Document de principes
Affichage : le 24 septembre 2019
Un document de principes conjoint avec le Centre de formulations pédiatriques de la famille Rosalind et Morris Goodman du CHU Sainte-Justine (voir la liste complète des auteurs et des organismes qui l’ont approuvé plus loin)
Paediatr Child Health 2019 24(5) :336-9 (synthèse)
Dans une large mesure, les politiques qui régissent l’approbation et le remboursement des médicaments au Canada reposent sur des normes applicables aux adultes, et les nouveaux médicaments sont évalués d’après les normes de rendement du capital investi chez les adultes. Le financement de la recherche sur les maladies d’adultes est souvent privilégié aux dépens des maladies infantiles. Pour ce qui est de l’adoption de réformes en matière de réglementation et de recherches qui tiennent compte des caractéristiques particulières des enfants et des adolescents, le Canada s’est laissé distancer par d’autres pays. Afin que les enfants et les adolescents profitent d’un accès opportun à des médicaments sécuritaires et efficaces, y compris des formulations adaptées à la pédiatrie, le gouvernement fédéral doit adopter des réformes axées sur les enfants qui tiendront compte de leurs besoins de santé particuliers tout au long du cycle de vie des médicaments. Les réformes de la réglementation doivent reposer sur des principes de justice et d’équité, en restant sensibles au fait que les enfants méritent les mêmes normes que les adultes en matière d’innocuité, d’efficacité, de disponibilité et d’accès des médicaments. Les experts en pédiatrie doivent ouvrir la voie à des changements fondés sur des données probantes au sein même de Santé Canada, ainsi que dans les organismes de remboursement, par le biais d’un conseil consultatif d’experts consacré à la pédiatrie, permanent et bien financé. Les réformes doivent garantir la collecte et l’examen proactifs des données probantes en pédiatrie. Elles doivent également assurer la mise en œuvre de normes et de critères de référence adaptés à la pédiatrie dans l’ensemble du processus de réglementation et de décision relativement aux remboursements. Enfin, le gouvernement doit soutenir pleinement des prescriptions pédiatriques fondées sur des données probantes et mettre sur pied une infrastructure nationale stable pour la recherche et les essais cliniques sur les médicaments à usage pédiatrique.
Mots-clés : Health Canada; Medications; Paediatric formulations; Paediatrics; Regulation; Research
Les enfants ont droit au meilleur état de santé possible, entre autres grâce au traitement approprié des maladies [1]. Pourtant, les enfants et les adolescents continuent d’être sous-représentés dans la recherche sur les médicaments [2][3], la réglementation sur les médicaments et le développement de produits commerciaux [4].
Dans une large mesure, les politiques qui régissent le développement, l’approbation et le remboursement des médicaments sont conçues pour les adultes et ne tiennent pas compte des caractéristiques particulières des enfants et des adolescents. Le financement de la recherche sur les maladies d’adultes est souvent privilégié aux dépens des maladies infantiles, car on présume qu’à l’heure actuelle, la capacité et la faisabilité de la recherche sur les adultes sont plus élevées, de même que les profits commerciaux qui en découlent [5]–[7]. Les nouveaux médicaments sont souvent évalués et commercialisés d’après les principes de la physiologie des adultes et les normes de rendement du capital investi chez les adultes, sans tenir compte de l’enfant en développement [8]. Ainsi, les enfants tirent de l’arrière par rapport aux adultes, et le Canada s’est laissé distancer par les autres pays industrialisés pour ce qui est du développement et de l’approvisionnement de médicaments sécuritaires et efficaces pour les jeunes [9].
Jusqu’à 80 % de tous les médicaments prescrits dans les hôpitaux pédiatriques canadiens sont administrés dans un emploi non conforme à l’étiquette (ou dans une utilisation non autorisée), c’est-à-dire dans une utilisation qui diverge des renseignements posologiques, de la voie d’administration, de l’âge du patient ou des indications figurant dans la monographie de produit approuvée par Santé Canada [10]-[13]. De plus, de nombreux médicaments à usage pédiatrique couramment prescrits doivent prendre la forme de préparations magistrales (médicaments extemporanés), car il n’y a pas de formulations adaptées à la pédiatrie (p. ex., préparations buvables ou mini-comprimés à faible dose) sur le marché. Tant la prescription de médicaments dans un emploi non conforme que les préparations magistrales s’associent à des risques importants, y compris des événements indésirables et des inquiétudes en matière d’efficacité [14][15].
