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Les blessures par piqûre d’aiguille dans un lieu public

Affichage : le 19 novembre 2018 | Mise à jour : le 14 mars 2024


La Société canadienne de pédiatrie vous autorise à imprimer une copie unique de ce document tiré de notre site Web. Pour obtenir l'autorisation d'en réimprimer ou d'en reproduire des copies multiples, lisez notre politique sur les droits d'auteur, à l'adresse www.cps.ca/fr/policies-politiques/droits-auteur.

Auteur(s) principal(aux)

Dorothy L. Moore; Société canadienne de pédiatrie, Comité des maladies infectieuses et d’immunisation

Mise à jour par : Ari Bitnun, Sergio Fanella, Justin Penner, Michelle Barton

Résumé

Lorsqu’un enfant se blesse sur une aiguille abandonnée dans un lieu public, on craint qu’il ait été exposé à des virus à diffusion hématogène. Le risque d’infection est faible, mais il est impératif d’évaluer l’enfant blessé et d’offrir un accompagnement et un suivi. Le présent document de principes contient une analyse des publications sur les infections virales à diffusion hématogène après une blessure causée par une aiguille abandonnée dans un lieu public ainsi que des recommandations pour prévenir de tels incidents et les prendre en charge.

Mots-clés : antirétroviraux; blessures par piqûre d’aiguille; enfants; infections à diffusion hématogène

Les blessures causées par des aiguilles ou des seringues usagés abandonnés dans un lieu public suscitent beaucoup d’inquiétudes, particulièrement lorsque ce sont des enfants qui les trouvent et se blessent en jouant avec. En général, on ne sait pas qui les a utilisés, mais les parents et les dispensateurs de soins craignent qu’ils aient été jetés par un utilisateur de drogues injectables atteint d’une infection à diffusion hématogène. Même si le risque réel d’infection découlant d’une telle blessure est extrêmement faible, la perception du risque par les parents leur cause beaucoup d’anxiété. Les parents et l’enfant ont besoin d’une évaluation, d’un accompagnement et d’un suivi. Le présent document de principes remplace celui que la Société canadienne de pédiatrie a publié en 2008[1].

Le virus de l’hépatite B (VHB), le virus de l’hépatite C (VHC) et le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) sont les principaux agents pathogènes à envisager dans une telle situation[2][3]. Il est essentiel que les dispensateurs de soins connaissent les risques de contracter ces virus après une blessure par piqûre d’aiguille, de même que les recommandations à jour de prise en charge et de suivi. La prévalence du VHB, du VHC et du VIH chez les utilisateurs de drogues injectables varie selon les régions du Canada et peut changer rapidement. En l’absence de données locales à jour, il est prudent de présumer que l’aiguille était contaminée par au moins l’un de ces virus.

Jusqu’à présent, très peu de rapports de transmission du VHB[4][5]ou du VHC[6][7]ont été signalés après des blessures causées par une piqûre d’aiguille dans un lieu public, mais aucun cas de transmission du VIH. La plupart des enfants avaient reçu une prophylaxie contre le VHB lorsque la situation le justifiait, mais moins de 20 % avaient reçu une prophylaxie antirétrovirale[8]-[25]

Il est possible de prévenir les blessures par piqûre d’aiguille si on informe les enfants, les parents, les éducateurs et les dispensateurs de soins des dangers liés à la manipulation d’aiguilles, de seringues et d’autres objets contaminés par du sang, y compris les contenants pour objets pointus et tranchants conçus pour jeter des aiguilles dans des lieux publics. Les enfants doivent en être informés dès leur très jeune âge. Dans les études sur les blessures causées par des aiguilles abandonnées dont il est question plus haut, les enfants avaient un âge moyen de cinq à huit ans. Dans une étude[10], 15% des blessures se produisaient chez des enfants qui faisaient semblant de consommer des drogues. Les localités sont responsables de bien nettoyer les parcs et les cours d’école. Elles doivent également financer et soutenir des programmes de traitement des dépendances et de prévention des infections pour les utilisateurs de drogues injectables.

