Un port d’attache pour les pédiatres. Une voix pour les enfants.
Document de principes
La promotion de l’évolution optimale de la santé mentale chez les enfants et les adolescents
Affichage : le 4 mai 2023
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Auteur(s) principal(aux)
Wilma Arruda MD, Stacey A Bélanger MD Ph. D., Janice S Cohen Ph. D., C Psych, Sophia Hrycko MD, Anne Kawamura MD, Margo Lane MD, Maria J Patriquin MD, Daphne J Korczak MD; Société canadienne de pédiatrie, groupe de travail sur la santé mentale, conjointement avec l’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant de l’adolescent,
Groupe de travail sur la santé mentale
Les dispensateurs de soins pédiatriques sont souvent le premier point de contact des enfants et des adolescents aux prises avec des problèmes de santé mentale, mais ils ne possèdent pas nécessairement les ressources (p. ex., l’accès à une équipe multidisciplinaire) ni la formation nécessaires pour procéder à leur dépistage ou à leur prise en charge. Le présent document de principes conjoint décrit les principaux rôles et les principales compétences à maîtriser pour évaluer et traiter les problèmes de santé mentale chez les enfants et les adolescents, de même que les facteurs qui optimisent le plus possible l’évolution de la santé mentale dans ces groupes d’âge. Il contient des conseils fondés sur des données probantes à propos du dépistage des préoccupations en matière de santé mentale chez les jeunes et leur famille ainsi qu’à propos des échanges sur le sujet. Les interventions préventives et thérapeutiques dont l’efficacité est démontrée en milieu communautaire sont abordées. Le présent document de principes, qui est fondamental, traite également des changements à l’enseignement de la médecine ainsi qu’aux systèmes et aux politiques de santé qui s’imposent pour améliorer la pratique clinique et les efforts de revendications au Canada, y compris les modèles de rémunération appropriés, les approches des soins abordées étape par étape, le financement gouvernemental ciblé, l’enseignement et la formation professionnelle.
Les problèmes de santé mentale sont courants chez les enfants et les adolescents du Canada. Pourtant, on estime que moins de 20 % des 1,2 million d’enfants et d’adolescents qui éprouvent des problèmes affectifs, comportementaux et psychosociaux assez graves pour perturber leur fonctionnement et leur développement recevront un traitement approprié[1][2]. La majorité des troubles de santé mentale déclarés chez les jeunes adultes trouvent leur origine pendant l’enfance ou l’adolescence, ce qui rend d’autant plus essentiels le dépistage précoce des problèmes de santé mentale et les interventions à point nommé[3]-[5].
Les pédiatres et autres dispensateurs de soins pédiatriques (voir l’encadré 1) sont souvent le premier point de contact des enfants, des adolescents et des familles qui souhaitent obtenir des conseils et du soutien en raison d’une préoccupation en matière de santé. Bien que la relation de confiance prolongée qu’ils entretiennent avec les patients et les familles devrait leur permettre de promouvoir la santé mentale des enfants et des adolescents, d’orienter les jeunes et les familles qui ont besoin d’un soutien vers des services de santé mentale et de contribuer à une évolution positive[6], il existe également d’importants obstacles aux soins.
Les recherches révèlent que les barrières de la langue ou de la culture, un accès insuffisant aux services de santé et aux services sociaux et la peur de l’autorité ou de la stigmatisation incitent souvent les personnes immigrantes, réfugiées, distinctes sur le plan ethnoculturel ou racisées à se rendre à l’urgence pour obtenir de l’aide à cause d’un problème de santé mentale plutôt que dans un milieu de soins plus général[7]. La marginalisation est aggravée par des déterminants sociaux de la santé sous-optimaux, comme un faible revenu, un logement inapproprié, l’insécurité alimentaire et le manque de mesures de soutien social, qui sont liés et contribuent considérablement à l’évolution clinique défavorable de la santé physique et mentale dans les populations à risque[8]-[10]. De plus, les dispensateurs de soins pédiatriques peuvent constater des problèmes de santé mentale ou des facteurs de risque même lorsque la raison de la consultation ne semble pas y être reliée, si bien que la prise en compte des déterminants sociaux à l’échelle des patients, de la pratique et de la communauté peut faire partie intégrante d’une intervention optimale[11]-[13]. De plus, puisque les soins de santé mentale n’ont traditionnellement pas reçu l’importance nécessaire dans la formation en médecine au Canada, les dispensateurs de soins pédiatriques peuvent se sentir mal outillés pour évaluer un problème de santé mentale ou intervenir à cet égard. Ils peuvent également devoir composer avec des obstacles systémiques, tels que le manque de temps ou les mécanismes de rémunération inappropriés[14].
