Point de pratique
Affichage : le 19 décembre 2018
A Cheng, F Bhanji; Société canadienne de pédiatrie. Mise à jour par Kristina Krmpotic, Comité des soins aigus
En octobre 2010, La Fondation des maladies du cœur du Canada et l’American Heart Association ont publié de nouvelles lignes directrices sur la réanimation cardiorespiratoire (RCR) [1][2], qui ont été mises à jour en novembre 2015 [3][4], d’après une analyse probante et détaillée des publications sur la réanimation menée par le Comité de liaison internationale sur la réanimation [5]. Le présent article fait ressortir les changements apportés aux lignes directrices de 2010 et s’attarde sur les mises à jour de 2015. Les lignes directrices néonatales ont été abordées dans un article publié en 2017 [2]. Il est possible d’accéder aux lignes directrices complètes et au consensus du Comité de liaison internationale sur la réanimation au sujet des recommandations scientifiques et thérapeutiques, en anglais, aux adresses suivantes : circ.ahajournals.org/content/vol122/18_suppl_3/, circ.ahajournals.org/content/vol132/16_suppl_2/, circ.ahajournals.org/content/vol132/18_suppl_1/ et eccguidelines.heart.org.
Une fillette de deux mois qui vomit et est déshydratée arrive à la salle d’urgence. À l’évaluation, l’infirmière détermine qu’elle est cyanosée et ne réagit pas. Elle ne respire pas et n’a pas de pouls.
Auparavant, les lignes directrices en matière de RCR recommandaient une démarche de ventilation, de respiration et de compressions pour les victimes d’arrêt cardiaque. Cependant, les lignes directrices de 2010 et la mise à jour de 2015 recommandent plutôt que les sauveteurs commencent par les compressions thoraciques. En cas d’arrêt cardiaque à l’hôpital, des dispensateurs de soins (DDS) peuvent jouer conjointement ce rôle, mais s’attacher à amorcer immédiatement les compressions thoraciques, pendant qu’un autre sauveteur dégage les voies aériennes et assure la ventilation. Cette démarche permet d’éviter un délai avant le début des compressions thoraciques, qui se produit souvent pendant que les sauveteurs installent et administrent la ventilation au ballon et masque. Le ratio recommandé entre les compressions et la ventilation demeure inchangé, à 30 compressions pour deux insufflations si un seul sauveteur administre la RCR, et à 15 compressions pour deux insufflations si deux sauveteurs l’administrent. Une fois le dégagement spécialisé des voies respiratoires établi, il faut effectuer des compressions continues (à un rythme de 100 à 120 compressions/min), sans prendre de pause pour les insufflations (de huit insufflations/min à dix insufflations/min).
Il faudrait administrer les compressions thoraciques à une profondeur optimale d’au moins le tiers du diamètre antéropostérieur du thorax (environ 4 cm chez les nourrissons et 5 cm chez les enfants). Chez les adolescents, il faut administrer les compressions thoraciques à une profondeur d’au moins 5 cm, sans dépasser 6 cm. Les sauveteurs qui effectuent les compressions doivent laisser le thorax reprendre complètement sa position, réduire les interruptions au minimum, éviter des insufflations excessives et se relayer toutes les deux minutes. Les sauveteurs ne devraient pas prévoir plus de cinq secondes pour se relayer et devraient limiter les vérifications du pouls à un maximum de dix secondes.
En pédiatrie, l’arrêt cardiaque est surtout secondaire à l’asphyxie. Les insufflations sont donc essentielles pour la réanimation des nourrissons et des enfants. Les recommandations de 2015 réitèrent fermement que les compressions et la ventilation sont nécessaires pour les soins avancés en réanimation pédiatrique, tant en présence d’un seul sauveteur que de deux sauveteurs. Cependant, si les sauveteurs sont incapables de procéder aux insufflations ou refusent de le faire, une RCR limitée aux compressions doit être privilégiée.
Un garçon asymptomatique de six ans dont la famille a des antécédents de mort subite est évalué à la clinique de cardiologie. À la cafétéria de l’hôpital, il s’effondre soudainement, ne réagit plus et sa respiration se limite à des halètements.
