Document de principes
Affichage : le 21 juin 2019
Michelle Ryan, Thierry Lacaze-Masmonteil, Khorshid Mohammad; Société canadienne de pédiatrie, Comité d’étude du fœtus et du nouveau-né
Paediatr Child Health 2019 24(4):283–290.
Les nouveau-nés venus au monde à 32+6 semaines d’âge gestationnel ou moins sont plus vulnérables aux lésions ischémiques et hémorragiques intracrâniennes, qui surviennent souvent dans les 72 premières heures de vie. Une corticothérapie et une antibiothérapie rapide administrées à la mère pour éviter la chorioamnionite font partie des stratégies anténatales préconisées pour réduire l’incidence de lésions cérébrales aiguës. L’accouchement dans un centre de soins tertiaires, le clampage tardif du cordon et la prévention de l’hypothermie s’inscrivent dans les stratégies périnatales. Quant aux stratégies postnatales, elles comprennent un traitement empirique aux antibiotiques lorsqu’on soupçonne une chorioamnionite, l’utilisation prudente d’inotropes, l’évitement des fluctuations de la pression partielle de gaz carbonique dans le sang (PCO2) et la position neutre de la tête. Les cliniciens devraient connaître les politiques et protocoles qui, particulièrement lorsqu’ils sont combinés, peuvent offrir une neuroprotection aux nouveau-nés prématurés.
Mots-clés : Acute brain injury; Infant; Intraventricular haemorrhage; Neuroprotection; Neuroprotective strategies; Premature
Les lésions cérébrales aiguës, qui peuvent prendre la forme d’un infarctus causé par une ischémie ou d’une hémorragie causée par une reperfusion dans les ventricules cérébraux ou le parenchyme, font partie des morbidités courantes et graves associées à la prématurité. Parmi les phénomènes physiologiques en cause, soulignons le système vasculaire cérébral fragile du nouveau-né prématuré et son autorégulation immature, associés à des fluctuations rapides de la perfusion qui provoquent une ischémie ou une hémorragie intraventriculaire (HIV) cérébrale. Au Canada, environ 21 % des nouveau-nés prématurés venus au monde à 32+6 semaines d’âge gestationnel (AG) ou moins présentent une imagerie cérébrale anormale (HIV ou lésions parenchymateuses) à l’échographie crânienne [1]. La leucomalacie périventriculaire kystique, une autre variante des lésions de la substance blanche, est en baisse [2], mais sa forme non kystique est de plus en plus dépistée grâce à l’imagerie par résonance magnétique [3]. L’observation d’images cérébrales anormales pendant la période néonatale s’associe fortement à une atteinte neurodéveloppementale à long terme [4].
C’est pendant les 72 premières heures de vie (la « fenêtre critique ») que les prématurés présentent le risque le plus élevé de lésions cérébrales aiguës [5][6], et 95 % des cas d’HIV ou de lésions parenchymateuses sont décelés avant cinq jours de vie [7]. Les approches pour prévenir l’HIV et la leucomalacie périventriculaire au cours de cette période cruciale varient considérablement selon les centres périnatals et les unités de soins intensifs néonatals [8]. Le présent document de principes vise à résumer et à évaluer les stratégies de neuroprotection fondées sur des données probantes afin de réduire l’incidence de lésions cérébrales chez les nouveau-nés prématurés. En général, ces stratégies visent les nouveau-nés venus au monde à 32+6 semaines d’AG ou moins, mais lorsqu’elles s’appliquent également aux nouveau-nés moins prématurés, on l’indiquera clairement.
Les auteurs ont procédé à une recherche bibliographique fouillée dans MEDLINE, y compris les citations en cours de traitement ou non indexées (entre 1946 et le 1er février 2018). La population d’intérêt était composée de nouveau-nés de très petit poids à la naissance (moins de 1 500 g) et de nouveau-nés venus au monde à 32+6 semaines d’AG ou moins. Ils ont extrait un total de 5 010 références et ont retenu 195 articles et 12 analyses Cochrane. Ils ont appliqué la hiérarchie des données probantes du Centre for Evidence-Based Medicine (Oxford CEBM-March 2009) [9] à ces publications et énoncé leurs recommandations d’après la structure de Shekelle et de ses collègues [10].