Le présent document de principes traite des compétences en santé mentale dont on s’attend de la part des dispensateurs de soins pédiatriques : soutenir les soins de santé mentale chez les enfants et les adolescents, créer un environnement favorable à la santé mentale et acquérir les habiletés cliniques nécessaires pour fournir des soins proactifs en santé mentale.
Les enfants et les adolescents du Canada reçoivent des soins de divers professionnels de la santé. Dans le présent document de principes, le terme dispensateurs de soins pédiatriques désigne les médecins de famille, les infirmières praticiennes, les pédiatres généraux et les surspécialistes pédiatriques, dont les habiletés et l’aisance à réaliser une évaluation en santé mentale et à prodiguer les soins s’y rapportant peuvent varier considérablement. On s’attend que certains surspécialistes (p. ex., en médecine du développement et en médecine de l’adolescence) maîtrisent davantage ces habiletés cliniques que ceux dont la formation est moins approfondie.
Il est à souligner que, dans le présent document, le terme parent (au singulier ou au pluriel) inclut les personnes qui s’occupent principalement de l’enfant et toutes les configurations familiales.
Le rôle des dispensateurs de soins pédiatriques en santé mentale
Les dispensateurs de soins pédiatriques peuvent soutenir la santé mentale des enfants et des adolescents et en améliorer l’évolution dans leur rôle de consultants, de dispensateurs de soins de première ligne ou dans ces deux rôles à la fois[6][15][16] s’ils participent aux aspects suivants :
Les soins préventifs
Le dépistage
L’évaluation
Le traitement
Les soins collaboratifs
Il arrive que le praticien effectue ce travail seul et qu’en d’autres occasions, il collabore avec les membres d’équipes soignantes officielles. Au tableau 1 est dressée la liste des compétences particulières en matière de dépistage, d’évaluation et de traitement.
Les soins préventifs
Selon les recommandations de la plupart des directives cliniques, la surveillance et le dépistage des problèmes de santé mentale doivent commencer lors des bilans de santé réguliers en soins de première ligne. Un intérêt précoce et des conseils préventifs opportuns peuvent contribuer à prévenir des enjeux de santé mentale plus tard dans la vie. Chaque bilan de santé régulier est une occasion d’aborder les préoccupations des parents, de donner des conseils sur le développement et de procéder à une surveillance en santé mentale (p. ex., par le dépistage régulier de problèmes de santé mentale émergents) afin de pouvoir intervenir tôt, au besoin.
Il est important de procéder au dépistage des déterminants sociaux de la santé (p. ex, environnement ou qualité de logement inappropriés et iniquités en matière d’éducation) et d’en tenir compte en raison de leur association connue avec les problèmes de santé mentale[17].
L’intégration des soins de santé mentale à ceux de santé physique peut contribuer à une évaluation plus précoce des besoins, à un accès rapide à des soins de soutien et à l’adoption de trajectoires de prise en charge optimales[18]-[23]. Ce type de soins fait appel aux forces des familles et les mobilise afin qu’il soit possible de mieux se pencher sur les besoins psychosociaux, développementaux ou comportementaux particuliers de l’enfant ou de l’adolescent[15][24]. Les recherches ont démontré que lorsque les parents transmettent leurs préoccupations à leur dispensateur de soins pédiatriques, les problèmes de santé mentale sont dépistés plus rapidement, et les diagnostics psychiatriques sont plus précis[25][26]. Les enfants chez qui on constate un risque accru de problème de santé mentale ont besoin d’un dépistage plus approfondi et devront peut-être être orientés vers une évaluation et des interventions personnalisées[27][28].
Le dépistage
L’adoption de programmes de dépistage en santé mentale dans la plupart des milieux de soins pédiatriques est à la fois pratique et réalisable[29]. Tout comme dans le cas des affections physiques chroniques, les pratiques exemplaires en santé mentale incluent des tests de dépistage standardisés et adaptés à l’âge dans le cadre des soins cliniques habituels[16]. Des outils de dépistage en santé mentale, à la fois fiables et valides, peuvent être téléchargés rapidement à partir du site Web de la SCP. D’après les pratiques exemplaires et les déclarations des cliniciens, des parents ou des patients eux-mêmes, bon nombre de ces outils peuvent être intégrés harmonieusement au milieu de pratique ou combinés à ceux conçus pour la surveillance standardisée de la santé physique et développementale (p. ex., le Relevé postnatal Rourke, l’ABCDaire ou le questionnaire HEADDS/SSHADESS) et être utilisés par tout un éventail de professionnels de la santé formés.
