Document de principes
Affichage : le 8 juillet 2020 | Mise à jour : le 9 juin 2021
Berard RA, Tam H, Scuccimarri R, Haddad E, Morin MP, Chan KJ, Dahdah NS, McCrindle BW, Price VE, Yeung RSM, Laxer RM, Comité des soins aigus
Les enfants ne représentent qu’un petit pourcentage des cas d’infection aiguë par le coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-CoV-2) et, en général, ils éprouvent des symptômes légers à modérés ou sont asymptomatiques [1][2]. Cependant, des cas de syndrome inflammatoire postinfectieux, qui ont un lien temporel avec la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), ont été observés chez des patients pédiatriques, tant au Canada que dans le reste du monde. La fièvre caractérise ce syndrome, mais les manifestations se situent dans un spectre qui varie entre la fièvre seule et une atteinte multisystémique dès l’arrivée ou par la suite. La fièvre et l’hyperinflammation, la maladie de Kawasaki (MK) et le choc typique ou atypique en forment les trois grandes catégories. Les principales caractéristiques cliniques peuvent être apparentées à celles de la MK et du syndrome de choc toxique. L’état de certains patients évolue rapidement vers un dysfonctionnement multisystémique et une hypotension exigeant une assistance respiratoire et un soutien inotrope en soins intensifs [3]-[15].
Plusieurs noms et définitions de cas sont utilisés pour décrire ce syndrome, y compris le syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique ayant un lien temporel avec la COVID-19 [16][17] et le syndrome inflammatoire multisystémique de l’enfant (ou chez les enfants; SIME) [18][19] (voir les termes comparatifs au tableau 1). L’abréviation SIME est utilisée dans le présent point de pratique, qui expose le tableau clinique du syndrome et les explorations à effectuer lorsque ce diagnostic est envisagé. Les options de traitement et les indications pour demander une consultation en surspécialité et un transfert en soins tertiaires sont également décrites. Le syndrome fait actuellement l’objet d’une surveillance active de la part du Programme canadien de surveillance pédiatrique, et les pédiatres du Canada qui présument observer des cas doivent les signaler (www.pcsp.cps.ca/surveillance/study-etude/covid-19-FR).
Les premiers signalements du SIME sont provenus des régions les plus durement touchées par la COVID-19, où les signes ou symptômes semblaient se manifester chez des enfants de deux à six semaines après le pic de l’infection par le SRAS-CoV-2 [20]. Des milliers de cas ont été déclarés depuis. Les manifestations sont semblables partout dans le monde; l’incidence estimative est d’environ un à deux cas sur 1 000 patients pédiatriques ayant obtenu un résultat positif au SRAS-CoV-2 aux États-Unis [3]-[15].
Le lien temporel du SIME avec la COVID-19 est clair, le syndrome faisant généralement son apparition de deux à six semaines après le pic d’éclosion de la COVID-19 dans la localité [20]. Les séries de cas publiées jusqu’à présent contiennent peu d’information sur la sensibilité et la spécificité des méthodologies utilisées pour évaluer la présence d’anticorps anti-SRAS-CoV-2. Même si seulement 20 % à 40 % des enfants touchés ont obtenu des résultats positifs à l’amplification en chaîne par polymérase après transcription inverse (RT-PCR) pour le SRAS-CoV-2 dans des écouvillons nasopharyngés, l’immense majorité (de 80 % à 100 %) a obtenu des résultats positifs aux anticorps anti-SRAS-CoV-2 [3]-[15]. La plupart des patients qui ont obtenu des résultats négatifs pour les anticorps et la RT-PCR avaient été en contact démontré avec un cas positif au SRAS-COV-2. Selon ces données précoces, le SIME ne découlerait pas d’une infection aiguë, mais d’une réponse immunitaire incontrôlée à une infection ou une exposition antérieure.
L’infection aiguë par le SRAS-CoV-2 chez les adultes est liée au syndrome de tempête cytokinique (STC), à un état hyperinflammatoire et à une maladie multisystémique d’apparition subite. Le STC est causé par un relargage excessif des cytokines découlant d’une activation immunitaire incontrôlée [22]. Cette réponse se déclare au cours des dernières phases de l’infection aiguë chez les adultes qui éprouvent de graves symptômes respiratoires de la COVID-19, et elle contribuerait de manière significative au taux de mortalité [23]-[25]. En revanche, le SIME semble être un syndrome hyperinflammatoire postinfectieux [25]. Des caractéristiques semblables aux SIME sont de plus en plus observées chez des adultes, sous l’appellation de syndrome inflammatoire multisystémique de l’adulte (SIMA), et sont souvent associées à un très faible taux d’atteinte respiratoire et de décès [26].