Les lignes directrices de 2010 ne comprennent plus l’étape « regarder, écouter, sentir » de la séquence de RCR. Les sauveteurs non professionnels devraient évaluer si la victime réagit et déterminer si elle respire normalement. Si elle ne réagit pas et est apnéique (ou halète), ils devraient amorcer immédiatement la RCR.
Les DDS peuvent également vérifier le pouls (brachial chez le nourrisson, et carotidien ou fémoral chez l’enfant), mais cette vérification n’est pas toujours fiable. C’est pourquoi la vérification du pouls ne devrait pas dépasser dix secondes, et la RCR devrait être amorcée si on ne palpe aucun pouls ou si le DDS n’est pas certain d’en déceler la présence.
Les défibrillateurs externes automatisés (DEA) peuvent être utilisés pour les nourrissons et les enfants. Cependant, la défibrillation manuelle est recommandée pour les nourrissons. S’il n’y a pas de défibrillateur manuel, un DEA muni d’un atténuateur de dose pédiatrique est favorisé (jusqu’à 25 kg ou l’âge de huit ans). Un DEA standard pour adulte, sans atténuateur de dose, peut être utilisé en l’absence des deux autres appareils.
Dans les lignes directrices de 2010, un choc initial de 2 J/kg à 4 J/kg est suggéré. La mise à jour de 2015 confirme cette dose-choc, mais ne contient pas de recommandations sur la deuxième dose de défibrillation ni sur les doses suivantes.
On peut utiliser de l’amiodarone ou de la lidocaïne pour traiter la fibrillation ventriculaire réfractaire aux chocs ou à la tachycardie ventriculaire non pulsatile.
Selon la mise à jour de 2015, il est raisonnable d’utiliser une dose standard d’adrénaline.
On peut envisager une RCR extracorporelle (RCRE) pour les nourrissons et les enfants atteints d’une affection cardiaque connue qui font un arrêt cardiaque à l’hôpital, pourvu que les compétences, les ressources et les systèmes soient en place.
L’hyperoxémie peut être nuisible parce qu’elle accroît les lésions oxydatives pendant la reperfusion (après une ischémie). Après un arrêt cardiaque, l’oxygénothérapie devrait être titrée de manière à maintenir la saturation en oxygène entre 94 % et 99 %, car une saturation de 100 % correspond à une pression partielle de l’oxygène de 80 mmHg à 500 mmHg dans le sang artériel. La mise à jour 2015 préconise une cible de normoxémie et ne contient pas de recommandations au sujet de la ventilation. Elle soutient également l’utilisation de liquides par voie parentérale et d’inotropes ou de vasopresseurs pour maintenir une pression systolique supérieure au cinquième percentile par rapport à l’âge. Il est raisonnable d’envisager une hypothermie thérapeutique à une température de 32 °C à 34 °C pendant deux jours, suivie d’une normothermie entre 36 °C et 37,5 °C pendant trois jours ou d’une normothermie continue pendant cinq jours chez les enfants qui demeurent comateux après la réanimation découlant d’un arrêt cardiaque. L’hyperthermie est à éviter. Il ne faut pas recourir systématiquement à la prophylaxie pharmacologique des convulsions, mais il faut traiter les convulsions cliniques. Il faut procéder à un électroencéphalogramme dans les sept jours suivant l’arrêt cardiaque, car les lectures peuvent contribuer au pronostic des résultats neurologiques au moment du congé. Ces lectures ne doivent toutefois pas être utilisées seules, car aucune variable seule n’est fiable pour prédire le pronostic. Il faudrait également envisager de demander une consultation auprès d’un expert afin de mieux orienter le traitement après la fin de cette intervention.
Une fillette obèse de dix ans présente une tachycardie à complexes larges stable, à une fréquence cardiaque de 180 battements/min.
