir les nausées et les vomissements induits par la chimiothérapie et la radiothérapie et au très faible risque d’effets secondaires. Récemment, l’ondansétron a été utilisé pour contrôler les vomissements liés à la gastroentérite aiguë. Le présent article examine les données probantes étayant l’utilisation de l’ondansétron par voie orale pour traiter les vomissements aigus liés à la gastroentérite chez les nourrissons et les enfants et contient une recommandation de traitement d’après l’analyse probante.

Mots-clés : Children; Emergency; Gastroenteritis; Infants; Ondansetron; Vomiting

La gastroentérite aiguë est la principale cause de consultation chez le médecin et d’hospitalisation chez les nourrissons et les jeunes enfants. Chaque année aux États-Unis, la gastroentérite est responsable d’environ deux à quatre millions de visites chez le médecin [1][2][3]. L’incidence estimative de gastroentérite aiguë chez les enfants de moins de cinq ans est d’environ un à deux épisodes par année dans les pays industrialisés [4]. Aux États-Unis, la maladie est responsable de 20 % de toutes les consultations externes chez les jeunes enfants, et de plus de 200 000 hospitalisations par année [5].

La gastroentérite aiguë est la principale cause de vomissements chez les enfants, et elle s’associe souvent à des douleurs abdominales, à des crampes, à de la diarrhée et à de la fièvre [6]. C’est généralement une maladie spontanément résolutive, et elle est surtout causée par des virus comme le rotavirus ou le norovirus [2][6]. Pendant l’évolution de la maladie, de nombreux enfants sont incapables de tolérer les liquides et les solides. Ceux qui présentent des vomissements persistants risquent la déshydratation, les anomalies électrolytiques et, chez les enfants les plus atteints, une réhydratation par voie intraveineuse (IV) ou nasogastrique (NG), ou une hospitalisation peut s’imposer.

L’ondansétron – La pharmacologie et les schémas d’utilisation

Les antiémétiques sont souvent utilisés pour traiter les vomissements chez les nourrissons et les enfants atteints d’une gastroentérite. Selon une récente enquête [7] menée auprès de pédiatres, de médecins d’urgence et de pédiatres d’urgence, 61 % des médecins avaient prescrit un antiémétique en pédiatrie en raison de vomissements liés à une gastroentérite au moins une fois au cours de l’année précédente. Les schémas de prescription et l’utilisation d’antiémétiques comme la prométhazine, la métoclopramide, le diménhydrinate et la dompéridone varient considé­rablement [8][9]. Au moment de prescrire ces médicaments, il faut tenir compte de la possibilité d’effets indésirables inquiétants, même s’ils sont rares, tels que la somnolence, les réactions extrapyramidales, les hallucinations, les convulsions et le syndrome malin des neuroleptiques [8][9].

L’ondansétron est un antagoniste sélectif des récepteurs de la sérotonine du 5-HT3. Pris par voie orale, il est rapidement absorbé par le tube digestif et atteint sa concentration plasmatique maximale au bout de une ou deux heures seulement [10]-[13]. L’ondansétron est sécuritaire et efficace pour prévenir les nausées et les vomissements induits par la chimiothérapie et la radiothérapie ou les vomissements suivant une opération [14]-[18]. S’il est utilisé dans ces situations, le risque de graves effets indésirables est très faible [14]-[18]. Lorsqu’il est utilisé pour traiter la gastroentérite chez les nourrissons et les enfants, son principal effet secondaire est la diarrhée, généralement très légère et spontanément résolutive [13][19]. Tant la Federal Drug Administration des États-Unis que Santé Canada ont émis des avertissements quant au risque d’arythmies fatales causées par l’utilisation d’ontansétron [20][21], mais les données actuelles ne préconisent pas l’exécution systématique d’un électrocardiogramme (ECG) et le dépistage des électrolytes avant l’administration d’une seule dose d’ontansétron aux personnes qui ne présentent pas de facteurs de risque connus [22]. Puisque le profil d’innocuité de l’ondansétron est favorable et qu’il ne provoque pas de somnolence, plusieurs essais cliniques ont été menés depuis 20 ans pour en évaluer l’efficacité en cas de gastroentérite chez les patients d’âge pédiatrique.

L’analyse des données probantes en pédiatrie

Les chercheurs ont relevé quatre études aléatoires et contrôlées qui ont porté sur l’utilisation de l’ondansétron par voie orale (par rapport à un placebo) pour traiter les vomissements causés par la gastroentérite aiguë [23]-[26] (tableau 1). Les études portant sur l’utilisation de l’ondansétron IV pour le traitement de la gastroentérite aiguë n’ont pas été prises en compte dans le cadre de la présente analyse [27]-[29]. Deux récentes méta-analyses, publiées en 2008 [30] et en 2015 [31], ont permis d’évaluer l’efficacité de divers antiémétiques et sont exposées ci-dessous.

