Point de pratique
Affichage : le 9 septembre 2020
Michelle Barton, A. Michael Forrester, Jane McDonald; Société canadienne de pédiatrie, Comité des maladies infectieuses et d’immunisation
Paediatr Child Health 2020 25(6):396. (Résumé).
Le cytomégalovirus est la principale cause d’infection congénitale et la première cause de surdité de perception d’origine non génétique pendant l’enfance. Même si la plupart des nouveau-nés infectés ne sont pas symptomatiques à la naissance, l’infection congénitale à cytomégalovirus est une affection importante, en raison du risque de surdité de perception et des autres atteintes neurodéveloppementales qui s’y associent. Le respect des mesures d’hygiène pendant la grossesse peut réduire le risque d’infection de la mère par le CMV. Grâce au dépistage rapide, il est possible de vite entreprendre la surveillance et la prise en charge des nouveau-nés infectés. Il est essentiel d’adopter une prise en charge multidisciplinaire pour optimiser le pronostic des nouveau-nés atteints.
Mots-clés : Congenital infection; Cytomegalovirus (CMV); Neurodevelopmental sequelae; Polymerase chain reaction (PCR); Sensorineural hearing loss (SNHL); Valganciclovir
Le cytomégalovirus (CMV) est la principale cause d’infection congénitale, puisqu’elle touche de 0,5 % à 1 % des naissances vivantes en Amérique du Nord et en Europe, et jusqu’à 6 % de celles des pays en développement [1]-[4]. C’est la première cause (jusqu’à 25 %) de surdité de perception (SP; qu’on appelle aussi surdité neurosensorielle) d’origine non génétique chez l’enfant [5]. On estime la prévalence des séquelles neurologiques permanentes entre 5 % et 15 % dans les cas d’infection congénitale à CMV (icCMV) asymptomatique, et entre 36 % et 90 % [1][6]-[10] chez les survivants d’une icCMV symptomatique (figure 1).
En raison des récents progrès de la pharmacothérapie contre cette infection, l’intérêt pour la prévention, le diagnostic et le traitement s’est renouvelé [5][11]. Le présent point de pratique s’attarde sur le diagnostic d’icCMV chez les nouveau-nés et fait ressortir les stratégies de prise en charge. Le dépistage universel néonatal de l’icCMV est envisagé dans certains pays, et il est déjà en cours en Ontario.
Les femmes enceintes atteintes d’une primo-infection par le CMV ou d’un CMV non primaire (réinfection par d’autres souches virales ou réactivation de la souche primaire) risquent de transmettre le CMV par voie verticale (transplacentaire) à leur fœtus [12]-[15]. Le taux de transmission est de dix à 15 fois plus élevé lorsque la mère souffre d’une primo-infection plutôt que d’une infection non primaire (figure 1) [1][6][10][16]. Cependant, la plupart des nouveau-nés infectés sont asymptomatiques à la naissance; seulement 10 % présentent des manifestations cliniques [5][9][11].
Figure 1. Le taux d’infection du fœtus et les séquelles après une infection de la mère |
Données tirées des références [1][6][7][9][10][16] |
Le CMV est transmis par voie horizontale lors d’un contact intime avec les liquides organiques : salive, urine, sécrétions sexuelles et lait maternel [17]. Chez les jeunes enfants en bonne santé qui fréquentent un milieu de garde ou habitent dans des logements surpeuplés, le risque de transmission entre personnes risque d’être plus élevé, ce qui accroît alors la prévalence de primo-infection. Les enfants infectés peuvent continuer de propager le virus jusqu’à l’âge préscolaire [18] et représentent une source majeure d’infection des adultes qui s’occupent d’eux (y compris les femmes enceintes) et des autres enfants.
L’administration d’immunoglobulines hyperimmunes spécifiques anti-CMV et d’antiviraux aux femmes enceintes atteintes d’une primo-infection peut être bénéfique, mais on ne possède pas de données solides pour appuyer ces traitements [11][19]-[21]. Un vaccin efficace administré avant la grossesse constituerait sûrement la meilleure stratégie préventive, mais aucun n’a encore été créé [22]. Les femmes enceintes devraient être informées des mesures d’hygiène à respecter, car il est démontré que ces mesures réduisent leur risque d’infection [23]-[25] (tableau 1).
