Document de principes
Affichage : le 14 avril 2021
Nicholas Chadi, Ellie Vyver, Richard E. Bélanger; Société canadienne de pédiatrie, Comité de la santé de l’adolescent
Paediatr Child Health 2021(6): 366-374
Le vapotage chez les jeunes comporte des risques importants pour la santé et la sécurité des enfants et des adolescents canadiens. Le présent document de principes fournit de l’information générale sur le vapotage et les produits et dispositifs qui y sont liés, traite des méfaits à court et à long terme associés à leur utilisation et propose des stratégies de prévention et d’abandon pour les jeunes vapoteurs ou ceux qui sont à risque de commencer à vapoter. Le vapotage chez les jeunes est associé à un risque accru d’usage de tabac et de substances psychoactives, de troubles de santé mentale, de pneumopathie, de cardiopathie et de blessures accidentelles. Le vapotage ne doit pas servir d’outil d’abandon du tabac chez les jeunes, en raison de son manque d’efficacité et des données probantes sur les méfaits qu’il occasionne. De nombreuses stratégies préventives et thérapeutiques utilisées pour l’abandon du tabac, y compris les stratégies comportementales et pharmacologiques, peuvent être adaptées pour aider les jeunes à arrêter de vapoter. Des recommandations sont formulées pour les intervenants communautaires et les décideurs.
Mots-clés : adolescent; cannabis; usage de substances psychoactives; lésions; nicotine; vapotage
Malgré une tendance générale vers un usage de substances psychoactives stable ou décroissant chez les enfants et les adolescents d’Amérique du Nord depuis dix ans, l’utilisation des vapoteuses est en hausse [1][2]. Ce phénomène menace de renverser la baisse constante de l’usage de cigarettes et d’autres formes de tabac découlant de décennies de travail en santé publique [3][4].
En 2019, 36 % des adolescents âgés de 15 à 19 ans ont déclaré avoir déjà essayé le vapotage, et 15 % avaient vapoté dans les 30 jours précédents. C’est près de cinq fois plus que chez les adultes âgés de 25 ans et plus [5]. La majorité des adolescents qui affirmaient vapoter (87 %) utilisaient des liquides contenant de la nicotine [5]. Il devient également plus fréquent de voir les adolescents et les jeunes adultes qui consomment du cannabis à des fins récréatives utiliser un dispositif de vapotage contenant du cannabis [6].
De multiples facteurs contribuent à l’usage de produits de vapotage chez les jeunes. Les facteurs de risque individuels incluent l’usage par les camarades, la curiosité, le désir d’expérimenter, la perception que cette pratique n’a pas d’effets nocifs et un usage antérieur de produits du tabac. Les principaux risques environnementaux incluent l’exposition aux campagnes publicitaires sur le vapotage et la facilité d’accès aux produits à faible coût [7]-[9]. Il existe des mesures de réglementation pour réduire le vapotage chez les jeunes, soit restreindre les publicités sur les produits de vapotage orientées vers les jeunes, interdire les produits de vapotage aromatisés (sauf ceux aromatisés au tabac), adopter une concentration de nicotine maximale de 20 mg/mL, cantonner la vente des produits aux adultes et restreindre l’utilisation des produits de vapotage dans les endroits publics. Une telle réglementation peut avoir une grande influence sur les comportements des jeunes liés au vapotage [10]-[12].
Puisque les produits de vapotage sont relativement nouveaux, leurs effets à long terme sur la santé demeurent largement inconnus. Cependant, les publications rendent compte de plusieurs risques à court et à moyen terme sur la santé, y compris les lésions pulmonaires causées par le vapotage, les brûlures et les troubles liés à la nicotine et au cannabis.
Le présent document de principes fournit un aperçu du vapotage ainsi que des produits et dispositifs qui y sont liés et décrit les méfaits associés au vapotage chez les jeunes. Il propose des stratégies de prévention et d’abandon du vapotage pour protéger les jeunes contre les risques de cette pratique et se termine par des recommandations pour les professionnels de la santé, les intervenants communautaires et les décideurs.