La chorioamnionite est un facteur de risque primaire du travail et de l’accouchement prématurés, et l’incidence augmente à mesure que l’AG diminue [1][11]. Selon une analyse systématique, la chorioamnionite accroît à la fois le risque de paralysie cérébrale et de leucomalacie périventriculaire kystique [12]. Cependant, les analyses systématiques subséquentes et les études rétrospectives à grande échelle n’ont démontré aucune association, sinon de faibles associations, entre la chorioamnionite et l’HIV, la leucomalacie périventriculaire ou la paralysie cérébrale [13]–[15]. Ces résultats contradictoires pourraient s’expliquer par la présence ou non d’une rupture prématurée des membranes [16], de même que par le recours ou non à une antibiothérapie rapide. La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada recommande l’administration de pénicilline et d’un macrolide (ou d’un macrolide seul en cas d’allergie à la pénicilline) aux mères qui présentent une rupture prématurée des membranes et dont on anticipe l’accouchement à 32+6 semaines d’AG ou moins [17]. Ce traitement empirique procure également une protection contre le streptocoque du groupe B et peut contribuer à prolonger la grossesse et à réduire la morbidité maternelle et néonatale [17] (qualité de preuves 1a).
Les nouveau-nés venus au monde à 32+6 semaines d’AG ou moins d’une mère ayant une chorioamnionite présumée ou confirmée, une rupture prématurée des membranes ou un accouchement prématuré ou dont le fœtus s’est trouvé dans un état inquiétant et inexpliqué devraient faire l’objet d’une évaluation attentive, subir une hémoculture et recevoir une antibiothérapie empirique. Tous ces nouveau-nés sont plus vulnérables à un sepsis d’apparition précoce et peuvent d’abord être asymptomatiques [18][19]. Une rupture prématurée des membranes qui se prolonge plus de 72 heures est également un facteur de risque indépendant d’HIV ou d’hémorragie intraparenchymateuse (rapport de cotes (RC) 2,33, intervalle de confiance (IC) à 95 % de 1,420 à 3,827) [20]. Il faut arrêter l’antibiothérapie au bout de 36 à 48 heures lorsque les hémocultures sont négatives.
Les corticoïdes accélèrent la maturation des systèmes organiques de modèles animaux [21]. La vasoconstriction est apparente dans le cerveau du fœtus lors de la prise de corticoïdes pendant la période anténatale, ce qui peut avoir un effet protecteur contre les lésions. Une méta-analyse Cochrane [22] a démontré qu’un traitement anténatal aux corticoïdes s’associe à la diminution des morbidités et de la mortalité néonatale, y compris l’HIV (risque relatif (RR) moyen de 0,55, IC à 95 % de 0,38 à 0,91). Le moment de la dernière dose de corticoïdes avant l’accouchement influe également sur le risque de lésions cérébrales, et le risque est beaucoup plus faible lorsque la dernière dose a été administrée plus de 48 heures au lieu de moins de 24 heures auparavant [23]. Il est recommandé d’administrer systématiquement une corticothérapie dans les sept jours précédant la naissance à toutes les mères dont l’accouchement d’un nouveau-né prématuré est prévu à 34+6 semaines d’AG ou moins (et entre 35+0 et 36+6 semaines d’AG dans certaines situations cliniques), l’intervalle optimal étant supérieur à 48 heures entre la dernière dose administrée et la naissance [24] (qualité de preuves 1a).
Le magnésium exerce plusieurs actions intracellulaires, y compris les effets anti-inflammatoires et l’inhibition de l’influx de calcium dans les cellules [25][26]. Une analyse Cochrane [27] et une méta-analyse de cinq essais aléatoires et contrôlés [28] ont démontré que le sulfate de magnésium réduit le risque de paralysie cérébrale (RR 0,69, IC à 95 % de 0,55 à 0,88) et le pronostic composite de décès ou de paralysie cérébrale (RR 0,86, IC à 95 % de 0,75 à 0,99) avec efficacité. Les données probantes sont insuffisantes pour affirmer qu’il faut répéter le traitement de sulfate de magnésium pendant la période anténatale pour assurer une neuroprotection fœtale [25]. La recommandation actuelle consiste à envisager l’administration de sulfate de magnésium à toutes les femmes sur le point de vivre un accouchement prématuré (33+6 semaines d’AG ou moins), ce qui correspond aux lignes directrices de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (qualité de preuves 1a).