Dans un rapport phare publié en 2014, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie [10] a déployé les premiers efforts déterminants pour comprendre l’étendue et l’effet des médicaments utilisés dans un emploi non conforme au Canada et a ainsi démontré que les enfants forment une population vulnérable. La même année, le Conseil des académies canadiennes a publié le rapport d’un comité d’experts multidisciplinaires sur l’état de la pharmacothérapie pédiatrique au Canada [16]. Le Conseil est parvenu aux conclusions suivantes :
En 2016, le gouvernement canadien a annoncé une modernisation importante de sa politique fédérale de réglementation [17]. Cet engagement constitue une occasion unique de rectifier des lacunes systémiques de longue date, ainsi que de renforcer et de rationaliser la sécurité et la disponibilité des médicaments à usage pédiatrique pour l’avenir. Pour exploiter pleinement cette possibilité, la réforme de la réglementation doit s’inspirer de valeurs fondamentales en matière de soins, y compris la justice et l’équité, pour s’assurer que les enfants et les adolescents fassent l’objet d’une réflexion et d’une attention équitables. Des experts en pédiatrie doivent ouvrir la voie aux changements fondés sur des données probantes au sein même de Santé Canada et dans les organismes décisionnels de remboursement. Les politiques et les processus doivent favoriser la collecte et l’utilisation de données pédiatriques. Enfin, il faut tenir compte des besoins particuliers des enfants et des adolescents tout au long du cycle de vie des médicaments. Les enfants méritent les mêmes normes élevées que les adultes en matière d’innocuité, d’efficacité, de disponibilité et d’accès des médicaments.
Santé Canada a l’autorité exclusive d’approuver les médicaments commercialisés au Canada [18]. Son mandat inclut les nouvelles molécules, l’examen de produits provenant d’autres territoires de compétence, mais nouveaux sur le marché canadien, et les nouvelles indications ou formulations de médicaments déjà homologués au Canada. Des règlements stricts et rigoureux garantissent l’innocuité et l’efficacité de médicaments dont la vente est approuvée et dont l’étiquette en précise l’usage approprié.
Tout comme dans les régimes de réglementation de territoires de compétence internationaux comparables, le processus de préparation d’une soumission à Santé Canada peut être fastidieux et coûteux. Les soumissions doivent contenir des données qui résument l’innocuité et l’efficacité cliniques du produit dans la population visée, l’information sur le processus de fabrication, les normes de qualité et les études non cliniques qui en corroborent l’utilisation sécuritaire chez les humains [19]. D’ordinaire, une soumission doit être assortie de plusieurs grands essais cliniques (souvent des études multicentriques auprès de centaines de patients), réalisés conformément aux normes de bonnes pratiques cliniques établies par la Conférence internationale sur l’harmonisation [20] et dont les paramètres sont bien définis et fondés sur des données probantes. Santé Canada peut également exiger des renseignements supplémentaires, qui entraîneront la tenue de nouvelles études.
Ces normes visent à protéger la santé de tous les Canadiens, mais les politiques actuelles ont des conséquences négatives non intentionnelles pour les enfants et les adolescents. Les normes actuelles en matière de réglementation reposent sur des données disponibles pour les populations adultes, qui proviennent de vastes bassins de patients et d’une infrastructure d’essais cliniques stable et bien financée. À l’heure actuelle, il pourrait bien être impossible de réaliser des essais parallèles dans les populations pédiatriques, en raison de la faible prévalence des maladies (p. ex., nombre total de patients) ou d’autres obstacles systémiques à la recherche en pédiatrie. Des réformes des politiques et des investissements ciblés et soutenus s’imposent pour vaincre ces obstacles avec efficacité.