Le risque d’infection après une exposition au sang à cause d’une blessure par piqûre d’aiguille dépend du calibre de l’aiguille, de la profondeur de la pénétration et de l’injection ou non de sang. Le risque augmente proportionnellement à la quantité de sang injecté et à la concentration du virus. Il est impératif d’assurer un suivi après une blessure importante par piqûre d’aiguille. Le clinicien qui intervient lors de l’incident initial doit s’assurer que les parents et l’enfant comprennent l’importance des tests de suivi et que des dispositions appropriées sont prises. En effet, les parents présument parfois à tort que si une analyse sanguine effectuée au moment de la blessure est négative, il n’y a aucune possibilité d’infection et aucune nécessité d’effectuer d’autres tests.

Le virus de l’hépatite B

Le VHB est le virus à diffusion hématogène le plus stable; il peut être transmis par une infime quantité de sang. Le risque de contracter le VHB dans un contexte professionnel après s’être piqué avec une aiguille, lorsque la source est positive à l’antigène de surface de l’hépatite B (AgHBs) se situe entre 2 % et 40 %, en fonction du taux de virémie de la source[2]. Le VHB peut survivre jusqu’à une semaine dans des conditions optimales, et on l’a déjà détecté sur des aiguilles abandonnées[8][26]. Dans les cas de VHB contracté à cause d’une blessure par piqûre d’aiguille dans un lieu public, signalés tant chez des enfants[4] que chez des adultes[5], il n’y avait aucune indication au dossier au sujet d’une vaccination antérieure contre le VHB ou d’une prophylaxie postexposition.

Même si le vaccin contre le VHB est désormais recommandé pour tous les enfants du Canada, la plupart des programmes ciblent des enfants qui ont dépassé l’âge auquel ils ont tendance à se piquer accidentellement avec une aiguille[27]. Ainsi, la plupart des enfants blessés par une aiguille risquent d’être susceptibles à l’infection par le VHB. Des programmes de vaccination des nourrissons contre le VHB ont récemment été adoptés dans certaines provinces et protégeront les enfants du groupe d’âge le plus susceptible de se blesser avec une aiguille. Cependant, les enfants qui n’ont pas reçu ce vaccin à cause de politiques sociosanitaires locales ou du moment où ce vaccin a été adopté dans leur région demeurent vulnérables, tout comme ceux dont la réponse des anticorps à leur première série de vaccins (anticorps contre l’antigène de surface de l’hépatite B < 10 mUI/mL), ne sont pas suffisamment protégés. Il est conseillé d’administrer une prophylaxie postexposition aux immunoglobulines anti-VHB et le vaccin contre le VHB aux enfants qui n’ont pas encore été vaccinés, car cette stratégie est efficace si elle est administrée rapidement (tableau 1)[28].

Tableau 1. Prophylaxie du virus de l’hépatite B
Enfant qu’on sait positif au dépistage de l’AgHBs (anti-HBs) et dont les titres sont protecteurs (≥10 mUI/mL)  

Ne prendre aucune mesure.

 

Enfant qu’on sait positif au dépistage de l’AgHBsNe prendre aucune mesure immédiate. Diriger vers la bonne spécialisation si ce n’est pas déjà fait. 
Enfant qui n’a pas reçu tous les vaccins contre le VHB

Procéder immédiatement au dépistage des anticorps anti-HBs et de l’AgHBs. Attendre les résultats s’il est possible de les obtenir en moins de 48 heures.

Si le dépistage des anticorps anti-HBs et de l’AgHBs est négatif :

  • administrer les IgHB immédiatement (de préférence dans les 48 heures suivant la blessure; on n’en connaît pas l’efficacité si ce traitement est administré plus de sept jours après la blessure). Dose de 0,06 mL/kg IM.
  • administrer le vaccin contre le VHB à un autre foyer que les IgHB (le plus rapidement possible et au plus tard sept jours après la blessure). Prendre les dispositions pour terminer la série de vaccins.

Si le dépistage des anticorps anti-HBs est positif (titres protecteurs), terminer la série de vaccins contre le VHB conformément au calendrier.

Si le dépistage de l’AgHBs est positif, mettre un terme à la série de vaccins. Prendre des dispositions pour assurer un suivi approprié.

Si les résultats ne sont pas disponibles en moins de 48 heures :

  • administrer immédiatement les IgHB;
  • administrer une dose du vaccin contre le VHB (le plus rapidement possible et au plus tard sept jours après la blessure) à un autre foyer que les IgHB;
  • une fois les résultats disponibles, procéder à la vaccination et au suivi conformément aux directives précédentes. 
Enfant qui a reçu tous les vaccins contre le VHB 

Procéder au dépistage des anticorps anti-HBs et de l’AgHBs. Si les résultats des anticorps anti-HBs ne sont pas disponibles en moins de 48 heures, administrer une dose du vaccin contre le VHB.

