Document de principes
Affichage : le 1 février 2021
Eugene Ng, Vibhuti Shah; Société canadienne de pédiatrie, Comité d’étude du fœtus et du nouveau-né
Paediatr Child Health 2021 26(1):42-49.
Le traitement par surfactant exogène joue un rôle essentiel dans la prise en charge des nouveau-nés atteints du syndrome de détresse respiratoire (maladie des membranes hyalines) parce qu’il améliore la survie et limite les troubles respiratoires. Puisque la ventilation non invasive est de plus en plus utilisée comme principal mode d’assistance respiratoire chez le nouveau-né prématuré à la naissance, l’administration prophylactique de surfactant n’est plus bénéfique. L’administration précoce de surfactant sous forme de traitement de rattrapage est préconisée chez les nouveau-nés dont le syndrome de détresse respiratoire s’aggrave. La stratégie qui consiste à intuber, administrer du surfactant, puis extuber (INSURE) est largement acceptée en pratique clinique, mais des méthodes non invasives plus récentes à l’aide d’un cathéter fin, d’un masque laryngé ou d’un nébuliseur sont en cours d’adoption ou d’exploration. Selon des données limitées, un traitement d’appoint par surfactant exogène pourrait être efficace pour traiter d’autres affections que le syndrome de détresse respiratoire, telles que le syndrome d’aspiration méconiale.
Mots-clés : Bronchopulmonary dysplasia; Neonates; Non-invasive ventilation; Preterm infants; Respiratory distress syndrome; Surfactant
Des décennies d’essais cliniques et d’analyses systématiques ont démontré les avantages indiscutables du surfactant exogène pour traiter les nouveau-nés atteints du syndrome de détresse respiratoire (SDR), qu’on appelle aussi maladie des membranes hyalines [1]-[9]. Quel que soit la stratégie ou le produit utilisé, il est établi que le surfactant réduit le recours à l’assistance ventilatoire, le risque de fuite d’air pulmonaire, la mortalité et l’issue combinée de décès ou de dysplasie bronchopulmonaire (DBP) à 28 jours de vie [10], sans accroître l’atteinte neurodéveloppementale [11][12]. Cependant, diverses questions se posent quant au mode d’utilisation du surfactant en raison des progrès dans d’autres aspects des soins néonatals, tels que l’utilisation de l’assistance respiratoire non invasive dès la naissance et les nouvelles techniques pour administrer le surfactant. La présente mise à jour s’impose pour orienter la pratique clinique.
À l’aide de l’interface OVID, les auteurs ont réalisé une recherche dans MEDLINE qui incluait les publications en ligne avant impression, les publications en cours et les citations non indexées (de 1946 au 1er mai 2019), dans Embase (de 1974 au 1er mai 2019) et dans le registre central Cochrane des essais contrôlés (1er mai 2019). Ils ont utilisé les termes de recherche suivants : surfactant, lung surfactant extract, artificial lung surfactant, respiratory tract agent, neonatal respiratory distress syndrome, respiratory distress syndrome, newborn, hyaline membrane disease, newborn infant, pneumonia/ ou aspiration pneumonia, meconium aspiration, lung hemorrhage, respiratory tract intubation/ ou assisted ventilation, medical nebulizer, Less invasive*, Minimally invasive*, laryngeal mask. Ils ont analysé les listes de référence des publications et des directives et intégré toutes les analyses Cochrane pertinentes.
Ils ont respecté la hiérarchie des données probantes du Centre for Evidence-Based Medicine (Oxford Centre for Evidence-Based Medicine 2014 : www.cebm.net) pour analyser les publications retenues et ont établi leurs recommandations d’après la structure de Shekelle et coll [13].
L’utilisation prophylactique du surfactant est une stratégie qui consiste à administrer du surfactant exogène à la naissance aux nouveau-nés à risque de SDR [9], afin de prévenir l’apparition d’un SDR grave. L’utilisation sélective du surfactant est plutôt une stratégie d’administration de surfactant exogène aux nouveau-nés ayant un SDR établi. Il est démontré que les deux stratégies sont efficaces, mais l’utilisation croissante de la pression positive continue (CPAP) pour stabiliser les nouveau-nés prématurés en salle d’accouchement remet en cause les avantages de l’administration prophylactique de surfactant [14]-[16].
