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L’immunisation de l’enfant immunodéprimé : les principes fondamentaux

Affichage : le 11 mai 2018 | Reconduit : le 11 janvier 2024


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Auteur(s) principal(aux)

Dorothy L Moore; Société canadienne de pédiatrie, Comité des maladies infectieuses et d’immunisation

Paediatr Child Health 2018, 23(3):206–208

Résumé

Pour assurer l’immunisation des enfants immunodéprimés, il faut adopter des stratégies de vaccination visant à maximiser la protection tout en minimisant les méfaits. Les dispensateurs de soins de première ligne et les spécialistes qui s’occupent de ces enfants partagent la responsabilité de la vaccination. Des lignes directrices détaillées figurent dans la version à jour du Guide canadien d’immunisation, mais les principes généraux sont exposés dans le présent point de pratique.

Mots-clés : Immunocompromise; Immunization; Paediatrics; Vaccines

Les enfants immunodéprimés, que ce soit en raison d’une immunodéficience congénitale, d’une maladie immunosuppressive ou d’un traitement immunosuppressif, sont plus vulnérables à de graves maladies causées par de nombreuses infections évitables par la vaccination. L’immunisation d’un enfant immunodéprimé vise à maximiser la protection tout en minimisant les méfaits [1]–[4].

Il incombe aux dispensateurs de soins de première ligne et aux spécialistes qui s’occupent de patients immunodéprimés de s’assurer que ces derniers et leur famille reçoivent les vaccins qui leur conviennent. Un vaccin administré à tort risque de ne pas fonctionner, et s’il s’agit d’un vaccin « vivant », il risque de causer des effets secondaires. Dans le doute, il faut consulter un établissement ou un médecin qui a l’habitude de prendre en charge des patients présentant le type d’immunosuppression en cause.

Des lignes directrices détaillées relatives à l’immunisation des personnes immunodéprimées, dans lesquelles sont précisés les vaccins recommandés ou contre-indiqués selon les divers degrés d’immunosuppression, sont présentées dans la version à jour du Guide canadien d’immunisation en ligne [1]. Le présent point de pratique vise à faire connaître les recommandations contenues dans le Guide, dont les principes généraux sont exposés ci-dessous. Certaines provinces et certains territoires se sont également dotés de lignes directrices particulières.

