Document de principes
Affichage : le 18 janvier 2023
Kristian Goulet MD FRCPC, Suzanne Beno MD FRCPC; Société canadienne de pédiatrie, Comité de la prévention des blessures
Paediatr Child Health 2023 28(4):259–266.
Les commotions cérébrales sont des lésions courantes tant dans un contexte sportif et de loisirs qu’ailleurs, et elles demeurent une grave préoccupation chez les enfants et les adolescents. Toute jeune personne chez qui on soupçonne une commotion cérébrale devrait être soumise à une évaluation médicale le plus rapidement possible, et lorsque la commotion est subie pendant une activité sportive, la victime doit être immédiatement retirée du jeu afin d’éviter des lésions secondaires. Une brève période initiale de repos physique et cognitif est suivie d’un protocole graduel et supervisé de retour à l’apprentissage et de retour au jeu. Tous les intervenants qui participent aux sports et aux loisirs chez les enfants et les adolescents doivent être en mesure de reconnaître les risques de commotion cérébrale, de même que les signes et symptômes s’y rattachant. Ils doivent également s’assurer que toute personne chez qui on soupçonne une commotion est évaluée et prise en charge de manière appropriée par du personnel médical qualifié. L’évolution des données et des publications scientifiques a renforcé à la fois la compréhension de la physiopathologie des commotions cérébrales et les conseils de prise en charge clinique, particulièrement en matière de soins aigus, de symptômes persistants et de prévention. Le présent document de principes revient également sur la relation entre les mises en échec au hockey et le taux de blessures et préconise de changer les politiques au hockey mineur.
Mots-clés : adolescents; commotion cérébrale; enfants; jeunes; mise en échec; retour à l’apprentissage; retour au jeu; sport
Les commotions cérébrales, également appelées traumatismes craniocérébraux (TCC) légers, demeurent une cause prévalente et importante de morbidité globale chez les enfants et les adolescents. Les TCC sont la principale cause de décès et d’incapacité d’origine traumatique dans la population pédiatrique mondiale, et les commotions cérébrales sont responsables de 80 % à 90 % d’entre eux [1]. On estime que 200 000 commotions cérébrales se produisent annuellement au Canada, les enfants et les jeunes étant les plus touchés [2][3]. Le domaine du diagnostic et de la prise en charge des commotions cérébrales évolue rapidement et mobilise la communauté mondiale [4]. En 2012, la Société canadienne de pédiatrie a publié un document de principes sur les commotions cérébrales liées à un sport chez les enfants et les adolescents [5]. Les percées majeures dans la compréhension des commotions cérébrales accomplies depuis justifient une révision pour en refléter les développements, notamment le rôle des mises en échec dans l’épidémiologie des commotions cérébrales liées au hockey. Le présent document de principes résume et fait ressortir les données probantes récentes et les pratiques exemplaires à jour pour prendre les commotions cérébrales en charge chez les enfants et les adolescents.
Tout enfant ou adolescent victime d’une chute ou d’un coup important doit faire l’objet d’une évaluation de traumatisme crânien et d’éventuelle commotion cérébrale. La 5e déclaration de consensus international sur les commotions cérébrales dans le sport définit les commotions cérébrales dans le sport (CCS) comme un TCC induit par des forces biomécaniques qui entraîne l’apparition rapide d’une atteinte passagère du fonctionnement neurologique, à la résolution spontanée [6]. Une commotion cérébrale peut être attribuable à un impact direct sur la tête, le cou, le visage ou une autre partie du corps, qui transmet une force d’impulsion au cerveau. Elle est la manifestation d’une lésion cérébrale essentiellement fonctionnelle plutôt que structurelle, qui ne s’associe à aucune anomalie d’après les études de neuro-imagerie structurelle standards. Les CCS peuvent provoquer un éventail de signes et symptômes cliniques. Leur résolution suit généralement une évolution séquentielle, et la vaste majorité se dissipe dans les quatre semaines, sans complications à long terme. Les symptômes peuvent toutefois être plus prolongés. Le diagnostic de CCS aigu touche divers aspects, les signes et symptômes commotionnels incluant, entre autres, des manifestations physiques, une atteinte cognitive, des caractéristiques neurocomportementales et des perturbations du cycle de sommeil et d’éveil (figure 1).
