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Documents de principes sur les blessures : la prévention autrefois et aujourd’hui

Pour souligner le 100e anniversaire de la Société canadienne de pédiatrie, le projet 24/7 – avant et maintenant jette un regard historique (et prospectif) sur des documents de principes et des thèmes formateurs de la SCP. Ce blogue est le troisième d’une série qui sera rédigée par des membres chevronnés ayant un don pour les perspectives à long terme.

Affiché le 14 juillet 2022 par la Société canadienne de pédiatrie | Permalink

Catégorie(s) : 24/7 - avant et maintenant

par le docteur Richard Stanwick

De nos jours, les blessures non intentionnelles continuent d’être la principale cause de décès et une cause importante d’hospitalisation chez les enfants et les adolescents du Canada. Pourtant, un document de principes de la SCP publié en deux parties en 1984 démontre à quel point la Société canadienne de pédiatrie et le comité de « prévention des accidents » qui les a rédigés ont évolué depuis cette époque.

D’abord, le comité a changé de nom, passant d’« accidents » à « blessures » en 1991 pour mieux refléter la meilleure compréhension du contrôle des blessures non intentionnelles et pour démontrer que ces événements ne sont pas le fruit du hasard ou de la malchance ni la volonté d’un être supérieur. Le comité de prévention des blessures prend racine chez les pédiatres cliniciens, dans des organisations partageant des vues similaires et chez les représentants du gouvernement et est renforcé par des experts du contrôle des blessures. Le comité actuel partage des intérêts avec ses homologues du comité de prévention des blessures, de la violence et de l’intoxication de l’American Academy of Pediatrics.

Le document de principes de 1984 sur la « prévention des accidents » évaluait non seulement les hospitalisations et les décès d’enfants et d’adolescents découlant de blessures non intentionnelles, mais également leurs conséquences économiques. Les données provenaient de diverses sources : des rapports uniques d’hôpitaux canadiens aux statistiques internationales, des descriptions d’incidents détaillées aux statistiques sommaires. Les conseils sur la prévention du spectre des blessures d’enfants et d’adolescents reposaient sur un mélange d’interventions fondées sur des données probantes, de programmes de prévention en place et d’avis dominants des experts de l’époque.

De nombreuses recommandations et de multiples avertissements énoncés en 1984 ont résisté à l’épreuve du temps.

Néanmoins, le besoin criant de bien évaluer chacune des recommandations est démontré par le fait que nous ne recommandions plus aux familles de posséder du sirop d’ipéca pour prévenir les intoxications pédiatriques, mais que nous les découragions activement de s’en procurer. (Par ailleurs, des inquiétudes ont été soulevées quant à son rôle dans les troubles des conduites alimentaires[1].) Au fil du temps, certains programmes se sont révélés peu efficaces. S’ils ne nuisent pas, ils peuvent mobiliser des ressources au détriment d’interventions démontrées [2].

Lors de la rédaction des documents de 1984, 3 000 enfants de 0 à 18 ans mouraient de blessures non intentionnelles chaque année au Canada. Le domaine de la prévention et du contrôle des blessures en était à ses balbutiements. Et malgré le peu de données probantes de qualité, les membres du comité donnaient résolument des conseils en fonction des avis des experts.

C’est ce qui se passait à l’époque, mais en faisons-nous assez aujourd’hui?

Depuis 1984, le taux de blessures non intentionnelles chez les enfants et les adolescents du Canada a considérablement diminué [3]-[5]. Ce phénomène s’explique par de nombreuses raisons, mais la SCP a été un « bon acteur ». Un document de principes à jour, intitulé La prévention des blessures chez les enfants et les adolescents : une démarche de santé publique, saisit particulièrement bien ces progrès exemplaires, sans pour autant souligner suffisamment l’apport de la SCP à cet égard. L’information épidémiologique, beaucoup plus riche aujourd’hui que dans les années 1980, fournit non seulement des points de vue détaillés sur la morbidité et la mortalité, mais a élargi son répertoire de modèles théoriques pour améliorer le contrôle des blessures. Grâce à des modifications techniques et environnementales cruciales, les maisons, les routes et les communautés sont plus sécuritaires – les recommandations sur le port du casque et les mesures de modération de la circulation [6][7], par exemple, sont reconnues à leur juste valeur.

