Document de principes
Affichage : le 14 novembre 2023
Melissa Kimber Ph. D., MTS, TSP, Jill McTavish Ph. D., MTS, TSP, Michelle Shouldice M. Ed., MD, FRCPC, Michelle G.K. Ward MD, FAAP, FRCPC, Harriet L. MacMillan CM, MD, M. Sc., FRCPC; Société canadienne de pédiatrie, section de la prévention de la maltraitance d’enfants et d’adolescents, Section de la prévention de la maltraitance d’enfants et d’adolescents
L’exposition des enfants à la violence entre partenaires intimes (EEVPI), qu’il s’agisse des parents ou d’autres proches, représente près de la moitié de tous les cas qui font l’objet d’une enquête et sont corroborés par les services de protection de l’enfance du Canada. Les atteintes affectives, physiques et comportementales associées à l’EEVPI sont semblables aux effets d’autres formes de maltraitance envers les enfants. Il peut être difficile d’établir quels enfants et adolescents sont exposés à la violence entre partenaires intimes (VPI) en raison des comportements non spécifiques parfois associés à une telle exposition, de même que de la stigmatisation et du secret entourant souvent ce type de violence. Par ailleurs, une intervention en toute sécurité auprès des enfants et des adolescents chez qui on présume une exposition à la VPI peut être compliquée par la nécessité d’également tenir compte de la sécurité et du bien-être d’un proche non contrevenant. Le présent document de principes propose une approche fondée sur des données probantes mise au point par le projet VEGA ( Violence, Evidence, Guidance, Action ou violence, données probantes, conseils, action) pour détecter l’exposition des enfants et des adolescents à la VPI et intervenir en toute sécurité auprès d’eux.
Mots-clés : conseils cliniques; exposition des enfants à la violence entre partenaires intimes; protection de l’enfance; soins qui tiennent compte des traumatismes et de la violence; violence entre partenaires intimes
La violence entre partenaires intimes (VPI) désigne un éventail de comportements adoptés par un partenaire intime actuel ou passé, susceptibles d’être responsables de préjudices physiques, psychologiques ou sexuels[1][2]. La VPI, souvent infligée en présence d’enfants et d’adolescents, peut inclure des menaces ou des préjudices envers un enfant, souvent dans une tentative de contrôler un partenaire actuel ou passé. L’exposition des enfants à la VPI (EEVPI) englobe la violence entre adultes qui s’occupent de l’enfant ou entre ses parents (appelés les « proches » dans le présent document) et peut avoir des effets négatifs apparentés aux sévices physiques, sexuels ou psychologiques envers les enfants[3]-[5]. En raison des conséquences négatives de l’EEVPI sur la santé, le Canada la considère comme une forme de maltraitance envers les enfants[6]-[8]. En général, l’EEVPI inclut tout incident au cours duquel un enfant ou un adolescent est témoin d’une forme de violence entre ses proches, l’entend, y participe ou en est conscient, y compris les agressions physiques et les voies de fait, les agressions sexuelles, le harcèlement ou la coercition, les sévices psychologiques et les comportements contrôlants.
Les pédiatres et les autres professionnels de la santé ont un rôle essentiel à jouer pour aider les enfants et les adolescents susceptibles d’avoir été exposés à la VPI. Le présent document de principes fournit un aperçu de l’épidémiologie de l’EEVPI au Canada et propose les stratégies inspirées de données probantes tirées des ressources de formation sur la violence familiale du projet VEGA (protégé par droits d’auteur; Violence, Evidence, Guidance, Action , c’est-à-dire violence, données probantes, conseils et action) pour déterminer les cas d’EEVPI présumée ou divulguée et intervenir[9]. Le projet VEGA s’est inspiré d’une série d’analyses systématiques de données probantes et de l’apport de représentants de 22 organisations nationales de services de santé et de services sociaux, y compris la Société canadienne de pédiatrie[9]. Pour en savoir plus au sujet des ressources de formation sur la violence familiale du projet VEGA, voir le site https://vegaproject.mcmaster.ca/.