Dans le cadre d’essais antérieurs où la CPAP n’était pas utilisée automatiquement à la naissance, l’administration prophylactique de surfactant avait l’avantage non négligeable de réduire la mortalité et les fuites d’air pulmonaires chez les nouveau-nés prématurés. Toutefois, dans une analyse systématique [9] qui incluait deux essais cliniques récents où la CPAP était administrée à tous les nouveau-nés en salle d’accouchement [17][18], l’avantage de l’administration prophylactique de surfactant n’était plus démontré. Cette étude a plutôt observé que la prophylaxie était associée à une tendance inquiétante vers une augmentation des cas de mortalité, de dysplasie bronchopulmonaire (DBP) à 28 jours et 36 semaines de vie et de DBP ou de décès à 36 semaines de vie. De plus, dans les trois études où les taux d’exposition aux stéroïdes prénatals étaient élevés (plus de 50 %) [17]-[19], l’administration prophylactique de surfactant était liée à une augmentation marquée de la DBP, de la DBP ou du décès à 28 jours de vie et à une tendance vers l’augmentation des cas de mortalité, de DBP et de DBP ou de décès (qualité des preuves 1a).
Selon des études, le fait d’éviter l’intubation et la ventilation mécanique peut contribuer à réduire le taux de DBP [15][20], mais on ne sait pas si cette nouvelle approche des soins respiratoires peut priver certains nouveau-nés des avantages démontrés d’une administration rapide de surfactant exogène [21]. Verder et coll. [22] ont été des promoteurs précoces de la technique INSURE (INtuber, SURfactant, Extuber). D’après l’une des premières analyses systématiques [23] dans laquelle ont été résumées les données probantes relatives à la technique INSURE, cette technique réduirait le recours à la ventilation mécanique et l’incidence de DBP et de fuite d’air pulmonaire davantage que l’administration tardive et sélective de surfactant suivie d’une ventilation mécanique continue. Après cette analyse, plusieurs grandes études ont intégré l’utilisation de la CPAP en salle d’accouchement. Elles ont comparé l’administration prophylactique de surfactant par la technique INSURE à l’utilisation de la CPAP en salle d’accouchement et ont administré le surfactant par la technique INSURE seulement aux nouveau-nés ayant des signes cliniques de SDR. Les résultats ont démontré que cette dernière stratégie est sécuritaire et peut réduire le nombre de nouveau-nés qui sont intubés et reçoivent du surfactant [18][19][24]. Dans une récente analyse systématique, Isayama et coll. [25] ont comparé la technique INSURE à la CPAP seule et ne sont parvenus à aucune différence statistiquement significative entre les deux stratégies pour ce qui est de l’incidence de DBP ou de décès à 36 semaines de vie, de DBP, de décès, de fuite d’air pulmonaire, d’hémorragie intraventriculaire grave, d’atteinte neurodéveloppementale et de décès ou d’atteinte neurodéveloppementale. Les évaluations du risque relatif semblent toutefois tendre davantage vers la technique INSURE que vers la CPAP seule, surtout pour ce qui est de la DBP ou du décès, de la DBP et des fuites d’air pulmonaires. D’après ces études, la CPAP par voie nasale comme principal mode d’assistance respiratoire peu après la naissance est une façon acceptable de remplacer l’intubation élective et l’administration prophylactique de surfactant. Cependant, les critères pour administrer du surfactant aux nouveau-nés qui ont d’abord été placés sous CPAP sont moins clairs (qualité des preuves 1a).
La technique INSURE comporte un problème potentiel : la difficulté perçue d’extuber certains nouveau-nés, même s’ils n’ont pas reçu de prémédication. Dans une analyse systématique menée en 2015, les estimations groupées de six essais aléatoires et contrôlés ont démontré que plus de 90 % des nouveau-nés étaient extubés sans problème dans l’heure suivant l’utilisation de la technique INSURE [25]. Les facteurs de risque liés à l’incapacité d’extuber après l’utilisation de la technique INSURE incluent un âge gestationnel (AG) peu avancé, un indice d’Apgar bas à cinq minutes de vie et une fraction inspirée en oxygène (FiO2) supérieure à 0,50 avant l’administration de surfactant [26]. Toutefois, le risque de lésion pulmonaire demeure, même après une brève ventilation mécanique [27]. D’autres modes d’administration de surfactant sont nécessaires, dont certains sont exposés ci-dessous.
