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Le positionnement préventif : la mort subite du nourrisson hier et aujourd’hui

Pour souligner le 100e anniversaire de la Société canadienne de pédiatrie, le projet 24/7 – avant et maintenant jette un regard historique (et prospectif) sur des documents de principes et des thèmes formateurs de la SCP. Ce blogue est le premier d’une série qui sera rédigée par des membres chevronnés ayant un don pour les perspectives à long terme.

Affiché le 10 mai 2022 par la Société canadienne de pédiatrie | Permalink

Catégorie(s) : 24/7 - avant et maintenant

par le docteur Denis Leduc

Peu après avoir entrepris ma carrière en pédiatrie communautaire à Montréal et avoir formé l’Association des pédiatres communautaires de l’Hôpital de Montréal pour enfants, j’ai vu mon premier bébé victime de la mort subite du nourrisson (MSN). J’ai été dévasté par cet événement et saisi par le deuil des parents.

Ces parents ont canalisé leur tristesse dans le Centre Jeremy Rill, qu’ils ont créé pour soutenir et aider les parents aux prises avec le choc de la perte d’un enfant.

C’était en 1986. Qu’avons-nous appris depuis?

En 1993, un énoncé conjoint de la SCP, de l’Institut canadien de la santé infantile, de Santé Canada et de Souffle de bébé a diffusé les premières directives nationales fondées sur des données probantes sur les facteurs de risque connus de la MSN.

À l’époque, il était évident que le décubitus dorsal était protecteur, mais la position latérale n’était pas considérée comme un facteur de risque. La relation entre l’allaitement (protecteur) et la MSN n’était pas évidente, et les données étaient insuffisantes pour recommander le partage de la chambre ou du lit avec son bébé.

Depuis, nous avons acquis de nouveaux éclairages majeurs sur l’épidémiologie de la MSN, et l’énoncé conjoint a été mis à jour chaque fois qu’un changement aux recommandations s’imposait. La campagne d’éducation « Dodo sur le dos » a également été lancée en 1999.

La plus récente version de l’énoncé conjoint a été publiée en 2021. Elle reflète les publications les plus récentes et contient une liste de références impressionnante. Elle décrit les principaux facteurs modifiables susceptibles de réduire le risque de MSN :

  • Toujours coucher les nourrissons sur le dos quand ils s’endorment.
  • Protéger les nourrissons contre l’exposition au tabagisme, avant et après la naissance.
  • Fournir un environnement de sommeil sécuritaire aux nourrissons. L’endroit le plus sûr pour dormir est un lit d’enfant, un berceau ou un moïse qui respecte la réglementation canadienne à jour (exempt d’articles de literie mous et mal ajustés, de bordures de protection, de jouets ou de coussins de positionnement de la tête ou du corps) placé dans la chambre des parents pendant les six premiers mois (partage de la chambre).
  • Allaiter pendant au moins deux mois, la protection s’accroissant proportionnellement à la durée de l’allaitement.
  • Respecter les principes d’un sommeil sécuritaire à chaque période de sommeil, que ce soit à la maison, en milieu de garde ou en déplacement.

Le document décrit également les facteurs de risque modifiables susceptibles d’accroître le risque de MSN :

  • Le partage du lit, c’est-à-dire que le nourrisson partage une surface de sommeil (telle qu’un lit pour adulte, un canapé ou un fauteuil) avec un parent, un proche, un frère ou une sœur. Les nourrissons de moins de quatre mois sont particulièrement vulnérables à la MSN dans de telles situations.
  • Les dispositifs de sommeil pour nourrissons destinés à être fixés au lit pour adulte.

Le taux de MSN a diminué de 50 % au Canada entre 1999 et 2004, principalement grâce à la campagne Dodo sur le dos. Depuis, le taux de MSN n’a toutefois pas beaucoup reculé. Pourquoi?

Il est important de se rappeler que les causes de MSN ne sont pas établies et que les facteurs de risque ne sont pas des causes.