Une fièvre élevée et persistante (de plus de 38 °C pendant au moins trois jours), inexpliquée autrement que par le SIME, est la manifestation caractéristique de ce syndrome. La fièvre, associée à des données de laboratoire témoignant d’une inflammation systémique marquée et à un lien temporel avec une prévalence élevée de COVID-19 dans le milieu, doit évoquer un diagnostic de SIME. Les phénotypes cliniques du SIME décrits jusqu’à présent incluent : 1) la fièvre accompagnée d’une hyperinflammation, 2) les caractéristiques apparentées à la MK (encadré A) et 3) le choc typique ou atypique. Outre les manifestations de MK et de syndrome de choc toxique ([27]; encadré B), on peut observer des atteintes cardiaque, gastro-intestinale, rénale et neurologique [6][8]. L’état des patients faisant partie de l’un de ces trois groupes peut se détériorer rapidement; entre autres, les patients peuvent présenter des signes d’hypotension et de perfusion médiocre causés par un dysfonctionnement myocardique marqué.
Encadré A. Les critères diagnostiques de la maladie de Kawasaki classique selon l’American Heart Association | |
MK complète |
MK incomplète |
Fièvre ≥ 5 jours et ≥ 4 des 5 critères cliniques suivants :
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Fièvre ≥ 5 jours et < 4 critères cliniques de MK classique et CRP ≥ 30 mg/L, vitesse de sédimentation des érythrocytes ≥ 40 mm/h accompagnés de résultats positifs à l’échocardiographie* ou ≥ 3 des manifestations suivantes :
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*L’une des 3 observations suivantes : 1) scores Z de l’artère coronaire descendante antérieure gauche ou de l’artère coronaire droite ≥ 2,5; 2) anévrisme des artères coronaires ou 3) ≥ 3 des observations suivantes : a) diminution de la fonction ventriculaire gauche, b) régurgitation mitrale, c) épanchement péricardique ou d) scores Z de l’artère coronaire descendante antérieure gauche ou de l’artère coronaire droite de 2 à 2,5. | |
ALT alanine aminotransférase; CRP protéine C-réactive; MK maladie de Kawasaki | |
Adapté et traduit de la référence [33] |
Encadré B. Les caractéristiques du syndrome de choc toxique |
Hypotension accompagnée de ≥ 2 des anomalies cliniques et des anomalies de laboratoire suivantes :
Symptômes gastro-intestinaux
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Adapté et traduit de la référence [27]
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Les enfants atteints d’un SIME accompagné d’une MK complète ou incomplète peuvent souffrir d’un syndrome de choc associé à la MK (SCMK) [28], défini par une hypotension et une hypoperfusion systémiques, et peuvent présenter ou non un syndrome d’activation des macrophages (SAM), lequel est une forme de STC observée chez les patients atteints d’une maladie inflammatoire sous-jacente comme la MK [29]-[31]. Le SAM est une complication au potentiel fatal qui se manifeste par une fièvre persistante, une éruption, une lymphadénopathie, une hépatosplénomégalie et, à l’occasion, des complications neurologiques. Les résultats de laboratoire caractéristiques des enfants atteints comprennent une élévation marquée de la protéine C-réactive, de la ferritine, du lactate déshydrogénase, de l’aspartate aminotransférase, de l’alanine aminotransférase, des triglycérides et des D-dimères, de même que des cytopénies progressives. Certains enfants ayant un SIME qui ne répondent pas à tous les critères de MK, mais seulement à certains, peuvent aussi présenter un choc atypique attribuable à une myocardite et un dysfonctionnement ventriculaire ou secondaire à un SAM [4][32].
D’après de nombreuses séries de cas, une proportion démesurée d’enfants afro-américains, afro-caribéens et hispaniques sont atteints d’un SIME [3][6][8][9][11]-[13]. On ne sait pas si cette observation est attribuable à des différences sur le plan des facteurs de risque génétiques ou socioéconomiques ou de l’exposition. Fait intéressant, peu de signalements proviennent d’Asie de l’Est, premier épicentre de la COVID-19.