Lors du dépistage, la curiosité, l’ouverture et la sensibilité culturelle auprès des patients et des familles peuvent contribuer aux communications entre les praticiens, les parents et les patients sur la présence de problèmes potentiels[30][31].
Le dépistage n’a pas de portée diagnostique, mais peut servir aux objectifs suivants[6][32] :
Déterminer les enfants ou les adolescents vulnérables à des problèmes de santé mentale et ceux qui ont besoin d’une intervention immédiate.
Évaluer la gravité des symptômes.
Évaluer à quel point les comportements dévient de la norme.
Classer les cas en catégories diagnostiques.
Déterminer si une évaluation plus approfondie ou une intervention préliminaire s’impose.
Surveiller la progression des traitements, leurs résultats cliniques ou les changements de symptômes au fil du temps après le début des interventions auprès de l’enfant, de la famille ou du milieu scolaire.
Faciliter les communications entre les cliniciens et entre les cliniciens et les parents.
L’évaluation
L’évaluation procure un tableau plus complet et détaillé de l’enfant ou de l’adolescent pour contribuer au diagnostic différentiel, au diagnostic et à la planification du traitement. Les dispensateurs de soins pédiatriques peuvent fournir une évaluation spécialisée des enfants et des adolescents qui éprouvent des enjeux en santé mentale. Ils connaissent souvent bien l’enfant ou l’adolescent et la famille et peuvent fournir de l’information contextuelle importante pour évaluer ces enjeux.
Il est possible d’améliorer tant le processus d’évaluation que la prise en charge médicale des troubles de santé mentale par des soins interdisciplinaires prodigués en équipe et qui intègrent les résultats du dépistage, des entrevues cliniques, des observations comportementales, des tests psychologiques et de l’information complémentaire[33].
Les évaluations et la détection précoce des problèmes de santé mentale peuvent également contribuer à atténuer le stress familial, à limiter les tests invasifs et inappropriés, à orienter le pronostic et, dans certains cas, à améliorer la prise en charge, le traitement et les résultats cliniques[34].
Le traitement
Des traitements fondés sur des données probantes comme les psychothérapies, les interventions comportementales, la pharmacothérapie, les aménagements scolaires et les services spécialisés en santé mentale peuvent limiter les atteintes fonctionnelles (p. ex., problèmes à l’école ou au travail) et les incapacités à long terme. Des modalités thérapeutiques efficaces à point nommé réduisent également la gravité des symptômes, les hospitalisations et les autres effets négatifs sur la santé[35]-[40].
Les dispensateurs de soins pédiatriques et les membres de l’équipe soignante qui suivent une formation ciblée peuvent procéder en toute efficacité à une thérapie cognitivo-comportementale et à d’autres interventions psychothérapiques en milieu pédiatrique, permettant ainsi aux familles d’accéder rapidement à des soins fondés sur des données probantes, dans un contexte familier[41][42].
La collaboration
Des données probantes importantes appuient le modèle de « maison médicale » pédiatrique[43], un modèle de soins collaboratif et intégré pour améliorer la mobilisation, l’accessibilité et la coordination des soins qui bonifie les résultats en matière de santé[41][44]-[48]. Ce modèle fait également appel aux ressources déjà en place, ce qui permet aux dispensateurs de soins pédiatriques de répondre à un plus vaste éventail de besoins dans le cadre d’une approche interdisciplinaire avec des professionnels de la santé mentale. Les pédiatres qui sont soutenus par des équipes de santé mentale sont plus susceptibles d’intégrer la surveillance de la santé mentale à leur pratique[49].
Les dispensateurs de soins pédiatriques sont souvent mieux placés pour coordonner les soins aux patients au sein de cette équipe interdisciplinaire et peuvent collaborer avec d’autres cliniciens pour se partager les soins ou assurer une prise en charge conjointe[50][51]. La prise en charge conjointe peut être particulièrement utile dans le cadre de problèmes de santé mentale complexes, lorsqu’une entente de coopération peut également contribuer à accroître les habiletés du pédiatre[6]. La portée du rôle du dispensateur de soins pédiatriques qui occupe les fonctions de coordonnateur dépend d’un vaste éventail de facteurs, y compris les manifestations du patient à la consultation, la nécessité d’intervenir et d’offrir des mesures de soutien rapidement, les préférences du patient et de sa famille, ainsi que la formation, le niveau d’aisance et les habiletés cliniques du praticien et l’accès aux services de santé mentale. Lorsque les rôles sont clairs et que l’accès aux trajectoires de soins est garanti, il est plus facile pour le dispensateur de soins pédiatriques d’organiser le processus de soins, d’améliorer les communications entre les membres de l’équipe et d’assurer la continuité des soins[48][52].