Il demeure difficile d’obtenir des données de prévalence exactes sur l’EEVPI au Canada[10]. Les meilleures proviennent de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2012, dans laquelle un échantillon représentatif d’adultes était invité à confier ses expériences d’EEVPI avant l’âge de 16 ans[8], y compris s’ils avaient vu ou entendu des proches se frapper ou frapper un autre adulte dans leur foyer. La prévalence globale d’EEVPI s’élevait à 7,9 %. Une plus forte proportion de femmes (8,9 %) que d’hommes (6,9 %) a déclaré avoir été exposée à la VPI pendant l’enfance[8]. Jusqu’à présent, aucune étude nationale n’a évalué l’exposition des enfants et des adolescents à la VPI. Cependant, un échantillon de 15 écoles secondaires du Québec a établi que les jeunes de 14 à 19 ans présentaient des taux élevés d’EEVPI, 46,9 % des filles et 31,1 % des garçons ayant déclaré avoir été témoins de violence verbale ou physique entre proches au moins une fois au cours de leur vie[11]. Les atteintes à la santé liées à l’exposition à la VPI pendant l’enfance ou l’adolescence varient et peuvent dépendre de plusieurs facteurs (un aperçu général figure au tableau 1)[2][7][8][12]-[23].
Tableau 1. Atteintes associées à l’exposition des enfants à la violence entre partenaires intimes
Domaines de fonctionnement |
Atteintes possibles |
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VPI violence entre partenaires intimes
Fait important, certains enfants et adolescents n’éprouveront pas d’atteintes après avoir été exposés à la VPI. Des facteurs positifs contribuent à promouvoir la résilience et le bien-être adaptatif, soit une relation chaleureuse et empathique avec un adulte de confiance, une solide santé mentale des proches et des pratiques parentales attentives aux émotions[24][25].
Les compétences et les connaissances que peuvent utiliser les professionnels de la santé pour détecter l’EEVPI et intervenir en toute sécurité sont présentées dans les recommandations du projet VEGA et satisfont au référentiel CanMEDs. Ainsi, pour détecter l’EEVPI et intervenir en toute sécurité, il faut[9] :
Selon les données probantes, les formes historiques et courantes de colonialisme et de racisme systémique sont des facteurs qui contribuent de façon déterminante à la proportion démesurée d’enfants et d’adolescents noirs et autochtones (y compris les Premières Nations, les Métis et les Inuits) soumis aux enquêtes des services de protection de l’enfance du Canada et aux signalements qui y sont faits[16][26]-[28]. La critique des préjudices liés au racisme et au colonialisme a suscité des efforts importants pour faire connaître les interventions foncièrement racistes du système de santé, y compris les interventions en cas de présomption ou de divulgation d’EEVPI. Ces efforts comprennent l’élaboration, l’évaluation et l’expansion des programmes de soins qui tiennent compte des traumatismes et de la violence (STV), afin de réduire le risque de préjudices pendant les rencontres médicales et d’améliorer la qualité des soins aux personnes autochtones et racisées. Les trois grands principes des STV s’établissent comme suit : 1) préserver la collaboration et l’autonomie du patient lors des interactions et des prises de décision médicales; 2) explorer les expériences de traumatismes et de violence interpersonnelle, sans déroger au respect de la confidentialité et de la dignité des patients; et 3) tenir compte de l’importance de la sécurité physique, affective et culturelle pendant les rencontres cliniques, y compris la sensibilisation à ses propres biais culturels et aux influences potentielles du racisme individuel et structurel[9][29]. Le modèle environnement, approche et intervention ( response ; abrégé par EAR) du projet VEGA protégé par droits d’auteur[9], souligné au tableau 2, opérationnalise les STV en milieu clinique.