Dans une analyse systématique [8] sur le moment d’administrer du surfactant aux nouveau-nés prématurés intubés en raison d’un SDR, on a comparé l’administration précoce (dans les deux premières heures de vie) ou tardive (reportée jusqu’après la confirmation d’un SDR, généralement à compter de deux heures de vie) de surfactant. Des méta-analyses de six essais aléatoires ont révélé que l’administration précoce de surfactant réduisait considérablement le taux de mortalité, de DBP à 36 semaines de vie, de DBP ou de décès à 36 semaines de vie, de même que le risque de fuite d’air pulmonaire, sans accroître le risque d’hémorragie pulmonaire ou intraventriculaire grave. Deux études auprès de nouveau-nés plus prématurés (moins de 30 semaines d’AG) ont donné des résultats semblables et ainsi démontré que l’administration précoce de surfactant réduit le taux de mortalité et de DBP ou de décès à 36 semaines de vie [28][29]. Plusieurs études comparant l’administration précoce à l’administration tardive de surfactant, cette administration étant définie en fonction de seuils de besoin en oxygène, indiquent que des seuils peu élevés (FiO2 de 0,30 à 0,55) confèrent plus d’avantages que des seuils élevés (FiO2 de plus de 0,55). En effet, ils permettent d’administrer le surfactant plus tôt, soit avant l’apparition d’un SDR grave, sans accroître le taux d’intubation de manière appréciable [22][30][31]. Cette observation se vérifiait particulièrement chez les nouveau-nés de mères qui avaient reçu deux doses prénatales de corticostéroïdes. Selon une analyse systématique publiée en 2007, un examen reposant sur les critères des besoins en oxygène a révélé qu’un seuil plus faible d’intubation et d’administration de surfactant (FiO2 de 0,45 ou moins) était lié à une incidence plus faible de fuite d’air pulmonaire et de DBP qu’un seuil de FiO2 supérieur à 0,45 [23]. De plus, deux vastes études aléatoires selon lesquelles des nouveau-nés ayant d’abord été placés sous CPAP ne pouvaient pas recevoir de surfactant avant que leur seuil de FiO2 ait atteint 0,60 ont démontré une plus grande fréquence de pneumothorax que chez les nouveau-nés qui avaient été intubés et avaient reçu du surfactant rapidement [24][32] (qualité des preuves 1a).
Il est établi que l’utilisation de surfactant avant le transport de nouveau-nés prématurés vers un nouvel établissement est liée à un moins grand besoin d’oxygène pendant le transport et à une assistance ventilatoire plus courte que chez les sujets témoins [33] (qualité des preuves 4).
Quelle que soit la forme utilisée, le surfactant est efficace pour traiter le SDR. C’est une structure complexe, composée principalement de dipalmitoylphosphatidylcholine (DPPC) et des protéines A, B, C et D [34]. Les protéines B et C sont deux protéines hydrophobes qui jouent un rôle important dans l’adsorption et la distribution de la DPPC. Une foule d’analyses systématiques réalisées depuis la fin des années 1990 ont résumé les abondantes publications sur les nombreuses études cliniques comparant les effets des divers types de surfactant.
Les surfactants synthétiques de première génération sont composés de DPPC sans protéines et sont moins efficaces que les surfactants d’origine animale pour réduire l’assistance ventilatoire, les pneumothorax et la mortalité [4]. Le lucinactant (Surfaxin) est le seul surfactant de deuxième génération ayant jamais fait l’objet d’un essai chez les nouveau-nés. Il contient deux phospholipides, un acide gras et un peptide synthétique hydrophobe pour imiter la protéine B (KL4). Il a été retiré du marché en 2015 avant des études sur sa forme aérosolisée [34]. Un essai de phase II d’un surfactant synthétique de troisième génération qui inclut la DPPC et des analogues des protéines B et C (CHF5633) est en cours.