Par une prise en charge attentiste, on peut gagner du temps, pour que la prise anténatale de corticoïdes fasse effet et que le fœtus devienne plus mature. Une analyse Cochrane [29], qui comparait les femmes réparties au hasard pour accoucher immédiatement ou recevoir des soins attentistes, a démontré que le deuxième groupe accouchait en moyenne quatre jours plus tard, sans différence pour ce qui est des lésions cérébrales néonatales.
Aucune donnée probante n’indique qu’une césarienne systématique comporte des avantages protecteurs par rapport à l’accouchement vaginal chez les nouveau-nés prématurés à risque de mortalité ou d’HIV, y compris les lésions intraparenchymateuses [30], sauf en cas de présentation du siège [31][32]. Il se peut que l’urgence de l’accouchement s’associe à un risque plus élevé de lésion cérébrale que le mode d’accouchement [33].
Les données probantes sur les avantages ou les dangers d’un accouchement reporté ou immédiat sont insuffisantes pour recommander un moment d’accouchement optimal. Cependant, l’accouchement immédiat ne semble avoir aucun avantage en l’absence d’autres indications claires. De plus, les données sont insuffisantes pour recommander une césarienne systématique chez les femmes en travail prématuré, à moins que le fœtus se présente mal. Même si la décision ultime quant au mode d’accouchement dépend de la mère en travail et de son équipe obstétricale, la discussion devrait être multidisciplinaire (qualité de preuves 2b).
Le clampage du cordon à l’accouchement met fin à la transfusion placentaire et réduit la perfusion vers les organes du nouveau-né. Au Canada, on a opté pour un clampage tardif dans 42 % des accouchements prématurés en 2017 [1]. Selon une analyse systématique [34], un report du clampage du cordon pouvant atteindre 180 secondes était lié, dans l’ensemble, à un moins grand nombre de lésions cérébrales aiguës (RR 0,59, IC à 95 % de 0,41 à 0,85), mais pas particulièrement à une réduction des lésions intraparenchymateuses ou de l’HIV grave. Le report du clampage du cordon semble également assurer une protection contre des handicaps moteurs plus tard dans la vie [35][36].
D’après d’autres analyses systématiques, le report du clampage du cordon ou la traite du cordon réduit le risque global de lésion cérébrale aiguë par rapport au clampage immédiat du cordon (RR 0,62, IC à 95 % de 0,43 à 0,91) [37]. La traite du cordon ombilical favorise une réanimation plus rapide du nouveau-né et pourrait procurer les mêmes avantages que le report du clampage du cordon. Les méta-analyses comparant le clampage immédiat du cordon à la traite du cordon ont démontré que les nouveau-nés dont le cordon avait été trait présentaient une plus faible incidence globale de lésion cérébrale aiguë [37]. Aucune des études analysées n’a rendu compte d’effets indésirables. Un vaste essai aléatoire et contrôlé récent n’a révélé aucune différence entre le clampage du cordon immédiat et tardif. Cependant, les issues primaires de l’étude combinaient le décès et diverses morbidités plutôt que de se concentrer sur le décès et les graves lésions cérébrales, et le cordon de 21 % des nouveau-nés du groupe « tardif » était clampé dans un délai de moins de 30 secondes [38].
Tous les nouveau-nés qui n’ont pas besoin d’une réanimation immédiate devraient faire l’objet d’un report du clampage du cordon de 30 à 120 secondes (qualité de preuves 1a). Ce report est préféré à la traite du cordon ombilical. En effet, peu d’études évaluent les répercussions de la traite, les techniques varient et aucune étude de suivi n’a été réalisée sur le sujet. Pour obtenir de l’information complète sur le clampage du cordon ombilical, consulter le document de principes conjoint de la SCP et de la Société des obstétriciens et des gynécologues du Canada publié en mars 2022.