1. Éviter tout contact avec les liquides organiques
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*A. Éviter le contact des muqueuses avec la salive d’autrui
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B. Éviter les nouveaux partenaires sexuels
De nouveaux partenaires atteints du CMV provoquent une exposition par leurs sécrétions sexuelles et leur salive
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2. Se laver les mains et maintenir les surfaces propres*
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†Se laver les mains après :
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‡Effectuer un nettoyage régulier des matières contaminées
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*Mesures recommandées par les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis
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Les manifestations cliniques de l’icCMV symptomatique à la naissance sont la microcéphalie, le retard de croissance intra-utérine, l’hépatosplénomégalie, les pétéchies, l’ictère et les convulsions (tableau 2) [26]-[35]. Les nouveau-nés atteints d’une icCMV symptomatique doivent être détectés rapidement, afin d’amorcer une prise en charge appropriée le plus vite possible pour améliorer le pronostic [36][37]. Les tests diagnostiques de l’icCMV reposent sur l’identification directe du virus dans les liquides organiques du nouveau-né avant 21 jours de vie [36][37]. Lorsque le dépistage a lieu plus tard, un résultat positif peut être indicateur d’une infection périnatale ou postnatale, et ne permet donc pas de conclure qu’il s’agit d’une icCMV. La sérologie n’est pas recommandée, car même si un résultat négatif aux immunoglobulines G peut exclure l’icCMV, un résultat positif chez le nouveau-né est généralement indicateur de la transmission passive d’anticorps par la mère infectée, ce qui ne contribue pas au diagnostic d’icCMV [5][38]. De même, les immunoglobulines M donnent de piètres résultats (sensibilité de 20 % à 70 %) comme test diagnostique [39].
Constatations de l’examen physique
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Générales : PAG, microcéphalie†, ictère, anasarque†
Cutanées : Pétéchies†
Respiratoires : Pneumonite§
Abdominales : Hépatosplénomégalie†
SNC : Convulsions‡, mauvaise succion, hypotonie, léthargie
Auditives*
Oculaires* : Choriorétinite†1, atrophie optique, microphtalmie, cicatrices rétiniennes, strabisme, déficience visuelle d’origine corticale‡
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Anomalies observées en laboratoire
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Hématologie : Surtout une faible numération plaquettaire2, mais possibilité de suppression d’autres lignées cellulaires
Transaminite : ALT élevée2
Hyperbilirubinémie : Bilirubine conjuguée élevée2
Anomalies du liquide céphalorachidien (non expliquées autrement) : Pléocytose, taux de protéines élevé, PCR CMV positive‡
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Anomalies à l’imagerie cérébrale*1
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Ventriculaires et périventriculaires‡ : Calcifications† (50 % des anomalies du SNC), ventriculomégalie ± atrophie
Structurelles‡ : Kystes cérébelleux, épendymaires, parenchymateux
Corticales‡ : Polymicrogyrie
Migratoires‡ : Lissencéphalie, porencéphalie, schizencéphalie, encéphalopathie étendue
Vasculaires : Vasculopathie lenticulostriée¶