TABLEAU 1 Essais cliniques : l’utilisation d’ondansétron par voie orale pour traiter les vomissements liés à la gastroentérite chez les nourrissons et les enfants

Étude, année

Patients, n

Tranche d’âge

Critères d’inclusion

Dose (selon le poids ou l’âge du patient)

Résultats après le traitement à l’ondansétron, RR (95 % IC)

         

Vomissements persistants au DU

Administration de solutés IV ou NG

Hospitalisation

Ramsook et coll. [23], 2002

145

6 mois à 12 ans

Gastroentérite et vomissements récurrents dans les 24 heures précédentes

1,6 mg (6 mois à 1 an);

3,2 mg (1 à 3 ans);

4 mg (4 à 12 ans)

0,38 (0,18 à 0,80)

0,36 (0,14 à 0,92)

0,17 (0,04 à 0,78)

Freedman et coll. [24], 2006

215

6 mois à 10 ans

Gastroentérite et déshydratation légère à modérée et vomissements dans les 4 heures précédentes

2 mg
(8 kg à 15 kg);

4 mg
(15 kg à 30 kg);

8 mg
(>30 kg)

0,40 (0,26 à 0,61)

0,46 (0,26 à 0,79)

0,80 (0,22 à 2,90)

Roslund
et coll. [25], 2008

106

1 an à 10 ans

Gastroentérite et tentative ratée de réhydratation orale au DU

2 mg
(8 kg à 15 kg);

4 mg
(15 kg à 30 kg);

6 mg
(>30 kg)

0,43 (0,20 à 0.94)

0,40 (0,20 à 0,79)

0,46 (0,12 à 1,79)

Marchetti
et coll. [26], 2016

356

1 an à 6 ans

Gastroentérite et tentative ratée de réhydratation au DU

0,15 mg/kg

contre placebo 0,41 (0,238 à 0,71)

contre placebo 0,41 (0,20 à 0,83)

contre placebo 0,50 (0,20 à 1,22)

DU département d’urgence; IC intervalle de confiance; IV intraveineuse; NG nasogastrique; RR rapport de risque

En 2002, Ramsook et coll. [23] ont réalisé une étude aléatoire et contrôlée à double insu auprès de 145 patients de six mois à 12 ans qui avaient vomi au moins cinq fois au cours des 24 heures précédentes (tableau 1), Ces patients ont été réparti entre une monodose d’ondansétron par voie orale ou un placebo du même goût et de la même couleur. La réhydratation par voie orale a été amorcée 15 minutes plus tard. Les patients du groupe ayant reçu de l’ondansétron par voie orale vomissaient moins, étaient moins susceptibles de recevoir des solutés IV et moins susceptibles d’être hospitalisés par la suite.

En 2006, Freedman et coll. ont publié une étude [24] auprès de 215 enfants de six mois à dix ans d’un département d’urgence (DU) pédiatrique (tableau 1). Les enfants étaient recrutés s’ils avaient eu au moins un épisode de vomissements non bilieux et non sanglants au cours des quatre heures précédentes et une déshydratation légère à modérée à l’évaluation initiale au DU, conformément à un indice de déshydratation. Les sujets ont été répartis au hasard entre l’administration d’un comprimé d’ondansétron délitant par voie orale et celle d’un placebo et ont reçu une réhydratation orale 15 minutes après le comprimé, conformément à un protocole standardisé. Les chercheurs ont observé que les enfants qui recevaient une monodose d’ondansétron par voie orale étaient moins susceptibles de vomir, acceptaient plus de liquides par voie orale et risquaient moins de recevoir des solutés IV que les enfants qui avaient pris un placebo. Ils ne cons­tataient aucune différence de taux d’hospitalisation entre le groupe prenant de l’ondansétron et celui prenant un placebo.

En 2008, Roslund et coll. ont publié une étude [25] à laquelle ont participé 106 enfants de un à dix ans provenant d’un DU pour adultes et enfants (tableau 1). Les enfants étaient recrutés s’ils avaient reçu un diagnostic clinique de gastrite ou gastroentérite aiguë, présentaient une déshydratation légère à modérée et n’avaient pas réagi à une réhydratation orale contrôlée au DU. Les sujets étaient répartis aléatoirement entre une monodose d’ondansétron par voie orale selon le poids et un placebo et reprenaient le protocole de réhydratation orale 30 minutes plus tard. Les chercheurs ont découvert que les enfants qui avaient reçu de l’ondansétron par voie orale étaient moins susceptibles de se faire administrer des solutés IV et d’être hospitalisés que ceux qui avaient pris un placebo.