Si les anticorps anti-HBs sont positifs (titres protecteurs), ne prendre aucune autre mesure.

Si les anticorps anti-HBs sont négatifs et l’AgHBs est également négatif (ou qu’il n’assure pas une protection suffisante [à < 10 mUI/mL], administrer des IgHB et une dose du vaccin contre le VHB à deux foyers différents. Si l’AgHBs est positif, prendre les dispositions pour qu’il reçoive un suivi approprié.

AgHBs antigène de surface contre l’hépatite B; anti-HBs contre l’antigène de surface de l’hépatite B; IgHB immunoglobulines anti-VHB; IM voie intramusculaire; mUI/mL : milli-unités internationales par millilitre; VHB virus de l’hépatite B

Certains experts recommandent également un test de dépistage des anticorps dirigés contre l’antigène nucléocapsidique du virus de l’hépatite B (anticorps anti-HBc) pour obtenir une évaluation plus complète, mais les résultats des anticorps AgHBs et anti-AgHBs influent sur les décisions relatives à la prophylaxie. Des anticorps anti-HBc réactifs combinés à un AgHBs négatif peuvent refléter un résultat faussement positif, une ancienne infection déjà guérie ou une infection occulte. Il est alors recommandé de demander une consultation en infectiologie.

 

Le virus de l’hépatite C

Le risque de contracter le VHC dans un contexte professionnel après s’être piqué avec une aiguille infectée se situe entre 3 % et 10 %[2]. Le VHC est considéré comme un virus fragile, moins susceptible de survivre dans l’environnement, mais il y a des rapports de cas[6][7] d’infection par le VHC après une blessure causée par une aiguille abandonnée.
De nombreux médicaments sont maintenant utilisés pour traiter le VHC chronique, mais on n’en connaît pas le rôle prophylactique potentiel. Puisqu’aucune chimioprophylaxie n’est offerte à l’heure actuelle, il est important de procéder à un test de dépistage du VHC de suivi pour déterminer si l’enfant a contracté le VHC lors d’une exposition potentielle, car dans 75 % des cas, il souffrira d’une infection chronique, généralement asymptomatique. Les enfants atteints d’une infection chronique doivent être dirigés vers un spécialiste et pourraient avoir besoin d’un traitement antiviral[29].
 

Le virus de l’immunodéficience humaine

Des études prospectives révèlent que, dans un contexte professionnel, le risque de contracter le VIH à partir d’une aiguille creuse contenant le sang d’une source qu’on sait séropositive au VIH se situe entre 0,2 % et 0,5 %[2][27]. Dans la plupart des cas déclarés de transmission du VIH, la blessure par piqûre d’aiguille s’est produite dans les secondes ou les minutes suivant le retrait de l’aiguille chez le patient source.

Contrairement à la situation qui prévaut chez les travailleurs de la santé, on ne connaît généralement pas la source du sang contenu dans des aiguilles abandonnées, la blessure ne se produit pas immédiatement après l’utilisation de l’aiguille, il est rare que celle-ci contienne du sang frais, le virus a été exposé aux températures ambiantes et a eu le temps de sécher et les blessures sont généralement superficielles. Le VIH est un virus relativement fragile, susceptible de sécher. Cependant, il est démontré que le VIH peut survivre jusqu’à 42 jours dans des seringues inoculées par le virus lorsque la température ambiante est favorable[28]. Dans une étude[29], les chercheurs n’ont relevé aucune trace d’ADN proviral du VIH dans des seringues abandonnées par des utilisateurs de drogues intraveineuses, mais dans une autre[30], les chercheurs ont trouvé l’ADN du VIH dans des aiguilles et des seringues visiblement contaminées ramassées dans des piqueries.

Il est hautement improbable de contracter le VIH après s’être blessé avec une aiguille abandonnée dans un lieu public. Cependant, si l’aiguille et la seringue contenaient du sang frais dont une partie est injectée à l’enfant, l’infection est possible en théorie, et une prophylaxie est alors indiquée. Dans les premières études sur les piqûres d’aiguille en milieu de travail, la seule prophylaxie à la zidovudine réduisait de 80 % le risque de transmission par une source positive au VIH[27]. Une prophylaxie par association d’antirétroviraux est considérée comme plus efficace, mais n’a pas été corroborée par des études. La bithérapie a déjà été utilisée après des expositions à faible risque, mais à l’heure actuelle, la trithérapie est recommandée pour tous les traitements prophylactiques en raison d’observations du traitement de l’infection due au VIH et de l’hypothèse qu’une suppression maximale sera la plus efficace pour prévenir l’infection[31][32].