Tableau 2. Le modèle d’environnement, d’approche et d’intervention du projet VEGA en milieu clinique
Modèle EAR du projet VEGA |
Stratégies pratiques pour assurer la sécurité des environnements et des interactions |
E nvironnement (inclut des facteurs institutionnels, organisationnels, communautaires et sociétaux) |
o les questions à un proche sur la VPI ne devraient pas se dérouler en présence d’un enfant de plus de 18 mois; o les enfants et les membres de la famille ne devraient pas servir d’interprètes, particulièrement pendant les échanges au sujet de VPI potentielle; o un enfant devrait se faire poser des questions sur la VPI en l’absence de ses proches dès que son développement le permet. |
A pproche (valeurs et principes de STV que le clinicien détient avant une rencontre médicale) |
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R esponse – intervention (intervention sécuritaire du clinicien pendant la rencontre médicale) |
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EEVPI exposition des enfants à la violence entre partenaires intimes; STV soins qui tiennent compte des traumatismes et de la violence; VPI violence entre partenaires intimes
Référence 9
Traduit avec l’autorisation du projet VEGA 2020 ©, Université McMaster. Tous droits réservés.
Deux éléments clés pour détecter l’EEVPI en toute sécurité peuvent être utilisés dans une pratique clinique soucieuse de STV : une évaluation continue des facteurs de risque, des signes et des symptômes d’exposition à la VPI ainsi que l’observation des interactions entre l’enfant ou l’adolescent et son ou ses proches et entre les proches[9]. Les enfants ou les adolescents exposés à la VPI peuvent présenter des signes et symptômes qui peuvent laisser croire à diverses affections et autres expériences traumatiques. Les indicateurs d’EEVPI chez les enfants ou les adolescents peuvent inclure des signes et symptômes physiques (p. ex., des blessures), et des changements importants de comportements ou d’émotions (p. ex., laisser tomber des activités qui étaient auparavant des sources de plaisir ou adopter un comportement plus oppositionnel). Des comportements inexpliqués des proches peuvent également évoquer de la VPI, tels que l’annulation répétée de rendez-vous ou l’orientation vers le partenaire devant des questions directes. Les facteurs de risque d’EEVPI incluent les problèmes financiers familiaux et le chômage d’un proche, l’utilisation croissante d’alcool et d’autres substances psychoactives par un proche, la séparation des parents et les conflits ou les incidents stressants de plus en plus fréquents ou intenses, de même que les problèmes de santé mentale ou les comportements contrôlants d’un proche.
Même si chacun de ces facteurs de risque est considéré comme une « expérience négative de l’enfance », le dépistage universel de ces expériences, dont font partie les EEVPI, n’est pas recommandé[9]. Aucune donnée probante n’indique que le dépistage universel de l’exposition à la VPI a des conséquences positives sur la santé. De plus, un dépistage qui ne tient pas suffisamment compte de la sécurité risque d’accroître le risque de préjudices[9][30]-[34]. Le clinicien devrait s’informer de l’EEVPI seulement si la situation clinique l’indique et qu’il est sécuritaire de le faire[9]. Si le clinicien considère qu’il manque de temps ou de compétences ou qu’il ne dispose pas d’un lieu sécuritaire pour s’informer de l’EEVPI, il peut envisager de proposer de diriger le patient vers une autre ressource (p. ex., D’après ce que tu viens de me dire, je pense qu’il pourrait t’être utile de parler à quelqu’un qui possède des compétences dans ce domaine ). Il poursuivrait en obtenant le consentement du patient à divulguer l’information en vue du suivi[9]. La consultation avec des professionnels qui ont des connaissances et des compétences spécialisées en VPI, y compris la disponibilité de services axés sur la VPI, peut commencer par des demandes auprès de certaines ressources contenues dans le site www.hebergementfemmes.ca, ou s’il s’agit d’enfants et des familles autochtones, www. espoirpourlemieuxetre.ca.