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1. La choriorétinite et les anomalies à l’imagerie intracrânienne sont considérées comme très évocatrices d’une icCMV.2. Les élévations non transitoires des transaminases (plus de deux fois plus élevées que la normale) et de la bilirubine (de une à deux fois plus élevée que la normale) et la numération plaquettaire inférieure à 100 x 109/L sans autres explications*La SP n’est établie qu’après un examen audiologique qui, en général, n’est pas offert immédiatement lorsque la classification axée sur les symptômes est effectuée au moment de l’évaluation initiale du nouveau-né; un échec du dépistage universel de la surdité chez le nouveau-né doit susciter un dépistage du CMV s’il est impossible d’écarter immédiatement la SP.†La présence de ces constatations ou leur conjonction avec d’autres observations (y compris la SP) suffit pour justifier le dépistage du CMV dans l’urine ou la salive du nouveau-né. La valeur prédictive positive de constatations isolées non annotées dans ce tableau est faible. Selon certains experts qui favorisent le dépistage universel, une observation isolée suffit pour justifier le dépistage.‡Maladie du SNC importante sur le plan clinique§Même si elles sont rares et plus probables chez les hôtes prématurés ou immunodéprimés atteints d’un CMV postnatal, des présentations évocatrices d’un sepsis, des pneumonites et des colites sont signalées en cas d’icCMV associée à la prématurité et à l’immunodépression congénitale.¶Observation courante d’importance clinique douteuse. Certains experts sont d’avis qu’une présence isolée ne suffit pas pour que le nouveau-né soit classé parmi les cas modérés à graves.ALT alanine transaminase; CMV cytomégalovirus; icCMV infection congénitale à CMV; PAG petit par rapport à son âge gestationnel; PCR amplification en chaîne par polymérase; SNC système nerveux central; SP surdité de perception |
Les tests de dépistage du CMV au moyen de cultures virales rapides (sensibilité de plus de 92 %, spécificité de 100 %) ou d’analyses par amplification en chaîne par polymérase (PCR; sensibilité de plus de 95 %, spécificité de plus de 98 %) dans l’urine (méthode préférable; un prélèvement dans un sac collecteur convient) ou dans la salive du nouveau-né sont à préconiser [40]-[42]. Les prélèvements de salive s’effectuent par écouvillonnage de l’intérieur de la bouche. Le prélèvement doit être effectué plus d’une heure après l’allaitement, afin de limiter les résultats faussement positifs chez les nouveau-nés d’une mère atteinte du CMV [41]. Tous les prélèvements de salive positifs doivent être confirmés par un test urinaire. Lorsque l’on ne connaît pas le statut CMV d’une population, mais que des enfants en faisant partie ne présentent pas nécessairement les manifestations cliniques de l’icCMV, l’analyse de gouttes de sang séché prélevées chez le nouveau-né a un large spectre de sensibilité (28 % à 73 %) [43][44]. À 84 %, cette sensibilité était toutefois plus élevée dans une méta-analyse qui incluait des nouveau-nés ayant des symptômes évocateurs d’une icCMV ou atteints d’une icCMV confirmée [45]. Les nouveau-nés ne présentent pas toujours de virémie à la naissance. Ainsi, on ne peut pas exclure le CMV si on obtient un résultat négatif au CMV après une analyse du sang total ou du plasma par PCR ou une analyse à partir de gouttes de sang séché prélevées chez le nouveau-né [43][44]. L’analyse de gouttes de sang séché dont le résultat est positif contribue toutefois à confirmer la virémie [43][44][46] et peut parfois être utile lorsque l’évaluation est reportée après trois semaines de vie.
Les nouveau-nés dont la mère est atteinte d’une infection à CMV présumée ou démontrée pendant la grossesse (d’après les symptômes de la mère, la sérologie, les caractéristiques du fœtus à l’échographie ou l’histopathologie placentaire) ou les nouveau-nés présentant des facteurs de risque (tableau 3) ou des manifestations évocatrices d’une icCMV doivent être soumis au dépistage du CMV et à l’évaluation clinique et en laboratoire, pour établir la gravité de l’infection. Les tests de laboratoire doivent évaluer la présence d’anémie, de thrombopénie, d’hyperbilirubinémie et de transaminite [26]. Un test d’urine ou de salive dont le résultat est négatif au CMV doit susciter l’exploration d’autres infections congénitales ou affections génétiques (figure 2).
Quelles sont les indications pour dépister les nouveau-nés?
Comment confirmer le diagnostic d’icCMV?
Comment évaluer les nouveau-nés lorsque l’icCMV est confirmée?