Les dispositifs de vapotage électroniques, d’abord mis en marché pour favoriser l’abandon du tabac, se sont généralisés en Amérique du Nord vers l’an 2000 [13]. La plupart des premiers modèles ressemblaient à une cigarette et intéressaient peu les jeunes. L’engouement des jeunes pour le vapotage s’est manifesté pour la première fois entre 2013 et 2015, alimenté par la perception de faible risque [14][15], les campagnes publicitaires musclées ciblant les jeunes [16] et la prolifération de dispositifs en forme de stylo ou de formes plus complexes et plus imposantes, dans tout un éventail d’aromatisants attirants pour les jeunes [1]. Un deuxième pic de popularité a été atteint entre 2017 et 2019, à l’arrivée sur le marché de dispositifs plus petits, de la forme de clés USB, contenant des cartouches préremplies (des capsules, ou pods) [17]. Les jeunes nomment les dispositifs de vapotage de diverses façons, comme e‑cig, vape, stylo, vapoteuse ou mod ou par leurs marques de commerce [18].
Les dispositifs de vapotage empruntent des aspects très variés, mais la plupart partagent un mécanisme commun. Lorsqu’il est chauffé, un compartiment rempli de liquide lié à une spirale métallique alimentée par une batterie produit un mélange de vapeur et de particules fines (un « aérosol ») inhalé par un embout buccal [19]. Les liquides à vapoter, qu’on appelle souvent e-liquide, e-juice (e-jus) ou simplement juice (jus), renferment souvent des aromatisants et peuvent contenir de la nicotine (souvent à fortes concentrations, sous forme de sels de nicotine) ou du cannabis (contenant généralement de plus fortes concentrations de tétrahydrocannabinol (THC) que le cannabis séché habituel) [20]. Les aromatisants et les substances psychoactives (p. ex., la nicotine et le THC) sont dissous dans des solvants qui sont soit aqueux (p. ex., le propylène glycol pour la nicotine ou les produits aromatisés), soit à base d’huile (pour les produits du cannabis) [20]. Les liquides renferment aussi d’infimes quantités de nombreux produits chimiques et métaux lourds, y compris l’acroléine, l’acétaldéhyde, le nickel et le plomb, dont l’ingestion peut être toxique ou cancérigène [21].
Divers trucs de vapoteurs, ou vape tricks (p. ex., faire des ronds ou d’autres formes avec la fumée), peuvent sublimer l’expérience de vapotage [22], mais il est démontré qu’ils accroissent le risque de vapotage exagéré et problématique chez les jeunes [23]. Des techniques comme le ghosting (ou « effet fantôme », qui consiste à réaspirer l’aérosol pendant plusieurs secondes, pour donner l’impression qu’il « disparaît ») permettent de vapoter discrètement dans des endroits publics où la pratique est strictement interdite (en classe, par exemple [22]). Le dripping, ou égouttage, est la technique qui consiste à laisser couler le liquide directement sur l’élément chauffant pour inhaler l’aérosol ainsi produit et en tirer des effets psychoactifs plus intenses, tout en courant un plus grand risque de blessures par contact avec le liquide brûlant [24]. Le dabbing, ou tamponnage, désigne le chauffage de produits du cannabis très concentrés pour créer un aérosol, ce qui est également considéré comme une forme de vapotage [25]. L’utilisation de ces termes en milieu clinique favorise des échanges plus clairs et plus efficaces avec les jeunes vapoteurs.