Il faut des ressources financières et humaines imposantes pour préparer une soumission à Santé Canada, et les avantages pécuniaires anticipés par les fabricants peuvent décourager les investissements en raison du petit marché pédiatrique au Canada [21]. À ces facteurs dissuasifs s’ajoutent la perception de complexité du processus et l’incertitude de résultat. Il existe des aménagements, des mesures incitatives et des trajectoires différentes [22], mais ils sont rarement utilisés, et leur portée est limitée et mal comprise.
Par ailleurs, Santé Canada n’oblige pas les fabricants à soumettre des données pédiatriques, à moins qu’ils cherchent à obtenir une indication à visée pédiatrique. En opposition frappante avec les autorités internationales en matière de réglementation, Santé Canada n’exige pas activement de données probantes en pédiatrie, même lorsqu’un emploi peut être anticipé d’emblée pour les enfants ou les adolescents ou que des données pédiatriques existent et ont été soumises à des organismes de réglementation étrangers. Cette norme passive peut être considérée comme de la négligence sur le plan de la réglementation, car elle place les prescripteurs devant des options limitées et dans l’incertitude quant au meilleur moyen de modifier les médicaments pour adultes pour traiter les enfants et les adolescents [23].
Les évaluations varient selon les autorités en matière de réglementation, les milieux de pratique et les spécialités, mais les médicaments dans un emploi non conforme sont très prescrits chez les patients pédiatriques [24]-[26], particulièrement les nourrissons [27], les enfants en soins intensifs [28] et ceux qui sont traités pour un trouble de santé mentale [29]. « Emploi non conforme » ne signifie pas nécessairement « sans données probantes » (comme c’est souvent le cas chez les patients adultes), mais l’absence relative de données qui appuient l’efficacité, la posologie et l’innocuité des médicaments à usage pédiatrique peut donner lieu à des échecs de traitement, des erreurs de prescription et des événements indésirables chez les enfants [30][31].
Étant donné le coût, la complexité et l’incertitude associés aux processus de réglementation actuels, il est implicitement encouragé d’adhérer aux exigences minimales lors du dépôt de soumissions. Puisque Santé Canada n’oblige pas les fabricants à fournir des données justifiant un usage pédiatrique potentiel, à moins qu’ils cherchent à obtenir une indication à visée pédiatrique, l’omission constitue la « voie de la facilité » pour le fabricant. On constate des obstacles systémiques importants à la commercialisation de nouveaux médicaments à usage pédiatrique ou à de nouvelles indications de médicaments déjà homologués, même s’ils sont approuvés pour un usage pédiatrique depuis des décennies dans d’autres marchés à la réglementation rigoureuse. Le cadre actuel favorise la prescription de médicaments dans un emploi non conforme et met les enfants en danger.
En l’absence de formulation adaptée à la pédiatrie (p. ex., un liquide buvable) sur le marché, les médicaments pour adultes sont souvent manipulés pour obtenir la dose souhaitée ou pour en faciliter l’administration, selon un processus de fabrication par « préparation magistrale ». Ces préparations produites en pharmacie sont réglementées par des normes pharmaceutiques provinciales ou territoriales au Canada et sont considérées comme une pratique essentielle [32]. Les dispensateurs de soins peuvent également indiquer aux proches aidants de modifier un médicament à leur domicile afin d’en faciliter l’administration.
On ne connaît pas la prévalence exacte de cette pratique chez les enfants du Canada, mais on pense que, sur les 80 % de toutes les prescriptions pédiatriques qui échappent à l’approbation en matière de réglementation, bon nombre sont des préparations magistrales produites en pharmacie ou des produits modifiés par les proches aidants [16]. Les contrôles de qualité des préparations magistrales sont moins rigoureux que ceux des produits commerciaux [33]. Par conséquent, leur stabilité, leur puissance, leur uniformité, leur pureté chimique, leur stérilité microbienne et leur biodisponibilité ne sont pas aussi sûres, et elles comportent un risque d’importantes erreurs de concentration ou de posologie [34]. De plus, puisque le goût des préparations magistrales laisse souvent à désirer [35], il peut être difficile d’adhérer au traitement. Enfin, la manipulation de molécules prescrites, mais au potentiel dangereux, tels que les agents chimiothérapeutiques, peut poser un risque important à la fois pour les patients et les membres de la famille.