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*L’analyse du sang ou du LCR n’est pas recommandée systématiquement, mais si les résultats sont positifs avant trois semaines de vie, ils confirment l’icCMV.†Par rapport à la tomodensitométrie, l’IRM a l’avantage de mieux déceler les changements corticaux et hippocampiques prédicteurs de pronostics neurologiques à plus long terme. À cause de l’exposition aux radiations, la tomodensitométrie n’est pas privilégiée.‡Puisque les élévations de l’AST peuvent être causées par une hémolyse, les élévations de l’ALT sont plus fiables.ALT alanine transaminase; AST aspartate transaminase; CMV cytomégalovirus; icCMV infection congénitale à cytomégalovirus; IRM imagerie par résonance magnétique; LCR liquide céphalorachidien; PCR amplification en chaîne par polymérase. |
Figure 2. Algorithme exposant le dépistage, l’envoi en consultation et le traitement des nouveau-nés chez qui on présume une infection à cytomégalovirus peut être consultée sous forme de fichier supplémentaire. |
Les nouveau-nés qui échouent le dépistage de la surdité sont également soumis au dépistage du CMV. Cette démarche plus ciblée, obligatoire dans certains États américains [47], assure une détection et une prise en charge plus rapides des nouveau-nés ayant une SP associée au CMV [30][48]. Cependant, le dépistage ciblé ne permettra pas de diagnostiquer les nouveau-nés asymptomatiques à la naissance dont le dépistage de la surdité ne suscite d’abord aucune inquiétude, mais qui présentent ensuite une SP isolée tardive.
Même si, dans l’idéal, le dépistage universel optimise la détection de l’icCMV, il n’y a pas encore de consensus quant aux échantillons optimaux à utiliser lors du dépistage néonatal précoce. Le spectre de sensibilité du dépistage au moyen de l’analyse de gouttes de sang séché, ainsi que le coût supplémentaire et les difficultés logistiques liés à l’utilisation d’échantillons plus performants, tels que l’urine ou la salive, sont des éléments qui ne sont pas encore résolus [49].
Lorsque les nouveau-nés chez qui on soupçonne une icCMV avec atteinte du système nerveux central subissent une ponction lombaire pour exclure d’autres causes infectieuses, on peut envisager une PCR CMV à partir du liquide céphalorachidien [5] qui, si elle est positive, contribue au diagnostic d’une maladie du système nerveux central (tableau 3). Cependant, en raison de la faible sensibilité de la PCR et de son peu d’utilité pronostique, il est difficile de la recommander systématiquement en présence d’une icCMV symptomatique [50]. Lorsque le dépistage confirme l’icCMV, les nouveau-nés symptomatiques ont besoin d’une évaluation ophtalmologique et auditive, de même qu’une imagerie cérébrale (tableau 3) [5][11]. En général, l’échographie cérébrale suffit chez les nouveau-nés asymptomatiques ou peu symptomatiques. Tant la neuro-imagerie par résonance magnétique que celle par tomodensitométrie sont supérieures à l’échographie pour déceler des anomalies évocatrices d’un pronostic moins favorable [51]. Cependant, l’imagerie par résonance magnétique est préférable à la tomodensitométrie et doit être utilisée chez les nouveau-nés qui présentent des manifestations neurologiques importantes ou dont les résultats sont anormaux à l’échographie (tableau 3). En effet, elle a l’avantage supplémentaire de mieux déceler les observations qui laissent présager une atteinte neurodéveloppementale (p. ex., dysplasie de l’hippocampe et du cervelet et polymicrogyrie) (tableau 3) [52].
Dans la période entourant la naissance, les cas d’icCMV sont classés en fonction de la gravité des symptômes, c’est-à-dire une infection asymptomatique, bénigne ou modérée à grave (tableau 4) [11][53]. Puisque l’évaluation des symptômes et la classification de la gravité précèdent l’évaluation audiologique, la classification symptomatique actuelle ne fait pas mention de la SP.
Quelle est la classification des nouveau-nés?
Cas confirmé : Test de référence positif* avant l’âge de trois semaines OU résultat positif à partir de GSS à la naissance
Nouveau-né asymptomatique ± SP‡
Nouveau-né légèrement symptomatique ± SP
Nouveau-né présentant des symptômes modérés à graves ± SP
Cas probable§ : Test de référence positif* après 3 semaines de vie PLUS manifestations caractéristiques du CMV (tableau 2)
Quels nouveau-nés devraient être dirigés vers un infectiologue?
Quels cas devraient être traités?
Quel est le traitement recommandé?