D’après les recherches, les jeunes vapoteurs sont exposés à de nombreux produits chimiques, provenant à la fois de l’exposition directe (aérosols inhalés) et passive (ou secondaire) [26]. Plusieurs substances irritantes et certaines substances cancérigènes peuvent aussi être responsables d’une toux chronique, d’une bronchite, d’exacerbations de l’asthme et d’une diminution de la tolérance à l’exercice [27]. Puisque les produits de vapotage sont relativement nouveaux, on ne connaît pas leurs risques cancérigènes à long terme par rapport à d’autres produits du tabac ou du cannabis. Cependant, plusieurs études ont soulevé la possibilité que le vapotage représente un facteur de risque de mauvaise santé cardiovasculaire à long terme [28].
Entre août 2019 et mars 2020, près de 3 000 cas de maladie pulmonaire associée au vapotage (MPAV) ont été signalés au Canada et aux États-Unis, dont environ 15 % chez des jeunes âgés de moins de 18 ans [29]. La MPAV désigne une pneumonite inflammatoire stérile causée par l’inhalation des particules chimiques contenues dans les aérosols du vapotage, laquelle déclenche une réponse immunitaire pulmonaire [30]. La toux, les douleurs thoraciques et l’essoufflement, qui peuvent être marqués et entraîner une hospitalisation ou même la mort, font partie des symptômes initiaux [31][32]. À la radiographie pulmonaire, la MPAV prend l’aspect d’infiltrats pulmonaires diffus, et ses symptômes abdominaux et constitutionnels non spécifiques peuvent donner lieu à des retards diagnostiques et des diagnostics erronés [31]. La MPAV est un diagnostic d’exclusion posé en l’absence d’étiologie infectieuse. Bien que l’acétate de vitamine E (qu’on trouve dans plusieurs liquides à vapoter contenant du cannabis vendus sur le marché noir) ait été décelé dans plusieurs cas graves, d’autres produits chimiques encore insoupçonnés peuvent avoir des caractéristiques semblables. La MPAV a été observée chez des personnes qui n’avaient consommé que des produits contenant de la nicotine [29].
Deux enquêtes nationales auprès de pédiatres canadiens réalisées en 2015 et en 2019 ont révélé la présence d’un nombre appréciable de blessures graves ou d’ingestions liées au vapotage, qui ont exigé une prise en charge médicale chez les enfants et les adolescents [33][34]. Les incidents incluaient l’ingestion de liquide à vapoter responsable de symptômes gastro-intestinaux aigus et d’autres symptômes d’intoxication nicotinique (p. ex., tachycardie, céphalées, étourdissements). La plupart d’entre eux se sont produits chez des enfants de moins de cinq ans. On n’insistera jamais assez sur l’importance de prévoir des emballages et des contenants à l’épreuve des enfants pour les produits nicotiniques liquides, afin d’en éviter l’ingestion accidentelle; l’intérêt de cette mesure est d’ailleurs corroboré par des données probantes [35]. Les publications pédiatriques contiennent également plusieurs rapports de graves brûlures au visage et à la tête (suffisantes pour être responsables de complications et de cicatrices) et de lésions oculaires (entraînant une énucléation ou une perte de vision dans certains cas) en raison de défectuosités des dispositifs [36]-[38]. Parmi les autres dangers du vapotage, soulignons la conduite automobile ou l’utilisation du vélo avec les facultés affaiblies par le THC, qui peut altérer considérablement la cognition et la proprioception [39].
Bien des méfaits associés au vapotage trouvent leur origine dans les substances psychoactives que renferment la plupart des liquides à vapoter [40]. Il s’agit surtout de la nicotine et du THC, même si d’autres substances, comme les stimulants, les opioïdes et les hallucinogènes, peuvent aussi être consommées à l’aide d’un dispositif de vapotage [20]. La nicotine est une substance particulièrement toxicomanogène en raison de son action rapide et de son intense stimulation des voies cérébrales de récompense [41][42]. Le THC, une substance liposoluble, déclenche les circuits cérébraux de la récompense un peu de la même façon, mais de manière plus lente et plus prolongée [43].