Le clinicien doit être à l’affût des recoupements possibles de l’EEVPI avec d’autres formes de traumatismes du développement[35]. Le National Institute for Heath and Care Excellence (NICE, ou institut national pour l’excellence de la santé et des soins, au Royaume-Uni) offre des conseils sur la distinction entre « envisager » et « présumer » une EEVPI[36]. Envisager une EEVPI consiste à l’inclure parmi plusieurs explications possibles des signes ou symptômes. Présumer une EEVPI signifie que le clinicien a des raisons de s’inquiéter d’un risque d’exposition, car l’explication donnée pour justifier les signes et symptômes est soit déraisonnable sur le plan clinique, soit peu plausible d’après le compte rendu de l’enfant ou de l’adolescent, sa phase de développement ou d’autres raisons médicales.
Le clinicien devrait envisager une EEVPI dès qu’il observe des signes, symptômes ou facteurs de risque. L’étape suivante consiste à rencontrer individuellement chaque proche de même que l’enfant ou l’adolescent en cause, dans un lieu confidentiel, si le développement de l’enfant et la sécurité le permettent. Après avoir échangé sur les raisons de la consultation et souligné les limites de la confidentialité, il doit d’abord s’informer des relations familiales [9]. Les questions ouvertes sont à privilégier pour explorer la situation graduellement, comme Comment les membres de votre famille s’entendent-ils entre eux? Ce peut être suivi de questions sur les inquiétudes de l’enfant, de l’adolescent ou du proche, envers lui-même ou envers des membres de la famille (p. ex., As-tu déjà eu peur de ce qui pourrait t’arriver ou arriver à tes frères et sœurs ou à l’un de tes parents, Avez-vous déjà eu peur de ce qui pourrait arriver à votre enfant?)[9]. D’après la réponse, le clinicien peut s’informer d’interactions en particulier (p. ex., Qu’est-ce qui se passe dans ta famille quand quelqu’un se met en colère?)[9].
Si un proche refuse de rencontrer un clinicien seul ou de permettre à un enfant ou un adolescent de parler seul avec lui, ou si un enfant ou un adolescent refuse une rencontre individuelle, le clinicien ne doit pas s’informer de la possibilité d’EEVPI auprès des autres membres de la famille présents. Il doit plutôt tenter d’organiser un rendez-vous de suivi pour explorer les signes et symptômes davantage[9]. Lorsqu’un clinicien se demande si un proche participe à la VPI ou en est le perpétrateur, ce proche devrait tout de même se faire proposer une rencontre individuelle pour donner son point de vue sur l’enfant et la famille. En aucun cas l’information relative à une potentielle VPI obtenue auprès d’un proche ne devrait être transmise à un autre proche. Dès que le clinicien présume une EEVPI ou reçoit la divulgation d’une telle exposition, il doit cesser de poser des questions à ce sujet[9].
Le clinicien devrait répondre à une présomption ou à une divulgation d’EEVPI de manière chaleureuse et empathique (p. ex., Il t’a fallu beaucoup de courage pour m’en parler ). Il doit souligner que l’incident est inacceptable (p. ex., Il n’est pas acceptable que ta mère frappe ta grand-mère)[9], tout en évitant d’utiliser des termes stigmatisants (p. ex., violent , agresseur ), à moins que le patient les utilise en premier[9].
Dans la mesure du possible, et particulièrement dans les cas où un proche non contrevenant divulgue subir de la VPI, le clinicien devrait évaluer la sécurité et le risque de danger immédiat[9]. L’évaluation de la sécurité peut commencer par une question au proche lui demandant s’il craint pour sa sécurité (ou celle d’un enfant). Il peut envisager de lui demander si la VPI a gagné en gravité ou en fréquence et si la personne qui recourt à la violence est propriétaire d’une arme à feu, a déjà tenté d’étrangler le ou les proches non contrevenants ou a menacé d’utiliser une arme pour blesser un proche, un adolescent ou un enfant. Les inquiétudes au sujet de la sécurité devraient être transmises à un professionnel des services de protection de l’enfance et peuvent éclairer les échanges avec le proche non contrevenant au sujet des ressources et de la planification de la sécurité.