Les nouveau-nés prématurés sont à haut risque de perte rapide de chaleur [39]. Le stress par le froid peut accélérer la consommation d’oxygène et nuire à la réanimation [40]. L’hypothermie s’associe à un risque accru de lésion cérébrale aiguë et de décès [40][41]. Une analyse systématique [42] a démontré que les nouveau-nés prématurés présentaient moins d’hypothermie à l’admission à l’unité de soins intensifs néonatals lorsqu’ils étaient enveloppés dans du polyéthylène ou glissés dans un sac du même matériau pour être maintenus au chaud pendant la réanimation ou la stabilisation. Parmi les autres mesures recommandées pour prévenir l’hypothermie, soulignons la régulation de la température entre 25 °C et 26 °C dans la salle d’accouchement, ainsi que l’utilisation d’une unité chauffante servocommandée et préchauffée munie d’un capteur de température [43], d’un matelas thermique, d’un bonnet sur la tête du nouveau-né et d’un incubateur de transport préchauffé (qualité de preuves 1a).
Il n’y a actuellement pas de définition uniforme de l’hypotension ni d’approche standardisée pour traiter cette affection chez les nouveau-nés prématurés [44]. Les définitions communes de l’hypotension sont une pression artérielle moyenne inférieure à celle de l’AG du nouveau-né ou inférieure à 30 mmHg lors de deux lectures consécutives. Cependant, de multiples études ont relié le recours aux vasopresseurs pour traiter l’hypotension chez les nouveau-nés prématurés à l’apparition d’une HIV et d’autres lésions cérébrales [45]–[47]. Le recours aux inotropes s’associe clairement à la mortalité et aux lésions cérébrales dans ce groupe à risque [45][48] et peut avoir des effets persistants sur le développement moteur évalué à 20 mois d’âge corrigé [49][50]. Malgré les avantages apparents de l’amélioration de la pression artérielle et de la perfusion aux organes, Lightburn et ses collègues [51] n’ont constaté aucune différence de vélocité du flux sanguin cérébral chez les nouveau-nés d’extrême petit poids à la naissance présentant ou non une hypotension démontrée. Selon une analyse Cochrane, aucune donnée probante ne soutient l’utilisation systématique d’une solution de remplissage chez les nouveau-nés prématurés sans atteinte cardiovasculaire et en tenant compte d’issues cliniques comme un grave handicap, une paralysie cérébrale ou la mortalité, les données probantes sont insuffisantes pour établir si les nouveau-nés ayant une atteinte cardiovasculaire profitent d’une solution de remplissage [52].
Puisque le recours aux inotropes est un facteur de risque important de lésion cérébrale aiguë, le dispensateur de soins devrait faire preuve de prudence lorsqu’il traite l’hypotension chez un nouveau-né prématuré. Les indications pour envisager les inotropes doivent inclure, en plus d’une faible tension artérielle, une combinaison de remplissage capillaire prolongé, de débit urinaire réduit, de lactate élevé ou d’observations à l’échocardiographie. Il faut également écarter les raisons iatrogènes potentielles de l’hypotension, telles que l’hyperinflation ou la déshydratation. Ainsi, il faut envisager une radiographie pulmonaire et un lent bolus de liquides avant d’administrer des inotropes (qualité de preuves 5).
Au Canada en 2017, il était établi que 28 % des nouveau-nés prématurés venus au monde à moins de 32 semaines d’AG présentaient une persistance du canal artériel; un peu moins de la moitié d’entre eux était traitée [1]. On estime que chez 58 % des nouveau-nés ayant une persistance du canal artériel, le canal se referme spontanément avant trois jours de vie [53]. Les nouveau-nés prématurés dont la persistance du canal artériel est importante sur le plan hémodynamique sont plus vulnérables à une lésion cérébrale aiguë [54], mais un traitement par un inhibiteur de la cyclo-oxygénase peut avoir des effets secondaires importants, particulièrement sur le système rénal. Une analyse Cochrane sur les effets d’une prophylaxie à l’indométhacine chez les nouveau-nés prématurés a révélé une réduction statistiquement significative des HIV (RR 0,88, IC à 95 % de 0,80 à 0,98), y compris les HIV graves avec ventriculomégalie, et des lésions intraparenchymateuses (RR 0,66, IC à 95 % de 0,53 à 0,82) [55]. Cependant, on n’observait pas d’avantages neurodéveloppementaux à long terme à l’âge de 18 mois [56], et les études de suivi n’appuyaient pas l’utilisation d’indométhacine pour améliorer le pronostic à long terme du nouveau-né [57]. Une analyse Cochrane de 2011 a porté sur la prophylaxie à l’ibuprofène, qui aurait un meilleur profil d’effets secondaires que l’indométhacine, mais cette étude n’a révélé aucune différence pour ce qui est de l’HIV ou de la mortalité [53]. Puisque de nombreux cas de persistance du canal artériel se ferment spontanément et que les inhibiteurs de la cyclo-oxygénase peuvent avoir des effets secondaires importants, la prophylaxie à l’indométhacine ou à l’ibuprofène doit dépendre d’une combinaison de facteurs de risque, y compris l’AG, l’exposition aux stéroïdes avant la naissance et le lieu de l’accouchement [58] (qualité de preuves 1a).