Dans bien des cas, les formulations pédiatriques commercialisées dans des lieux comme les États-Unis et l’Union européenne ne le sont tout simplement pas au Canada en raison du milieu de réglementation et de remboursement complexe et fastidieux, des limites commerciales propres aux petits marchés et des normes de pratique en place. Au Canada, les médicaments pour enfants méritent les mêmes mesures de protection en matière de réglementation que ceux pour adultes; c’est pourquoi il faut éliminer les obstacles à la commercialisation des formulations adaptées à la pédiatrie.
En vertu du cadre de réglementation actuel, de nombreux médicaments contre des maladies rares n’ont pas été soumis à l’approbation de Santé Canada et ne le seront sans doute jamais. À cause de cette lacune, on constate une dépendance disproportionnée au Programme d’accès spécial financé par le gouvernement fédéral, conçu pour faciliter l’accès à des médicaments essentiels non commercialisés au Canada. Le processus d’examen du Programme d’accès spécial est fastidieux, chronophage et fondé sur des cas, sans compter qu’il est accessible seulement pour les patients qui ont épuisé toutes les autres options thérapeutiques [36].
L’évolution de nouvelles pratiques de fixation des prix a stimulé l’intérêt envers l’approbation de médicaments contre certaines maladies rares [37][38]. Cependant, l’approbation de nouveaux médicaments parfois coûteux pour remplacer des options accessibles par l’entremise du Programme d’accès spécial a des effets pernicieux, comme d’inonder le marché de produits thérapeutiques qui, dans certains cas, coûtent beaucoup plus cher, mais n’apportent qu’un avantage thérapeutique négligeable par rapport aux anciens produits moins coûteux. Il est essentiel de s’assurer que les nouvelles soumissions de médicaments soient examinées conformément aux normes de soins cliniques à jour pour éviter les pratiques ou les prix prohibitifs désormais observés dans d’autres territoires de compétence. Pour soutenir et maintenir le système de santé du Canada à long terme, il est nécessaire d’intégrer l’approbation des médicaments aux processus [39].
Une approbation en matière de réglementation par Santé Canada ne garantit pas l’admissibilité à un remboursement en vertu des régimes d’assurance médicaments publics (ou privés). Pour faire partie des produits remboursés par le système public, un médicament doit respecter quatre étapes distinctes :
Ce processus est conçu pour optimiser le contrôle des achats et contribuer à la pérennité du système de santé public. Cependant, le système complexe d’évaluation des remboursements actuel a souvent la conséquence involontaire de compromettre l’accès aux médicaments et aux formulations adaptées à la pédiatrie chez les enfants et les adolescents canadiens. On ne tient pas systématiquement compte de leurs besoins particuliers, pas plus que des normes et des critères de référence adaptés à la pédiatrie.
Aucune entité publique de remboursement, quel que soit l’ordre du gouvernement, n’est tenue de prendre en compte les caractéristiques particulières des patients pédiatriques. L’ÉTS et les négociations sur la fixation des prix dépendent d’indications approuvées qui, dans bien des cas, se limitent exclusivement à la population adulte. Cette évaluation dépend de principes, de critères de référence et de ratios prix-volume établis selon des normes pour adultes, et porte souvent sur de vastes populations de patients atteints d’affections courantes. En général, elle néglige les caractéristiques particulières des populations pédiatriques, ce qui inclut un étiquetage limité, un petit marché, l’absence de données cliniques et de données coût-efficacité nécessaires pour garantir un remboursement, le besoin de posséder des formulations adaptées aux enfants et les avantages sociétaux découlant de l’offre de soins de qualité aux enfants [41]. Ces facteurs peuvent compromettre l’ÉTS à visée pédiatrique de tous les médicaments, mais prennent encore plus d’ampleur lorsque les affections touchent principalement ou exclusivement les enfants.
La réforme de l’ÉTS et des processus de fixation des prix, parallèlement aux améliorations en matière de réglementation, optimisera les soins et la santé des patients pédiatriques.