Les autres expositions potentielles

Même si le présent document porte sur l’exposition potentielle d’enfants ou d’adolescents à des virus à diffusion hématogène à cause d’une blessure par piqûre d’aiguille abandonnée, les principes qui y sont présentés pourraient s’appliquer à d’autres expositions (p. ex., blessures causées par un autre objet pointu ou tranchant contaminé par du sang, partage de matériel d’injection de drogues, exposition de muqueuses ou de peau non intacte à des condoms ou des tampons usagés, exposition sexuelle). Dans de très rares occasions, de jeunes enfants ont subi une blessure par piqûre d’aiguille en mettant la main dans un contenant pour objets pointus et tranchants trop accessible (p. ex., rangé sur le sol ou sur le dessus d’une table) dans divers milieux ambulatoires. Ces situations doivent être considérées comme des scénarios à haut risque qui justifient une prophylaxie postexposition.

RECOMMANDATIONS

En l’absence d’études spécifiques, toutes les recommandations reposent sur des avis d’experts et des extrapolations d’autres données scientifiques. La qualité des preuves est évaluée à B-III.

La prévention

  • Informer les parents, les éducateurs et les dispensateurs de soins du problème que posent les aiguilles abandonnées.
  • Fournir aux enfants et aux adolescents de l’information adaptée à leur âge sur les dangers des drogues par injection.
  • Enseigner aux enfants à ne pas toucher ou manipuler d’aiguilles ni de seringues et à avertir un adulte responsable (parent, enseignant ou policier) s’ils en trouvent, afin que celui-ci puisse prendre les mesures nécessaires pour en disposer en toute sécurité dans un contenant fermé et imperforable.
  • Adopter des programmes communautaires pour s’assurer qu’aucune aiguille abandonnée ne traîne dans les parcs, les places publiques et les autres lieux publics où les enfants ont l’habitude de jouer[35]. En milieu clinique, s’assurer de conserver les contenants pour objets pointus et tranchants hors de la portée des enfants.
  • Prévoir des programmes pour le traitement et le contrôle de la dépendance aux drogues injectées et pour soutenir adéquatement la prévention du VIH, la vaccination contre le VHB, le traitement d’éradication du VHC et les programmes de réduction des méfaits qui distribuent du matériel de consommation de drogue plus sécuritaire aux utilisateurs de drogues injectées.
     

La prise en charge

  • Nettoyer soigneusement la plaie à l’eau savonneuse le plus rapidement possible après la blessure. Ne pas pincer la chair pour produire un saignement.
  • Évaluer la gravité de la plaie et la probabilité d’exposition des lésions ouvertes ou des muqueuses par du sang.
  • Établir l’immunisation de l’enfant contre le tétanos et le VHB.
  • Si la situation l’indique, administrer l’anatoxine tétanique, avec ou sans immunoglobulines tétaniques[36].
  • Consigner les circonstances de la blessure (date et heure de la blessure ou de l’exposition, lieu où l’aiguille a été trouvée, circonstances de la blessure, description de l’aiguille, présence ou non de la seringue, présence ou non de sang visible à l’intérieur ou à l’extérieur de l’aiguille ou de la seringue, présence ou non de saignement causé par la blessure et identification de l’utilisateur original de l’aiguille, s’il y a lieu).
  • Procéder à un prélèvement sanguin chez l’enfant pour :
    • établir son statut immunitaire de départ quant au VHB, au VIH ou au VHC.
    • connaître l’hémogramme et la numération leucocytaire différentielle, les taux d’aspartate aminotransférase, d’alanine aminotransférase, de phosphatase alcaline, d’azote uréique du sang et de créatinine, dans les rares cas où un traitement antirétroviral est instauré.
  • Ne pas tester l’aiguille et la seringue. Les résultats seront probablement négatifs, sans toutefois écarter la possibilité d’infection.
  • Lorsqu’on connaît l’utilisateur original, tenter d’évaluer les facteurs de risque de virus à diffusion hématogène et, dans la mesure du possible, procéder à des tests de dépistage. Dans l’attente des résultats, agir comme si la source était inconnue.
Tableau 2. Évaluation du risque de transmission du VIH
Source Dispositif  Blessure  