En quoi le suivi consiste-t-il?
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*Le test de référence désigne la PCR CMV ou la culture virale du CMV à partir de l’urine OU la PCR CMV à partir de la salive chez les nouveau-nés non allaités. Un résultat positif à la PCR CMV à partir de la salive doit être confirmé par un test positif au CMV dans l’urine chez les nouveau-nés allaités.†Par exemple, une grave hépatite, une suppression marquée de la moelle osseuse (pancytopénie profonde, persistante ou réfractaire non expliquée par une autre cause), une colite, une pneumonite (ces deux dernières maladies sont rares, mais peuvent être graves chez les nouveau-nés prématurés) (53)‡Les experts n’adoptent pas tous la même démarche thérapeutique auprès des nouveau-nés aux symptômes modérés ou présentant une SP. En l’absence de données probantes, certains experts envisagent de traiter les cas de SP isolée lorsqu’ils sont détectés avant un mois de vie.§Peut profiter d’une PCR CMV à partir de GSS. Un résultat négatif n’exclut pas l’icCMV.ALT alanine transaminase; AST aspartate transaminase; GSS gouttes de sang séché; icCMV infection congénitale à cytomégalovirus; PCR amplification en chaîne par polymérase; SNC système nerveux central; SP surdité de perception |
À l’heure actuelle, il n’y a pas de données probantes pour appuyer l’antivirothérapie contre l’infection à CMV asymptomatique sans SP. Cependant, les nouveau-nés asymptomatiques ont besoin d’une évaluation audiologique régulière et doivent être dirigés rapidement en otorhinolaryngologie s’ils présentent une SP. Les experts n’ont pas tous le même avis au sujet du traitement des nouveau-nés infectés ayant une SP isolée [11][37]. Pour formuler des recommandations définitives, il faudra attendre les résultats d’études en cours, mais selon les données d’observation actuelles, il y aurait des avantages à l’utiliser [54].
Une infection à CMV bénigne se caractérise par des anomalies transitoires ou mineures touchant un ou deux systèmes, sans atteinte du système nerveux central. La prise en charge des cas d’infection à CMV bénigne chez qui on confirme une SP par la suite doit inclure une consultation en infectiologie [11][37]. La prise en charge peut être personnalisée, en tenant compte de la présence ou de la gravité de la SP [11][27] (figure 2).
Tous les cas d’infection à CMV modérée à grave (définis au tableau 4) [53] doivent être dirigés rapidement vers un infectiologue. Les données tirées de deux études soutiennent l’antivirothérapie des nouveau-nés très symptomatiques [55][56]. L’étude la plus récente a fait état d’un meilleur pronostic neurodéveloppemental et auditif chez les nouveau-nés ayant reçu un traitement pendant plus de six mois plutôt que six semaines [56]. Le valganciclovir par voie orale doit être administré pendant six mois. Le ganciclovir par voie parentérale peut le remplacer pendant les deux à six premières semaines du traitement, lorsque le nouveau-né est très malade [5][57].
La neutropénie [29], la thrombopénie, la transaminite et les taux élevés d’urée et de créatinine font partie des effets indésirables de l’antivirothérapie. Pendant le traitement, les nouveau-nés doivent faire l’objet d’une surveillance sérielle des effets indésirables (tableau 4). Il n’y a pas de données probantes pour soutenir la surveillance systématique de la charge virale, qui n’est pas toujours corrélée avec la réponse au traitement [28][56].
En plus de l’évaluation auditive et neurodéveloppementale continue et du suivi ophtalmologique [2][58], il peut être nécessaire d’assurer un suivi dentaire étroit. Jusqu’à 40 % des enfants atteints d’une infection à CMV symptomatique présentent une hypoplasie de l’émail [59][60]. Des données probantes s’accumulent pour démontrer une forte prévalence de dysfonction vestibulaire chez les enfants atteints d’une icCMV, même s’ils n’ont pas de SP, ce qui indique que l’ergothérapie pourrait aussi être bénéfique [61].