La création d’un environnement caractérisé par des relations de confiance et des communications ouvertes représente la première étape vers la coordination des soins[53]. Le partage d’information après l’obtention d’un consentement approprié peut améliorer les résultats cliniques chez les enfants, les adolescents et les familles et est essentiel pour assurer la continuité des soins. Il est important de concilier le respect de la vie privée et la confidentialité avec le maintien de communications ouvertes entre les patients, les familles et les dispensateurs de services. Il existe plusieurs pratiques exemplaires pour les milieux de soins en santé mentale chez les enfants et les adolescents[54][55].
La création d’un milieu favorable
Les milieux cliniques et les autres contextes de pratique peuvent contribuer à refléter l’importance que le dispensateur de soins pédiatriques accorde à la santé mentale et peuvent favoriser l’éducation et la promotion de la santé mentale[56]. La prise en compte de l’environnement, qu’il s’agisse des lieux physiques ou des attitudes et comportements du personnel administratif et clinique, peut donner le ton aux interactions cliniques qui incluent des échanges sur les problèmes de santé mentale[41][57][58].
Même si des plateformes en ligne peuvent être utilisées pour prodiguer des soins de santé mentale en région éloignée, elles peuvent également compromettre la confidentialité, et leur accès est limité aux personnes qui disposent d’un accès Internet et sont en mesure d’y naviguer[59][60].
Pour promouvoir un environnement propice aux soins de santé mentale, tant en présentiel qu’à distance, les stratégies suivantes sont à envisager :
Dans la mesure du possible, adopter des stratégies de prise de rendez-vous qui facilitent les demandes d’aide des jeunes et des familles, telles que des temps d’attente plus courts et des horaires flexibles (p. ex., rendez-vous après les heures de travail ou d’école régulières).
Réserver des plages pour les patients ayant des besoins en santé mentale au cours de la journée ou de la semaine de clinique pour atténuer les contraintes de temps en matière de prestation des soins[61].
S’assurer que les systèmes de prise de rendez-vous et de tenue de dossiers sont sécuritaires[62] et que les échanges entre les membres du personnel, les familles et les dispensateurs de soins demeurent confidentiels[54].
Former les cliniciens et le personnel aux principes des soins sensibles à la culture et respectueux des traumatismes[63]-[65]. Le personnel administratif devrait savoir que les antécédents de traumatismes sont courants et que les expériences passées peuvent influer sur la vie que mènent les familles et sur leurs réactions[66]-[71].
S’informer du racisme structurel dans le milieu des soins : à quoi il ressemble et en quoi il touche les patients et les familles. Envisager une formation en sécurité culturelle pour l’ensemble du personnel et des dispensateurs de soins pédiatriques[67][72]-[79].
L’installation du cabinet
Tenir compte des sièges, de l’éclairage, de l’intensité du bruit et de l’environnement auditif et visuel (p. ex., musique ou nouvelles au son assourdi, écrans présentant de l’information sur la santé).
Adopter une culture en cabinet qui démontre l’inclusion de la santé mentale dans l’ensemble des soins par :
du matériel d’éducation et des affiches qui sont respectueux, affirmatifs et inclusifs, afin de réduire la stigmatisation liée à la santé mentale;
une représentation diversifiée de personnes, de langues et de structures familiales dans la documentation écrite et visuelle[67][74][76]-[78][80].
Les milieux virtuels
Respecter la confidentialité et en préciser les limites lorsque la situation l’exige[54]. Convenir que les échanges sur la santé mentale ou les thérapies risquent davantage d’être entendus par l’entourage lors de rencontres virtuelles.
Les rendez-vous virtuels ne conviennent pas nécessairement aux personnes qui ont de graves troubles de santé mentale (p. ex., psychose active, tendances suicidaires, troubles des conduites alimentaires) ou dans les situations où il est capital de garantir la confidentialité de l’entretien pour que l’enfant ou l’adolescent se dévoile (p. ex., maltraitance, violence familiale, identité de genre, préoccupations à l’égard de l’orientation sexuelle, troubles de l’usage d’une substance)[60].
En prévision d’une évaluation virtuelle, confirmer l’adresse de résidence exacte du patient en cas d’urgence et la proximité d’un parent ou d’un autre adulte responsable. Confirmer les numéros de téléphone les plus fiables pour le patient et ses parents. S’assurer que le patient sache quoi faire en cas de problème technique[81].