Figure 1. Les signes et symptômes cliniques de commotion cérébrale
Source : Parachute. Reproduction autorisée
Après un choc brutal, il est impératif de s’assurer de la stabilité du patient et d’évaluer la présence d’autres traumatismes, plus particulièrement un traumatisme crânien structurel (touchant les structures du cerveau) ou un traumatisme du rachis cervical. La diminution de la stimulation environnementale peut favoriser une évaluation plus complète et précise. Lors de la prise en charge des commotions cérébrales, les professionnels de la santé doivent savoir que la plupart ne provoquent pas de perte de conscience ni de signes neurologiques focaux et que les symptômes peuvent se déclarer de quelques heures à quelques jours après l’incident [6][7]. Par ailleurs, de nombreuses affections peuvent évoquer les symptômes de commotion cérébrale. Les signes ou symptômes cliniques de commotion cérébrale doivent 1) inclure au moins l’un de ceux énumérés à la figure 1; 2) se manifester après la lésion à la tête et 3) être impossibles à expliquer facilement par une affection cooccurrente. Il faut envisager d’autres diagnostics (p. ex., un traumatisme crânien structurel) et évaluer les variables confusionnelles (c’est-à-dire des facteurs comorbides ou extracrâniens préexistants) avant de poser un diagnostic de commotion cérébrale [8].
Puisque de nombreuses variables peuvent influer sur la symptomatologie, aucun test unique ni aucun outil d’évaluation ne permet de poser un diagnostic immédiat de commotion cérébrale ou ne peut être utilisé pour prédire avec précision comment un enfant se remettra d’un traumatisme crânien [6][7][9]. L’Outil d’évaluation des commotions dans le sport pour les enfants âgés de 5 à 12 ans (Child SCAT5) est largement considéré comme le meilleur outil d’évaluation disponible pour contribuer au diagnostic de CCS. Le Child SCAT5 contient les signaux d’alarme, les signes visibles, l’échelle de Glasgow, l’évaluation de la colonne cervicale, les antécédents, un rapport de l’enfant et un autre du parent sur les symptômes, l’évaluation de la mémoire, le dépistage cognitif et le dépistage neurologique, y compris un examen de l’équilibre [10]. Pour les personnes de 13 ans et plus, l’Outil d’évaluation de la commotion dans le sport – 5e édition (ou SCAT5) peut être utilisé. Les professionnels de la santé doivent adopter une approche multidimensionnelle adaptée à l’âge auprès des enfants et des adolescents chez qui on craint une commotion cérébrale, même s’ils ne présentent pas de symptômes au départ. Idéalement, ils effectuent des évaluations sérielles à l’aide d’échelles validées d’évaluation des symptômes et d’une vérification de l’équilibre et de la cognition [8].
Des avancées technologiques sont à l’étude pour évaluer les commotions cérébrales, mais ne sont pas encore généralisées, y compris la neuro-imagerie, les biomarqueurs cérébraux, les tests informatisés et les capteurs d’impact à la tête. Certaines modalités de neuro-imagerie avancées sont prometteuses, mais n’ont pas encore de visée diagnostique [2][4][6][11]. De même, de multiples biomarqueurs cérébraux, notamment le s100b, n’ont pas fourni de données probantes fiables pour être utilisés régulièrement dans la prise en charge des commotions cérébrales [12]. Les électroencéphalogrammes et les tests génétiques sont également à l’étude, mais ne sont pas approuvés [1][4][6]. Les casques munis de capteurs, malgré leur caractère prometteur et leur utilisation généralisée, ne sont pas encore validés et peuvent contribuer à une représentation inexacte du traumatisme crânien [6]. Les tests neuropsychologiques validés sont considérés comme un outil important de l’évaluation multimodale et de la prise en charge des commotions cérébrales, mais les tests neurocognitifs ne devraient pas être utilisés seuls et il ne faudrait pas uniquement s’y fier pour poser un diagnostic, tandis que les tests de référence ne constituent pas une norme des soins pour diverses raisons, y compris une sensibilité et une reproductibilité déficientes [6][8][13][14].