Les plus récents documents de principes de la SCP insistent aussi sur les revendications à l’égard des politiques publiques en santé, qui vont bien plus loin que celles lancées en 1984 au sujet des sièges d’auto. Cette importance accordée à la défense des intérêts a inspiré diverses initiatives à la SCP, y compris le rapport de la situation biennal En faisons-nous assez?, publié de 2005 à 2016, qui suivait les mesures des gouvernements en matière d’interventions de sécurité fondées sur des données probantes pour réduire le risque de lésions ou de décès découlant de blessures non intentionnelles. Les lois sur les sièges d’auto ont considérablement amélioré la sécurité des enfants lors d’accidents de voiture, mais les mesures pour interdire l’utilisation récréative des VTT chez les mineurs ont connu moins de succès. Les documents de principes et les recommandations ont également été publiés dans Paediatrics & Child Health, la revue de la SCP lue par un vaste auditoire de professionnels et de décideurs clés.

La SCP permet également aux membres résidents de parfaire leurs compétences en prévention des blessures. Les initiatives contre le vapotage à l’Université de Sherbrooke et à l’Université Laval, de même qu’une campagne pour interdire le bronzage commercial chez les mineurs au Manitoba [8], sont des exemples récents de revendications pilotées par des résidents.

Enfin, il ne faut jamais oublier les plus grands défenseurs des enfants et des adolescents : leurs parents et leurs proches. Ceux-ci peuvent accéder à une foule d’information factuelle dans le site Web Soins de nos enfants pour limiter les blessures non intentionnelles à la maison et au quotidien. La SCP a sensibilisé les familles aux politiques préventives publiques dont elles devraient tenir compte et sur lesquelles elles devraient intervenir dans leur communauté, qu’il s’agisse, entre autres, des surfaces plus sécuritaires dans les terrains de jeux ou de l’acquisition graduelle du permis de conduire.

Le changement le plus profond depuis 1984 provient peut-être du mode de communication de la SCP avec ses divers publics. En 1984, les membres et les autres professionnels de la santé étaient tenus informés par des bulletins, des articles scientifiques et les congrès annuels. Il y a 40 ans, la SCP collaborait avec des ministères comme Consommation et Affaires commerciales afin que des messages de sécurité essentiels – bien que génériques – soient transmis au cabinet des médecins. La SCP se fiait aussi aux médias traditionnels, c’est-à-dire la télévision, la radio et la presse écrite, pour diffuser des messages d’intérêt public. Internet et les réseaux sociaux ont complètement transformé le paysage : il est désormais à la fois plus simple et plus complexe d’assurer une communication efficace des questions scientifiques et des revendications sanitaires. Comme bien des organisations, la SCP a dû faire preuve d’agilité et déployer un mélange d’anciennes et de nouvelles méthodes pour propulser (et maintenir) ses communications dans l’œil du public (et des professionnels), y compris par de courtes vidéos, des balados et des bulletins électroniques mensuels. Les messages actuels de la SCP sur le temps d’écran, par exemple, sont transmis plus personnellement par une foule de réseaux sociaux et médiatiques, grâce aux membres de la SCP, qui ont toujours été connus pour leur éloquence, mais qui sont maintenant férus en informatique.