Certaines manifestations cliniques, notamment l’hyperhémie non suppurative de la conjonctive, l’éruption et les changements à la muqueuse buccale, sont observées en présence d’un SIME tout autant que de la MK classique telle qu’elle existait avant la pandémie, mais les enfants atteints d’un SIME souffrent d’un dysfonctionnement cardiaque et de manifestations gastro-intestinales plus importantes (tableau 2). Les anévrismes des artères coronaires sont les atteintes cardiaques majeures associées à la MK, mais les enfants présentant le phénotype du SIME apparenté à celui de la MK souffrent plutôt d’un dysfonctionnement myocardique grave et d’un choc cardiogénique. Grâce à un dépistage précoce et au traitement initial recommandé (corticostéroïdes accompagnés d’immunoglobulines intraveineuses (IgIV)) du dysfonctionnement cardiaque lié au SIME, la fonction cardiaque peut s’améliorer rapidement [4]. Jusqu’au tiers des patients atteints d’un SIME grave ont présenté une dilatation des artères coronaires en phase aiguë [4][5][8], mais ont rarement subi des anévrismes géants de l’artère coronaire. L’importance clinique de la dilatation des artères coronaires observée en phase aiguë et son évolution dans le temps n’ont pas encore été établies.
Les symptômes gastro-intestinaux (y compris l’abdomen aigu, les douleurs abdominales, les vomissements et la diarrhée) et les signes neurologiques (céphalées, raideur nucale, altération de l’état mental, léthargie) sont également plus fréquents dans les cas de SIME que de MK observés avant la pandémie.
Tableau 2. La comparaison des indicateurs : maladie de Kawasaki classique avant la pandémie par rapport au syndrome inflammatoire multisystémique de l’enfant | ||
Indicateur ou caractéristique |
MK classique avant la pandémie |
SIME |
Âge moyen à la présentation |
< 5 ans |
7 à 9 ans |
Ascendance |
Est-asiatique + |
Africaine, afro-caribéenne, hispanique + |
Symptômes gastro-intestinaux |
+ |
+++ |
Dysfonctionnement cardiaque |
+ |
+++ |
Coagulopathie |
+ |
++ |
Choc |
+ |
++ |
Syndrome d’activation des macrophages |
+ |
++ |
Élévation marquée de la CRP (>100 mg/L) |
++ |
++++ |
Élévation de la ferritine |
+ |
++ |
Élévation des D-dimères |
+ |
++ |
Élévation des biomarqueurs cardiaques (NT-proBNP, troponine)* |
Rarement effectué |
++ |
Thrombopénie |
Rare |
++ |
Lymphopénie |
Rare |
++ |
Anomalies des artères coronaires |
++ |
+ |
CRP protéine C-réactive; NT-proBNP partie N-terminale du propeptide natriurétique de type B
*Biomarqueurs d’intérêt, un ensemble croissant de données en appuyant le rôle en cas de maladie de Kawasaki et de syndrome inflammatoire multisystémique de l’enfant. Le débat se poursuit quant à la manière de les interpréter [34]. |
Puisque le SIME a été découvert tout récemment, il est impossible de faire des recommandations fondées sur des données probantes quant au moment d’effectuer les tests de laboratoire appropriés chez les patients atteints d’une fièvre inexpliquée. Cependant, il faut garder certains principes à l’esprit devant une possibilité de SIME. En effet, le SIME semble rare, mais l’état des enfants qui en sont atteints peut se détériorer rapidement s’ils ne sont pas pris en charge comme il se doit. Il est donc essentiel de savoir évoquer ce diagnostic. Par ailleurs, il est considéré comme important d’effectuer un dépistage et une prise en charge précoces pour obtenir des résultats cliniques optimaux chez les enfants atteints du SIME.
Les médecins doivent évaluer l’épidémiologie locale de la COVID-19 (le nombre de cas et le moment de leur apparition) lorsqu’ils envisagent un diagnostic de SIME, et intégrer à leur anamnèse des questions pertinentes pour évaluer le risque d’exposition de l’enfant au SRAS-CoV-2. Il faut assurer un équilibre entre cette approche et le fait qu’une fièvre d’une durée d’au moins trois jours est un symptôme initial courant au cabinet du pédiatre ou à la salle d’urgence d’un hôpital. Par conséquent, les autres causes de fièvre doivent être explorées, en fonction des manifestations cliniques.
Tout enfant atteint d’une forte fièvre inexpliquée (généralement d’une durée d’au moins trois jours, lorsque les autres causes de fièvre ont été écartées) et qui a l’air malade, notamment s’il présente des signes cliniques apparentés à la MK, de vives douleurs abdominales ou une hypotension, doit être soumis aux explorations de dépistage adaptées à la situation (tableau 3). Il faut également songer à un SIME chez les patients qui font une fièvre inexpliquée sans autres symptômes depuis au moins cinq jours.