Même si la plupart des enfants et des adolescents victimes d’une commotion cérébrale se rétablissent dans les quatre semaines [8][15], ils peuvent également éprouver des symptômes plus prolongés. Des recherches récentes ont fait ressortir des facteurs de risque qui contribuent à cette prolongation des symptômes et au ralentissement du rétablissement. Un outil prédictif conçu pour le département d’urgence figure à l’adresse www.5pconcussion.com/en/scorecalculator [16]. Les principaux facteurs de risque, déterminés dans une méta-analyse complète publiée en 2017, s’établissent comme suit : les troubles de santé mentale cooccurrents ou antérieurs, un traumatisme cervical cooccurrent, un fardeau élevé de symptômes initiaux, un âge inférieur à 18 ans (le risque le plus élevé se situant entre 13 et 17 ans), le sexe féminin et la présence d’un dysfonctionnement oculaire [17]. Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ont également établi que les antécédents de TCC léger, les troubles neurologiques ou psychiatriques antérieurs, les difficultés d’apprentissage, les symptômes « postcommotionnels » présents avant le traumatisme et les facteurs de stress familiaux et sociaux sont d’autres facteurs de risque d’une symptomatologie persistante [4].
Lorsque les symptômes subsistent plus de trois mois, il faut envisager d’autres facteurs que le traumatisme crânien et l’atteinte neuronale connexe comme principaux catalyseurs de la symptomatologie [8][17]-[19]. On pense désormais que les déficits cognitifs prolongés après une commotion cérébrale seraient davantage attribuables à la dépression, à l’anxiété, aux troubles du sommeil ou à des troubles de l’attention non dépistés qu’au traumatisme lui-même, ce qui a des conséquences thérapeutiques importantes [8][17]. Pour bien circonscrire l’étiologie des symptômes, les Centers for Disease Control prônent une évaluation neuropsychologique validée chez les patients pédiatriques. Les familles qui n’ont pas accès à ce type d’évaluation devraient être envoyées en consultation auprès d’un médecin ou d’une infirmière praticienne qui a l’expérience de traiter des patients ayant des symptômes prolongés. Il est essentiel de déterminer et de traiter les variables confusionnelles pour optimiser le fonctionnement et le bien-être des enfants et des adolescents dont les symptômes liés aux commotions persistent.
Par exemple, selon les études, lorsque les patients attribuent à tort leurs symptômes au traumatisme crânien, leur rétablissement s’en trouve compromis, dans un phénomène d’« attente en tant qu’étiologie » [20]-[23]. Il est essentiel de dépister rapidement les troubles de santé mentale et les jeunes qui courent un risque particulier pour quelque raison que ce soit, afin d’en prévenir l’exacerbation pendant la période de convalescence [7]. Le terme « syndrome postcommotionnel » n’est plus en usage, parce que les symptômes de commotion cérébrale ne sont plus considérés comme de nature « syndromique », mais plutôt comme le reflet de nombreuses affections. Le terme « symptômes postcommotionnels persistants » est le plus accepté actuellement [18].
Pour obtenir une analyse complète et détaillée de la prise en charge des commotions cérébrales, voir les Lignes directrices évolutives pour le diagnostic et la gestion des commotions cérébrales en pédiatrie. Ces directives distinguent les traumatismes crâniens aigus des commotions cérébrales et des symptômes postcommotionnels persistants en fonction du vaste éventail d’étiologies et de présentations cliniques possibles. Le présent document de principes privilégie une prise en charge graduelle par l’éducation, le repos, le retour à l’apprentissage et le retour au jeu.
Il est essentiel de fournir de l’information rapide, appropriée et précise sur la prise en charge des commotions cérébrales. Les professionnels de la santé devraient rassurer les enfants, les adolescents et les familles en leur expliquant que la grande majorité des jeunes victimes d’une commotion cérébrale (soit 70 % à 80 % d’entre elles) se rétablissent sans problème particulier dans les quatre semaines [4]. L’éducation devrait porter sur une trajectoire progressive et séquentielle des soins, sur les signaux d’alarme qui peuvent évoquer une lésion plus grave et sur les moyens de prévenir un nouveau traumatisme par le respect des protocoles de retour à l’apprentissage et de retour au jeu.
Le rôle du repos a considérablement changé ces dernières années dans la prise en charge des commotions cérébrales. En effet, il est désormais reconnu que le repos prolongé peut avoir des effets négatifs sur le rétablissement, tandis que les exercices à faible impact pourraient être bénéfiques [24]. Une période de repos restrictif initiale de 24 à 48 heures demeure recommandée, suivie d’une augmentation graduelle de l’activité physique et cognitive [7], mais il est établi que la reprise d’exercices légers au bout de 72 heures est sécuritaire et associée à un moins grand nombre de symptômes deux semaines après la commotion [25]. Tout au long de la prise en charge, l’enfant ou l’adolescent devrait conserver un taux d’activité qui n’aggrave pas ses symptômes, n’en produit pas de nouveaux et ne le rend pas vulnérable à un nouveau traumatisme. Les activités sociales peuvent s’accroître progressivement en parallèle [4][7]. Le processus de rétablissement doit respecter une approche graduelle, jusqu’à ce que le patient ait retrouvé ses activités physiques et cognitives habituelles [4][6].