L’hypercapnie, définie comme une pression partielle de gaz carbonique dans le sang (PCO2) supérieure à 60 mmHg, est un facteur de risque de lésion cérébrale aiguë chez les nouveau-nés d’extrême petit poids à la naissance, qui peut nuire à l’autorégulation cérébrale et provoquer une vasodilatation [59]. Un taux croissant de PCO2 semble également être un prédicteur de risque d’HIV proportionnel à la dose [60]. Cependant, une hypercapnie permissive (définie comme permettant une PCO2 de 45 mmHg à 55 mmHg) est une stratégie courante pour limiter le risque de lésion pulmonaire et de dysplasie bronchopulmonaire chez les nouveau-nés prématurés. Divers essais aléatoires et contrôlés ont comparé des nouveau-nés traités par hypercapnie permissive ou dont la PCO2 était supérieure à la plage habituelle d’hypercapnie (PCO2 de 55 mmHg à 65 mmHg) à des nouveau-nés présentant une normocapnie (PCO2 de 35 mmHg à 45 mmHg). Les auteurs n’ont constaté aucune différence d’incidence d’HIV avec ventriculomégalie, de lésions intraparenchymateuses ou de pronostic neurodéveloppemental à long terme [61][62]. Cependant, des taux médians de PCO2 supérieurs à 72 mmHg ou inférieurs à 32 mmHg s’associaient tous deux de manière indépendante à des lésions cérébrales aiguës [63]. Il faut éviter à la fois l’hypercapnie (PCO2 supérieure à 60 mmHg) et l’hypocapnie (PCO2 inférieure à 35 mmHg) extrêmes, qui semblent être responsables de lésions cérébrales [64][65]. La surveillance de la PCO2 par les gaz sanguins, le CO2 transcutané ou le CO2 en fin d’expiration est recommandée pour les nouveau-nés venus au monde à 32+6 semaines d’AG ou moins, dans le but d’obtenir une PCO2 de 45 mmHg à 55 mmHg dans les 72 premières heures de vie (qualité de preuves 1b).
Une ventilation à volume cible s’associe à une plus faible probabilité d’HIV grave (RC 0,53, IC à 95 % de 0,37 à 0,77) que la ventilation à pression limitée [66]. Le recours précoce à une ventilation oscillatoire à haute fréquence de secours peut accroître le risque d’HIV (RR 1,77, IC à 95 % de 1,06 à 2,96) [67]. Dans la mesure du possible, la ventilation à volume cible est à privilégier chez les nouveau-nés prématurés pendant les 72 premières heures de vie (qualité de preuves 1a).
Les soins habituels du nourrisson prématuré pendant les 72 premières heures de vie peuvent avoir une incidence sur le débit sanguin cérébral [68]. Le maintien de la tête en position neutre peut éviter l’obstruction de la veine jugulaire, réduire la congestion veineuse ipsilatérale et peut-être réduire le risque d’HIV [68]. Peu d’essais cliniques abordent cette question, et la plupart des études appropriées portent sur un échantillon de commodité non aléatoire [69]. En général, elles constatent un changement du débit sanguin cérébral en fonction de la position de la tête du nouveau-né, sous forme d’augmentation du volume sanguin cérébral [69] ou de diminution du débit sanguin jugulaire [70] lorsque la tête du nouveau-né était tournée à 90 degrés. Quelques études ont également révélé une diminution de la pression intracrânienne lorsque la tête était dans la ligne médiane et élevée [71]–[73], même si une analyse Cochrane n’a constaté aucune différence significative du taux d’HIV entre une position de la tête à 0 degré et à 90 degrés [74]. Compte tenu de la physiologie du nouveau-né et de la facilité relative d’adopter cette pratique, et puisque les fluctuations de la pression intracrânienne peuvent accroître le risque de lésion cérébrale aiguë, il faudrait envisager de tenir la tête du nouveau-né en position médiane ou neutre par rapport au torse et d’élever la tête du lit à un angle de 30 degrés (qualité de preuves 5).
