Point de pratique
Affichage : le 20 mai 2022
Deborah Aylward, inf., B, Sc. inf., M. Sc. inf.; Kevin Coughlin MD, M. Sc. S., FRCPC; Société canadienne de pédiatrie, Comité directeur de l’ACoRN
Paediatr Child Health 2022 27(3):191 (Résumé)
On constate des écarts dans les taux de prématurité et de mortalité néonatale au Canada, en partie à cause d’une formation insuffisante en réanimation et en stabilisation néonatales, de même que d’une adhésion inégale aux pratiques exemplaires. Depuis les années 1990, le Programme de réanimation néonatale est la norme dans tous les établissements qui prodiguent des soins périnatals, mais les fournisseurs et les formateurs de soins périnatals ont continué d’observer des lacunes sur le plan des connaissances et des habiletés en matière de stabilisation des nouveau-nés après la réanimation, particulièrement dans les milieux où ces soins sont rarement requis. Le Programme de soins aigus aux nouveau-nés à risque (ACoRN) a été mis sur pied pour corriger ces lacunes. Dans l’ACoRN, une évaluation primaire et des trajectoires pour soigner les divers systèmes organiques (les séquences) priorisent et orientent l’évaluation, les soins essentiels et la prise en charge des nouveau-nés à risque ou malades pendant les premières heures et les premiers jours de vie. Le présent point de pratique fait ressortir les changements aux pratiques et aux recommandations depuis 2012, année de la dernière révision du texte et du fonctionnement de l’ACoRN, qui n’était alors offert qu’en anglais. À l’instar du Programme de réanimation néonatale, l’ACoRN est géré par la Société canadienne de pédiatrie au Canada. Un manuel et un programme d’enseignement révisés, mis à jour, traduits en français et lancés en 2021 standardiseront les soins, accroîtront les compétences et la confiance chez les dispensateurs de soins périnatals et amélioreront les pronostics néonatals au Canada et ailleurs au cours des prochaines années.
Mots-clés : nouveau-né; soins après la réanimation; stabilisation
Sur un nombre estimatif de 374 000 naissances vivantes au Canada en 2018, près de 30 000 nouveau-nés (8 %) sont venus au monde prématurément, et plus de 15 000 ont été admis dans une pouponnière de niveau 2 ou3 afin d'être soignés [1][2]. De ce nombre, 22 % ont eu besoin d'être stabilisés sur place avant d'être transférés, et 14 % avaient moins de 33 semaines d'âge gestationnel, avaient besoin d'un niveau de soins plus élevé et étaient nés à l'extérieur d'un milieu hospitalier [3]. Par rapport à la moyenne nationale de 7,9 %, le plus fort taux de prématurité était observé dans les trois territoires, où il pouvait atteindre 13,7 % [4]. Les taux de mortalité néonatale variaient considérablement en fonction des régions, celui du Nunavut étant 2,4 fois plus élevé qu’ailleurs au Canada [5]. Ces écarts découlent partiellement d’une formation insuffisante en réanimation et en stabilisation néonatales, de même que d’une adhésion inégale aux pratiques exemplaires [6]-[8].
Des professionnels de la santé de divers lieux de pratique, aux expériences ou formations variées en urgences néonatale, peuvent être appelés à soigner un nouveau-né malade. Il s’agit d’une situation qui peut être la fois difficile et stressante pour le professionnel de la santé ou l’établissement qui n’y est pas habitué ou préparé [6]-[8].
L’ACoRN est un programme canadien de stabilisation néonatale établi, qui a été lancé en anglais en 2005 pour corriger les lacunes dans le continuum des soins entre la réanimation du nouveau-né (pour laquelle le Programme de réanimation néonatale constitue la norme) et la stabilisation, pendant les premières heures et les premiers jours de vie des nouveau-nés malades ou à risque. Grâce à l’évaluation primaire priorisée, suivie d'algorightmes reposant sur les systèmes organiques correspondants (les séquences) auprès de chaque nouveau-né, le processus de l'ACoRN oriente la trajectoire d'évaluation, de soins essentiels et de prise en charge pour garantir la stabilité psychologique et le pronostic optimal du nouveau-né [9].