Tenir les rendez-vous virtuels dans une pièce où les bruits de fond seront minimes[80] et limiter les distractions (p. ex., fermer la porte).
Les habiletés cliniques
Il faut des habiletés cliniques, du temps et une rémunération appropriée pour dépister et bien évaluer un trouble de santé mentale émergent. Il est essentiel que les dispensateurs de soins pédiatriques acquièrent des connaissances, les tiennent à jour et demeurent confiants quant à leurs habiletés cliniques en santé mentale (voir le tableau 1). En médecine, l’émergence de l’enseignement axé sur les compétences permet d’améliorer la formation des étudiants sur les soins de santé mentale.
Au tableau 1 sont décrites les habiletés en matière de dépistage, d’évaluation et de traitement qui aideront les dispensateurs de soins pédiatriques à s’occuper des problèmes de santé mentale[6][7][31][60][82]-[89]. Dans les programmes de résidence en pédiatrie qui créent des cursus pour les stagiaires, ces compétences incluent les rôles CanMEDS d’expert médical, de communicateur et de collaborateur. Au tableau 2 sont présentées des approches thérapeutiques non pharmacologiques courantes et fondées sur des données probantes applicables à la pratique de la pédiatrie[6][65][89]-[98].
Tableau 1. Les compétences essentielles en santé mentale chez les dispensateurs de soins pédiatriques
Dépistage
Utiliser un outil de dépistage approprié afin de procéder à un interrogatoire ciblé et d’orienter l’évaluation.
Sélectionner un outil de dépistage approprié qui est adapté à l’âge, à l’étape de développement et à l’intervenant. Par exemple, l’utilisation du rapport du parent ou d’un enseignant seul, sans évaluation de l’enfant, ne suffit pas pour diagnostiquer un TDA/H, un trouble de l’humeur, un trouble anxieux ou un trouble de l’usage d’une substance chez les enfants plus âgés et les adolescents.
S’assurer que l’outil de dépistage utilisé est adapté à la culture du patient ou de sa famille[31].
Connaître l’utilité (et les limites) des outils d’autodéclaration. Par exemple, ces outils peuvent faciliter la divulgation d’information délicate et contribuer à dépister des symptômes qui n’avaient pas été envisagés auparavant (p. ex., symptômes d’anxiété chez un enfant qui a des troubles oppositionnels). Les outils d’autodéclaration n’ont toutefois pas de portée diagnostique.
Évaluation
Éviter les points de vue stigmatisants sur les problèmes de santé mentale, qui peuvent provoquer involontairement des sentiments de gêne, de honte ou d’inadéquation et compromettre la divulgation. Dans le cadre des soins, il est essentiel de porter attention à ces points de vue et de s’en préoccuper pendant l’évaluation et la prise en charge.
Poser des questions ouvertes et utiliser des techniques d’entrevue dénuées de jugement auprès des enfants, des adolescents et des parents pour les inciter à dévoiler leurs préoccupations en matière de santé mentale, puis les explorer avec eux, dans un climat d’ouverture et d’empathie.
À chaque rendez-vous, s’informer des changements aux profils de sommeil ou d’alimentation, de la prise ou de la perte de poids, de l’utilisation de substances psychoactives, de la performance scolaire, de la vie à l’école ou au travail de même que de la participation à des activités parascolaires ou sociales et amicales, qui peuvent être indicateurs d’un problème de santé mentale sous-jacent.
Assimiler des modes de soins centrés sur les patients et les familles, adaptés à la culture et respectueux des traumatismes, former le personnel et le faire participer à de tels soins. Tenir compte de la compréhension qu’ont l’enfant et la famille de la santé mentale en fonction de leur culture et de leurs expériences de traumatismes[7][82].
Déterminer les facteurs protecteurs et les facteurs de risque d’ordre familial, social et environnemental. Par exemple, le contexte communautaire, l’environnement familial, les styles parentaux et pratiques parentales, les profils de communication, les conflits, l’environnement de sommeil[83][84], les antécédents familiaux de troubles psychiatriques ou d’usage de substances psychoactives, de traumatismes et de privations matérielles, y compris l’insécurité alimentaire.
Examiner les données tirées du dépistage, de l’anamnèse, de l’examen physique et des explorations cliniques pour entreprendre des interventions en santé mentale non spécifiques (voir le tableau 2) et déterminer si une évaluation psychiatrique ou psychologique plus approfondie s’impose.
Évaluer s’il serait utile d’obtenir de l’information complémentaire (après obtention du consentement) auprès de l’enseignant de l’enfant, de son thérapeute ou d’un autre intervenant.