La définition de tachycardie à complexes larges a été remplacée par un intervalle QRS supérieur à 0,09 seconde. Puisque ce rythme à complexes larges peut être d’origine ventriculaire ou supraventriculaire, on peut utiliser de l’adénosine chez les patients stables afin de distinguer cette origine. Il faut l’utiliser seulement en cas de rythmes QRS réguliers et monomorphes, et l’éviter si on sait que le patient ayant un syndrome connu de Wolff-Parkinson-White s’accompagne d’une tachycardie à complexes larges.
Les doses de médicaments de réanimation pour les enfants devraient dépendre du poids réel du patient plutôt que de son poids idéal, jusqu’à concurrence de la dose maximale pour adulte. On devrait utiliser des rubans fondés sur la taille comportant des doses calculées lorsqu’on ne connaît pas le poids de l’enfant, car ils sont plus précis que les doses fondées sur l’âge ou sur l’observation pour prédire le poids du patient.
Un garçonnet de deux ans auparavant en santé consulte à l’urgence parce qu’il fait une forte fièvre et est léthargique depuis quatre jours. À l’examen, il est tachycardique, hypotensif et réagit peu.
On ne constate pas de différences de résultats cliniques importants lorsqu’on compare les enfants en choc septique qui reçoivent un liquide colloïdal par rapport à un liquide cristalloïde. Les lignes directrices continuent de recommander un bolus de solution cristalloïde (p. ex., soluté physiologique normal) comme premier choix de liquide de réanimation.
Les nourrissons et les enfants qui présentent un sepsis grave et un choc septique doivent recevoir un bolus initial de 20 mL/kg de solution cristalloïde isotonique, puis faire l’objet de réévaluations fréquentes et régulières. Dans certains scénarios, tels que les milieux aux ressources limitées où les soins intensifs sont minimes ou inexistants, des volumes restreints de solution cristalloïde isotonique peuvent favoriser un meilleur taux de survie. Les nourrissons et les enfants atteints d’une maladie fébrile qui ne sont pas en état de choc compensé ou non compensé ne devraient pas recevoir systématiquement un bolus de liquide, mais faire l’objet d’une réévaluation pour observer rapidement une détérioration et déterminer rapidement s’il est nécessaire de poursuivre l’observation ou le traitement.
L’administration systématique d’atropine avant une intubation trachéale d’urgence est controversée, mais demeure une solution raisonnable dans les situations présentant un risque plus élevé de bradycardie. Selon certaines données, il n’y a pas de dose minimale d’atropine lorsque ce médicament est utilisé dans cette indication.
L’étomidate est un sédatif aux effets hémodynamiques négatifs minimes. On ne devrait toutefois pas l’utiliser de manière systématique auprès des patients pédiatriques chez qui on craint un choc septique, car on a documenté des cas de suppression des surrénales après son utilisation chez des enfants et des adultes, et son administration s’associe à des taux de mortalité plus élevés.
Les sondes à ballonnet ou sans ballonnet sont toutes deux acceptables pour intuber les nourrissons et les enfants. Cependant, dans certains milieux, l’utilisation de la sonde trachéale à ballonnet peut contribuer à réduire le risque d’aspiration et le besoin de réintubation. Si on utilise une sonde à ballonnet, on devrait privilégier une sonde au diamètre interne (DI) de 3,0 mm pour intuber un nourrisson de moins d’un an, et une sonde au DI de 3,5 mm pour les patients de un à deux ans. Pour les enfants de plus de deux ans, on peut évaluer la dimension de la sonde à ballonnet au moyen de la formule suivante :
DI de la sonde trachéale à ballonnet (mm) = 3,5 + (âge/4)
Si les sondes ne sont pas pourvues de ballonnet, il faut sélectionner une sonde dont le DI dépasse de 0,5 mm la largeur recommandée pour les sondes à ballonnet prévues à cet âge.
On ne possède pas assez de données probantes pour recommander l’utilisation systématique de la compression du cartilage cricoïde pour prévenir l’aspiration pendant l’intubation, car elle peut nuire à la rapidité ou à la facilité de l’intubation.