Même si leurs effets à court terme sont différents, la nicotine et le THC ont tous deux des répercussions démontrées sur le développement du cerveau et accroissent le risque d’usage problématique de substances légales et illégales [44]-[46]. En fait, le vapotage est lié de manière indépendante à un risque accru de futur usage de tabac et de cannabis, quelle que soit l’exposition antérieure à la cigarette traditionnelle [47][48]. De même, plus l’usage de nicotine ou de cannabis commence tôt, plus le futur risque de trouble de l’usage de substances est élevé. Les mesures pour prévenir le vapotage chez les jeunes pourraient comporter des avantages tout au long de la vie [49].
La consommation de fortes quantités de nicotine pendant le vapotage, qu’on appelle parfois dosing ou dosage, peut être responsable d’une intoxication nicotinique, un syndrome caractérisé par d’intenses douleurs abdominales, des nausées, des vomissements, des palpitations, des tremblements des mains, des céphalées, des troubles de concentration et, dans les cas graves, des convulsions et des arythmies [50]. De même, les produits du cannabis très puissants peuvent provoquer des effets indésirables aigus sur la santé mentale, tels que la paranoïa et les symptômes psychotiques [51]. Le jeune qui développe une dépendance à la nicotine ou au THC à cause d’un vapotage répété peut éprouver des symptômes de sevrage lorsqu’il essaie d’arrêter ou qu’il n’a pas accès aux produits [46][52]. Les symptômes de sevrage incluent les envies irrésistibles, l’irritabilité, la nervosité, l’humeur dépressive, les céphalées et l’insomnie. Ils peuvent se manifester après à peine quelques semaines d’utilisation, être très problématiques, perturber la santé et le fonctionnement normaux des jeunes et faire obstacle à l’abandon du vapotage [53][54].
Le vapotage est associé à des comportements à haut risque et à des effets indésirables sur la santé mentale, notamment la dépression et l’idéation suicidaire [55][56]. Les risques du vapotage de nicotine ou de THC pour la santé mentale pourraient être semblables à ceux des autres formes inhalées (p. ex., fumées) ou ingérées de ces deux substances [56]-[58], mais les fortes concentrations de nicotine et de THC contenues dans les produits de vapotage (souvent deux à cinq fois plus élevées que celles des produits utilisés pour fumer) pourraient les amplifier [59][60]. L’influence croisée de ces deux substances, qui sont souvent combinées à l’alcool et à d’autres drogues, est liée à un risque accru de graves troubles de santé mentale, tels que les troubles dépressifs majeurs, l’anxiété généralisée, le trouble bipolaire et la schizophrénie [61][62]. Cependant, le lien de causalité entre le vapotage et les troubles de santé mentale n’est toujours pas établi.
Les professionnels de la santé qui travaillent en milieu pédiatrique doivent aborder les méfaits du vapotage avec tous les adolescents qui les consultent. Selon des études de prévalence effectuées en milieu scolaire, ces échanges devraient avoir lieu dès l’âge de 12 ans, ou même plus tôt si le contexte le justifie [63]. Après avoir expliqué les avantages (et les limites) de la confidentialité, ces professionnels de la santé devraient s’informer des comportements en matière de vapotage, de manière informelle pour commencer, puis, si la situation l’indique, à l’aide d’un outil d’évaluation, que de nombreux jeunes préfèrent aux questions directes [64]. Les outils de dépistage standardisés utilisés pour échanger sur les comportements d’usage d’alcool et de substances psychoactives, comme le Screening to Brief Intervention (S2BI, ou dépistage pour une brève intervention) [65] ou le Car-Relax-Alone-Forget-Friends-Trouble (CRAFFT, ou voiture, détente, solitude, oubli, amis et problèmes) [66], peuvent être adaptés pour orienter les échanges sur le vapotage.