Une réponse affirmative à une question en matière de sécurité devrait justifier un échange sur une orientation vers un hébergement d’urgence[9][37]. Si le proche non contrevenant y consent, le clinicien peut alors établir ce contact. Le clinicien qui s’inquiète de la sécurité d’un enfant, d’un adolescent ou d’un proche ne devrait jamais l’empêcher de quitter le rendez-vous, à moins que les services de protection de l’enfance ne l’en enjoignent, ce qui est très rare. Il n’est pas plus justifié d’aviser les services de police, à moins que le clinicien détermine que l’enfant, l’adolescent ou le proche non contrevenant court un risque imminent, ou que le proche ne le lui demande expressément[2].
Les soins continus ou les orientations vers d’autres ressources offerts aux enfants, aux adolescents ou aux proches non contrevenants devraient être soigneusement consignés au dossier, effectués avec leur consentement et planifiés en collaboration avec un clinicien spécialisé en VPI et les professionnels en protection de l’enfance[9]. Le clinicien doit connaître les interventions fondées sur des données probantes pour traiter divers symptômes et orienter les patients vers les ressources nécessaires. Par exemple, selon quelques études, les interventions d’encadrement des émotions proposées aux mères d’enfants d’âge préscolaire ou scolaire exposées à la VPI peuvent atténuer les symptômes affectifs ou comportementaux des enfants[25]. Chez les enfants ou les adolescents qui présentent des signes ou symptômes de trouble de stress post-traumatique, de dépression ou d’anxiété, l’orientation vers des services de thérapie cognitivo-comportementale axée sur les traumatismes[9] s’impose. Le clinicien devrait envisager d’autres interventions fondées sur des données probantes ou adaptées aux données probantes si aucune thérapie cognitivo-comportementale axée sur les traumatismes n’est offerte dans la région ou si l’évaluation de l’enfant fait ressortir d’autres symptômes ou troubles de santé mentale[38]-[40].
Pour ce qui est du soutien aux proches non contrevenants, le clinicien doit tenir compte de la planification de la sécurité, des possibilités de logement, des services juridiques et financiers et des mesures de soutien en santé mentale auxquels ceux-ci ont accès. Ces ressources sont souvent accessibles dans des foyers locaux pour femmes qui ont subi de la VPI[9]. Diverses psychothérapies semblent réduire les symptômes dépressifs chez les proches et peuvent atténuer l’anxiété, mais on ne sait pas encore si elles améliorent d’autres aspects de la santé mentale[37][41]. Grâce à une approche de STV, les interventions cliniques et les orientations vers d’autres services peuvent prioriser les valeurs culturelles, les croyances et les demandes de la famille[9]. Par exemple, on peut explorer la possibilité d’orienter les familles autochtones vers des dispensateurs de services destinés aux Autochtones lorsque la famille en fait la demande et dès que c’est possible et approprié[9][42]. De même, dans les régions rurales et éloignées, il n’est pas toujours possible ni approprié d’orienter un enfant ou sa famille vers un service particulier (p. ex., un cabinet juridique) si un membre de la communauté de cette famille (p. ex., la famille élargie) utilise le service en question ou y travaille, et si la famille s’inquiète du respect de sa vie privée. Dans ces situations, il peut être utile d’obtenir le consentement de la famille pour l’orienter vers un service situé hors de la communauté et en mesure de travailler à distance avec elle.
Les données probantes sont limitées quant aux interventions pour aider les personnes qui commettent de la VPI. Chez les personnes qui consomment des substances psychoactives, l’entrevue motivationnelle et les stratégies comportementales pour réduire l’utilisation d’alcool et d’autres substances psychoactives peuvent être utiles[2]. La thérapie de couple n’est pas recommandée, car la probabilité de violences risque d’augmenter si la relation comporte de la peur ou un contrôle coercitif[2].