Savoir quand l’évaluation virtuelle de symptômes de problèmes de santé mentale est insuffisante ou inappropriée[60].
Connaître les signes avant-coureurs d’urgences psychiatriques (p. ex., idéations suicidaires actives, comportements à risque de suicide, tels que les blessures auto-infligées, symptômes de troubles de santé mentale graves ou complexes) qui exigent une évaluation psychiatrique d’urgence en personne. Être prêt à lancer une intervention immédiate.
Connaître les techniques d’entrevue et les critères diagnostiques pour parvenir à un diagnostic précis de troubles de santé mentale courants.
Évaluer les symptômes de problèmes de santé mentale à l’aide d’un cadre de diagnostic différentiel, comme lors de l’évaluation de symptômes physiques, afin de contribuer à la qualité des soins et à la prise en charge des affections.
Traitement
Offrir des services de psychoéducation (voir le tableau 2) dans un cadre biopsychosocial.
Recommander des stratégies fondées sur des données probantes pour atténuer les symptômes de problèmes de santé mentale : hygiène de sommeil, habitudes alimentaires saines et régulières, activité physique, relations prosociales.
Entreprendre des traitements psychologiques appropriés fondés sur des données probantes (voir le tableau 2) auprès des enfants et des adolescents qui présentent des troubles d’apprentissage, des pensées ou des comportements anxieux, de l’inattention, de l’hyperactivité ou de l’impulsivité, de la dépression, des comportements agressifs ou de repli sur soi, un usage de substances psychoactives, une somatisation ou une alimentation désordonnée.
En cas de traitement pharmacologique, sélectionner et prescrire des traitements de première ligne fondés sur des données probantes pour soigner des troubles de santé mentale courants pendant l’enfance, tels que le TDA/H, l’anxiété et les troubles de l’humeur, et assurer la surveillance des effets indésirables[85]-[87].
Diriger les enfants vers une évaluation et un traitement psychologique ou psychiatrique spécialisés dans les situations suivantes : manifestations cliniques atypiques ou complexes, y compris de multiples affections concomitantes, faible réponse au traitement de première ligne, effets indésirables importants ou inattendus ou respect des directives cliniques du trouble en cause.
En cas de blessures auto-infligées, de comportements agressifs ou de pensées suicidaires, prévoir un plan de sécurité en collaboration avec les patients et les membres de leur famille[88].
Collaborer avec des dispensateurs de soins en santé mentale, y compris des psychiatres, des psychologues, des infirmières, des infirmières praticiennes et des travailleurs sociaux, et prendre en charge les troubles de santé mentale conjointement avec eux à toutes les étapes du traitement, y compris la responsabilité de renouveler les ordonnances en cours, lorsque la situation l’indique.
Éviter d’utiliser un langage susceptible de renforcer la stigmatisation.
S’assurer que les enfants, les adolescents et les familles participent aux décisions thérapeutiques et à la prise en charge des troubles de santé mentale, sans oublier le rôle de la communauté dans leurs soins.
Traduit et adapté du tableau 4 de la référence 6
Les dispensateurs de soins pédiatriques sont souvent bien placés pour recommander, surveiller et évaluer les stratégies non pharmacologiques de première ligne pour les enfants et les adolescents qui ont un trouble de santé mentale. Au tableau 2 sont décrites des interventions non pharmacologiques courantes qu’ils devraient connaître et être en mesure d’entreprendre ou de recommander dans le cadre de la planification d’une prise en charge complète. Lorsqu’ils sont dirigés vers un traitement (p. ex., une série de rencontres en thérapie cognitivo-comportementale), les patients devraient recevoir les soins de professionnels de la santé formés pour prodiguer le traitement en question aux enfants et à la famille.
Tableau 2. Interventions non pharmacologiques fondées sur des données probantes
Thérapie ou intervention
Description
À envisager dans les situations suivantes
Psychoéducation
Informe les enfants et leurs parents de troubles particuliers : la compréhension actuelle de leur étiologie, leur définition diagnostique, les stratégies de prise en charge et les risques ou les facteurs prédisposants à éviter.
Peut être offerte individuellement, en famille, en groupe ou en milieu communautaire.
Tous les troubles de santé mentale
Intervention comportementale
Facilite les modifications au mode de vie (p. ex., alimentation, activité physique, sommeil).
Favorise les techniques de relaxation (p. ex., méditation, yoga).
Les programmes de formation sur les comportements parentaux et à la gestion des pratiques parentales enseignent des stratégies pour établir une structure, renforcent les comportements positifs et une discipline constante et consolident la relation entre le parent et l’enfant grâce à une communication positive[65].