Considérer que le risque est élevé si : 

  • on sait que la source est infectée par le VIH;
  • la source est inconnue, mais la prévalence présumée ou connue de VIH est élevée[1] dans la population locale d’utilisateurs de drogues injectables. 
  • Vérifier le calibre de l’aiguille, si elle est creuse, la présence de sang visible sur l’aiguille ou dans la seringue, la probabilité que le sang ait séché ou qu’il ait été exposé à la chaleur ou au gel depuis l’utilisation.
  • Les aiguilles de gros calibre qui contiennent visiblement du sang posent le plus de risque. 
  • Évaluer la profondeur et l’étendue du traumatisme (égratignure ou coupure profonde, injection de sang et saignement au siège de la blessure).
  • Les blessures avec injection de sang posent un risque élevé. Les égratignures superficielles posent un faible risque.
  • Si l’exposition est limitée à des muqueuses ou à de la peau non intacte, en évaluer l’étendue. Par exemple, l’enfant qui s’est mis une seringue contenant visiblement du sang dans la bouche et s’en est peut- être injecté court un risque élevé. Si l’on craint une éclaboussure dans les yeux ou sur les lèvres, mais qu’elle n’a pas été observée, le risque est faible. Les éclaboussures d’un fort volume de sang (pas seulement quelques gouttes) qui entrent en contact avec une large zone de peau non intacte posent un risque élevé. 
VIH virus de l’immunodéficience humaine
1 La prévalence élevée désignerait une probabilité supérieure à 15 %[35">35]

La prophylaxie du VHB

Voir le tableau 1.

La prophylaxie du VIH

  • Évaluer le risque de transmission du VIH (tableau 2) et les risques et avantages de la prophylaxie antirétrovirale au cas par cas, compte tenu de la capacité de l’enfant à tolérer et à suivre une posologie antirétrovirale pendant quatre semaines. Parler des avantages potentiels, des effets indésirables et des coûts de la prophylaxie antirétrovirale aux parents (et à l’enfant s’il est assez âgé) afin de prendre une décision partagée.
    • Ne recommander une prophylaxie antirétrovirale que dans les situations à haut risque, lorsque la source est considérée comme susceptible d’être infectée par le VIH, que l’aiguille et la seringue contenaient visiblement du sang, et que celui-ci risque d’avoir été injecté.
    • Dans les situations à faible risque (la source est peu susceptible d’être infectée par le VIH, l’aiguille et la seringue ne contenaient aucun sang visible ou la blessure est superficielle), parler de la prophylaxie, sans toutefois la recommander. Pour rassurer les parents, leur expliquer qu’il est hautement improbable que leur enfant contracte le VIH à cause de ce type de blessure et qu’aucun cas n’a été signalé jusqu’à présent.
  • S’il est entendu d’amorcer la prophylaxie antirétrovirale:
    • le faire dans les plus brefs délais, idéalement de une à quatre heures après la blessure. La prophylaxie n’est pas indiquée si elle ne peut pas être entreprise dans les 72 heures suivant la blessure[2][34][37].
    • lorsque les parents qui envisagent la prophylaxie sont indécis, leur préciser qu’il est préférable de l’entreprendre immédiatement, parce qu’elle n’est plus bénéfique si elle est amorcée plus de 72 heures après la blessure. Les informer qu’ils pourront mettre un terme au traitement par la suite s’ils le désirent.
    • les pédiatres qui ne connaissent pas bien les antirétroviraux peuvent vouloir consulter un spécialiste des soins aux enfants atteints du VIH, mais lorsque la prophylaxie est indiquée, ne pas la reporter en attendant cette consultation.
    •  les antirétroviraux recommandés sont ceux qui sont utilisés pour l’exposition professionnelle ou non professionnelle et pour le traitement du VIH[2][34][38]:
  • Jeunes enfants : zidovudine plus lamivudine plus raltégravir ou dolutégravir. Voir le tableau 3.
  • Enfant d’au moins 12 ans et d’au moins 35 kg : emtricitabine plus ténofovir plus raltégravir ou dolutégravir. Voir le tableau 3. Un pharmacien pourra peut-être préparer une suspension si les comprimés plus petits ne sont pas disponibles dans la région.
  • S’il faut opter pour d’autres antirétroviraux (p. ex., à cause d’une contre-indication, d’une intolérance ou d’une résistance présumée aux médicaments), consulter un spécialiste des soins aux enfants atteints du VIH. Ces traitements devraient inclure deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) et un inhibiteur du transfert de brins de l’intégrase (ITBI) ou un inhibiteur de la protéase (IP) (voir le tableau 3).
  • Le ténofovir est contre-indiqué lorsque la fonction rénale est anormale.
  • poursuivre la prophylaxie 28 jours. La posologie et l’information complémentaire figurent au tableau 3.
  • o    s’assurer que les recommandations n’ont pas changé avec l’homologation de nouveaux antirétroviraux. Les renseignements à jour et l’information sur d’autres antirétroviraux figurent, en anglais, dans le site https://clinicalinfo.hiv.gov/en/guidelines/pediatric-arv/whats-new. Il ne faut pas oublier que l’homologation des médicaments aux États-Unis peut être légèrement différente de l’homologation des médicaments au Canada.
  • puisque les antirétroviraux, particulièrement les IP, peuvent interagir avec d’autres médicaments, vérifier si l’enfant prend d’autres médicaments et évaluer les interactions possibles.
  • effets indésirables: Aucune donnée n’indique que la prise d’antirétroviraux pendant quatre semaines a des effets graves ou nuisibles à long terme (voir les notes du tableau 3). Les enfants infectés par le VIH prennent ces médicaments depuis des années, et les graves effets secondaires sont rares.
  • aux urgences et dans les cliniques où consultent des enfants ayant une blessure par piqûre d’aiguille, avoir des « trousses de départ » pour que la prophylaxie puisse être entreprise le plus rapidement possible lorsqu’elle est indiquée.
  • à la première visite, remettre des médicaments pour deux à trois jours et revoir immédiatement le patient après cette période pour réévaluer l’adhésion au traitement, vérifier les effets indésirables et prévoir un suivi.
  • s’il est entendu de poursuivre la prophylaxie, prescrire des médicaments pour terminer le traitement de 28 jours.
Tableau 3. Antirétroviraux recommandés pour la prophylaxie postexposition
AgentPosologie et critères d’âge et de poids  Commentaires 
Zidovudine (ZDV)[1][3]
(INTI) 