Le processus de retour à l’école sans symptômes doit être bien établi avant la reprise complète de la participation au sport, particulièrement en présence d’un risque d’impact ou de nouvelle lésion. La réintégration lente, délibérée et appropriée des enfants et des adolescents à la vie et aux habitudes normales après un traumatisme crânien est associée à deux processus : le retour à l’apprentissage et le retour au jeu.
Deux recommandations relativement récentes s’appliquent au retour à l’école et à l’apprentissage. D’abord, il n’est plus nécessaire d’obtenir l’autorisation d’un médecin avant le retour à l’école, et ensuite, les enfants et les adolescents devraient être encouragés à reprendre l’école le plus rapidement possible, pourvu que des mesures de soutien personnalisées importantes soient en place [7]. Plusieurs modèles adaptés de retour à l’apprentissage, qui contiennent des exemples de mesures de soutien, sont mis à la disposition des médecins, des patients et des familles. Pour obtenir un résumé à jour du retour à l’apprentissage et du retour au jeu après une commotion cérébrale, consultez les Lignes directrices évolutives pour le diagnostic et la gestion des commotions cérébrales en pédiatrie.
Il est approprié de recommencer rapidement à effectuer des activités physiques limitées par les symptômes. Cependant, tant que l’enfant ou l’adolescent n’a pas repris pleinement l’école, il ne devrait pas retourner au jeu si celui-ci est associé à un risque de collision ou de chute [6]. Les principes fondamentaux de retour au sport s’établissent comme suit : aucun retour au jeu ne devrait être autorisé le jour du traumatisme présumé, le retour au jeu devrait respecter une approche graduelle et un médecin doit autoriser la reprise du sport de contact ou du jeu sur le terrain [7]. Il est essentiel de respecter rigoureusement ces lignes directrices pour éviter d’aggraver les symptômes et pour prévenir des lésions secondaires avant le plein rétablissement [26].
Les soins dont ont besoin les personnes qui éprouvent des symptômes prolongés devraient être fournis par une équipe multidisciplinaire, tout facteur cooccurrent ou contributif devant être évalué et pris en charge. Les tests diagnostiques et certains traitements sont mieux pris en charge par un médecin ou une infirmière praticienne qui a l’habitude de traiter les symptômes prolongés liés aux commotions cérébrales et qui, dans la mesure du possible, fait partie d’une équipe multidisciplinaire. Une thérapie fondée sur des données probantes sous la direction d’un professionnel de la santé compétent doit être entreprise et administrée en fonction de chaque cas et peut inclure des traitements psychologiques, une réadaptation cervicale ou vestibulaire ou ces deux traitements. Le traitement doit cibler des symptômes précis, visant à réduire le stress, à assurer une hydratation suffisante, à contrôler les céphalées, à optimiser le sommeil, à réduire le temps d’écran et à maintenir un équilibre approprié entre le repos et l’activité. On ne soulignera jamais assez l’importance de saines habitudes de sommeil, puisque jusqu’à 85 % des symptômes prolongés après un traumatisme crânien sont partiellement attribuables à un dysfonctionnement du sommeil. Les enfants et les adolescents peuvent également avoir besoin de soutien psychosocial et émotionnel sous forme de psychothérapie ou de thérapie cognitivo-comportementale pour traiter l’anxiété et la dépression associées au traumatisme crânien [4][8]. Les données sur l’utilisation de la pharmacothérapie pour traiter les commotions cérébrales sont limitées. Les médicaments qui ciblent des symptômes précis sont parfois utilisés, conjointement à des protocoles rigoureux de retour au jeu [6][27]. Consulter les Lignes directrices pour obtenir un résumé des possibilités de traitement [7].
