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De tout petits pas vers des soins périnatals centrés sur la famille

Pour souligner le 100e anniversaire de la Société canadienne de pédiatrie, le projet 24/7 – avant et maintenant jette un regard historique (et prospectif) sur des documents de principes et des thèmes formateurs de la SCP. Ce blogue est le sixième d’une série qui sera rédigée par des membres chevronnés ayant un don pour les perspectives à long terme.

Affiché le 25 octobre 2022 par la Société canadienne de pédiatrie | Permalink

Catégorie(s) : 24/7 - avant et maintenant

Par la docteure Ann L. Jefferies MD, M. Éd., FRCPC

Félicitations à la SCP qui célèbre son 100e anniversaire. C’est un honneur que d’avoir été invitée à participer au projet 24/7 – avant et maintenant et de vous transmettre quelques réflexions au sujet d’un ancien document de principes. Même si j’ai encore des exemplaires de quelques vieux documents de la SCP (oui, j’ai tendance à accumuler), je n’ai pas de celui que j’ai choisi d’examiner, Soins périnataux centrés sur la famille (la périnatologie familiale), publié en 1979. L’exercice d’examiner et de commenter ce document a stimulé mes réflexions.

Les soins périnatals axés sur la famille désignent la philosophie de faire participer les mères et leur famille à tous les aspects des soins périnatals et néonatals. C’est devenu un concept familier pour les professionnels de la santé qui s’occupent de nourrissons, d’enfants et d’adolescents. Pour bon nombre d’entre eux, il s’agit d’un principe fondamental. Cependant, dans les années 1970, les soins centrés sur la famille n’étaient pas généralisés, même en médecine néonatale et périnatale. En effet, j’ai effectué une recherche dans PubMed circonscrite sur une période de cinq ans dans les années 1970 en préparation à mon texte, et je n’ai extrait que huit articles. Il a fallu attendre 1987 pour que l’Agence de la santé publique du Canada utilise le titre Les soins à la mère et au nouveau-né dans une perspective familiale : lignes directrices nationales dans ses Normes et recommandations pour les soins à la mère et au nouveau-né.

À l’époque où Soins périnataux centrés sur la famille (la périnatologie familiale) a été publié, je venais de terminer un internat rotatoire et j’avais fait quelques années de résidence en pédiatrie. En 1979, il était rare que des pères ou des conjoints assistent aux accouchements. Je me rappelle encore la grande pouponnière de l’hôpital où j’ai fait mon internat. Les bébés y passaient le plus clair de leur temps pendant leur séjour. Par une grande fenêtre, les familles et les visiteurs pouvaient voir les nouveau-nés. Les bébés étaient examinés à la pouponnière, et non dans la chambre de la mère. Au moment des boires, les bébés en pleurs étaient apportés à leur mère dans un grand chariot conçu pour plusieurs, souvent selon un horaire préétabli, identique pour tous. Les bébés pouvaient aussi quitter la pouponnière lors de certaines visites familiales.

Lorsque j’y pense, je peux imaginer que les concepts des recommandations contenues dans le document de principes de la SCP de 1979 puissent avoir semblé visionnaires pour l’époque. De nos jours, on utiliserait peut-être le terme « dérangeants ». Dans certains cas, les recommandations représentaient des changements importants aux pratiques et politiques hospitalières. Cependant, les recommandations ont été mises en œuvre au fil des ans et sont toujours en cours : la présence du père pendant le travail et dans la salle d’accouchement, du temps accordé aux parents avec leur nouveau-né immédiatement après l’accouchement, l’adoption rapide de l’allaitement, les interactions directes des autres membres de la famille avec le nouveau-né, particulièrement la fratrie, et, dans le cas des pouponnières de soins particuliers, un contact parental continu et la participation de la fratrie, de même que la possibilité que les parents cohabitent avec leur nouveau-né avant le congé. Ces concepts fondamentaux des soins périnatals centrés sur la famille persistent encore aujourd’hui.

Lorsque je lis ce document en 2022, j’ai l’impression que les recommandations étaient encore préliminaires, en cours de gestation. Même si plusieurs paragraphes portent sur les avantages du contact accru et de la cohabitation avec les parents, la recommandation indique simplement que le nouveau-né devrait « pouvoir passer quelque temps avec sa mère pendant la période postnatale immédiate ». La cohabitation continue avec la mère et parfois avec la famille, qui devient la principale fournisseuse de soins du nouveau-né en santé, ne fait pas partie des recommandations. L’allaitement précoce et exclusif « à la demande » n’est pas souligné. « L’accès précoce » au nouveau-né n’est pas bien décrit, mais laissé à la discrétion du praticien et de l’hôpital. Je me demande si les auteurs souhaitaient adopter des changements de pratique en douceur.

Je suis également frappée par les changements sociaux et culturels importants qui se sont produits depuis la rédaction de ce document et qui, par conséquent, ne sont pas abordés. Le document reflète la notion dominante de l’unité familiale de l’époque (nouveau-né, mère, et fratrie) et recourt aux pronoms « elle » et « il » pour désigner la mère et le père, respectivement. De nos jours, la famille est perçue selon un angle beaucoup plus large. Elle inclut, sans s’y limiter, les partenaires de même sexe, les parents monoparentaux, les familles adoptives et les familles d’accueil. La version de 2017 de Les soins à la mère et au nouveau-né dans une perspective familiale : lignes directrices nationales définit la famille comme incluant toutes les personnes que la mère considère comme des proches. Le soutien de la mère pendant le travail et l’accouchement n’est plus limité au père, mais inclut toute personne proche que choisit la mère. Les mères et les familles sont également de plus en plus diversifiées sur le plan culturel, parlent des langues variées et adhèrent à diverses pratiques d’accouchement. Pendant mes premières années de formation, on n’insistait pas sur la compétence culturelle. Même si ce n’est pas l’objet du document, celui-ci ne tient pas compte des soins périnatals appropriés sur le plan culturel.

Néanmoins, j’ai l’impression que ce document de la SCP a résisté à l’épreuve du temps. Les recommandations forment les bases des soins périnatals centrés sur la famille d’aujourd’hui. La longévité des recommandations reflète les données probantes sur lesquelles se fonde le document ; l’attachement, les comportements précoces des nouveau-nés et la réussite de l’allaitement. Au fil des ans, de nouvelles données probantes ont renforcé ces recommandations.

La docteure Ann L. Jefferies est l’auteure principale de documents essentiels de la SCP sur les soins aux nourrissons, rédigés conjointement avec le comité d’études du fœtus et du nouveau-né, qu’elle a également présidé pendant de nombreuses années. Elle a exercé au Mount Sinai Hospital, enseigné à l’Université de Toronto et reçu le prix de membre à vie et le prix d’excellence en néonatologie de la SCP en 2016-2017 pour son apport remarquable à la pédiatrie au Canada.


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L’information contenue dans le présent blogue ne devrait pas remplacer les soins et les conseils d’un médecin. Les points de vue des blogueurs ne représentent pas nécessairement ceux de la Société canadienne de pédiatrie.

Mise à jour : le 14 novembre 2022