En 2016, Marchetti et coll. [26] ont publié une étude dans laquelle 356 enfants de un à six ans atteints de gastroentérite aiguë ont été répartis au hasard entre une monodose d’ondansétron, de dompéridone ou d’un placebo par voie orale au département d’urgence après l’échec de la réhydratation orale initiale. La réhydratation orale était amorcée de 46 à 60 minutes plus tard. L’ondansétron réduisait de plus de 50 % le risque relatif de l’hydratation IV par rapport au placebo et à la dompéridone. Les chercheurs n’ont pas constaté de différences quant aux effets indésirables dans les trois groupes.

Decamp et coll. [30] ont publié une méta-analyse en 2008 afin d’examiner expressément l’utilisation de divers antiémétiques chez les enfants atteints d’une gastroentérite aiguë. Dans le cadre de leur analyse, ils ont examiné six études portant sur l’ondansétron : les trois études décrites plus haut [23]-[25] et trois autres portant sur l’utilisation de l’ondansétron IV [27]-[29]. Leur analyse incluait des données obtenues dans les publications originales et des données provenant de communications personnelles avec les auteurs originaux. Les résultats de cette analyse combinée d’études sur l’ondansétron par voie orale et IV ont révélé que les sujets traités à l’ondansétron risquaient moins de continuer à vomir au DU, de se faire administrer des solutés IV et d’être hospitalisés (les RR et l’IC à 95 % sont exposés au tableau 1). L’effet indésirable le plus important constaté dans les diverses études était un risque accru de diarrhée jusqu’à 48 heures après l’administration de l’ondansétron. Aucun autre effet secondaire n’était courant dans toutes les études.

En 2015, Freedman et coll. [31] ont publié une analyse systématique et une méta-analyse sur les traitements contre la gastroentérite chez les enfants de moins de 18 ans des pays industrialisés. Toutes les études sur les antiémétiques ont démontré une réduction du résultat clinique primaire de la réhydratation IV. L’ondansétron était l’antiémétique utilisé dans six de ces neuf études.

Conclusion

En cas de gastroentérite en pédiatrie, une monodose d’ondansétron par voie orale est efficace pour réduire la fréquence des vomissements et d’administration de solutés IV chez les nourrissons et les enfants de six mois à 12 ans qui consultent au DU et présentent une déshydratation légère à modérée ou qui n’ont pas réagi à un essai de réhydratation orale. Selon les données probantes, l’ondansétron par voie orale pourrait contribuer à réduire les hospitalisations. Le principal effet secondaire de son administration dans de telles situations est la diarrhée qui, en général, est spontanément résolutive et dure moins de 48 heures. D’autres études s’imposent pour en évaluer l’utilisation et l’efficacité à l’extérieur de l’hôpital.

Recommandations

Il faudrait envisager une monodose d’ondansétron par voie orale pour les nourrissons et les enfants de six mois et plus qui consultent au DU en raison de vomissements qu’on présume être causés par une gastroentérite aiguë et qui présentent une déshydratation légère à modérée ou ne réagissent pas à la réhydratation orale. Puisque le principal effet secondaire de l’ondansétron est la diarrhée, son usage systématique n’est pas recommandé chez les enfants ayant une gastroentérite et dont le principal symptôme est une diarrhée modérée à grave. La dose d’ondansétron est de 0,15 mg/kg sous forme liquide (jusqu’à concurrence de 8 mg). Autrement, une posologie orale raisonnable à administrer aux nourrissons et aux enfants, fondée sur leur poids, s’établit comme suit :

  • Poids de 8 kg à 15 kg : 2 mg par dose
  • Poids de 15 kg à 30 kg : 4 mg par dose
  • Poids de plus de 30 kg : 6 mg à 8 mg par dose

Il faut amorcer la réhydratation orale de 15 à 30 minutes après l’administration d’ondansétron par voie orale. Le recours à une monodose d’ondansétron par voie orale est recommandée, car le traitement multidose ne comporte aucun avantage [22].

Remerciements

Les comités suivants de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent point de pratique : le comité de la pédiatrie communautaire, le comité de la pharmacologie et des substances dangereuses, le comité des maladies infectieuses et d’immunisation et le comité de nutrition et de gastroentérologie.


COMITÉ DES SOINS AIGUS

Membres : Adam Cheng MD; Catherine Farrell MD; Jeremy Friedman MD; Marie Gauthier MD (représentante du conseil); Angelo Mikrogianakis MD (président); Oliva Ortiz-Alvarez MD
Représentantes : Laurel Chauvin-Kimoff MD, section de la médecine d’urgence pédiatrique, Société canadienne de pédiatrie; Dawn Hartfield MD, section de la pédiatrie hospitalière, Société canadienne de pédiatrie
Auteur principal : Adam Cheng MD
Mise à jour par Marie-Joëlle Doré-Bergeron MD et Laurel Chauvin-Kimoff MD


Références

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Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.

Mise à jour : le 7 février 2024