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Un port d’attache pour les pédiatres. Une voix pour les enfants.

La nutrition est un signe vital

Affiché le 26 mars 2025 par la Société canadienne de pédiatrie | Permalink

Catégorie(s) : Défense d’intérêtsExercice de la pédiatrieMaladies chroniques et complexesPerfectionnement professionnel

Richa Agnihotri, Dr FRCPC ; Comité de la pédiatrie communautaire

La nutrition a des effets profonds sur la santé et le développement de l’enfant. À l’heure actuelle, les enfants canadiens consomment trop de sel, de sucre et de gras saturé et trop peu de fibres, de calcium et de vitamine D. Où les parents peuvent-ils donc s’informer sur la nutrition? Dans le contexte de la sursimplification et même de la mésinformation généralisée de type TikTok, les pédiatres généraux peuvent être considérés comme la voix de la raison. Pour ce faire, il faut d’abord s’assurer que la nutrition est intégrée à la formation en pédiatrie et en médecine de famille.

La formation sur la nutrition est un sujet essentiel auquel on n’accorde pas assez d’attention dans les écoles de médecine. Dans la pratique, les pédiatres doivent souvent se concentrer sur les inquiétudes médicales émergentes au détriment des conseils sur la nutrition, mais les rendez-vous préventifs demeurent de riches occasions de donner des conseils préventifs aux familles et d’ainsi prévenir des maladies chroniques.

Un cursus sur la santé

Les étudiants sont déjà conscients de l’importance de la nutrition pour prévenir et traiter des maladies, mais bon nombre ne se sentent pas prêts à donner des conseils aux familles sur les aliments et la consommation des aliments. Une meilleure intégration de la formation sur la nutrition aux cursus en médecine — par l’apprentissage longitudinal appliqué, par exemple — pourrait permettre aux pédiatres de mieux comprendre l’influence de la nutrition sur des aspects clés de la santé des enfants, tels que les os, les muscles et le développement cognitif. Lorsqu’ils se lancent en pratique, les stagiaires en médecine doivent avoir une véritable appréciation de l’importance des déterminants sociaux sur les choix alimentaires et sur la difficulté de prendre des décisions à mesure que l’insécurité alimentaire s’intensifie. Des techniques d’apprentissage comme les entrevues motivationnelles peuvent contribuer à habiliter les parents à faire des choix santé durables pour les familles. Les médecins récemment diplômés seraient mieux en mesure d’offrir des recommandations fondées sur des données probantes, adaptées aux valeurs, aux objectifs et aux obstacles qu’affrontent les parents. Ils pourraient corriger la mésinformation, diriger les patients vers des spécialistes appropriés, comme des diététistes, et ainsi contribuer à une approche plus complète des soins.

Mais comment peut-on intégrer la nutrition à la formation en médecine de manière à transformer notre approche à chaque rencontre avec le patient? On peut commencer par convenir que la nutrition fait souvent partie des manifestations cliniques. L’approche actuelle s’attarde sur les carences nutritives, et les scénarios cliniques sont axés sur un tableau clinique de carences généralement graves ou prolongées. Elle occulte les effets de la malnutrition (tant les carences que les excès) sur une foule de symptômes courants. Par exemple, l’anémie ferriprive peut contribuer à des symptômes comme l’inattention, l’hyperactivité et les troubles du sommeil. De même, une consommation excessive d’aliments ultra-transformés — riches en sodium, en sucre et en gras saturé — est liée à un quotient intellectuel et un dysfonctionnement cognitif. Les données probantes s’accumulent pour démontrer qu’une mauvaise alimentation est un facteur contributif à des affections comme l’hypertension, la dyslipidémie et le diabète de type 2, qui sont de plus en plus courantes chez les enfants et les adolescents canadiens. Nous devons reconnaître les preuves croissantes des effets de la nutrition sur un vaste éventail de problèmes de santé physique et mentale, si bien que les conseils sur la nutrition deviennent une partie implicite de la prise en charge non pharmaceutique de nombreuses autres affections. Il est possible d’utiliser d’excellentes ressources fondées sur des données probantes, comme le Guide alimentaire canadien, Les diététistes du Canada et le Joannah & Brian Lawson Centre for Child Nutrition (de l’Université de Toronto) pour formuler nos conseils et nos recommandations, qui incluent des conseils pratiques sur l’environnement alimentaire, la préparation des aliments, la lecture des étiquettes nutritionnelles, l’épicerie et la planification des repas.