Le syndrome du second impact se produit lorsqu’une personne subit un deuxième traumatisme crânien anormalement grave avant de s’être tout à fait rétablie d’une commotion cérébrale [28]. Les processus physiopathologiques qui en sont responsables demeurent flous, et bien que ce syndrome soit rare, ses conséquences peuvent être dévastatrices, car il peut même entraîner une incapacité permanente ou un décès. Le risque de syndrome du second impact fait ressortir l’importance de retirer immédiatement du jeu l’enfant ou l’adolescent chez qui on craint une commotion cérébrale et de procéder ensuite à un retour au jeu ou au sport graduel et supervisé. La défense des intérêts en santé publique, sous la forme de la loi Rowan, est un exemple de législation qui a favorisé la sensibilisation aux commotions cérébrales, l’éducation sur le sujet et la création de protocoles de retour au jeu plus sécuritaire.
Les effets à long terme de traumatismes crâniens répétés constituent un enjeu très controversé lié aux commotions cérébrales. On redoute de plus en plus que des commotions cérébrales récurrentes, ou même des coups subcommotionnels répétés, puissent être responsables d’un spectre de complications du nom d’encéphalopathie traumatique chronique. Ce type d’encéphalopathie est un diagnostic pathologique dont on ne connaît pas encore pleinement les conséquences cliniques [6]. Jusqu’à présent, les études épidémiologiques sur les enfants et les adolescents qui participent à des sports de contact et de collision n’ont pas établi la présence de conséquences neurologiques ou psychiatriques à long terme. Les publications sur les séquelles neurocomportementales et les conséquences à long terme des traumatismes répétés sont contradictoires, mais la 5e déclaration de consensus international sur les commotions cérébrales dans le sport, publiée en 2016-2017, soulignait le risque d’effets à long terme des traumatismes répétés, y compris l’atteinte cognitive et les problèmes de santé mentale. Une cohorte rétrospective a récemment démontré une modeste association entre une commotion cérébrale subie pendant l’enfance et le risque subséquent de problèmes de santé mentale, d’hospitalisations en psychiatrie et de blessures auto-infligées [29]. Il reste encore beaucoup à apprendre sur la relation entre les traumatismes crâniens et l’apparition d’une encéphalopathie traumatique chronique [6].
L’obligation de se retirer d’un sport qu’ils aiment peut avoir des ramifications importantes sur la santé physique et mentale des enfants et des adolescents, et les données indiquant quand la retraite devient nécessaire ou conseillée sont rares. Il est recommandé d’adopter une approche multidisciplinaire respectueuse de chaque cas, qui soupèse soigneusement les risques et avantages de la retraite par rapport à l’histoire médicale de l’athlète, à son état clinique et à sa fonction cognitive [8]. On ne sait toujours pas quel nombre de commotions cérébrales devient trop élevé pour l’enfant ou l’adolescent moyen, et le nombre de traumatismes n’est que l’un des facteurs qui influent sur la santé et le bien-être à long terme [30][31]. Des recherches devront être réalisées sur les modèles risques-avantages personnalisés pour orienter des décisions éclairées sur la retraite ou la réorientation vers un sport sans contact ou collision.
Le hockey sur glace est l’un des sports les plus populaires du Canada, plus de 460 000 jeunes joueurs y étant inscrits en 2019-2020. Avec la crosse, le hockey est considéré comme un sport national, et la Société canadienne de pédiatrie en reconnaît les effets historiques positifs importants sur la santé mentale, physique et sociale des Canadiens. Cependant, le lien entre les mises en échec et les blessures au hockey font l’objet d’études depuis des décennies. La question a pris une importance nationale en 1989, lorsqu’une étude magistrale a révélé que les mises en échec autorisées dès un jeune âge favorisaient un jeu plus agressif et un taux de pénalités et de blessures plus élevé [30]. Depuis, de nombreuses études ont confirmé une forte corrélation entre les mises en échec et le taux de blessures chez les enfants et les adolescents [32]-[34]. Un vaste ensemble de données, que la National High School Sports-Related Injury Surveillance Study (étude nationale de surveillance des blessures liées au sport au secondaire) a compilées entre 2005 et 2016, a révélé que 41,1 % des blessures subies au hockey étaient attribuables à des mises en échec. Dans une autre étude menée en 2011, des chercheurs ont suivi 3 000 garçons de quatre à 18 ans sur une période de cinq ans et ont découvert que le taux de blessures était de trois à quatre fois plus élevé dans les ligues qui autorisaient les mises en échec [30]. Ce taux a augmenté au Canada depuis et devrait continuer de grimper à mesure que les joueurs deviennent plus massifs, plus rapides et plus forts [35].