Les enfants gravement malades doivent recevoir des antibiotiques à large spectre en attendant les résultats de leur bilan microbiologique et hyperinflammatoire; si la situation l’indique, ils doivent également être admis en soins intensifs en vue d’un soutien inotrope et d’une assistance respiratoire.
Chez les patients hospitalisés atteints d’un dysfonctionnement modéré à grave des organes cibles, il est fortement conseillé de faire appel à l’équipe multidisciplinaire d’un centre régional ou d’un centre de soins tertiaires. Cette équipe peut être composée de spécialistes en pédiatrie générale, en infectiologie, en rhumatologie, en immunologie, en soins intensifs, en cardiologie, ainsi qu’en hématologie ou en thrombose.
Une échocardiographie est à prévoir pour tous les patients hospitalisés chez qui on anticipe un SIME, qu’ils présentent ou non des signes ou des symptômes d’atteinte cardiaque. Les manifestations évocatrices d’une atteinte cardiaque liée au SIME incluent des signes d’insuffisance cardiaque, un nouveau souffle cardiaque, un bruit de galop, une tachycardie persistante inexpliquée, une élévation de la troponine ou de la NT-proBNP, des arythmies, d’autres anomalies électrocardiographiques ou une cardiomégalie à la radiographie thoracique. Puisque les patients atteints d’un SIME semblent vulnérables aux anévrismes des artères coronaires, il est conseillé de reprendre l’échocardiographie de sept à 14 jours et de quatre à six semaines après la première consultation, y compris chez les patients qui ne présentaient pas d’anomalie cardiaque au départ.
Les explorations et la prise en charge du SIME doivent tenir compte du tableau clinique de chaque enfant, lequel peut prendre trois formes (figure 1).
Figure 1. Algorithme des explorations et de la prise en charge du syndrome inflammatoire multisystémique de l’enfant peut être consultée sous forme de fichier supplémentaire.
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Lorsqu’un patient fait une forte fièvre isolée autrement inexpliquée depuis au moins cinq jours OU une fièvre accompagnée de manifestations de MK depuis au moins trois jours et que, d’après l’épidémiologie locale, il risque d’avoir été ou a bel et bien été exposé à la COVID-19, il faut envisager des tests de dépistage de l’hyperinflammation en laboratoire (tableau 3). En présence de données de laboratoire démontrant une hyperinflammation marquée (encadré C), il est bon de prévoir un bilan supplémentaire, selon les tests disponibles, pour obtenir un portrait évolutif du STC et du SAM (regroupés sous l’appellation STC-SAM; ferritine, lactate déshydrogénase, fibrinogène, D-dimères, temps de céphaline, rapport normalisé international (INR), triglycérides) et de l’atteinte cardiaque (troponine, NT-proBNP et électrocardiographie).
Lorsque l’enfant est dans un état clinique préoccupant, que les marqueurs inflammatoires sont très élevés ou que des anomalies de la troponine ou de la NT-proBNP sont décelées, l’hospitalisation doit faire partie des éventualités, de même qu’une évaluation cardiaque et un traitement comme s’il s’agissait de la MK, y compris l’administration d’IgIV, de corticostéroïdes et d’acide acétylsalicylique (voir les détails plus loin). Lorsque c’est possible, il peut être approprié de consulter en rhumatologie ou en infectiologie et en cardiologie pédiatriques.
Si le patient présente une hyperinflammation, mais que son hospitalisation est différée parce qu’il semble autrement bien, il est bon d’assurer un suivi étroit et de reprendre le bilan sanguin dans les 24 à 48 heures. Certains patients présentant de la fièvre et une hyperinflammation ne répondront jamais aux critères de SIME.
Compte tenu de l’épidémiologie locale, de l’anamnèse et de l’évaluation clinique, le médecin traitant peut décider de ne pas effectuer d’examens de laboratoire, auquel cas le patient devra être suivi de près, ce qui inclut une réévaluation dans les 24 à 48 heures si la fièvre persiste.