Les conseils en nutrition lors des bilans en santé

Il est tout aussi important de souligner le rôle de la nutrition dans les soins réguliers de l’enfant en santé, et la mise à jour du Relevé postnatal Rourke contient des conseils proactifs sur la nutrition lors des bilans de l’enfant en santé. Si on commence à parler de nutrition tôt et qu’on le fait souvent, on peut contribuer à prévenir l’aggravation de nombreux problèmes. Il est important de bien choisir le moment de donner ces conseils, car ils peuvent susciter diverses réponses émotionnelles de la part des parents et, à leur tour, avoir des répercussions sur l’alliance thérapeutique entre le parent et le pédiatre, de même que sur l’adhésion au plan de prise en charge. Lorsqu’on parle de nutrition de manière proactive, pendant les rendez-vous réguliers et dans le but d’améliorer le bien-être, les propos passent de la pathologie à de saines habitudes de vie. Par exemple, il est préférable de donner des conseils aux parents sur de bons choix d’aliments pendant un rendez-vous régulier pour l’enfant plutôt qu’au moment d’un rendez-vous consacré à une maladie chronique qui peut avoir été aggravée par le régime alimentaire.

Les courbes de croissance, qui font partie intégrante des suivis réguliers de l’enfant en santé, fournissent de l’information précieuse sur le développement de l’enfant. Cependant, il est important d’admettre qu’une courbe de croissance normale peut fournir de l’information importante sur la qualité du régime alimentaire de l’enfant. Un enfant dont la trajectoire de croissance est « normale » prend peut-être encore trop de produits laitiers ou d’aliments ultratransformés qui risquent de contribuer à des carences nutritives et à des problèmes de comportement. Dans ces situations, il est crucial de parler de la qualité de l’alimentation, sans tenir compte de la croissance, pour promouvoir la santé à long terme. La qualité des aliments est importante.

Il n’est pas toujours facile d’améliorer son alimentation, et bien que certains obstacles soient d’ordre personnel, nombreux sont systémiques. Une mauvaise littératie alimentaire peut être corrigée par l’information que le médecin transmet aux patients lors des bilans de l’enfant en santé, mais pour amorcer des changements encore plus marqués, il faut adopter des solutions systémiques par l’entremise des ministères de la santé publique et d’initiatives communautaires. Il est impossible de corriger les obstacles systémiques, comme la pauvreté et d’autres sources d’insécurité alimentaire lors d’une simple rencontre clinique. Pour les surmonter, il faut des revendications politiques, telles que la mise en œuvre d’un programme d’alimentation scolaire pour fournir des aliments sains à nos enfants.

Connaissez votre localité

Malgré les obstacles systémiques, des ressources communautaires peuvent souvent être utiles. Dans ma localité, par exemple, le GROW Food Literacy Centre est un organisme à but non lucratif qui aide les gens à faire de meilleurs choix alimentaires grâce à l’éducation et à l’accès à des aliments sains à faible prix. Les pédiatres doivent se tenir au courant des ressources communautaires locales qui peuvent aider les parents et les familles à surmonter les obstacles systémiques avec lesquels ils doivent composer.

La sécurisation culturelle et la durabilité environnementale

En plus de reconnaître les effets généralisés de la nutrition sur la santé physique et mentale, d’en renforcer l’importance lors des bilans réguliers de l’enfant et d’habiliter les familles à apporter des changements positifs, il faut aborder un autre élément : la sécurisation culturelle. Tous ces facteurs doivent être examinés dans le contexte des valeurs personnelles, des croyances et des expériences de nos patients. Certaines personnes adoptent un régime végétarien ou végétalien pour des raisons éthiques, climatiques ou religieuses. Pour d’autres, la chasse au chevreuil annuelle est un aspect important de la réappropriation d’une identité culturelle pratiquement éteinte. Nous devons être humbles, avoir de l’autoréflexion, être curieux et respectueux lorsque nous parlons du rôle de certains choix alimentaires pour favoriser et conserver une vie saine. Autrement, nous risquons de briser la confiance que nous cherchons à instaurer.

En qualité de pédiatres, nous pouvons aider les familles à comprendre les effets du régime alimentaire sur la santé et les encourager à apporter des changements durables, respectueux de leurs valeurs, leurs objectifs et leurs ressources. Ces échanges devraient être fréquents et proactifs, être entrepris dès la petite enfance et se poursuivre tout au long de l’adolescence. Nous avons besoin d’un cursus qui enseigne aux médecins à aider les parents et les enfants à faire des choix alimentaires sains une habitude pour toute la vie.

La Docteure Richa Agihotri est pédiatre communautaire dans la région du Niagara, en Ontario, et présidente de la section de la pédiatrie communautaire.


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Mise à jour : le 16 septembre 2025