L’Agence européenne des médicaments et la Food and Drug Administration des États-Unis sont toutes deux habilitées à exiger des études pédiatriques lorsqu’un médicament est susceptible d’être utilisé par des enfants, et elles reçoivent un financement pour promouvoir la tenue d’un tel travail. Santé Canada devrait se voir confier un mandat comparable [42].
En Europe, le Règlement pédiatrique est entré en vigueur en 2007, afin d’accroître le développement et l’offre de médicaments sécuritaires et efficaces pour les enfants [43]. Le Plan d’investigation pédiatrique [44], un volet obligatoire de toutes les soumissions de médicaments, est au cœur de cette initiative. Il doit inclure des données pédiatriques favorables aux indications pédiatriques lorsque leur utilisation chez les enfants constitue une hypothèse raisonnable. Les exigences du plan s’appliquent aux nouvelles soumissions et à celles comportant de nouvelles indications, de nouvelles formulations ou de nouvelles voies d’administration. Le Plan d’investigation pédiatrique est négocié rapidement au début du développement (phase 1 ou 2) de nouvelles molécules, mais lorsque ces molécules existent déjà, il est négocié dès qu’une nouvelle indication ou une nouvelle posologie est demandée. Les produits qui n’ont pas d’utilisation pédiatrique prévisible (p. ex., pour la démence sénile) doivent faire l’objet d’une exemption [44]. Le comité de pédiatrie permanent, un comité scientifique responsable de coordonner les activités de l’Agence européenne des médicaments à l’égard des médicaments pour enfants, examine et approuve chaque Plan d’investigation pédiatrique et détermine les études à réaliser dans le cadre du développement. Le fabricant est lié par les exigences qui figurent dans le plan [44][45].
La Food and Drug Administration des États-Unis appuie un comité de révision pédiatrique permanent, responsable de coordonner des activités liées au développement de médicaments sécuritaires et efficaces pour les enfants [46]. Ce comité se voit conférer cette autorité en vertu des lois suivantes :
La Pediatric Research Equity Act, qui accorde à la FDA l’autorité d’exiger des études sur certains médicaments et produits biologiques, d’obtenir des étiquettes appropriées et d’assurer le développement de formulations commerciales, si les besoins le justifient.
À l’heure actuelle, les États-Unis cherchent à adopter des lois qui accroîtront les exigences d’évaluation des médicaments destinés à un usage pédiatrique, particulièrement ceux pour le traitement des patients pédiatriques atteints du cancer [48]. Ce travail marquant démontre que la réglementation gouvernementale peut assurer l’utilisation de médicaments à usage pédiatrique plus sécuritaires et plus efficaces.
Des relations étroites et coordonnées entre les régulateurs, les bailleurs de fonds de la recherche, les leaders cliniques et l’industrie sont essentielles au cadre de réglementation de l’Union européenne autant qu’à celle des États-Unis [49][50]. Au cœur de chaque modèle se trouve un conseil consultatif d’experts consacré à la pédiatrie, permanent et mandaté pour diriger et superviser le processus, favoriser les relations avec les parties prenantes et susciter le changement. L’efficacité de ce conseil dépend d’une approche proactive de collecte des données pédiatriques pour soutenir l’étiquetage, les indications et les formulations appropriés [51]-[53].
Le gouvernement fédéral devrait créer un conseil consultatif d’experts consacré à la pédiatrie, permanent et bien financé, pour analyser, orienter et coordonner les activités liées aux approbations de médicaments à usage pédiatrique, aux recherches cliniques connexes et aux programmes de remboursement (figure 1). Ce conseil assumerait les fonctions suivantes :
Le conseil consultatif d’experts consacré à la pédiatrie devrait être intégré à un portefeuille et relever directement du ministre et du sous-ministre de la Santé. Il devrait être formé de chefs de file des secteurs cliniques, universitaires et administratifs, en mesure de former rapidement des groupes ponctuels d’experts lorsque des questions particulières surgissent. Il devrait sciemment faire participer le public, les parents et les patients, pour éclairer à la fois ses priorités et ses décisions. Ses délibérations devraient être transparentes, et il devrait produire un rapport annuel en ligne exposant les progrès vers des buts précis et des objectifs mesurables.
