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L’enrichissement en acide folique : une réussite de la santé publique

Pour souligner le 100e anniversaire de la Société canadienne de pédiatrie, le projet 24/7 – avant et maintenant jette un regard historique (et prospectif) sur des documents de principes et des thèmes formateurs de la SCP. Ce blogue est le septième et le dernier d’une série qui sera rédigée par des membres chevronnés ayant un don pour les perspectives à long terme.

Affiché le 14 novembre 2022 par la Société canadienne de pédiatrie | Permalink

Catégorie(s) : 24/7 - avant et maintenant

Par le docteur Stuart MacLeod

Dans la foulée de la tragédie de la thalidomide, et malgré une sensibilisation croissante aux effets tératogènes des médicaments utilisés pendant la grossesse, il est étonnant de constater le peu d’intérêt porté à l’époque aux autres expositions alimentaires ou biochimiques susceptibles de porter préjudice (ou de favoriser) le développement embryonnaire.

Cette situation a changé en 1991, lorsque le groupe de recherche sur l’étude des vitamines du conseil de recherche médicale du Royaume-Uni a publié un rapport démontrant que les suppléments d’acide folique administrés pendant la période périconceptionnelle réduisaient le risque de graves anomalies du tube neural. [1]. Cette constatation a été suivie, en 1995, par la publication d’un exposé de la SCP intitulé La consommation périconceptionnelle d’acide folique pour réduire le risque d’anomalies du tube neural. En 1998, le Canada et les États-Unis avaient adopté une loi exigeant l’enrichissement en acide folique de certains produits céréaliers. D’importants débats scientifiques ont entouré la détermination de la concentration idéale d’acide folique dans la farine pour obtenir une dose qui assurerait une consommation quotidienne maximale de 1 mg, sans la dépasser. Les experts craignaient qu’une consommation quotidienne supérieure à 1 mg chez les adultes occulte un diagnostic d’anémie pernicieuse.

En 2007, une grande équipe multidisciplinaire pancanadienne a constaté que l’incidence d’anomalies du tube neural avait reculé, passant de 1,58 cas sur 1 000 naissances avant l’enrichissement à 0,86 cas sur 1 000 naissances après l’adoption de la politique d’enrichissement obligatoire [2]. Les résultats couvraient sept provinces et démontraient une diminution proportionnelle du taux de fond observé avant l’enrichissement dans chaque province. Ce taux de réduction était plus marqué à l’égard du spina-bifida (53 %) que de l’anencéphalie (38 %) et de l’encéphalocèle (31 %).

Une leçon est particulièrement évidente : les enjeux qui déterminent une pratique optimale sont trop importants pour être confiés à une analyse indépendante réalisée par un éventail de surspécialistes qui travaillent isolément, et dont certains ont des intérêts très étroits. La réussite provient de la coordination des « ponts » établis, qui ont favorisé la participation d’au moins une douzaine de disciplines, y compris l’obstétrique, la médecine fœtomaternelle, la pédiatrie, la nutrition, la génétique médicale, l’embryologie, la neurologie, la neuropathologie, la biochimie clinique, la tératologie, la pharmacologie et la toxicologie. Une seule discipline ne peut pas valider les thérapeutiques obstétriques optimales. Il était capital de combiner la recherche fondamentale, la compréhension clinique et les décisions politiques en matière de santé.

Compte tenu de cette réussite, on peut trouver surprenant de ne pas avoir observé plus de mesures parallèles. Même si l’initiative politique du milieu des années 1990 a entraîné des avantages importants, l’application des sciences à la grossesse a évolué lentement à plusieurs égards. Notamment, cette séquence d’événements démontre l’importance de réaliser des études épidémiologiques à la méthodologie soignée pour surveiller l’efficacité des politiques nutritionnelles, comme c’est le cas à l’égard d’autres interventions thérapeutiques. Le rapport de 2007 a clairement bouclé la boucle entre les découvertes scientifiques et l’amélioration des résultats cliniques. Chose étonnante, et malgré le processus de validation exemplaire utilisé, seulement 80 pays ont adopté les politiques relatives à l’enrichissement en acide folique jusqu’à maintenant. Le Royaume-Uni, d’où émergent les preuves scientifiques, a adopté tardivement une politique d’enrichissement obligatoire le 20 septembre 2021 [3].

Trois grandes conclusions peuvent être tirées des répercussions de l’administration périconceptionnelle d’acide folique pendant la grossesse et de la diminution de l’incidence d’anomalies du tube neural depuis 30 ans.

1) Il est possible de créer des politiques de santé publique rigoureuses à partir d’observations scientifiques attentives. Dans ce cas, les comptes rendus précoces du groupe de recherche sur l’étude des vitamines du conseil de recherche médicale du Royaume-Uni ont entraîné l’adoption relativement rapide de politiques sur l’enrichissement en acide folique au Canada et aux États-Unis.

2) La mise en œuvre appropriée d’études cliniques à la méthodologie soignée reposant sur des principes épidémiologiques permet de confirmer l’efficacité et les avantages de politiques de santé publique novatrices. Dans ce cas, les avantages de l’enrichissement obligatoire en acide folique ont été démontrés au bout de dix ans, et jusqu’à présent, ces résultats ont suscité l’adoption d’une politique parallèle dans 80 pays [3].

3) L’étude de l’administration d’acide folique pendant la période périconceptionnelle et la grossesse et la promulgation de politiques favorisant l’enrichissement en acide folique à des taux susceptibles d’être bénéfiques sans provoquer de toxicité au sein de la population adulte s’avèrent exemplaires. L’analyse subséquente des répercussions de cette politique a démontré de manière concluante l’importance cruciale d’une approche multidisciplinaire intégrée.

L’histoire de l’acide folique fait ressortir l’idéal de ce qui peut être réalisé en combinant la recherche fondamentale à l’élaboration de politiques judicieuses. Si nous sommes vraiment déterminés à rehausser nos efforts collectifs en vue de faire adopter des politiques fondées sur des données probantes, nous devons tout mettre en œuvre pour accroître les possibilités de formation qui permettront aux jeunes médecins de travailler à la jonction de la biologie moléculaire, de la recherche biomédicale fondamentale, des soins cliniques et des sciences évaluatives. En 2022, aucun enjeu n’est plus important que la nécessité d’amorcer une telle réorientation du système de formation clinique postdoctorale.

Le docteur Stuart MacLeod est un pharmacologue clinicien retraité et un professeur émérite de pédiatrie à l’Université de la Colombie-Britannique. Il a présidé le comité de la pharmacologie et des substances dangereuses de 1996 à 2001 et a rédigé de nombreuses publications sur les traitements pharmacologiques optimaux pour les enfants et les adolescents, l’utilisation sécuritaire des médicaments et la pharmacogénomique.

 

Références

1. MRC Vitamin Study Research Group. Prevention of neural tube defects: Results of the Medical Research Council Vitamin Study. Lancet 1991;338(8760):131-7.

2. De Wals P, Tairou F, Van Allen MI et coll. Reduction in neural-tube defects after folic acid fortification in Canada. N Engl J Med 2007;357(2):135-42.

3. Haggarty, P. UK introduces folic acid fortification of flour to prevent neural tube defects. Lancet 2021;398(10307):1199-201.


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Mise à jour : le 24 novembre 2022