Les mises en échec constituent également un facteur de risque important de commotion cérébrale [36][37]. Selon les données du Système canadien hospitalier d'information et de recherche en prévention des traumatismes colligées entre 2011 et 2017, le hockey sur glace était la principale cause de TCC liés au sport et aux loisirs dans tous les groupes d’âge pédiatrique, autant chez les garçons que chez les filles, en grande partie à cause du grand nombre de participants [3]. Dans une méta-analyse des stratégies pour réduire le nombre de commotions cérébrales, il était estimé que l’élimination des mises en échec réduirait le taux de commotions cérébrales de 20 % à 90 % dans tous les groupes d’âge au Canada [38].
Les coups subcommotionnels, responsables de traumatismes crâniens qui ne produisent pas de commotion cérébrale, mais qui peuvent avoir des effets durables sur le cerveau en développement, doivent également être suivis de près. Une étude de 2014 qui comparait le hockey masculin (mises en échec autorisées) au hockey féminin (mises en échec interdites) a établi que les garçons subissaient une médiane de 287 impacts à la tête (écart interquartile (ÉIQ) : 202 à 445) par saison, par rapport à 170 chez les filles (ÉIQ : 119 à 230) [39].
La technologie vidéo avancée qui mesure les « tensions cérébrales » donne un aperçu plus poussé des véritables répercussions des mises en échec. En raison des forces transmises au cerveau pendant les mises en échec provoquant des lésions, les chercheurs préconisent maintenant d’interdire complètement les mises en échec pour réduire la force des impacts sur les bandes [40]. En 2021, une étude a enregistré 172 parties dans six groupes d’âge sur une période de deux ans et recréé la quantité de traumatismes crâniens en laboratoire. Une augmentation des TCC a été démontrée lors des mises en échec pendant les parties [41].
Des données croissantes en provenance à la fois des États-Unis (en 2012) et du Canada (en 2013) ont entraîné l’adoption d’une nouvelle politique qui retarde les mises en échec jusqu’à ce que les joueurs bantams (maintenant appelés U15) soient âgés de 13 à 14 ans. En 2014, l’American Academy of Pediatrics a proposé de restreindre les mises en échec à la catégorie élite du hockey masculin, qui ne commence pas avant l’âge de 15 ans [42]. Tant la Société canadienne de pédiatrie que l’American Academy of Pediatrics considèrent approprié de retarder les mises en échec non seulement à cause de la variabilité importante de la maturation corporelle à cet âge, mais également pour réduire le jeu agressif [31][43].
Les changements à la politique de mise en échec adoptés par Hockey Canada et USA Hockey ont permis de procéder à une étude prospective des effets de cette réforme sur les taux de blessures. À l’aide des données du National Electronic Injury Surveillance System (de 2008 à 2010 par rapport à 2013 à 2015), une étude a démontré que l’élimination des mises en échec au hockey avait favorisé une diminution de 16,6 % du taux global de blessures et de 38 % des blessures attribuables aux mises en échec chez les jeunes joueurs [44]. Une autre analyse des données sur les blessures chez les joueurs de hockey pee-wee canadiens (moins de 13 ans), à la fois avant et après la modification de la règle sur les mises en échec, a révélé une réduction relative de 50 % du taux de blessures et une réduction de 64 % du taux de commotions cérébrales [33].
Plus de 150 intervenants importants du hockey mineur se sont rencontrés en 2017 afin de rendre le hockey le plus sécuritaire possible. Après avoir analysé plus de 40 publications scientifiques, ils ont produit un document officiel, intitulé Proceedings from the Ice Hockey Summit III: Action on Concussion. Ils se donnaient l’objectif d’éliminer les mises en échec dans les parties de hockey bantam [45].