L’ACoRN est entré dans une nouvelle phase lorsqu’il a été transféré à la Société canadienne de pédiatrie (SCP) en 2015. La création d’une deuxième édition révisée et mise à jour du manuel de l’ACORN (la première en français) est éclairée par plusieurs sources inestimables accumulées sur plusieurs années : les lignes directrices fondées sur des données probantes de l’International Liaison Committee on Resuscitation (ILCOR) [10], les pratiques exemplaires standards et consensuelles, les publications à jour et l’apport d’une foule d’experts multidisciplinaires qui sont membres de la Société néonatale de l’ACoRN ou participants à la révision du texte. La SCP s’est associée à Oxford University Press en 2018 pour publier l’ouvrage en anglais au printemps 2021, alors que la version française a été préparée à l’interne. Un programme de formation amélioré sera déployé simultanément, afin que les moniteurs de l’ACoRN inscrits puissent offrir le contenu fondamental et l’apprentissage amélioré adaptés à leur établissement au moyen de modules interactifs axés sur des cas, de simulations et d’autres modalités de formation ciblées.
Les principaux changements à la pratique clinique s’établissent comme suit :
Les études de cas suivantes font ressortir deux de ces changements.
L’équipe de votre établissement de niveau 2 stabilise un garçon nouveau-né après une réanimation prolongée. Ses indices d’Apgar étaient de 31, de 45 et de 510, et le pH de son cordon, de 6,98. Sur le point de terminer les directives du Programme de réanimation néonatale, l’équipe s’inquiète du risque d’EHI et se reporte à l’ACoRN pour mieux s’orienter.
Les nouvelles lignes directrices de l’ACoRN reflètent les données probantes les plus à jour sur les avantages de traiter certains nouveau-nés atteints d’EHI au moyen de l’hypothermie thérapeutique [11], y compris les critères et les protocoles rigoureux exposés dans le document de principes de la SCP publié en 2018 [12].
« Risque d’EHI » et « prise en charge de l’EHI » sont deux nouveaux signes annonciateurs de l’ACoRN qui font partie des séquences du système neurologique et de la thermorégulation et qui contribuent au dépistage précoce; les séquences ont été modifiées pour diriger la prise en charge à jour et fondée sur des données probantes de ces nouveau-nés. Dans la séquence du système neurologique, vous remplissez la grille d’évaluation de l’encéphalopathie dans le cadre des étapes centrales essentielles pour évaluer la présence et le degré d’encéphalopathie [12].
Vous procédez à une surveillance étroite de ce nouveau-né puisqu’il faut entreprendre l’hypothermie thérapeutique dans les six heures suivant la naissance. Le pH du cordon du nouveau-né ne dépassait pas 7,0, et aucune observation clinique ne laissait encore présager la présence d’une encéphalopathie modérée à grave (convulsions, signes dans les colonnes « Modérée » ou « Grave » de la grille d’évaluation de l’encéphalopathie).
Une normothermie rigoureuse (température axillaire de 36,5 oC à 37,0 oC) est recherchée, dans le respect de la séquence de la thermorégulation, en attendant la prise de décision relative à l’hypothermie thérapeutique. Le chapitre sur la thermorégulation régit la surveillance des signes vitaux et de la température. Conformément au chapitre sur les liquides et le glucose, une perfusion de solution aqueuse de dextrose à 10 % est installée à 3 mL/kg/h. Selon le programme de l’ACoRN, les professionnels de la santé doivent constamment surveiller la ventilation, l’oxygénation et l’état cardiovasculaire du nouveau-né.
Lors de l’évaluation de la température du nouveau-né à deux heures de vie, une activité convulsive est observée.