De 4 semaines à 12 ans : 240 mg/m2/dose 2 fois/jour

≥12 ans : 300 mg/dose 2 fois/jour 

Offert sous forme de solution orale de 10 mg/mL ou de capsules de 100 mg

Peut être pris avec ou sans aliments; peut être mieux toléré avec des aliments. 

Lamivudine (3 TC)[1],[3]
(INTI) 

De 1 mois à moins de 3 mois : 4 mg/kg/dose 2 fois/jour

De ≥3 mois à 3 ans : 5 mg/kg/dose (maximum de 150 mg/dose) 2 fois/jour

≥3 ans : 5 mg/kg/dose 2 fois/jour (dose maximale de 150 mg) ou 10 mg/kg/dose (dose maximale de 300 mg) 1 fois/jour 

Offert sous forme de solution orale de 10 mg/mL; comprimés de 100 mg, 150 mg, 300 mg

Peut être pris avec ou sans aliments; peut être mieux toléré avec des aliments. 

Lopinavir-ritonavir (LPV-RTV)[2],[4] (IP) 

De 2 à 52 semaines : 300 mg de LPV/75 mg de RTV/m2/dose 2 fois/jour

De 1 à 18 ans : 230 mg de LPV/57,5 mg de RTV/m2/dose 2 fois/jour (maximum de 400 mg de LPV/100 mg de RTV par dose)

>35 kg : 400 mg de LPV/100 mg de RTV 2 fois/jour 

Offert sous forme de solution orale de 80 mg de LPV/20 mg de RTV/mL

Comprimés de 100 mg de LPV/25 mg de RTV et comprimés de 200 mg de LPV/50 mg de RTV

Doit être pris avec un repas ou une collation riche en matières grasses. 