Au Canada, une présomption d’EEVPI atteint le seuil de signalement aux services de protection de l’enfance dans sa propre catégorie de maltraitance ou comme forme de violence ou de négligence psychologique envers les enfants[9][43]. Le signalement d’une présomption d’EEVPI aux services de protection de l’enfance est un élément du processus d’intervention qui peut être délicat; il dépend des seuils liés à l’âge dans chaque province et territoire (voir le Portail canadien de la recherche en protection de l’enfance[44]). Le signalement peut également être compliqué par la nécessité d’assurer la sécurité et le bien-être des enfants, des adolescents ou des proches non contrevenants[9]. En cas de présomption ou de divulgation d’EEVPI, lorsque le cadre est sécuritaire, le clinicien devrait indiquer à l’enfant ou à l’adolescent dont le développement le permet ou aux proches non contrevenants qu’il craint pour leur sécurité et expliquer son obligation de transmettre l’information aux services de protection de l’enfance. Il doit préciser qu’il prend cette mesure pour obtenir de l’aide pour la famille[9][45]. L’intervention des services de protection de l’enfance peut être stressante, à la fois pour les familles et le clinicien.
Fait important, il n’incombe pas au clinicien mais plutôt aux services de protection de l’enfance de déterminer qui est ou non un proche contrevenant[9]. En cas de présomption ou de divulgation d’EEVPI et lorsque le clinicien établit clairement, selon ce que l’enfant ou l’adolescent lui a communiqué, que le proche accompagnateur est un proche non contrevenant, celui-ci peut se faire offrir de participer au processus de signalement[9][45]. Dans de rares cas, pour des raisons de sécurité, il n’est pas possible d’informer l’enfant, l’adolescent et les proches non contrevenants de la nécessité de prendre contact avec les services de protection de l’enfance[9]. Le clinicien qui craint qu’une enquête des services de protection de l’enfance accroisse le risque de VPI devrait en informer le professionnel en protection de l’enfance pendant le processus de signalement. De plus, si l’enfant, l’adolescent ou le proche n’est pas à l’aise de participer au processus de signalement, le clinicien peut proposer de transmettre des déclarations précises en leur nom. Il devrait éviter de spéculer ou de faire des promesses quant aux interventions des services de protection de l’enfance en réponse au signalement. Le rôle du clinicien consiste à apporter du soutien par l’écoute active, la compassion, l’absence de jugement et la validation des inquiétudes exprimées[9]. Lorsque le clinicien est au courant de procédures de séparation légale ou de procédures en vue d’obtenir la garde, il peut envisager de demander conseil au professionnel en protection de l’enfance quant aux prochaines démarches de signalement et d’intervention. Si le professionnel en protection de l’enfance l’accepte, le clinicien devrait informer l’enfant, l’adolescent et le proche non contrevenant de toute intention de suivi de la part des services de protection de l’enfance[9].
Le clinicien doit consigner soigneusement ce qu’il observe et entend pendant les interactions avec l’enfant, l’adolescent ou les proches, de même qu’avec les professionnels en protection de l’enfance. Une tenue de dossier détaillée fait partie des principes d’une consignation sécuritaire et efficace. Par exemple, il doit noter les divergences dans le compte rendu du comportement ou des événements par l’enfant ou l’adolescent (ou le proche). Il doit s’attarder sur les faits (p. ex., « D’après le patient , le partenaire s’est mis en colère à cause de la consommation d’alcool de la mère ») et consigner textuellement les déclarations de l’enfant, de l’adolescent ou du proche (p. ex., le patient a déclaré que lundi soir, « papa a lancé la télécommande sur maman. Elle l’a reçue en plein visage, et elle a pleuré »). Il doit consigner les interactions et les observations qui ont précédé la divulgation d’EEVPI ou qui ont suscité la présomption d’EEVPI. Il doit également consigner le processus de signalement et l’intervention des services de protection de l’enfance[9]. La note au dossier doit préciser qui a fourni l’information et quelle information a été transmise. Le clinicien doit éviter d’interpréter l’information obtenue, de l’approuver ou de la remettre en question. Lorsque les dossiers médicaux électroniques permettent au clinicien de signaler (par un drapeau) des inquiétudes en matière de sécurité, il doit envisager d’utiliser cette fonction, mais éviter le langage stigmatisant décrit précédemment[9].