Les enfants atteints d’une MK complète ou incomplète doivent être pris en charge conformément à la norme des soins pour ce groupe de patients. S’ils n’ont pas encore été demandés, on peut ajouter aux explorations (tableau 3) les taux de ferritine, de troponine et de NT-proBNP (lorsqu’elle est disponible), en raison du risque de dysfonctionnement cardiaque et de SAM dans les cas de MK complète ou incomplète pendant la pandémie de COVID-19 [7][8]. Il faut effectuer une électrocardiographie et une échocardiographie à l’admission et reprendre ces examens en fonction des résultats initiaux, du portrait clinique de l’enfant et des protocoles de l’établissement. Le traitement de première ligne inclut l’administration de 2 g/kg d’IgIV [33], jusqu’à concurrence de 70 g/jour (conformément aux politiques de l’établissement), et d’acide acétylsalicylique (selon la posologie établie par l’établissement).
Une consultation en rhumatologie ou en infectiologie et en cardiologie s’impose pour les patients à haut risque de complications de la MK, ce qui inclut les patients d’un an ou moins et ceux qui font de la fièvre depuis au moins dix jours, la présence d’un SAM, d’un SCMK ou d’anomalies des artères coronaires à l’échocardiographie de référence [33][35]-[36]. Lorsqu’on présume un MK, un traitement aux corticostéroïdes est à envisager, conjugué à l’administration d’IgIV en présence d’un cas grave ou à haut risque.
Il est démontré que l’administration précoce d’IgIV et de corticostéroïdes réduit les admissions en soins intensifs et la durée des hospitalisations [37]. Étant donné les problèmes d’approvisionnement limité d’IgIV, de surcharge volémique et d’anémie hémolytique, on peut songer à remplacer la deuxième perfusion d’IgIV par des corticostéroïdes pour traiter de nouveau les patients qui ne répondent pas à une dose initiale d’IgIV [33][35]-[36]. Dans la mesure du possible, l’échocardiographie doit être exécutée avant l’administration des IgIV, afin de mieux évaluer le fonctionnement cardiaque et de contribuer à déterminer le risque de surcharge liquidienne et la nécessité de donner des diurétiques conjointement avec la perfusion d’IgIV.
On peut administrer de 1 mg/kg/jour à 2 mg/kg/jour de corticostéroïdes sous forme de prednisone par voie orale ou de méthylprednisolone par voie intraveineuse. Dans les cas plus graves de maladie qui menace les organes vitaux ou qui ne répond pas à de faibles doses de stéroïdes, on peut donner de 10 mg/kg/jour à 30 mg/kg/jour (jusqu’à concurrence de 1 000 mg) de méthylprednisolone en perfusion intraveineuse rapide sur une à trois heures [38]. Il peut être utile d’administrer la perfusion de méthylprednisolone avant les IgIV pour limiter l’inflammation cardiaque, améliorer la fonction cardiaque et ainsi atténuer les répercussions de la surcharge liquidienne liée aux IgIV. On peut également envisager l’ajout de furésomide au milieu de la perfusion d’IgIV. Chez les patients atteints d’une MK compliquée par un SAM ou un SCMK réfractaires dont le traitement doit être intensifié encore davantage après la perfusion de méthylprednisolone, la biothérapie fait partie des possibilités, sous la supervision de rhumatologues pédiatriques.
Au Canada, on constate des variations quant aux consultations en rhumatologie ou en infectiologie lors du diagnostic et de la prise en charge de la MK. Étant donné le spectre évolutif du SIME, il peut être utile de demander des consultations dans ces spécialités après l’échec du traitement initial aux IgIV, même dans les cas de MK classique. La consultation de spécialistes en cardiologie, en hématologie ou en thrombose et en soins intensifs pédiatriques peut également être indiquée en cas de MK compliquée ou à haut risque.
Les enfants atteints d’un SIME peuvent également présenter une hypotension et un choc à l’arrivée ou par la suite. Il faut alors obtenir immédiatement une consultation en soins intensifs pédiatriques. Ces patients peuvent également manifester des caractéristiques de MK, notamment une hyperhémie non suppurative de la conjonctive, une éruption et des changements à la muqueuse orale, de même qu’un dysfonctionnement systémique isolé, mais grave (notamment du cœur ou de l’appareil digestif), ou multisystémique. Tous les enfants qui sont en état de choc inexpliqué ou atypique doivent être soumis à des tests de dépistage du SIME et de l’hyperinflammation (tableau 3 et encadré C), de même qu’à des tests pour déceler une atteinte cardiaque, y compris une électrocardiographie, une échocardiographie et l’obtention des taux de référence pour la troponine et la NT-proBNP (si celle-ci est disponible). L’évaluation des marqueurs du STC-SAM (tableau 3) est également à prévoir en cas de choc typique ou atypique. Dans les cas de graves symptômes abdominaux, il faut demander une consultation en gastroentérologie ou en chirurgie générale et un transfert dans un centre de soins tertiaires lorsque la situation clinique l’indique. En présence d’altération de la conscience ou de déficits neurologiques focaux, c’est en neurologie qu’il faut consulter.