Il existe un large éventail de surfactants naturels ou d’origine animale, et de nombreux essais cliniques ont comparé l’efficacité des diverses préparations. Une analyse systématique de 13 essais aléatoires et contrôlés a associé l’administration de surfactant d’origine animale aux nouveau-nés atteints d’un SDR démontré à une amélioration notable de l’oxygénation, une diminution des besoins ventilatoires et une réduction des fuites d’air pulmonaires, de la mortalité avant le congé hospitalier et du décès ou de la DBP à 28 jours de vie par rapport à un placebo [6]. Une autre analyse systématique a porté sur 16 études comparant divers surfactants d’origine animale [7]. Les deux types de préparations de surfactant bovin étaient comparables en matière de réduction des décès ou des DBP, mais une méta-analyse a révélé que le surfactant porcin était plus efficace que le surfactant bovin pour réduire la mortalité avant le congé, le décès ou la DBP à 36 semaines de vie et la nécessité d’administrer une nouvelle dose. Dans les analyses de sous-groupe, l’avantage du surfactant porcin n’a été observé que dans la gamme posologique la plus élevée (supérieure à 100 mg/kg). Une étude récente [35] comparant le surfactant extrait de lipides bovin (BLES) à un extrait de broyat de poumon porcin (poractant) chez 87 nouveau-nés prématurés de moins de 32 semaines d’AG qui avaient eu besoin de surfactant dans les 48 premières heures de vie, a révélé que le poractant réduisait la durée de l’oxygénation d’appoint avec plus d’efficacité et semblait tendre vers un moindre taux de DBP chez les survivants. Cependant, l’utilisation de poractant était liée à une tendance vers un taux de mortalité plus élevé, même si ces décès n’étaient pas de nature respiratoire.
Bref, les surfactants d’origine animale et les surfactants synthétiques de nouvelle génération sont tous efficaces pour le traitement du SDR et pour améliorer la survie sans DBP. Lorsqu’on compare les divers surfactants d’origine animale, des données émergentes indiquent que l’extrait de broyat de poumon porcin, particulièrement à plus forte dose, serait supérieur au surfactant bovin pour améliorer une détresse respiratoire aiguë et réduire la mortalité ou la DBP chez les nouveau-nés ayant un SDR (qualité des preuves 1a).
À l’heure actuelle, la pratique généralement acceptée consiste à répéter la dose de surfactant seulement en présence d’un SDR persistant, démontré par les besoins de ventilation et d’oxygénation. Kattwinkel et coll. [36] ont étudié les effets de l’administration d’une nouvelle dose à un seuil peu élevé (FiO2 de plus de 0,30 et nécessité de maintenir l’intubation) plutôt qu’élevé (FiO2 de plus de 0,40 et besoin d’une pression moyenne des voies respiratoires de plus de 7 cm d’eau), dans les deux cas au moins six heures après la première dose. D’après les résultats, il est acceptable d’attendre que l’assistance respiratoire du nouveau-né s’intensifie avant d’administrer une nouvelle dose de surfactant, sauf si le SDR est compliqué par un sepsis ou une lésion hypoxo-ischémique périnatale. De plus, la concentration de la dose initiale peut être un facteur important à envisager dans ce contexte. Une étude sur le poractant [37] a révélé qu’une dose initiale plus élevée (200 mg/kg) était plus efficace pour réduire les besoins en oxygène, l’administration d’une nouvelle dose et la mortalité à 36 semaines d’AG post-menstruel. Le poractant est le seul produit assez concentré pour atteindre une dose aussi élevée dans un volume trachéal raisonnable [38] (qualité des preuves 1b).
Une méta-synthèse narrative (metanarrative review) des méthodes d’administration de surfactant moins invasives (notamment par cathéter fin, masque laryngé, voie pharyngée et nébulisation) réalisée en 2014 a démontré un intérêt clinique croissant pour les techniques qui évitent la ventilation mécanique chez les nouveau-nés atteints du SDR [39].
L’administration du surfactant par cathéter fin plutôt que par sonde trachéale peut permettre à la fois d’éviter la ventilation mécanique et de profiter des avantages du surfactant précoce [40]. Verder et coll. [41] ont été les premiers à décrire l’administration moins invasive de surfactant (LISA, d’après l’abréviation anglaise) en insérant un petit cathéter dans la trachée avec une pince Magill grâce à la laryngoscopie directe, tout en maintenant le nouveau-né sous CPAP. La LISA fait partie d’une stratégie complète qui inclut également l’évitement de la ventilation en pression positive, l’administration prénatale de stéroïdes, l’utilisation précoce de CPAP et l’administration de caféine en salle d’accouchement [40]. La LISA a été comparée à la technique INSURE dans une récente analyse systématique incluant six essais auprès de nouveau-nés prématurés atteints du SDR de 23 à moins de 34 semaines d’AG. Cette analyse a démontré que la LISA réduisait le besoin de ventilation mécanique, le décès ou la DBP à 36 semaines de vie et la DBP à 36 semaines de vie chez les survivants [42]. Dans une autre analyse systématique, la ventilation mécanique a été comparée à diverses stratégies de ventilation non invasives dans les 24 premières heures de vie de nouveau-nés prématurés (moins de 33 semaines d’AG) atteints de SDR. Par rapport à la ventilation mécanique ou à la CPAP seule, la LISA était la stratégie non invasive associée à la plus faible probabilité de décès ou de DBP à 36 semaines de vie [43] (qualité des preuves 2b).