Les recherches ont été axées sur les gènes responsables de l’épilepsie et des canalopathies.

Après des examens approfondis, y compris des autopsies, une forte proportion des morts subites et inattendues est attribuée à une infection, une cardiopathie, une anomalie immunitaire, une malformation cérébrale ou d’autres pathologies.

Dans une récente publication de Statistique Canada, des chercheurs évaluent les circonstances des cas de morts subites ou inattendues du nourrisson survenues pendant le sommeil, tirées des bases de données des coroners et des médecins légistes. Ils ont analysé et examiné 660 cas fermés entre 2015 et 2019 au Canada (sauf au Manitoba). Les données ne sont pas disponibles tous les ans dans les provinces et les territoires inclus.

Qu’ajoute le document de Statistique Canada à nos connaissances sur la MSN?

Grâce aux analyses et aux évaluations de chaque cas par les coroners et les médecins légistes du Canada, nous sommes en mesure de confirmer les principes contenus dans l’énoncé conjoint :

  • La majorité des morts subites et inattendues survenues pendant le sommeil (70 %) se produisent chez des nourrissons âgés de moins de quatre mois.
  • Plus de neuf nourrissons sur dix (92 %) qui sont morts subitement dans leur sommeil se trouvaient dans un milieu de sommeil non sécuritaire. Les facteurs de risque des 8 % d’autres cas n’étaient pas précisés. Dans 75 % des cas, au moins deux facteurs de risque étaient présents.
  • Près de sept morts subites et inattendues survenues pendant le sommeil sur dix (69 %) s’étaient produites sur une surface non conçue pour le sommeil des nourrissons.
  • Plus de la moitié des nourrissons morts subitement dans leur sommeil (53 %) partageaient un lit avec au moins une personne. D’ailleurs, l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2015-2016 établit que « le tiers des mères ont déclaré que leur dernier enfant partageait un lit avec elles ou avec une autre personne, tous les jours ou presque tous les jours, lorsque l’enfant avait moins de 12 mois ».
  • Dans 33 % des morts subites et inattendues survenues pendant le sommeil, le nourrisson a été retrouvé sur le côté ou sur le ventre.
  • L’exposition à la fumée de tabac a été signalée dans plus d’un cas de mort subite et inattendue survenue pendant le sommeil sur six (18 %).

Ces « mises à jour » pourraient-elles nous aider à formuler nos recommandations pour maximiser l’efficacité des conseils de prévention sur la MSN?

En raison de l’incertitude continue quant à la pathogenèse de ce « syndrome », l’orientation clinique continue de porter sur les facteurs de risque modifiables. Je pense que nous pouvons avoir des effets tangibles si nous priorisons les messages de prévention de la MSN et les intégrons à chaque rencontre jusqu’à l’âge de quatre mois, ce qui correspond à la période au cours de laquelle 70 % des décès survenus pendant le sommeil se produisent. Voici trois messages clés pour les parents et les proches :

  1. Il est capital de prévoir une surface de sommeil sécuritaire pour le nourrisson.
  2. Il faut proscrire le partage du lit, même pour allaiter.
  3. Il faut toujours coucher le nourrisson sur le dos, chaque fois qu’il est mis au lit.

Nos progrès considérables dans la compréhension de certains des facteurs les plus importants et les plus décisifs associés au risque de MSN doivent désormais être mis à profit pour créer et mettre en œuvre des stratégies ciblées et fondées sur des données probantes afin de protéger ces nourrissons vulnérables.

Notre seul espoir de transformer la recherche en pratiques efficaces, c’est la transmission de ces messages salvateurs aux parents.

Le docteur Denis Leduc est un ancien président de la SCP, coauteur du Relevé postnatal Rourke et directeur de rédaction de Le bien-être des enfants : un guide sur la santé en milieu de garde. Il s’est récemment retiré de ses fonctions de pédiatre communautaire et de professeur agrégé de pédiatrie au Centre universitaire de santé McGill à Montréal, au Québec.


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Mise à jour : le 7 juin 2022