  • Une protection indirecte est assurée lorsque tous les membres du ménage et les autres contacts étroits sont vaccinés contre les infections susceptibles d’être transmises à l’enfant immunodéprimé (c’est-à-dire qu’ils se font administrer tous les vaccins systématiques et le vaccin antigrippal annuel) [1]–[4]. Les animaux de compagnie devraient également recevoir tous les vaccins habituels [4].
  • Les vaccins inactivés peuvent être administrés en toute sécurité aux patients immunodéprimés, mais puisque leur réponse peut être limitée ou même inexistante, l’administration d’une dose plus forte ou d’un plus grand nombre de doses peut être indiquée (p. ex., vaccin contre l’hépatite B, vaccin conjugué contre le pneumocoque) [1]–[4].
  • Les vaccins vivants peuvent rendre les personnes immunodéprimées malades à cause de la réplication incontrôlée des souches du vaccin. Ils sont donc généralement contre-indiqués auprès de cette population, à l’exception des personnes présentant un déficit isolé en IgA, un déficit en sous-classe d’IgG, un déficit en complément ou une asplénie anatomique ou fonctionnelle. Par ailleurs, les vaccins viraux vivants sont sécuritaires pour la plupart des enfants présentant un déficit phagocytaire ou neutrophile (y compris la granulomatose septique chronique), mais les vaccins bactériens vivants (p. ex., vaccin BGG, vaccin vivant contre la typhoïde) sont contre-indiqués [1][3]. Enfin, les vaccins vivants peuvent également être administrés aux personnes atteintes d’une infection à VIH qui ne sont pas gravement immunodéprimées [1]–[3].
  • Les vaccins supplémentaires : Les enfants immunodé primés peuvent avoir besoin de vaccins qui ne sont pas systématiquement recommandés à tous les enfants (p. ex., vaccin polysaccharidique 23-valent contre le pneumocoque) ou qui ne sont pas administrés systématiquement après un certain âge (p. ex., Haemophilus influenzae de type b).
  • La durée de la réponse immunitaire peut être réduite, ce qui peut justifier l’administration de doses de rappel supplémentaires (p. ex., il faut titrer annuellement les anticorps de l’hépatite B chez les enfants qui courent un risque constant d’exposition au virus de cette maladie et leur administrer des doses de rappel en fonction des résultats) [2].
  • Le moment de la vaccination : Les vaccins doivent être ad- ministrés au moment où une réponse immunitaire maximale est anticipée :
    • Si l’évolution de la maladie risque de provoquer une détérioration de la fonction immunitaire au fil du temps, vacciner rapidement (p. ex., infection à VIH asymptomatique, certaines formes d’immunodéficience congénitale).
    • Si l’immunosuppression est planifiée (p. ex., trans- plantation non urgente d’un organe plein ou début d’un traitement immunosuppresseur pour soigner une affection inflammatoire) et que le temps le permet, administrer tous les vaccins vivants et inactivés avant le début du traitement. Les vaccins inactivés doivent être administrés au moins deux semaines et les vaccins vivants, au moins quatre semaines avant le traitement immunosuppresseur. Pour faciliter la vaccination avant une transplantation, les vaccins contre la rougeole, la rubéole, les oreillons et la varicelle peuvent être administrés aux candidats à la transplantation d’un organe plein dès l’âge de six mois, au besoin.
    • Si l’immunosuppression est urgente, mais temporaire, il faut reporter la vaccination jusqu’au rétablissement du système immunitaire. Si le risque d’exposition à une infection donnée est élevé, les vaccins inactivés peuvent être administrés malgré la possibilité d’une réponse réduite. Il faut reprendre les doses administrées pendant l’immunosuppression après le rétablissement du système immunitaire.
    • En général, les vaccins vivants peuvent être administrés un mois après l’arrêt d’un traitement aux stéroïdes à fortes doses, trois mois ou plus après la fin d’autres chimiothérapies immunosuppressives ou six mois après un traitement aux anticorps anti- cellules B, pourvu que la maladie sous-jacente ne soit plus immunosuppressive ou active. (Il convient de souligner qu’un traitement aux stéroïdes à fortes doses désigne un traitement systémique comportant l’équivalent d’au moins 2 mg/kg/jour de prednisone ou d’un total d’au moins 20 mg/jour de prednisone pendant au moins 14 jours chez un patient d'au moins 10 kg. Les vaccins vivants ne sont pas contre-indiqués lorsque la dose du traitement est plus faible, que le traitement est moins long ou que le traitement aux stéroïdes est administré sous forme topique, inhalée ou par injections locales [1].
    • La vaccination est complexe après une greffe de cellules souches hématopoïétiques. Les receveurs ne sont plus immunisés contre les maladies pour lesquelles ils avaient été vaccinés avant leur greffe et doivent donc se faire réadministrer tous les vaccins systématiques. La revaccination par les vaccins inactivés est entreprise de trois à 12 mois après la greffe, et la revaccination par les vaccins vivants, 24 mois après la greffe, pourvu qu’il n’y ait pas de manifestations de maladie chronique du greffon contre l’hôte, que l’immunosuppression soit terminée depuis au moins trois mois et que le spécialiste de la transplantation considère le patient comme immunocompétent [1][3].
    • En cas de traitement immunosuppresseur à long terme, les vaccins inactivés sont administrés lorsque le patient reçoit la dose efficace minimale anticipée d’immunosuppresseurs. De plus, dans la mesure du possible, il faut interrompre l’immunosuppression ou la réduire temporairement pour maximiser la réponse au vaccin.
    • En cas de transplantation d’un organe plein, l’administration de vaccins inactivés débute de trois à six mois après la transplantation, une fois le niveau d’immunosuppression de base atteint. Les vaccins vivants sont généralement contre-indiqués, mais sont parfois administrés dans des situations particulières si les spécialistes de la transplantation le recommandent [1]–[4].
    • Les donneurs de cellules souches hématopoïétiques et d’organes pleins doivent recevoir tous les vaccins systématiques adaptés à leur âge. Cependant, il faut attendre quatre semaines après le prélèvement de cellules souches ou d’un organe avant d’administrer un vaccin vivant par voie parentérale [3].
  • La réponse à un vaccin n’est pas garantie :
    • La réponse aux vaccins varie selon la maladie sous- jacente et les immunosuppresseurs prescrits.
    • Lorsqu’il est possible de procéder au titrage (pour l’hépatite B, la rougeole, la rubéole, les oreillons, la varicelle, le tétanos et la diphtérie, de même que pour d’autres infections dans certaines régions), il faut mesurer la réponse des anticorps au vaccin. En général, ces tests doivent être effectués de un à trois mois après la vaccination.
    • S’il est impossible de déterminer la réponse des anticorps, d’autres mesures de protection peuvent s’imposer en cas d’exposition (p. ex., immunoglobuline) ou d’éclosion (p. ex., exclusion de l’école).
  • Les voyages : Les patients immunodéprimés qui voyagent peuvent courir des risques d’infection plus élevés ou différents de ceux auxquels ils font face au Canada. Il faut les avertir de s’informer, avant leur départ, des risques d’exposition et des vaccins indiqués et contre-indiqués.
  • L’immunoglobuline : Il est possible de protéger les personnes qui présentent un déficit de production des anticorps contre certaines infections évitables par la vaccination en leur injectant régulièrement de l’immunoglobuline de remplacement. L’administration d’immunoglobulines propres à chaque agent pathogène est indiquée après l’exposition à la varicelle ou à l’hépatite B ou après une blessure associée à un risque de tétanos. Il faut reporter l’administration parentérale de vaccins vivants de trois à 11 mois après la prise d’immunoglobuline, afin d’éviter une interférence avec la réponse immunitaire aux vaccins. Il n’est toutefois pas nécessaire de reporter l’administration orale ou intranasale d’un vaccin vivant ni l’administration d’un vaccin inactivé [5].