On croit que le transport du nouveau-né prématuré (32+6 semaines d’AG ou moins) entre des établissements est un facteur de risque indépendant de lésion cérébrale aiguë. Le bruit, la vibration et l’accélération pendant le déplacement font partie des causes possibles [75]. Cependant, plusieurs études n’ont constaté aucune détérioration du pronostic lorsque les nouveau-nés sont transférés entre des centres de soins néonatals [76][77], et au moins une étude a indiqué que le transport n’était pas un facteur de risque indépendant de lésion cérébrale aiguë [78]. Le taux plus élevé de lésions cérébrales aiguës chez les nouveau-nés prématurés venus au monde à l’extérieur de centres de soins tertiaires peut être lié à la plus faible probabilité de corticothérapie anténatale [79] et de réanimation [78] par des équipes qui ne possèdent pas la formation ni les compétences nécessaires pour les soins aux nouveau-nés prématurés. Il faut procéder au transport vers un centre de soins tertiaires lorsque la situation l’indique. Lorsqu’il est considéré comme dangereux de transférer la mère avant son accouchement, il faut administrer des corticoïdes pendant la période anténatale et prendre des mesures neuroprotectrices tout au long de la stabilisation et du transport, en consultation avec une équipe de soins tertiaires (qualité de preuves 5).
Le retard neurodéveloppemental est courant chez les nouveau-nés d’une extrême prématurité, même lorsque leur imagerie par résonance magnétique semble relativement normale [80][81]. Pour assurer une croissance cérébrale optimale, il est crucial d’offrir un environnement de soins qui favorise le contact peau-contre-peau, l’exposition à la voix maternelle et les interactions avec la mère, un cycle d’éclairage et un niveau de bruit généralement faible [82][83]. Les stratégies de soins développementaux peuvent atténuer les interventions douloureuses [84] et réduire la consommation d’opioïdes [85], toutes deux associées à un pronostic neurodéveloppemental défavorable [86]–[88]. Enfin, puisqu’une croissance inférieure aux normes est liée aux lésions cérébrales et au retard neurodéveloppemental [89], il est également essentiel de prévoir une nutrition parentérale précoce pour optimiser la croissance [90].
Rédigées en fonction des résumés des meilleures données probantes, les recommandations suivantes visent à orienter les soins cliniques et à réduire le risque de lésions cérébrales chez les nouveau-nés d’une extrême prématurité.
Le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie, de même que les membres du comité directeur du Programme de réanimation néonatale et du Programme de soins aigus aux nouveau-nés à risque de la SCP, a révisé le présent document de principes. Les membres du comité des médecins de famille, du comité de la pratique clinique – gynécologie et du comité de médecine fœto-maternelle de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada l’ont également révisé. Les auteurs remercient également le projet de prévention de l’HIV Drive to zero, une initiative nationale financée par le Réseau néonatal canadien et le Réseau sur les naissances prématurées.
Membres : Heidi Budden MD (représentante du conseil), Mireille Guillot MD (membre résidente), Leonora Hendson MD, Thierry Lacaze-Masmonteil MD, Ph. D. (président sortant), Brigitte Lemyre MD, Souvik Mitra MD, Michael Narvey MD (président), Vibhuti Shah MD
Représentants : Radha Chari MD, Société des obstétriciens et gynécologues du Canada; James Cummings MD, comité d’étude du fœtus et du nouveau-né, American Academy of Pediatrics; William Ehman MD, Le Collège des médecins de famille du Canada; Roxanne Laforge inf., Partenariat des programmes périnatals du Canada; Chantal Nelson Ph. D., Agence de la santé publique du Canada; Eugene H. Ng MD, section de la médecine néonatale et périnatale de la SCP; Doris Sawatzky-Dickson inf., Association canadienne des infirmières et infirmiers en néonatologie
Auteurs principaux : Michelle Ryan MD, Thierry Lacaze-Masmonteil MD, Ph. D., Khorshid Mohammad MD, M. Sc.
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 7 février 2024