Il existe un risque de détérioration très rapide des patients qui, à leur arrivée ou par la suite, sont atteints d’hypotension, d’un grave dysfonctionnement cardiaque (y compris une élévation de la troponine, une forte élévation de la NT-proBNP et une électrocardiographie anormale) ou d’une autre forme de choc atypique (y compris des symptômes gastro-intestinaux ou neurologiques). Une réanimation liquidienne attentive et appropriée, un soutien inotrope et peut-être même une intubation sont préconisés. Il est recommandé de commencer par administrer des antibiotiques à large spectre, car les manifestations pourraient être celles d’une grave infection bactérienne. Il faut également demander une consultation d’urgence en cardiologie et en soins intensifs, de même qu’un transfert en soins tertiaires.
En présence de manifestations de myocardite, de choc ou de STC-SAM, une consultation en rhumatologie permettra de déterminer le traitement et d’amorcer l’administration d’IgIV, de corticostéroïdes et d’une faible dose d’acide acétylsalicylique (de 3 mg/kg/jour à 5 mg/kg/jour, jusqu’à concurrence de 81 mg/jour). Les patients atteints d’une thrombose démontrée ou dont la fraction d’éjection est inférieure à 35 % doivent recevoir une anticoagulothérapie thérapeutique sous forme d’énoxaparine [38].
Chez les enfants en soins intensifs atteints d’un dysfonctionnement myocardique, un traitement initial conjuguant les IgIV et la méthylprednisolone est lié à un rétablissement cardiaque plus rapide et à un séjour en soins intensifs plus court qu’un traitement limité aux IgIV [4][37]. Devant une réponse clinique suboptimale, on peut envisager une biothérapie, à l’anakinra par exemple, après consultation en rhumatologie pédiatrique.
Après leur congé, les patients atteints d’un SIME doivent être suivis en cardiologie et en rhumatologie (ou en pédiatrie générale, sous les conseils de rhumatologues). Les patients à qui sont prescrits des corticostéroïdes ou une biothérapie sont souvent traités au moins deux à trois semaines, et la réduction progressive des doses doit être orientée par les évaluations cliniques et les examens de laboratoire. Tous les patients atteints d’un SIME qui reçoivent des IgIV doivent continuer de recevoir une faible dose d’acide acétylsalicylique (de 3 mg/kg/jour à 5 mg/kg/jour, jusqu’à concurrence de 81 mg/jour) jusqu’à ce qu’une échocardiographie de suivi confirme que, plus de quatre semaines après le diagnostic, les artères coronaires sont normales et jusqu’à ce que les marqueurs inflammatoires se soient normalisés. Un suivi en cardiologie est recommandé pour tous les patients atteints d’un SIME apparenté à la MK, conformément aux politiques de l’établissement (une échocardiographie est conseillée de sept à 14 jours et de quatre à six semaines après le diagnostic) [38].
Au Canada, le fardeau de la COVID-19 semble faible chez les patients pédiatriques. D’après les signalements, le SIME se manifeste de deux à six semaines après le pic du SRAS-CoV-2 dans le milieu. Ce syndrome semble rare, mais les cliniciens doivent être vigilants et ne pas négliger cette possibilité diagnostique. Le seuil fixé pour transférer le patient vers un centre régional ou un centre de soins tertiaires doit être bas, afin d’assurer une prise en charge plus approfondie et des consultations. En effet, lorsqu’un SIME est diagnostiqué et traité rapidement, le pronostic de la plupart des enfants est favorable.
L’information sur les syndromes liés au SRAS-CoV-2 sera révisée et mise à jour dans les documents de la Société canadienne de pédiatrie conjointement avec l’évolution des publications scientifiques sur le sujet.
Membres : Carolyn Beck MD, Kevin Chan MD (président), Kimberly Dow MD (représentante du conseil), Karen Gripp MD, Kristina Krmpotic MD, Marie-Pier Lirette MD (membre résidente), Evelyne D. Trottier MD
Représentants : Laurel Chauvin-Kimoff (présidente sortante, 2012-2019), section de la médecine d’urgence pédiatrique de la SCP, Sid Thakore MD, section de la pédiatrie hospitalière de la SCP
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 10 juin 2021