Par exemple, l’outil S2BI propose une question validée qui peut être adaptée au vapotage : « Depuis un an, combien de fois as-tu utilisé un dispositif de vapotage? » L’utilisation de termes familiers pour le jeune ou de marques de commerce peut favoriser la collecte d’information plus détaillée que le terme « dispositif de vapotage » [54]. Des questions de suivi aux jeunes qui ont déjà vapoté (tableau 1) permettent d’évaluer les produits et les substances qu’ils utilisent, leurs motifs et les contextes d’utilisation, la fréquence, l’intensité et leur motivation à ralentir ou à abandonner cette pratique. Le recours à une échelle standardisée sur la dépendance à la nicotine (comme la Hooked on Nicotine Checklist, ou liste accro à la nicotine [67]) ou aux critères diagnostiques des troubles liés au cannabis contenus dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) [68] peut déterminer le degré de dépendance à la nicotine ou au cannabis lié au vapotage.
Tableau 1. Questions d’évaluation pour les jeunes qui déclarent utiliser un produit ou un dispositif de vapotage | |
Questions |
Motifs |
Information sur le produit
|
Selon des données préliminaires, les produits issus du marché illégal sont davantage liés aux MPAV et à d’autres méfaits du vapotage. En cas de lésion ou de maladie liée au vapotage, il faut obtenir de l’information sur les produits utilisés et la transmettre aux autorités sanitaires. |
Les substances à vapoter
|
Le vapotage de nicotine et de THC rend les jeunes vulnérables aux troubles liés à la nicotine ou au cannabis, et les produits qui en contiennent des concentrations élevées semblent comporter un plus fort risque de MPAV. |
Les motifs
|
L’usage précoce de substances psychoactives est lié à un plus grand risque de troubles de l’usage de substances au cours de la vie. En examinant les raisons du vapotage, on peut éclairer l’entrevue motivationnelle et les conseils sur l’abandon du vapotage. |
Le contexte
|
Le contexte peut éclairer les conseils pour favoriser l’abandon du vapotage. |
La fréquence et l’intensité
|
Un usage fréquent rend les jeunes vulnérables aux symptômes de sevrage, ce qui exige de planifier un soutien. |
Les méfaits liés au vapotage
|
Les tentatives d’abandon peuvent être entravées par des envies et d’autres symptômes de sevrage. Dans le cas de la nicotine, une pharmacothérapie peut réduire les symptômes. |
Note : Il est conseillé d’utiliser des termes que les jeunes connaissent. MPAV : maladie pulmonaire associée au vapotage, THC : tétrahydrocannabinol
Traduit et adapté de la référence [54] |
En attendant la création d’outils validés propres au vapotage, un algorithme utilisé pour l’abandon du tabac, la méthode en cinq étapes (demander, conseiller, évaluer, aider, prévoir), constitue un cadre utile lors des interventions sur le vapotage [69]. Pour en savoir plus sur les cinq étapes, consulter le document de principes intitulé Des stratégies pour promouvoir l’abandon du tabac chez les adolescents [70]. D’autres conseils figurent dans le document intitulé Le counseling auprès des adolescents et des parents au sujet du cannabis : une introduction pour les professionnels de la santé [71].
Après avoir demandé quelles sont les pratiques de vapotage, les professionnels de la santé qui travaillent en milieu pédiatrique doivent conseiller aux jeunes de ne pas s’y mettre (ou de réduire ou d’abandonner cette pratique) et leur faire part des risques courants du vapotage pour la santé, tels que les MPAV. Ils doivent également évaluer la motivation de chaque jeune à en réduire ou en abandonner l’usage. Le recours à une échelle sur dix points permet d’explorer les motifs du vapotage du point de vue de l’adolescent (p. ex., « sur une échelle de un à dix, à quel point es-tu motivé à réduire ou à abandonner le vapotage? »), dix indiquant le taux de motivation le plus élevé. D’après la réponse, les cliniciens doivent ensuite offrir d’aider leurs efforts, grâce à des stratégies et mesures de soutien comportementales, ou pharmacologiques si la situation l’indique. Enfin, ils doivent prévoir un plan de suivi approprié, auquel participeront les membres de la famille ou des spécialistes, au besoin.