Ténofovir disoproxil (TDF)[1],[6]
(INTI) 

2 à 12 ans : 8 mg/kg/dose 1 fois/jour (maximum 300 mg/dose)

≥12 ans et ≥ 35 kg : 300 mg 1 fois/jour 

Offert seulement sous forme de comprimés de 300 mg. Des comprimés au dosage moins élevé (150 mg, 200 mg, 250 mg) sont offerts aux enfants dont le poids est insuffisant pour prendre des comprimés de 300 mg, par l’entremise du PAS. Peut être pris avec ou sans aliments. 
Raltégravir (RAL)[5]
(ITBI) 

≥1 mois et ≥ 3 kg : 6 mg/kg/dose 2 fois/jour (maximum de 400 mg/dose)

Comprimés pour les ≥25 kg : 400 mg 2 fois/jour

Comprimés croquables : 3 à <6 kg : 25 mg 2 fois par jour; 6 à <10 kg : 50 mg 2 fois par jour; 10 à <14 kg : 75 mg 2 fois/jour; 14 à <20 kg : 100 mg 2 fois/jour; 20 à <28 kg : 150 mg 2 fois/jour; 28 à <40 kg : 200 mg 2 fois/jour; ≥40 kg : 300 mg 2 fois/jour 

Offert sous forme de comprimés de 400 mg et de 600 mg et de comprimés croquables de 25 mg et de 100 mg. Des granules pour suspension orale sont offertes par l’entremise du PAS. Peut être pris avec ou sans aliments. 
Dolutégravir (DTG)[5]

Comprimés dispersibles : 3 à <6 kg : 5 mg 1 fois par jour; 6 à <10 kg : 15 mg 1 fois par jour; 10 à <14 kg : 20 mg 1 fois par jour; 14 à <20 kg : 25 mg 1 fois par jour; ≥20 kg : 30 mg 1 fois par jour

Comprimés :

14 à <20 kg : 40 mg 1 fois par jour
≥20 kg : 50 mg 1 fois par jour[EL1] [SB2] 

Offert sous forme de comprimés de 10 mg, 25 mg et 50 mg et de comprimés dispersibles de 5 mg.

Peut être pris avec ou sans aliments.

Pour les enfants plus âgés 

ZDV+3TC[1]-[3]

(INTI)

>30 kg : un comprimé 2 fois/jour Comprimé contenant 300 mg de ZDV et 150 mg de 3 TC 
FTC + TDF (truvada) [6]
(INTI) 
≥12 ans et ≥35 kg : un comprimé 1 fois/jour Comprimé contenant 200 mg de FTC et 300 mg de TDF 

FTC + TAF (Descovy)

(INTI)[[JS3">6[JS3] ]

≥25 kg : un comprimé 1 fois par jour

Le comprimé contient : 

Comprimé contenant 200 mg de FTC et 25 mg de ténofovir alafénamide (TAF) (pour les patients dont la posologie est à base d’ITBI), ou

Comprimé contenant 200 mg de FTC et 10 mg de TAF (pour les patients dont la posologie est à base d’IP)

FTC+TAF+bictégravir (Biktarvy)

(ITBI + INTI)[5], [6]

≥25 kg : un comprimé 1 fois par jour

 

Comprimé contenant 200 mg de FTC, 25 mg de TAF et 50 mg de bictégravir (BIC)

FTC emtricitabine; ITBI inhibiteur de transfert de brins de l’intégrase; INTI inhibiteur nucléosidique de la transcriptase; IP inhibiteur de la protéase; PAS : Programme d’accès spécial

Données traduites des références 31 et 36

1 La dose doit être rajustée en cas d’insuffisance rénale.

2 La dose devra peut-être être rajustée en cas d’insuffisance hépatique.

3 La ZDV et le 3 TC sont bien tolérés. À l’occasion, les enfants souffrent d’anorexie, de nausées, de vomissements, de diarrhée, de douleurs abdominales, de fatigue, de céphalées. On peut observer une neutropénie asymptomatique bénigne, une anémie ou une élévation des enzymes hépatiques, qui disparaîtront à l’arrêt du traitement.

Le LPV-RTV peut provoquer des nausées, des vomissements, de la diarrhée ou des malaises abdominaux. Le composant de ritonavir agit comme agent d’activation et n’est pas considéré comme un antirétroviral distinct.

5 Le FTC, le RAL, le DTG et le BIC sont très bien tolérés et causent très peu d’effets indésirables. Le RAL est homologué pour les enfants de deux ans ou plus, mais il n’est pas possible d’avoir accès aux comprimés croquables dans certaines régions. Les comprimés de 600 mg ne sont pas utilisés en prophylaxie. Le DTG est homologué pour les enfants d’au moins 4 ans et d’au moins 30 kg, mais il n’est pas possible d’avoir accès aux comprimés de 10 mg et de 25 mg ni aux comprimés dispersibles de 5 mg dans certaines régions. Il est à souligner que les doses des comprimés réguliers et dispersibles de DTG sont différentes parce qu’elles ne sont pas bioéquivalentes. Les granules de RAL pour suspension orale sont offertes par le PAS de Santé Canada.

