Affiché le 8 octobre 2025 par la Société canadienne de pédiatrie | Permalink
Catégorie(s) : Exercice de la pédiatrie
Docteure Laura Sauve
Lorsque 15 personnes sont réunies autour d’une table, il est rare que je lève la main ou que j’intervienne. En qualité d’introvertie, j’ai souvent réfléchi au défi énorme que tous les points de vue soient exprimés. Puis, environ un an après le début de la pandémie, j’ai eu l’occasion de regrouper des dirigeants opérationnels et médicaux pour réfléchir à la manière dont ils avaient ressenti le soutien reçu de la part des services de contrôle des infections et à la manière d’améliorer ce soutien lors de futures éclosions.
Compte tenu de la situation à l’époque, les rencontres se déroulaient en ligne seulement, et nous avons privilégié une technique de facilitation structurée des réunions, combinée à un enregistrement graphique, pour assimiler les points de vue importants qui ont aidé l’équipe à rehausser leur soutien lors des vagues suivantes.
Nous avons utilisé de petits groupes de travail et trois questions fondamentales (quoi?, et alors?, et maintenant?) pour inciter les participants à décrire leurs observations, à parler des modèles ou des synthèses qu’ils privilégiaient et, enfin, à formuler des recommandations pour l’avenir. Ces petits groupes de travail ont permis aux participants plus discrets d’intervenir, tandis que, grâce aux questions ciblées posées à l’ensemble du groupe, les participants ont pu décrire leurs expériences et s’appuyer sur les commentaires des autres pour imaginer de futures solutions. Les résultats visuels produits par l’enregistrement graphique pendant les échanges ont contribué à renforcer la participation.
Lorsque nous nous réunissons pour résoudre des problèmes en pédiatrie, il est impératif de créer un milieu où chacun se sent habilité à donner son avis, quel que soit son aisance à prendre la parole devant des groupes, sa position de pouvoir ou son privilège. Cet engagement ne se limite pas à rendre la collaboration efficace, mais c’est un volet fondamental de nos efforts pour être inclusifs et activement antiracistes dans tous les aspects du travail de la Société canadienne de pédiatrie. Pour mieux répondre aux besoins des enfants aux prises avec les plus grands obstacles aux soins, nous devons tenir compte des points de vue plus discrets. La multiplicité des points de vue entraîne souvent de meilleurs résultats.
Un moyen efficace de favoriser cet environnement inclusif, particulièrement dans des situations marquées par des déséquilibres de pouvoir, consiste à utiliser des stratégies de facilitation structurées (d’après mon expérience, Liberating Structures est un modèle qui fonctionne bien). C’est toujours un processus fascinant et gratifiant que d’aller chercher les personnes les plus discrètes et les plus hésitantes et de s’assurer que leurs points de vue sont entendus et estimés. J’ai pu constater que ces outils fonctionnaient presque aussi bien en milieu virtuel qu’en personne.
Comme Susan Cain l’explique dans son livre Quiet, il est important de prévoir une période d’écoute et de réflexion appropriée pour les personnes introverties. Il est également important de pouvoir collaborer sans devoir plonger dans des discussions de groupe.
En grands groupes, je peux figer ou me refermer, mais si j’ai l’occasion d’écouter, de lire les documents appropriés et de réfléchir à l’information présentée, je peux exprimer des pensées à la fois pertinentes et perspicaces. Je soupçonne fortement que je ne suis pas la seule. Les personnes plus discrètes ne sont peut-être pas les premières à intervenir, mais leur perspective bien réfléchie est inestimable et risque de se perdre si on ne leur donne pas l’espace pour émerger.
Cette nécessité d’opter pour des communications réfléchies et inclusives n’a jamais été plus urgente. Nous sommes à la convergence de pressions intenables en pédiatrie : les effets omniprésents et souvent négatifs des réseaux sociaux, les sources de stress croissantes dans un système de santé surchargé et les effectifs de plus en plus insuffisants, pour n’en nommer que quelques-unes.
Tandis que nous cherchons à trouver des solutions créatives à ces problèmes complexes, il est essentiel que chaque participant au processus soit entendu. Par exemple, pour corriger les effectifs insuffisants, nous pouvons favoriser des collaborations entre des groupes qui n’ont pas l’habitude de le faire : dirigeants opérationnels et médecins, pédiatres généraux et surspécialistes en milieu hospitalier ou intervenants en santé publique et professionnels de la santé.
Je vous invite toutes et tous à chercher activement et à adopter des méthodes qui permettront à chacun de participer de manière significative aux dialogues essentiels qui façonneront l’avenir du système de santé. En préconisant de telles pratiques, nous rehaussons non seulement la qualité de nos solutions, mais nous confirmons l’importance de chaque membre de notre milieu professionnel.
La docteure Laura Sauve est présidente de la Société canadienne de pédiatrie et infectiologue pédiatre à Vancouver, en Colombie-Britannique. Son travail porte en grande partie sur le VIH-sida et les autres infections sanguines en pédiatrie.
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Mise à jour : le 9 octobre 2025