Les stratégies comportementales utilisées auprès des jeunes pour traiter la dépendance au tabac, au cannabis ou à ces deux substances devraient être considérées comme des traitements de première ligne auprès des jeunes vapoteurs [72]. Parmi les exemples, soulignons le counseling individuel ou en groupe, l’entrevue motivationnelle, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), la gestion des contingences, les interventions en pleine conscience et les démarches à partir d’applications mobiles ou de ressources en ligne [40][54]. Le point de pratique intitulé Des stratégies pour promouvoir l’abandon du tabac chez les adolescents [70] contient une description des stratégies comportementales qui peuvent être adaptées à l’abandon du vapotage.
Chez les jeunes qui hésitent à réduire ou à abandonner le vapotage, on peut envisager des stratégies de réduction des méfaits, même si on ne possède pas beaucoup de données probantes pour soutenir cette démarche. Les conseils peuvent inclure le remplacement des produits de vapotage provenant de sources illégales ou non vérifiées par des produits légaux, l’achat de produits contenant des concentrations plus faibles de THC ou de nicotine et l’habitude d’éviter d’associer le vapotage à d’autres substances (tabac, alcool, boissons énergisantes caféinées ou autres drogues).
Une cartouche préremplie de nicotine peut contenir l’équivalent en nicotine de un à deux paquets de cigarettes [5]. La sécurité des substituts nicotiniques (ou traitements de remplacement de la nicotine), offerts sous forme de timbres, de gommes et de pastilles, est démontrée chez les jeunes, mais leur efficacité pour favoriser l’abandon du tabagisme et du vapotage est mitigée dans cette population [73]. On peut envisager d’utiliser les substituts nicotiniques pour atténuer les symptômes de sevrage et les envies de nicotine [54], mais toujours en combinaison avec des stratégies non pharmacologiques (comportementales) [73]. Les directives d’utilisation des substituts nicotiniques chez les jeunes sont décrites au tableau 2 [54][73][74].
Tableau 2. Les substituts nicotiniques (ou traitements de remplacement de la nicotine) pour l’abandon du vapotage |
|
Caractéristiques |
Substituts nicotiniques (p. ex., timbres, gommes, pastilles, vaporisateur) |
Mécanisme |
Agoniste pur qui se fixe aux récepteurs cholinergiques nicotiniques |
Indications cliniques |
|
Posologie et administration |
Il est recommandé d’associer un timbre de nicotine à un produit nicotinique à courte durée d’action pour réduire les envies incontrôlables. Timbre de nicotine (doses d’entretien) Appliquer toutes les 24 heures sur une zone de peau glabre située entre le cou et la taille (changer de zone tous les jours). *Dose reposant sur la quantité de nicotine quotidienne, calculée en fonction du volume et de la concentration de liquide à vapoter :
Utiliser un timbre d’entretien pendant quatre à six semaines, puis passer à la dose plus basse suivante pendant deux à quatre semaines. Poursuivre le sevrage jusqu’à ce que le patient soit en mesure de résister à ses envies grâce au seul recours aux stratégies comportementales. Nicotine à courte durée d’action† (en cas d’envies incontrôlables)
|
Autres considérations |
Les substituts nicotiniques sont offerts en vente libre, mais devraient toujours être prescrits, parce qu’ils sont remboursés à la fois par les régimes d’assurance publics et privés jusqu’à l’âge de 18 ans. |
*Les timbres peuvent être portés seulement pendant la journée ou pendant la nuit, et cette deuxième possibilité peut contribuer à réduire les envies matinales. On observe des réactions cutanées locales chez certains patients, lesquelles peuvent être traitées par la rotation des zones d’application du timbre ou par l’utilisation d’un stéroïde topique peu puissant. †En général, on recommande aux adultes qui fument la cigarette de prendre des morceaux de gomme ou des pastilles de 4 mg s’ils grillent leur première cigarette dans les 30 minutes suivant leur éveil. Autrement, des gommes ou des pastilles de 2 mg sont recommandées. On ne sait pas au juste comment appliquer ces recommandations aux jeunes vapoteurs. En général, le traitement doit toutefois commencer par une utilisation plus fréquente de produits nicotiniques à courte durée d’action, suivie par l’augmentation de l’intervalle entre les doses (p. ex., un morceau de gomme ou une pastille toutes les heures ou les deux heures pendant les semaines un à six, puis toutes les deux à quatre heures pendant les semaines sept à neuf, puis toutes les quatre à huit heures pendant les semaines dix à douze).