Dargaville et coll. ont modifié la LISA pour privilégier l’utilisation d’un cathéter vasculaire plus rigide destiné aux adultes (évitant ainsi la pince Magill). Ils ont nommé cette technique « administration mini-invasive de surfactant » ou intervention de Hobart. Deux études d’observation sur cette nouvelle technique [44][45] ont donné des résultats semblables à ceux de la LISA, et une étude plus vaste se poursuit [46].
Pour ce qui est du type de surfactant utilisé, la plupart des études sur l’administration moins invasive et mini-invasive de surfactant ont fait appel au poractant [47] pour limiter le volume instillé. Une étude récente comparant l’administration de béractant, un surfactant de poumon bovin modifié, par LISA ou sonde trachéale (4 mL/kg chez des nouveau-nés prématurés de 26 à 32 semaines d’AG atteints du SDR) a conclu à un effet similaire de la LISA pour réduire le recours à la ventilation mécanique, mais à un taux élevé de reflux du surfactant (66 %) [48]. Aucun événement indésirable grave n’a été constaté dans une récente étude de cohorte sur l’expérience de la LISA à l’aide du surfactant extrait de lipides bovin (5 mL/kg chez des nouveau-nés prématurés d’au moins 28 semaines d’AG), y compris le reflux de surfactant [49]. Des inquiétudes ont également été soulevées à l’égard de la perte du surfactant dans les sondes d’alimentation, qui peut être jusqu’à deux fois supérieure à celle observée dans une sonde trachéale [50][51]. Une étude sur les résultats observés au bout de deux ans chez des nouveau-nés prématurés de moins de 32 semaines d’AG qui avaient été traités par la LISA ou la technique INSURE n’a révélé aucune différence à l’égard des troubles respiratoires, des déficits neurosensoriels ou des atteintes neurodéveloppementales [52].
Plusieurs études traitent de l’utilisation du masque laryngé pour administrer du surfactant aux nouveau-nés prématurés ayant un AG plus avancé (29 à 35 semaines), prouvant ainsi la faisabilité de cette méthode qui, par rapport au surfactant administré par sonde trachéale, pourrait favoriser une meilleure oxygénation et réduire le recours à la ventilation invasive [53]-[57]. Cette dernière observation peut toutefois être faussée par le fait que l’insertion du masque laryngé est effectuée sans prémédication, contrairement à la technique INSURE. Une nouvelle technique d’administration moins invasive ou mini-invasive de surfactant, qui consiste à insérer un cathéter par le masque laryngé, a été décrite, et il est démontré qu’elle peut être exécutée sans causer d’effets indésirables manifestes [58] (qualité des preuves 2b).
L’administration de surfactant pharyngé permet de distribuer du surfactant à l’interface air-liquide pendant la respiration spontanée. Une vaste étude aléatoire et contrôlée comparant le surfactant pharyngé à un placebo de sérum physiologique a confirmé une réduction marquée du taux de mortalité, de la gravité du SDR et des besoins ventilatoires [59]. Cependant, les résultats de l’étude ont été faussés par un nombre important de nouveau-nés des deux groupes qui ont ensuite dû être intubés et recevoir du surfactant, ce qui empêche de tirer des conclusions définitives sur les avantages de cette approche (qualité des preuves 2b).