Le TDF est bien toléré. Dans de rares cas, il peut causer des céphalées, de la diarrhée, des nausées, des vomissements. Des cas de dysfonction tubulaire sont signalés après une utilisation plus prolongée (le TAF est à plus faible risque que le TDF). Surveiller le taux de créatinine et la protéinurie. Contre-indiqué en cas de dysfonction rénale. Non homologué au Canada pour les enfants de moins de 12 ans.

Le suivi

  • Prévoir un suivi et avertir les parents de la nécessité de surveiller les effets secondaires (en cas de prophylaxie antirétrovirale), d’effectuer des tests pour vérifier si l’enfant a contracté une infection et de terminer la série de vaccins contre le VHB.
  • Si l’enfant reçoit une prophylaxie antirétrovirale :
    • le réévaluer au bout de deux ou trois jours, par téléphone ou dans le cadre d’un rendez-vous;
    • prévoir un suivi au bout de deux et quatre semaines pour évaluer l’adhésion au traitement et la tolérance au médicament et pour vérifier l’hémogramme, la numération leucocytaire différentielle, ainsi que les taux d’aspartate aminotransférase, d’alanine aminotransférase et de créatinine.
  • Au bout de quatre semaines, administrer une deuxième dose du vaccin contre le VHB s’il n’en a reçu qu’une dose auparavant (voir le tableau 1) ou si l’on n’a pas décelé d’anticorps ou d’antigène lors du test initial.
  • Au bout de quatre à six semaines, procéder au dépistage des anticorps anti-VIH, des anticorps anti-VHC des anticorps anti-HBS et de l’AgHBs.
  • Au bout de quatre à six mois, procéder au dépistage des anticorps anti-VIH, des anticorps anti-VHC, des anticorps anti-HBs et de l’AgHBs (à moins que le test ait été positif auparavant).
  • Au bout de six mois, administrer une troisième dose du vaccin contre le VHB si l’enfant a déjà reçu les deux premières doses.
  • Si le test de dépistage des anticorps anti-HBs est négatif au bout de six mois, reprendre le test de un à deux mois après la troisième dose du vaccin. S’il demeure négatif, procéder au dépistage de l’AgHBs. Si les deux résultats sont négatifs, administrer une quatrième dose du vaccin contre le VHB et reprendre le test un ou deux mois plus tard. Si le résultat est encore négatif, diriger l’enfant vers un spécialiste approprié.
  • En cas d’infection par le VIH, le VHC ou le VHB, prévoir un suivi approprié.

Remerciements

Le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie a révisé le présent document de principes. Les auteurs remercient également Elaine Lau, B. Sc. pharm., D. pharm., M. Sc., pour son aide au tableau sur les médicaments antirétroviraux. 


COMITÉ DES MALADIES INFECTIEUSES ET D’IMMUNISATION DE LA SCP(2018)

Membres : Michelle Barton-Forbes MD; Ari Bitnun MD; Natalie A. Bridger MD (membre sortante); Shalini Desai MD; Michael Forrester MD (membre résident); Ruth Grimes MD (représentante du conseil); Nicole Le Saux MD (présidente)

Représentants : Ari Bitnun, Groupe canadien de recherche pédiatrique et périnatale sur le VIH/sida; Tobey Audcent MD, Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages, Agence de la santé publique du Canada; Fahamia Koudra MD, Le Collège des médecins de famille du Canada; Marc Lebel MD, Programme canadien de surveillance active de l’immunisation (IMPACT); Yvonne Maldonado MD, comité des maladies infectieuses, American Academy of Pediatrics; Jane McDonald MD, Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada; Dorothy L. Moore MD, Comité consultatif national de l’immunisation; Howard Njoo MD, Agence de la santé publique du Canada

Conseillère : Noni E. MacDonald MD

Auteure principale : Dorothy L. Moore MD

Mise à jour par : Ari Bitnun MD, Sergio Fanella MD, Justin Penner MD, Michelle Barton MD


Références

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Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.

Mise à jour : le 27 mai 2024