Il est démontré que les taux de blessures et de commotions cérébrales sont trois fois plus élevés chez les joueurs de hockey pee-wee non élite des ligues où les mises en échec sont autorisées que de celles où elles sont interdites [33]. Une étude a comparé le taux de blessures entre les joueurs bantams élites et non élites sur une période de deux ans (de 2014 à 2016). Le taux de blessures global diminuait de 54 %, et le taux de blessures graves, de 61 % lorsque les mises en échec étaient interdites chez les joueurs non élite. Une diminution de 40 % du taux de commotions cérébrales et de 45 % du taux de commotions cérébrales graves était également observée, même si ces résultats n’avaient pas de signification statistique. Les auteurs de l’étude ont estimé que l’élimination des mises en échec chez les joueurs non élites pouvait prévenir 6 386 blessures et 4 340 blessures graves [32]. Une autre étude canadienne récente a révélé que l'interdiction des mises en échec chez les joueurs non élites de 13 à 14 ans avait réduit le taux de blessures de 4,32 sur 1 000 heures-joueurs [46]. Les coûts de santé ont également été étudiés, et on estime qu’ils étaient 2,5 fois moins élevés dans les ligues où les mises en échec sont interdites chez les 11 à 12 ans [46]. En extrapolant ces observations, on peut en déduire une économie de plus de 1 500 $ sur 1 000 heures-joueurs pour le système de santé canadien [47].
Malgré les effets des TCC et plus particulièrement des commotions cérébrales chez les individus et dans l’ensemble de la société, les stratégies sanitaires visant à réduire le risque de commotions cérébrales demeurent difficiles à établir, en partie à cause des vastes étiologies des traumatismes crâniens et des mécanismes qui en sont responsables [3].
Les analyses systématiques sur l’utilisation du casque et les commotions cérébrales ne sont pas concluantes. Il est démontré que le casque réduit les TCC modérés à graves, mais leur capacité à restreindre le risque de commotion cérébrale n’est pas démontré [6][31]. Le casque ne semble pas réduire le risque de commotion cérébrale au rugby et au soccer, mais il est fortement recommandé pour le football de contact, le hockey sur glace, la crosse, le ski de descente, la planche à neige, la planche à roulettes et le vélo, afin prévenir les TCC modérés à graves [31]. Plus de recherches devront être réalisées pour déterminer l’efficacité du port d’un casque approprié pour prévenir ou atténuer les commotions cérébrales.
Les données probantes qui appuient l’utilisation du protège-dents pour prévenir les commotions cérébrales sont mitigées, mais il existe une tendance non significative en faveur de son effet protecteur lorsqu’il est utilisé dans des sports de collision [30]. Il est démontré que le protège-dents réduit le risque de traumatisme aux dents ou aux os du visage, et il est recommandé lors d’activités à haut risque. Des recherches sur l’utilisation du protège-dents dans les sports de contact devront être réalisées, mais après avoir combiné les données provenant du basketball, du hockey sur glace et du rugby, une méta-analyse laisse supposer une diminution de 19 % du risque de commotion cérébrale [38].
Les changements de politiques, la mise en vigueur des règles et l’éducation sont les meilleures stratégies fondées sur des données probantes pour prévenir les traumatismes crâniens [6][48]. Les athlètes, les officiels, les administrateurs, les parents, les entraîneurs et les professionnels de la santé ont tous besoin d’être informés et éduqués à l’égard des risques de CCS, de ses manifestations cliniques, des techniques d’évaluation et des principes de retour sécuritaire au jeu [6]. Une méta-analyse a porté sur les stratégies de prévention des commotions cérébrales [49], y compris l’éducation, le port approprié du masque et l’interdiction des mises en échec au hockey pour les jeunes joueurs. D’après leurs observations, le renforcement des muscles du cou chez les jeunes athlètes pourrait contribuer à prévenir les traumatismes, mais les données probantes étaient insuffisantes pour en faire une stratégie visant à réduire le risque de commotion cérébrale [49].
Les professionnels de la santé devraient :
Les auteurs tiennent à remercier Pamela Fuselli et Stephanie Cowle qui ont révisé le présent document de principes pour le compte de Parachute Canada. Le comité de la pédiatrie communautaire et le comité de la santé de l’adolescent de la Société canadienne de pédiatrie l’ont également révisé.
Membres : Dominic Allain FRCPC MD, Émilie Beaulieu MD MSP, Suzanne Beno MD (présidente), Jeff Critch MD (représentant du conseil), Kristian Goulet MD, Daniel Rosenfield MD
Représentants : André Champagne (Agence de la santé publique du Canada), Pamela Fuselli (Parachute – Leaders in Injury Prevention), April Kam MD (section de la médecine d’urgence pédiatrique de la SCP)
Auteurs principaux : Kristian Goulet MD FRCPC, Suzanne Beno MD FRCPC
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 7 décembre 2023