Une réforme des processus de réglementation s’impose pour mieux intégrer l’approbation, l’ÉTS et les processus de fixation des prix. À cet effet, Santé Canada devrait :
Toutes les parties prenantes doivent recevoir des directives pédiatriques claires sur les processus en matière de réglementation et de remboursement. Conjointement avec une analyse appropriée des organismes d’ÉTS, ces réformes réduiront les obstacles, les coûts et les incertitudes, et favoriseront des soumissions à visée pédiatrique au Canada.
La Loi visant à protéger les Canadiens contre les drogues dangereuses (Loi C-17 ou « Loi de Vanessa ») modifie la Loi sur les aliments et drogues pour renforcer l’innocuité des médicaments en intensifiant la surveillance tout au long de leur cycle de vie, en améliorant les systèmes de déclaration d’événements indésirables et en accroissant la transparence [55]. Les propositions en matière de réglementation associées à la Loi C-17 sont lentes à émerger, mais les principales réformes doivent habiliter le ministère de la Santé à prendre les mesures suivantes :
Ces pouvoirs s’arriment avec des initiatives clés conçues pour améliorer l’accès à des médicaments à usage pédiatrique sécuritaires et efficaces et doivent être mis à profit de manière appropriée.
Les efforts en vue de moderniser et d’harmoniser les processus de réglementation auront peu de succès si les organismes d’ÉTS ne font pas simultanément l’objet de réformes. Des experts en pédiatrie devraient orienter les activités liées à ces réformes, donner des conseils aux organismes fédéraux de fixation des prix et assurer la liaison avec eux. Cette responsabilité devrait incomber au conseil consultatif d’experts consacré à la pédiatrie, qui devrait être habilité à concilier les normes et processus de réglementation, d’ÉTS et de politiques de remboursement. Les objectifs précis de ce conseil s’établiraient comme suit :
Pour que tous les patients pédiatriques aient accès à des formulations qui leur sont adaptées, il faut investir dans le développement de nouveaux produits [57] et développer des systèmes de délivrance de médicaments novateurs (p. ex., comprimés à dissolution rapide or mini-comprimés). Ces innovations favoriseront des modes d’administration plus sécuritaires, plus précis et plus acceptables pour les enfants.
Santé Canada doit s’assurer que les enfants du pays aient accès aux mêmes formulations commerciales sécuritaires et efficaces que celles qui sont déjà offertes dans des territoires de compétence dont la réglementation est rigoureuse, comme les États-Unis et l’Union européenne. Pour en assurer l’accessibilité, il faut un système de réglementation canadien qui priorise les examens, les données provenant d’organismes de réglementation étrangers et des trajectoires de remboursement adaptées à la pédiatrie.
À l’heure actuelle, de nombreuses monographies de produit sont obsolètes, et l’industrie n’est ni contrainte de les mettre à jour ni encouragée à le faire [58]. Les prescripteurs et les dispensateurs possèdent divers outils pour les guider dans leurs choix de prescriptions dans un emploi conforme et non conforme (p. ex., le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques, les formulaires en milieu hospitalier, les directives cliniques et les services de souscription privés), mais il n’existe pas de ressource gratuite, unique, fondée sur des données probantes et continuellement mise à jour sur laquelle s’appuyer pour prendre des décisions pharmacologiques à l’égard des patients pédiatriques.
Il est impératif d’instaurer une référence nationale en ligne à l’égard des médicaments à usage pédiatrique et des normes sur les préparations magistrales afin de réduire les variations des traitements, de garantir des pratiques de prescription optimales à l’égard d’affections courantes et de partager les connaissances des pratiques exemplaires sur les thérapies émergentes de maladies pédiatriques rares et d’autres affections cliniques [59]. Cette ressource devrait permettre de signaler en temps réel les événements indésirables associés à des médicaments commercialisés ou des préparations magistrales. De tels signalements devraient susciter l’examen des données postcommercialisation de ces médicaments pour des emplois conformes et non conformes, et ainsi faciliter la collecte de données probantes sur le terrain [60] en vue d’évaluer les médicaments tout au long de leur cycle de vie.