La SP progressive à apparition tardive se déclare à l’âge médian de 27 mois, mais elle peut se manifester jusqu’à l’âge de 44 mois [30]. Il faut procéder à des évaluations sérielles et régulières de l’audition jusqu’à l’âge de quatre à cinq ans [30]. Les enfants qui présentent une atteinte importante du système nerveux central peuvent avoir des convulsions, une paralysie cérébrale et un retard intellectuel (tableau 5) [17][62]-[64]. Ils ont besoin d’un suivi neurodéveloppemental et d’un soutien multidisciplinaire approprié.
Tableau 5. Séquelles neurodéveloppementales, auditives et visuelles chez les nouveau-nés atteints d’une infection congénitale à cytomégalovirus symptomatique | |
Fréquence (en %) chez les nouveau-nés symptomatiques à la naissance | |
Séquelles de quelque nature que ce soit | de 36 à 90 |
Microcéphalie | de 35 à 40 |
Déficits moteurs importants | de 15 à 25 |
Déficit neurodéveloppemental | 42 |
Déficits cognitifs | de 50 à 70 |
Convulsions | de 15 à 20 |
SP de quelque nature que ce soit | de 27 à 69 |
SP unilatérale | 19 |
SP bilatérale | 50 |
Anomalies oculaires | de 25 à 50 |
Déficience visuelle | de 22 à 58 |
Données tirées des références [1][6][7][9][10][16] [31][62]-[64] |
L’icCMV est la principale cause de SP d’origine non génétique et une cause importante d’atteinte neurodéveloppementale et neurosensorielle. Les mesures d’hygiène de base sont d’une grande efficacité dans la prévention de l’infection chez la mère et doivent être préconisées dans le cadre des soins prénatals. Il est essentiel de détecter les nouveau-nés atteints d’une icCMV en laboratoire avant 21 jours de vie pour déterminer la gravité de l’infection et entreprendre une antivirothérapie dans les cas modérés à graves. Tous les nouveau-nés atteints d’une icCMV symptomatique et les nouveau-nés asymptomatiques présentant une déficience auditive isolée doivent être dirigés vers un infectiologue. Lorsque la situation l’indique, il est démontré qu’un traitement par le valganciclovir, entrepris pendant la période néonatale et administré pendant six mois, améliore l’audition et le pronostic développemental. Les nouveau-nés touchés ont besoin d’un suivi multidisciplinaire. Les futures recherches devraient porter sur le dépistage des nouveau-nés, les résultats du traitement chez les enfants atteints d’une SP isolée ou d’une infection bénigne, la mise au point d’un vaccin contre le CMV et les stratégies diagnostiques et pronostiques.
Les auteurs remercient le docteur Soren Gantt (université de la Colombie-Britannique, B.C. Children’s Hospital Research Institute) et la docteure Wendy Vaudry (université de l’Alberta, Stollery Children’s Hospital), qui ont révisé le présent point de pratique. Le comité d’étude du fœtus et du nouveau-né, le comité de la pédiatrie communautaire, le comité de la pharmacologie et des substances dangereuses et le comité de la santé mentale et des troubles du développement de la Société canadienne de pédiatrie l’ont également révisé.
COMITÉ DES MALADIES INFECTIEUSES ET D’IMMUNISATION DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE
Membres : Michelle Barton MD; A. Michael Forrester MD (membre sortant); Ruth Grimes MD (représentante du conseil); Nicole Le Saux MD (présidente); Laura Sauve MD; Karina Top MD
Représentants : Tobey Audcent MD, Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages, Agence de la santé publique du Canada; Sean Bitnun MD; Groupe canadien de recherche pédiatrique et périnatale sur le VIH/sida; Fahamia Koudra MD, Le Collège des médecins de famille du Canada; Marc Lebel MD, Programme canadien de surveillance active de l’immunisation (IMPACT); Yvonne Maldonado MD, comité des maladies infectieuses, American Academy of Pediatrics; Jane McDonald MD, Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada; Dorothy L. Moore MD, Comité consultatif national de l’immunisation; Howard Njoo MD, Agence de la santé publique du Canada
Conseillère : Noni E. MacDonald MD
Auteurs principaux : Michelle Barton MD, A. Michael Forrester MD, Jane McDonald MD
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 8 février 2024