par les docteurs Catherine Diskin, Eyal Cohen et Julia Orkin
Jusqu’à maintenant, les effets directs de la COVID-19 sur les enfants sont minimes. Les conséquences indirectes sont toutefois importantes pour les enfants qui ont des problèmes médicaux complexes, y compris les changements à la prestation des soins, les défis liés aux soins à domicile, la crainte que des proches aidants tombent malades, les inquiétudes envers les dispensateurs de soins à domicile et l’accès limité aux médicaments et aux fournitures.
L’un des grands défis de la prestation des soins en temps de pandémie provient du rythme sans précédent auxquels les soins cliniques évoluent : les soins virtuels, l’annulation des services non essentiels et les changements marqués aux habitudes peuvent être accablants, à la fois pour les cliniciens et pour les familles. Il est essentiel de pouvoir se tourner vers des sources d’information fiables, comme celles des autorités provinciales de santé publique, pour obtenir des conseils éprouvés en temps réel.
La crainte d’une exposition à la COVID-19 est une réelle préoccupation pour les familles et peut les inciter à éviter l’hôpital. Nous pouvons soutenir les familles en prenant acte de leurs inquiétudes et en leur soulignant l’importance de demander des services médicaux et urgents dès qu’ils en ont besoin. En informant les familles de l’évolution rapide des pratiques de sécurité en milieu hospitalier et des mesures de contrôle des infections, nous visons à les appuyer et à les rassurer. Au sein du programme de soins complexes, nous sommes à l’écoute de leurs inquiétudes et continuons de préconiser des approches harmonisées des soins en milieu hospitalier pour notre population de patients et les autres personnes considérées comme à haut risque.
Comme bon nombre de nos collègues pédiatres, nous avons dû reporter la plupart des rendez-vous de soins complexes en cabinet. Nous soutenons plutôt les patients et leur famille au moyen de rendez-vous virtuels et d’appels téléphoniques. Les cliniciens demeurent accessibles, et toute l’équipe de professionnels de la santé multidisciplinaires continue d’apporter son appui. Nous tenons des visioconférences multidisciplinaires et avons découvert que de nombreux surspécialistes sont heureux d’y participer. Grâce aux rendez-vous virtuels, nous avons établi un nouveau type de relation avec les familles, avons découvert leur milieu de vie et avons également montré le nôtre. Les rendez-vous virtuels posent certaines difficultés, mais un simple téléphone s’est révélé étonnamment fonctionnel dans bien des situations.
Les familles craignent qu’un proche aidant tombe malade ou doive s’isoler. Nous avons donc collaboré avec les familles pour les inciter à envisager d’autres plans de soins. Les familles doivent se procurer assez de fournitures médicales pour ne pas en manquer en cas de quarantaine (approvisionnement de médicaments pour deux semaines, par exemple) et nommer des personnes qui pourront s’occuper de leur enfant dans une telle éventualité. Nous offrons des cours de perfectionnement virtuels aux aidants substituts sur des sujets comme les soins de la sonde de gastrostomie. Nous travaillons avec des services de répit et des hôpitaux pour proposer des possibilités de répit aux familles en cas d’urgence.
Les familles continuent d’hésiter à poursuivre les soins à domicile. Bon nombre ont annulé leurs services de soins infirmiers parce qu’elles s’inquiètent du risque accru d’infection avec les va-et-vient à la maison. Nous collaborons avec des organismes de soins à domicile pour déterminer comment offrir ces services sans compromettre la sécurité grâce aux mesures de contrôle et de prévention des infections (par exemple, procéder au dépistage des dispensateurs de soins avant leurs quarts et s’assurer de la disponibilité de l’équipement de protection individuelle). Nous encourageons les familles à travailler avec leurs coordonnateurs de soins à domicile pour établir des plans de soins appropriés et favoriser la transparence et les communications quant au contrôle des infections.
Bien des dispensateurs de soins et des familles craignent que la demande croissante de fournitures médicales, telles que les médicaments et le matériel, nuisent aux soins des enfants. Nous recommandons aux familles de demander leurs renouvellements d’ordonnances à leur pharmacie bien à l’avance afin de limiter les retards. Certaines familles ont subi des pénuries de préparations alimentaires en raison des perturbations aux chaînes d’approvisionnement. Avec les diététistes et les familles, nous cherchons des solutions sécuritaires et encourageons les familles à travailler directement avec leur équipe soignante afin qu’elles disposent d’assez de fournitures médicales pour traverser 14 jours de quarantaine.
À l’heure actuelle, toutes les familles, et particulièrement celles dont un enfant a des problèmes médicaux complexes, sont vulnérables au stress et aux troubles de santé mentale. Les familles s’inquiètent de l’avenir ou de leur stabilité financière. En raison des changements aux modes de soutien habituels comme les soins à domicile, les services de répit et l’école, les familles sont fatiguées. Nous écoutons les expériences des familles et insistons sur l’importance du sommeil, de l’exercice et du maintien des relations avec les proches pour assurer leur bien-être. Nous proposons des possibilités de soutien en santé mentale, au besoin.
Nous pensons que la demande de tels services augmentera au cours des prochains mois, et nous continuerons de prendre position pour que les besoins de nos patients et de leur famille soient respectés et que leur sécurité, la continuité de leurs soins et leur soutien soient maintenus.
Les professionnels de la santé vivent également un stress énorme à cause de la COVID-19, ce qui entraîne de la fatigue et du stress à la maison et au travail. Au lieu de notre réunion d’équipe hebdomadaire en salle, nous tenons désormais deux réunions virtuelles par semaine. Nous pouvons ainsi faire le point, régler des enjeux cliniques et, surtout, nous informer les uns des autres. Nous devons maintenir une pleine conscience de nous-mêmes et de nos collègues alors même que nous allons de l’avant.
En cette période de pandémie de COVID-19, les cliniciens, les familles et les enfants affrontent des changements et des difficultés extraordinaires. Nous adaptons constamment notre manière de maintenir les soins. À titre de partenaires des soins aux familles, il est fondamental de nous soutenir les uns les autres, de faire preuve de flexibilité en matière de prestation des soins et de prendre position pendant que nous vivons cette nouvelle « version » de la normale.
Les docteurs Catherine Diskin, Eyal Cohen et Julia Orkin travaillent à la division de médecine pédiatrique de The Hospital for Sick Children et au département de pédiatrie de l’université de Toronto. Les docteurs Cohen et Orkin travaillent également en sciences évaluatives de la santé de l’enfant au SickKids Research Institute.
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Mise à jour : le 27 mai 2020