Remerciements

Le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie a révisé le présent point de pratique.


COMITÉ DES MALADIES INFECTIEUSES ET D’IMMUNISATION DE LA SCP

Membres : Natalie A Bridger MD; Shalini Desai MD; Ruth Grimes MD (représentante du conseil); Charles Hui (membre sortant); Nicole Le Saux (présidente); Timothy Mailman MA; Joan L Robinson MD (présidente sortante); Marina Salvadori MD (membre sortante); Otto G Vanderkooi MD

Représentants : Upton D Allen MBBS, Groupe de recherche canadien sur le sida chez les enfants; Tobey Audcent MD, Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages, Agence de la santé publique du Canada; Carrie Byington MD, comité des maladies infectieuses, American Academy of Pediatrics; Fahamia Koudra MD, Le Collège des médecins de famille du Canada; Rhonda Kropp B. Sc. inf. MHP, Agence de la santé publique du Canada; Marc Lebel MD, Programme canadien de surveillance active de l’immunisation (IMPACT); Jane C McDonald MD, Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada; Dorothy L Moore MD, Comité consultatif national de l’immunisation

Conseillère : Noni E MacDonald MD

Auteure principale : Dorothy L Moore MD


Références

  1. Agence de la santé publique du Canada, 2013. Guide canadien d’immunisation, Partie 3 – Vaccination de populations particulières. www.canada.ca/fr/sante-publique/services/publications/vie-saine/guide-canadien-immunisation-partie-3-vaccination-populations-particulieres/page-8-immunisation-sujets-immunodeprimes.html (consulté le 8 novembre 2017).
  2. American Academy of Pediatrics, Committee on Infectious Diseases. Immunization in special clinical circumstances: Immunization in immunocompromised children. In: Kimberlin DW, Brady MT, Jackson MA, Long SS, éd. Red Book: 2015 Report of the Committee on Infectious Diseases. 30e éd. Elk Grove Village, IL: American Academy of Pediatrics, 2015:74–89.
  3. Rubin LG, Levin MJ, Ljungman P et coll. 2013 IDSA clinical practice guideline for vaccination of the immunocompromised host. Clin Infect Dis 2014;58(3):309–18. Erratum: Clin Infect Dis 2014;59(1):144.
  4. Danziger-Isakov L, Kumar D; AST Infectious Diseases Community of Practice. Vaccination in solid organ transplantation. Am J Transplant 2013;13(Suppl 4):311–7.
  5. Agence de la santé publique du Canada, 2013. Guide canadien d’immunisation, Partie 1. Produits sanguins, immunoglobulines humaines et moment de l’immunisation. www.canada.ca/fr/sante-publique/services/publications/vie-saine/guide-canadien-immunisation-partie-1-information-cle-immunisation/page-11-produits-sanguins-immunoglobulines-humaines-moment-immunisation.html (consulté le 8 novembre 2017).

Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.

Mise à jour : le 30 mai 2024