|
Le bupropion (à libération soutenue) et la varénicline ont amélioré les taux d’abandon du tabac chez les adultes, mais leur efficacité n’est pas concluante chez les jeunes [75]. Si ces produits sont utilisés, le bupropion doit toujours être combiné avec le substitut nicotinique et les stratégies comportementales, et la varénicline ne doit être envisagée qu’à compter de l’âge de 17 ans [54]. En raison d’inquiétudes relatives à la sécurité et à l’efficacité du bupropion et de la varénicline en pédiatrie, les professionnels de la santé qui travaillent en milieu pédiatrique devraient demander conseil à un spécialiste chevronné de la médecine de l’adolescence ou de la toxicomanie avant de prescrire l’un ou l’autre médicament [54].
Les données probantes sur l’efficacité de la pharmacologie pour traiter la dépendance au cannabis et la prise en charge du sevrage chez les adolescents motivés sont limitées, mais en croissance [76]. Quelques études ont porté sur trois agents différents, soit la N-actylcystéine [77][78], la gabapentine [79] et l’ocytocine [80], et ont donné des résultats prometteurs, mais on ne connaît pas les stratégies optimales de leur utilisation chez les jeunes. Le topiramate et la naltrexone font partie des autres agents potentiels, mais ils devront faire l’objet de recherches plus poussées [81]. Des produits du THC de qualité pharmacologique, tels que le nabilone, sont parfois utilisés pour remplacer les produits de vapotage qui renferment du cannabis, mais ils devront également être soumis à des études plus approfondies [81].
Afin de contribuer à protéger les enfants et les adolescents des méfaits du vapotage, les professionnels de la santé doivent prendre les mesures suivantes :
Selon des données émergentes, les mesures mises en œuvre par des intervenants communautaires comme ceux des écoles, de la santé publique locale et des organisations de jeunes peuvent avoir des répercussions positives importantes sur la prévention et la réduction du vapotage chez les jeunes [17][72]. On manque d’information sur des modèles précis, mais les données probantes appuient les recommandations générales suivantes [82][83] :
La réglementation de tous les ordres du gouvernement a réduit considérablement le tabagisme [84]-[86]. Conformément à la Loi sur le tabac et les produits de vapotage du Canada et aux recommandations issues de lignes directrices et de nombreuses organisations liées à la santé [72][87]-[89], les recommandations suivantes sont destinées aux organismes gouvernementaux et de réglementation du Canada. Des systèmes et un financement devraient leur être consacrés.
Le comité de bioéthique, le comité de la pédiatrie communautaire, le comité de pharmacologie et des substances dangereuses et le comité de prévention des blessures de la Société canadienne de pédiatrie, de même que le comité d’action pour les enfants et les adolescents, ont révisé le présent document de principes.
Membres : Holly Agostino MD, Marian Coret MD (membre résidente), Megan Harrison MD, Karen Leis MD (représentante du conseil), Alene Toulany MD, Ashley Vandermorris MD, Ellie Vyver MD (présidente)
Représentante : Megan Harrison MD (section de la santé de l’adolescent de la SCP)
Auteurs principaux : Nicholas Chadi MD, Ellie Vyver MD, Richard E. Bélanger MD
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 8 février 2024