Compte tenu de leur expérience dans la création de ressources sur les médicaments et les produits thérapeutiques, l’Association des pharmaciens du Canada, conjointement avec les Directeurs de pédiatrie du Canada, devrait diriger les efforts en vue de créer cette ressource, grâce à un financement de Santé Canada.
Les budgets fédéraux de recherche devraient prévoir des portefeuilles affectés à la recherche sur les médicaments à usage pédiatrique proportionnels à la taille de la population et représentatifs du rendement du capital investi anticipé découlant de la recherche axée sur les enfants [61]. Dans le cas de maladies qui touchent principalement ou exclusivement les enfants (p. ex., certaines maladies neuromusculaires congénitales) ou qui se manifestent seulement pendant l’enfance (p. ex., affections inflammatoires systémiques), l’amélioration de l’état de santé des jeunes représente la trajectoire la plus rentable vers une population adulte en meilleure santé.
Le Canada est un chef de file reconnu de la pharmacologie clinique, de la méthodologie d’essais cliniques pédiatriques sur les médicaments et des services de santé pour la population. Des efforts coordonnés s’imposent pour soutenir les programmes de recherche en place, transposer des méthodes novatrices dans divers domaines de recherche et s’assurer que les organismes de réglementation et de remboursement comprennent les progrès relatifs à la méthodologie des essais et au développement des réseaux et les mettent en pratique.
Pour favoriser l’efficacité de la recherche, il faut éliminer les obstacles aux essais cliniques pédiatriques. Parmi les autres mesures, on peut réduire la duplication inutile des examens entre les comités d’éthique de la recherche, améliorer les plateformes de partage de la recherche et créer des normes pour renforcer le regroupement et la comparabilité des données. Santé Canada devrait éliminer les obstacles à la tenue d’études faisant appel à des médicaments correspondant aux normes des soins. Pour ce faire, il devrait réétiqueter activement les médicaments utilisés dans un emploi non conforme qui sont essentiels à la tenue d’essais cliniques en pédiatrie. Un investissement organisé et soutenu dans l’infrastructure des essais cliniques pédiatriques nationaux, à l’instar de celle établie par le Maternal Infant Child and Youth Research Network (MICYRN), mettra le Canada en bonne position pour devenir un chef de file international de la recherche en pédiatrie, qui attirera à la fois des recherches cliniques réalisées par l’industrie et des partenariats public-privé à grande échelle.
Afin que les enfants et les adolescents profitent d’un accès à des médicaments sécuritaires et efficaces, il est recommandé que le ministère de la Santé du Canada prenne les mesures suivantes :
Remerciements : Pour leur apport réfléchi et leur révision attentive, les auteurs tiennent à remercier le docteur Mike Dickinson, madame Tammy Clifford et madame Anne Tomalin. Pour leur évaluation critique et leurs ajouts importants, ils remercient également le docteur Jim Whitlock et madame Kathy Brodeur-Robb.
Liste des organisations qui appuient la SCP | |
Centre de formulations pédiatriques de la famille Rosalind et Morris Goodman du CHU Sainte-Justine Santé des enfants Canada Directeurs de pédiatrie du Canada Maternal Infant Child and Youth Research Network KidsCAN Trials Société canadienne de rhumatologie Association canadienne de néphrologie pédiatrique Association canadienne de neurologie pédiatrique |
Société canadienne de la pharmacologie et de la thérapeutique The C17 Council Canadian Pediatric Neuromuscular Group Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada Association canadienne de médecine d’urgence Groupe canadien d’endocrinologie pédiatrique Association canadienne de cardiologie pédiatrique |
Charlotte Moore Hepburn1, Andrea Gilpin2, Julie Autmizguine, Avram Denburg, L. Lee Dupuis, Yaron Finkelstein, Emily Gruenwoldt, Shinya Ito, Geert ‘t Jong, Thierry Lacaze-Masmonteil, Deborah Levy, Stuart MacLeod, Steven P. Miller, Martin Offringa, Maury Pinsk, Barry Power, Michael Rieder, Catherine Litalien2
1Société canadienne de pédiatrie, Ottawa (Ontario); 2Le Centre de formulations pédiatriques de la famille Rosalind et Morris Goodman du CHU Sainte-Justine, Montréal (Québec)
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 15 novembre 2020