Directives pour une exposition plus saine aux écrans et une utilisation plus saine des écrans[89].
Formation aux habiletés collaboratrices de résolution de problèmes[90][91].
Permet de bâtir des habiletés de renforcement positif (p. ex., saluer les efforts tout autant que les résultats)[6].
Enseigne une utilisation efficace ou appropriée des mesures incitatives et des récompenses tangibles de même que la fixation de limites[6].
L’entrevue motivationnelle est une technique de communication utilisée pour accroître la motivation personnelle à apporter des changements de comportement positifs au fil du temps[94].
Utilisation de substances psychoactives
Troubles des conduites alimentaires
Adhésion au traitement d’affections chroniques
Accroissement de la motivation à demander de l’aide
Psychothérapie
Thérapie cognitivo-comportementale
La thérapie cognitivo-comportementale aide les enfants et les adolescents à prendre conscience de leurs pensées inexactes ou négatives et de leur effet sur leur comportement et leurs sentiments. Elle cible les pensées et les comportements afin d’atténuer les symptômes anxieux ou liés à l’humeur.
L’activation comportementale accroît les activités sociales agréables et positives[6].
Améliore le mode cognitif ou le mode d’adaptation (p. ex., la réflexion réaliste, l’établissement d’objectifs, le suivi de l’humeur).
Classe l’exposition à la difficulté et à l’intensité[6].
Un vaste éventail de troubles courants, y compris :
Enseigne aux enfants et aux parents à déterminer et à accepter leurs pensées et leurs sentiments tout en acquérant les habiletés et les stratégies pour les modifier. Accroît la capacité personnelle de gérer des émotions intenses et la capacité du parent à répondre aux émotions intenses de leur enfant, de manière réconfortante et productive.
Traitement familial
Traitement étape par étape, qui commence par enseigner aux parents à adopter des stratégies efficaces pour éliminer les comportements liés aux troubles alimentaires de leur enfant, suivi par une transmission graduelle de l’autonomie en matière d’alimentation et d’activité physique à l’enfant[97].
Troubles des conduites alimentaires
Interventions et aménagements en éducation
Collaborer avec les écoles pour créer des environnements favorables à l’apprentissage et à la santé mentale.
Optimiser la communication avec et entre les membres du personnel scolaire.
Éclairer les plans d’apprentissage ou d’intervention individuels préparés par le personnel scolaire pour répondre à certains besoins (p. ex., diviser les tâches en éléments plus petits, fournir plus de temps aux élèves pour qu’ils effectuent les tests et les travaux).
Accéder aux ressources en milieu scolaire, aux mesures de soutien comportemental, aux services particuliers (p. ex., pour le soutien organisationnel).
TDA/H : trouble de déficit de l’attention/hyperactivité
Conclusion
La santé mentale est un aspect important de la santé globale de l’enfant et de l’adolescent, et si on ne s’en occupe pas, on contribue à la morbidité et à la mortalité[4][99].
Les dispensateurs de soins pédiatriques ont besoin de posséder des compétences pour procéder au dépistage, à l’évaluation et à l’adoption de traitements de première ligne fondés sur des données probantes pour traiter les troubles de santé mentale courants qui touchent les enfants et les adolescents. Les dispensateurs de soins pédiatriques qui sont soutenus par des équipes de santé mentale sont plus susceptibles d’intégrer la surveillance de la santé mentale à leur pratique[29]. Il est essentiel d’intégrer les soins de santé mentale aux soins de première ligne pour optimiser la santé des enfants et des adolescents canadiens. Les plans de mise en œuvre peuvent varier quelque peu en fonction de la province, du territoire et du contexte, mais le soutien des gouvernements et des établissements d’enseignement est capital pour en garantir la réussite. On n’insistera jamais assez sur l’importance de systèmes de santé qui appuient une utilisation efficiente des ressources, des modèles de prestation partagée des soins et la prestation de traitements fondés sur des données probantes prodigués par des professionnels de la santé formés et qualifiés pour assurer la mise en œuvre de trajectoires améliorées en santé mentale.
Recommandations
À l’intention des cliniciens
Les dispensateurs de soins pédiatriques sont invités à prendre les mesures suivantes :
Intégrer les aspects des soins de santé mentale, soit le dépistage, l’évaluation et le traitement, aux soins pédiatriques habituels et diriger les enfants et les adolescents vers des spécialistes en santé mentale lorsque la situation le justifie.
Déterminer leurs lacunes personnelles dans le domaine et participer à de la formation médicale continue pour acquérir des compétences en santé mentale.