La nébulisation est la seule véritable méthode non invasive pour administrer du surfactant exogène. Cependant, l’effet du surfactant nébulisé est fonction de plusieurs facteurs importants, y compris la dimension optimale des particules (0,5 µm à 2,0 µm), la stabilité du produit après la nébulisation et la perte des particules par rapport à une dose efficace [47]. Des études cliniques antérieures faisant appel à des nébuliseurs à jet [60][61] n’ont démontré aucun avantage clinique notable. Dans une étude de faisabilité du lucinactant en nébulisation, les chercheurs ont utilisé des nébuliseurs à membrane perforée vibrante [62] et démontré que ce traitement était sécuritaire, tolérable et lié à des effets cliniques favorables après une administration précoce. Un dispositif plus récent peut administrer de plus fortes doses de surfactant aux poumons des nouveau-nés [63], et une étude récente [64] auprès de nouveau-nés prématurés atteints d’un SDR léger, qui a évalué l’administration aléatoire d’une CPAP à bulles avec ou sans poractant aérosolisé, a révélé un moins grand nombre d’intubations dans le sous-groupe de nouveau-nés ayant l’AG le plus avancé (32+0 à 33+6 semaines d’AG) s’il avait été traité par surfactant en nébulisation (qualité des preuves 1b).
En cas de syndrome d’aspiration méconiale, le traitement par surfactant exogène peut atténuer la détresse respiratoire causée, en partie, par l’inactivation des surfactants naturels attribuable au méconium et aux protéines plasmatiques. Le lavage au surfactant peut également contribuer à expulser les particules de méconium des voies respiratoires des nouveau-nés. Une analyse systématique [65] incluait trois petites études du surfactant dilué à diverses concentrations dans du sérum physiologique et utilisé pour le lavage chez des nouveau-nés à terme ou peu prématurés présentant un syndrome d’aspiration méconiale. Elle n’a démontré aucune différence quant au taux de mortalité, d’oxygénation extracorporelle, d’apparition d’un pneumothorax, de durée de ventilation ou de durée d’hospitalisation. Cependant, le lavage au surfactant s’associait à une diminution des issues combinées de décès ou d’oxygénation extracorporelle (qualité des preuves 2b). Une autre analyse systématique [66] a porté sur le rôle du surfactant exogène dans le syndrome d’aspiration méconiale, et même si, à son tour, elle n’a pas établi de différence quant au taux de mortalité, de fuite d’air pulmonaire, de durée de ventilation et de période d’administration de l’oxygène d’appoint, elle a démontré une réduction appréciable de l’oxygénation extracorporelle (qualité des preuves 2b). En cas de pneumonie néonatale, certains cliniciens peuvent choisir d’administrer du surfactant selon des principes semblables, mais aucune donnée probante ne corrobore cette pratique pour l’instant [67] (qualité des preuves 5).
Aucun essai clinique n’était inclus dans une analyse systématique [68] sur l’administration de surfactant aux nouveau-nés à terme ou prématurés atteints d’une hémorragie pulmonaire. Cependant, d’après deux petites études d’observation, l’administration de surfactant après une hémorragie pulmonaire pourrait améliorer l’indice d’oxygénation des nouveau-nés [69][70]. Il est à souligner que l’hémorragie pulmonaire peut également être une complication d’un traitement par surfactant [71] (qualité des preuves 4).
D’après les meilleures données probantes disponibles, l’administration de surfactant exogène peut être recommandée chez les nouveau-nés dans les situations suivantes :
Le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie a révisé le présent document de principes.
Membres : Gabriel Altit MD, Nicole Anderson MD (membre résidente), Heidi Budden MD (représentante du conseil), Mireille Guillot MD (membre résidente), Leonora Hendson MD (membre sortant), Thierry Lacaze-Masmonteil MD, Ph. D. (président sortant), Brigitte Lemyre MD, Souvik Mitra MD, Michael R. Narvey MD (président), Eugene Ng MD, Nicole Radziminski MD, Vibhuti Shah MD (membre sortant)
Représentants : Radha Chari MD, La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada; James Cummings MD, comité d’étude du fœtus et du nouveau-né, American Academy of Pediatrics; William Ehman MD, Le Collège des médecins de famille du Canada; Danica Hamilton inf., Association canadienne des infirmières et infirmiers en néonatologie; Chloë Joynt MD, section de la médecine néonatale et périnatale de la SCP; Roxanne Laforge inf., Partenariat des programmes périnatals du Canada; Chantal Nelson Ph. D., Agence de la santé publique du Canada; Eugene H. Ng MD, section de la médecine néonatale et périnatale de la SCP
Auteurs principaux : Eugene Ng MD, Vibhuti Shah MD
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 8 février 2024