L’exposition des enfants et des adolescents à la VPI est une situation à la fois courante et délicate. L’EEVPI est une forme de maltraitance envers les enfants, dont les effets et les conséquences sur la santé sont semblables à d’autres formes de maltraitance. Les conseils fondés sur des données probantes du projet VEGA sur la détection des cas d’EEVPI et les interventions en découlant, dans un contexte soucieux de la sécurité, incluent l’utilisation des principes de STV pour l’ensemble des enfants, des adolescents et des familles et commencent par des questions progressives lorsque des inquiétudes sont soulevées au sujet de l’EEVPI. Le clinicien peut ensuite adopter une approche graduelle pour prioriser les besoins et la sécurité de l’enfant, de l’adolescent et des proches non contrevenants au moyen d’interventions respectueuses, de l’évaluation du risque de danger immédiat, de la prestation de soins continus pour réagir aux répercussions de la VPI et du signalement d’une présomption ou d’une divulgation d’EEVPI aux professionnels en protection de l’enfance[9]. Conformément aux données probantes et au projet VEGA[9], les recommandations à l’intention des cliniciens, des organismes de réglementation, des programmes d’enseignement et de formation des professionnels de la santé et des intervenants gouvernementaux sont énoncées ci-dessous.
Pour contribuer à établir quels enfants et adolescents sont exposés à la violence entre partenaires intimes (VPI), les cliniciens devraient prendre les mesures suivantes :
Lorsqu’ils interviennent en raison d’une présomption ou d’une divulgation d’EEVPI, les cliniciens devraient adopter les comportements suivants :
Les organismes de réglementation, les programmes d’enseignement et de formation des professionnels de la santé et les intervenants gouvernementaux devraient prendre les mesures suivantes :
Le groupe de travail de la petite enfance et le comité de bioéthique, le comité d’étude du fœtus et du nouveau-né, le comité de la pédiatrie communautaire, le comité de la santé de l’adolescent et le comité de la santé mentale et des troubles du développement de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent document de principes, de même que le comité directeur de la section de la pédiatrie du développement, de la section de la pédiatrie sociale et de la section de la santé des enfants et des adolescents dans le monde de la SCP.
COMITÉ DE PRÉVENTION DE LA MALTRAITANCE D’ENFANTS ET D’ADOLESCENTS DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE (2022)
Membres du comité directeur : Emma Cory MD (présidente), Natalie Forbes MD (membre), Amanda Lord MD (membre), Clara Low-Décarie MD (Association des médecins en protection de l’enfance du Québec), Robyn McLaughlin MD (vice-présidente), Kathleen Nolan MD (secrétaire-trésorière), Marlène Thibault MD (membre), Tamara Van Hooren MD (membre), Michelle Ward MD FAAP FRCPC (présidente sortante)
Auteurs principaux : Melissa Kimber Ph. D. MTS TSP (département de psychiatrie et neurosciences du comportement, Université McMaster), Jill McTavish Ph. D. MTS TSP (département de psychiatrie et neurosciences du comportement, Université McMaster), Michelle Shouldice M. Éd. MD FRCPC (département de pédiatrie, Université de Toronto), Michelle G.K. Ward MD FAAP FRCPC, Harriet L. MacMillan CM MD M. Sc. FRCPC (responsable du projet VEGA) (départements de psychiatrie et neurosciences du développement et de pédiatrie, Université McMaster; chef en psychiatrie de l’enfant de Chedoke Health)
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 11 juillet 2024
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