Le besoin d’adapter l’information et les messages de la SCP à divers publics a également gagné en importance depuis 1984. Les caractéristiques démographiques de la population ont beaucoup changé, tout comme les dispositions pour élever les enfants et la composition des familles. Les déterminants sociaux de la santé sont devenus incontournables pour planifier l’approche du contrôle des blessures. Par ailleurs, les statistiques sommaires et les tendances en population générale peuvent masquer le fait que les progrès réalisés depuis des décennies ne sont pas les mêmes partout. Une approche populationnelle de la prévention des blessures qui inclut le genre, l’identité autochtone, le contexte rural plutôt qu’urbain et la situation socioéconomique défavorisée fait cruellement défaut.

Comme par le passé, la SCP continuera de compter sur ses partenaires, notamment Statistique Canada, le Système canadien hospitalier d’information et de recherche en prévention des traumatismes et les Instituts de recherche en santé du Canada pour obtenir les données qui éclaireront des approches innovantes à des problèmes historiques. De nouvelles intervention fondées sur des données probantes plus rigoureuses représenteraient d’autres moteurs de changement, telles que des réformes au code du bâtiment qui prioriseraient la sécurité (systèmes de gicleurs dans les domiciles, contrôle de la température de l’eau chaude, hauteur et largeur des marches) plutôt que le profit. De plus, il est essentiel de trouver de meilleurs moyens d’évaluer le respect des programmes de sécurité, des réussites et des échecs. Enfin, il faudrait axer davantage la recherche sur la prévention des blessures. En 2007, ce type de recherche figurait en quinzième place sur une liste d’affections pédiatriques qui avaient besoin de financement au Canada [9], et aucun signal clair n’a été donné pour le reprioriser depuis. Il faut pourtant préconiser la tenue d’un plus grand nombre de recherches sur la question et prioriser le financement en conséquence.

Les défis actuels les plus pressants proviennent du fait que même si nous savons déjà comment réduire les risques et prévenir de nombreuses blessures, nous n’en faisons toujours pas assez. La SCP doit garder le cap et jouer un rôle de premier plan dans le domaine du contrôle des blessures en pédiatrie.

Tout récemment, le docteur Richard Stanwick a pris sa retraite du poste d’hygiéniste en chef de Island Health, en Colombie-Britannique. C’est un ancien président de la SCP, du comité de prévention des blessures de la SCP et du comité de direction du PCSP.

Références

1. Benzoni T, Gibson J. Ipecac. In: StatPearls [Internet]. Treasure Island (FL): StatPearls Publishing; Janvier 2022. 31 octobre 2021.

2. Kardamanidis K, Martiniuk A, Ivers RQ, Stevenson MR, Thistlewatie K. Motorcycle rider training for the prevention of road traffic crashes. Cochrane Database Syst Rev 2010;(10):CD005240.

3. Pan SY, Ugnat A-M, Senenciw R, Desmeules M, Mao Y, Macleod M. Trends in childhood injury mortality in Canada, 1979-2002. Inj Prev 2006;12(3):155-60.

4. Fridman L, Fraser-Thomas J, Pike I, Macpherson AK. An interprovincial comparison of unintentional childhood injury rates in Canada for the period 2006-2012. Can J Public Health 2018;109(4):573-80.

5. Parachute. Unintentional Injury Trends for Canadian Children. June 2016. (consulté le 11 avril 2022).

6. Olivier J, Creighton P. Bicycle injuries and helmet use: A systematic review and meta-analysis. Rev Int J Epidemiol 2017;46(1):278-92.

7. Bunn F, Collier T, Frost C, Ker K, Roberts I, Wentz R. Area-wide traffic calming for preventing traffic related injuries. Cochrane Database Syst Rev 2003;2003(1):CD003110.

8. Brulé V, Alsarran R, Percy V et coll. 190: Banning tanning. Paediatr Child Health 2015;20(5):e101.

9. Fondation canadienne pour l’amélioration des services de santé et Instituts de recherche en santé du Canada. 2007. À l’écoute III : Consultation nationale sur les enjeux reliés aux services et aux politiques de la santé. (consulté le 11 avril 2022).


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Mise à jour : le 16 décembre 2024