Créer un milieu de pratique qui intègre des soins de santé mentale inclusifs ou adapter celui qu’ils ont déjà en ce sens.
S’informer des obstacles qu’affrontent les familles qu’ils voient dans leur pratique. En offrant des soins adaptés à la culture, ils peuvent contribuer à limiter ces obstacles et encourager les enfants et les familles de groupes marginalisés à solliciter des soins de santé mentale et à s’y investir.
Créer des occasions régulières et systématisées d’acquérir des compétences en santé mentale grâce à des collaborations avec d’autres dispensateurs de soins compétents.
Répondre aux déterminants sociaux de la santé en pratique clinique en favorisant des liens avec des dispensateurs de service locaux et en aidant les patients et leur famille à solliciter et utiliser des ressources communautaires.
À l’intention des formateurs et des stagiaires
Les organismes médicaux d’agrément et les programmes de résidence devraient exiger que les programmes de formation en pédiatrie prévoient des expériences de formation suffisantes en santé mentale pour s’assurer que les dispensateurs soient en mesure d’acquérir les compétences exposées dans le présent document de principes.
Il est nécessaire d’enseigner les compétences de dépistage, de diagnostic, d’amorce et de surveillance du traitement d’un vaste éventail de troubles de santé mentale aux stagiaires en pédiatrie.
Les programmes de formation clinique en pédiatrie doivent s’assurer que les résidents acquièrent la formation nécessaire pour effectuer des interventions aiguës en santé mentale, connaître l’effet des expériences négatives de l’enfance sur la santé et les soins respectueux des traumatismes.
Les responsables du perfectionnement professionnel continu doivent multiplier les occasions pour que les dispensateurs de soins pédiatriques accroissent leurs connaissances et acquièrent des habiletés en matière de traitements fondés sur des données probantes en santé mentale.
À l’intention des gouvernements et des autorités sanitaires
Accroître le financement pour offrir un accès universel à des programmes, des services et des mesures de soutien en santé mentale centrés sur les enfants, les adolescents et les familles et fondés sur des données probantes. Les programmes doivent être donnés par tout un éventail de professionnels de la santé formés, y compris des psychologues cliniciens, dans un modèle de soins multidisciplinaire et coopératif, offert étape par étape.
Améliorer et accélérer l’accès à des psychiatres pour enfants en fonction des besoins de l’enfant en matière de santé mentale.
Rajuster les modèles de rémunération des médecins pour inclure une rémunération juste et appropriée des soins de santé mentale (p. ex., paiement des séances ou salaire pour le travail avec les équipes multidisciplinaires, ou codes de facturation à l’acte qui assurent une rémunération appropriée du temps passé à l’évaluation et aux soins continus).
Renforcer la création et la mise en œuvre de politiques relatives aux soins de santé mentale par un engagement à consulter et mobiliser les experts de la santé mentale pédiatrique de manière concrète et continue, ainsi qu’à mobiliser les adolescents, les familles et les organisations communautaires.
Financer et soutenir l’offre de ressources d’éducation et de programmes de formation sur la santé mentale qui accroissent les habiletés, la confiance et les compétences de tous ceux qui soutiennent la santé et le bien-être des enfants et des adolescents.
S’assurer que les programmes de traitement en santé mentale conçus pour les adolescents incluent des indicateurs cliniques et systémiques de la santé mentale et du bien-être des jeunes et des familles, tels que les temps d’attente et les résultats cliniques, que ces indicateurs font l’objet d’un suivi régulier et de rapports, le tout à partir de mesures largement acceptées et validées, dans le respect des traitements fondés sur des données probantes. Ces mesures devraient permettre d’évaluer l’efficacité des programmes et de suggérer les secteurs à améliorer.
Remerciements
Le comité de la pédiatrie communautaire, le comité de la santé de l’adolescent et le comité de la santé mentale et des troubles du développement de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent document de principes, de même que le groupe de travail de la petite enfance de la SCP et des représentants de l’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, de la Société canadienne de psychologie et du Collège des médecins de famille du Canada.
GROUPE DE TRAVAIL SUR LA SANTÉ MENTALE DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE (2021-2022)
Membres : Daphne J Korczak MD (présidente), Wilma Arruda MD, Stacey A Bélanger MD Ph. D, Janice S. Cohen, Ph. D., C. Psych. (Société canadienne de psychologie), Sophia Hrycko MD (Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent), Anne Kawamura MD, Margo Lane MD, Maria J Patriquin MD (Le Collège des médecins de famille du Canada)
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Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.