Le centre de soins tertiaires est informé et recommande de suivre la séquence du système neurologique au sujet de l’administration de phénobarbital (20 mg/kg IV) et la séquence de la thermorégulation au sujet de l’hypothermie passive. Votre équipe éteint l’unité chauffante et surveille étroitement la température interne du nouveau-né pour s’assurer qu’elle se maintient dans la plage souhaitée de 33 °C à 34 °C, conformément au volet de prise en charge de l’EHI contenu dans la séquence de la thermorégulation.
En attendant l’équipe de transport, l’ACoRN continue de fournir aux professionnels de la santé les recommandations dont ils ont besoin pour surveiller le nouveau-né, intervenir et ainsi optimiser les soins.
Vous évaluez une nouveau-née peu prématurée de 12 heures de vie (355 semaines d’âge gestationnel) qui présente une hypotonie et un ictère visible. Vous vous reportez à l’ACoRN, qui inclut désormais un nouveau chapitre sur l’ictère en fonction de nomogrammes préparés par l’American Academy of Paediatrics et dont l’adaptation a été publiée dans un document de principes de la SCPen 2007, en vue de son utilisation dans un contexte canadien [13].
Un nouveau-né présentant au moins l’un des signes annonciateurs suivants : « Risque d’ictère », « Ictère visible » ou « Bilirubine à un taux exigeant un traitement » est soumis à la séquence de l’ictère. En raison de son faible tonus et de son ictère visible, vous procédez à l’évaluation primaire et aux étapes centrales synthétisées et constatez une hypoglycémie (3 mmol/L) et une bilirubine sérique totale de 115 mcmol/L. La séquence du système neurologique vous indique d’évaluer les signes d’encéphalopathie, qui sont inexistants, et de vous assurer d’une glycémie normale avant de passer à la séquence de l’ictère, qui vous incite à consigner ce résultat sur les nomogrammes des seuils de photothérapie et d’exsanguinotransfusion. La bilirubine sérique totale de cette nouveau-née correspond au seuil de traitement. Elle a besoin d’une photothérapie, mais pas d’une exsanguinotransfusion.
Les principaux changements à l’approche de la stabilisation de l’ACoRN sont résumés au tableau 1 ci-dessous.
Tableau 1. Nouveau texte et éléments de l’ACoRN | |
Sujet | Nouveau contenu et nouvelles recommandations |
Aperçu |
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Transition |
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Processus de l’ACoRN |
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Système respiratoire |
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Système cardiovasculaire |
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Système neurologique |
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Situations cliniques nécessitant une intervention chirurgicale |
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Liquides et glucose |
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Ictère |
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Thermorégulation |
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Infection |
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Transport |
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Soutien |
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Annexes |
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La mise à jour de l'ACoRN en 2021 et sa publication en français fournissent une approche factuelle et standardisée de la stabilisation néonatale au Canada qui, si elle est adoptée partout, corrigera les lacunes en matière de soins, accroîtra la confiance et les compétences des professionnels de la santé à l’égard des soins aux nouveau-nés à risque ou malades et améliorera les pronostics néonatals partout au pays. La SCP recommande l’adoption universelle de l’ACoRN comme approche standardisée de la stabilisation néonatale au Canada.
Le comité d’études du fœtus et du nouveau-né, le comité de la pédiatrie communautaire, le comité de la santé des Premières Nations, des Inuits et des Métis et le comité des soins aigus de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent point de pratique.
COMITÉ DIRECTEUR DE L’ACoRN de la SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE (2020-2021)
Membres du comité directeur : Khalid Aziz MD, Jill Boulton MD (présidente sortante), Kevin Coughlin MD, M. Sc. S., FRCPC (président), Deepak Manhas MD
Auteurs principaux : Deborah Aylward, inf., B. Sc. inf., M. Sc. inf.; Kevin Coughlin MD, M. Sc. S., FRCPC
Pour obtenir la liste complète des membres du comité directeur de l’ACoRN, consulter la page https://cps.ca/fr/acorn/Comite-directeur-acorn.
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 20 juin 2022