Les lignes directrices de 2010 contiennent également des recommandations sur la prise en charge des nourrissons et des enfants ayant une cardiopathie congénitale (ventricule unique et hypertension pulmonaire), de même que des conseils sur l’exploration de la cause potentielle des décès subits et inexpliqués. Pour obtenir plus d’information, consultez les lignes directrices complètes.
Selon la mise à jour de 2015, lorsque le monitorage invasif de la tension artérielle est déjà en place, on peut l’utiliser pour rajuster la RCR afin de parvenir à la tension artérielle ciblée chez les enfants en arrêt cardiaque. La capnographie peut être utilisée pendant un arrêt cardiaque pour confirmer la position de la sonde trachéale ainsi que pour surveiller la reprise de la circulation spontanée et la qualité de la RCR.
La survie en cas d’arrêt cardiaque hors de l’hôpital demeure faible. La RCR effectuée par un témoin demeure un déterminant majeur de l’issue du patient, mais malheureusement, la plupart des témoins n’agissent pas, citant souvent la panique ou la crainte de blesser le patient. Une formation en RCR pourrait contribuer à vaincre ce problème et à améliorer le taux de réponse des témoins. De courts programmes d’apprentissage personnel au moyen de vidéos de 20 à 30 minutes enseignant les soins de réanimation immédiats (tels que le programme RCR en tout temps Famille et amis de la Fondation des maladies du cœur du Canada) démontrent des résultats d’apprentissage comparables à ceux de cours plus longs donnés par des moniteurs. Ce type de formation pourrait représenter l’une des méthodes pour accroître le nombre de témoins prêts à réagir et à ainsi améliorer les issues des arrêts cardiaques.
La survie après un arrêt cardiaque en milieu hospitalier a considérablement augmenté depuis 25 ans, mais les trois quarts de toutes les victimes d’arrêt cardiaque d’âge pédiatrique meurent encore. L’étiologie de la plupart des arrêts cardiaques chez les enfants demeure l’asphyxie. Il est donc prioritaire de dépister les patients vulnérables et de prévenir leur détérioration. Il faut toujours envisager la création d’équipes d’urgence médicale ou de systèmes de réponse rapide dans les établissements dotés de ressources suffisantes, mais il est encore plus important que les membres de l’équipe soignante soient en mesure de déceler la détérioration de l’état du patient et d’intervenir. Les données sont insuffisantes pour recommander la mise sur pied de systèmes d’intervention rapide en pédiatrie dans les hôpitaux qui soignent des enfants d’âge pédiatrique. À tout le moins, les établissements pédiatriques ont besoin d’un processus d’amélioration continue de la qualité qui assure la surveillance systématique des arrêts cardiaques, des soins de réanimation et des issues. Le cycle de mesure, d’évaluation comparative, de rétroaction et de changement est fondamental pour rétrécir l’écart entre le rendement idéal et le rendement réel.
Les cours de réanimation actuels, tels que les soins avancés en réanimation pédiatrique (SARP) et le Programme de réanimation néonatale, sont à adopter de nouvelles méthodes de formation pour améliorer la rétention à long terme des connaissances et des compétences. Des méthodes comme la formation des équipes avec des simulations réalistes de patients, des bilans au moyen de scripts standardisés et l’apprentissage par vidéo assorti d’un volet d’exercice pendant le visionnement, peuvent renforcer l’apprentissage et, en définitive, assurer un meilleur pronostic après un arrêt cardiaque.
Les auteurs principaux remercient le docteur Allan de Caen pour sa révision experte du manuscrit.
Membres : Adam Cheng MD; Catherine Farrell MD; Jeremy Friedman MD; Marie Gauthier MD (représentante du conseil); Angelo Mikrogianakis MD (président), Oliva Ortiz-Alvarez MD
Représentantes : Laurel Chauvin-Kimoff MD, section de la médecine d’urgence en pédiatrie, Société canadienne de pédiatrie; Jennifer Walton MD, section de la pédiatrie hospitalière, Société canadienne de pédiatrie
Conseillère : Claudette Bardin MD
Auteurs principaux : A Cheng MD; F Bhanji MD
Mise à jour par Kristina Krmpotic MD
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 7 février 2024