Point de pratique
Affichage : le 3 décembre 2018 | Mise à jour : le 1 décembre 2023
Joan L Robinson; Société canadienne de pédiatrie, Comité des maladies infectieuses et d’immunisation
Paediatr Child Health 2019 24(1):51. (Résumé)
Les infections à Salmonella non typhiques (SNT) sont surtout transmises par des aliments ou de l’eau contaminés ou par contact avec des animaux porteurs (notamment des reptiles) et se manifestent par de la diarrhée. Les antibiotiques ne limitent ni la gravité ni la durée de la diarrhée et peuvent accroître l’incidence de portage de SNT. Ils ne doivent donc être utilisés qu’en cas de bactériémie ou d’infection invasive présumée ou démontrée. La fièvre typhoïde ou paratyphoïde se révèle par une bactériémie dans les 60 jours suivant un voyage vers des pays pauvres en ressources, accompagnée de fièvre et de divers troubles abdominaux. Ainsi, des hémocultures sont indiquées en cas de fièvre inexpliquée et d’histoire de voyage pertinente. Lorsque les hémocultures sont positives ou qu’on n’en a pas encore obtenu les résultats et que l’enfant est malade, la ceftriaxone est indiquée. Il est souvent possible de passer à des antibiotiques par voie orale (généralement de l’azithromycine) après que les hémocultures sont devenues négatives et que l’état de l’enfant s’est amélioré.
Mots-clés : Non-typhoidal Salmonella; Typhoid/paratyphoid fever
Il existe deux types d’infection à Salmonella : l’infection à Salmonella non typhique et celle à Salmonella typhique.
Le genre Salmonella comporte deux espèces (enterica et bongori) qui se divisent en sept sous-espèces englobant environ 2 500 sérotypes (qu’on appelle sérovars ou souches), dont seuls le S typhi et le S paratyphi provoquent la typhoïde (ou fièvre entérique). Il est à souligner que, malgré son nom, le S typhimurium est une SNT.
Infection à SNT : De nombreuses espèces animales peuvent être porteuses asymptomatiques de SNT [1]. Chez les humains, les sources courantes d’infection sont le contact avec des animaux (notamment les reptiles) et la consommation d’aliments ou d’eau contaminés par des SNT d’origine humaine ou animale. La volaille, les œufs (qui peuvent être contaminés même s’ils sont intacts, à cause de la présence de SNT dans l’oviducte de la pondeuse), les produits laitiers, le bœuf haché et les fruits et légumes font partie des aliments souvent contaminés [1]. Même des fruits et légumes à la peau épaisse, comme le melon, peuvent être une source de contamination, probablement lorsque la surface sale est coupée. Les graines peuvent être contaminées et infecter toute une récolte [2]. Les tomates peuvent absorber des SNT si elles sont plongées dans de l’eau contaminée [3].
La période d’incubation dure généralement de 12 à 48 heures, mais elle peut atteindre sept jours [1]. D’ordinaire, les patients ont des diarrhées non sanglantes, accompagnées ou non de vomissements et de fièvre. Les autres manifestations cliniques sont énoncées au tableau 1. La maladie disséminée touche surtout les enfants immunodéprimés, aspléniques ou âgés de moins de trois mois.
Fièvre typhoïde ou paratyphoïde : Les humains sont les hôtes primaires. L’infection est généralement contractée en Asie (et, dans une moindre mesure, en Afrique) à partir d’eau ou d’aliments contaminés par les excréments d’un porteur ou à partir d’un contact direct avec une personne infectée.
La période d’incubation habituelle est de sept à 14 jours (plage de trois à 60 jours) [4]. La fièvre typhoïde ou paratyphoïde est une infection invasive se révèle par une bactériémie et qui peut se transformer en sepsis et en défaillance multi-organique. Il arrive souvent que le diagnostic ne soit pas envisagé immédiatement, parce que les enfants présentent des symptômes non spécifiques, telles que la fièvre et les manifestations abdominales. L’atteinte du système réticuloendothélial finit par causer une hépatomégalie ou une splénomégalie. On remarque une éruption maculaire (taches rosées) sur l’abdomen dans environ 30 % des cas [4]. Les autres manifestations cliniques sont exposées au tableau 1. La formation d’abcès est beaucoup moins courante qu’en cas d’infection à SNT [5].
Tableau 1 – Les manifestations cliniques de l’infection à Salmonella | ||
Non typhique | Typhique | |
Infection asymptomatique | Courante | Incidence inconnue |
Gastroentérite aiguë | La plupart des patients ont des nausées, des vomissements et de la diarrhée (non sanglante, qui persiste de trois à sept jours) accompagnés ou non de fièvre. | La plupart des patients ont des douleurs abdominales. La constipation accompagnée d’une histoire de diarrhée récente est courante. |
Saignement gastro-intestinal | Très rare | Chez environ 10 % des adultes et des enfants hospitalisés [4]. |
Perforation intestinale | Très rare | Rare, touche surtout l’iléon terminal [4]. |
Porteur chronique (>12 mois) | Très rare chez les enfants. Les calculs biliaires représentent un facteur de risque. | Très rare chez les enfants. Les calculs biliaires représentent un facteur de risque. |
Bactériémie (maladie disséminée) | Se déclare dans environ 6 % à 8 % des cas de tout âge [1][2], évolue rarement jusqu’à l’état de choc. | Décelée dans environ 80 % des cas [2], mais probablement toujours présente. L’évolution vers l’état de choc est plus courante qu’en cas d’infection à Salmonella non typhique. |
Atteinte du système nerveux central (maladie disséminée) | Méningite ou abcès cérébral surtout avant l’âge d’un an. L’encéphalopathie est rare. | Comme l’infection à Salmonella non typhique, mais l’encéphalopathie est plus courante et l’abcès cérébral, très rare. |
Atteinte cardiaque ou vasculaire (maladie disséminée) | Endocardite ou artérite (surtout chez les adultes). | Myocardite et endocardite (rare). |
Ostéomyélite (maladie disséminée) | Surtout en cas d’anémie falciforme. | Rare. |
Arthrite septique (maladie disséminée) | Surtout en cas d’anémie falciforme. | Rare. |
Arthrite réactive | Rare chez les enfants [13]. | Non décrite. |
Infection urinaire | Difficile à distinguer de l’urine contaminée. Description d’abcès rénaux. | Très rare, mais peut provoquer la formation de calculs urinaires [14]. |
Infection néonatale par transmission périnatale | Rare [15]. | Rare [4]. |
Il y a de rares déclarations d’anémie, de coagulation intravasculaire disséminée et d’atteinte des poumons, des tissus musculaires ou des tissus mous, d’atteinte hépatobiliaire, splénique ou génitale, particulièrement chez les adultes atteints d’une infection typhique [4]. |
Salmonella non typhique : Les coprocultures sont généralement positives et doivent être prélevées chez tous les enfants ayant une diarrhée non sanglante grave ou persistante ou une diarrhée sanglante.
Il faut demander des hémocultures lorsque les selles contiennent des SNT et que l’enfant est fiévreux ou immunodéprimé. La réponse inflammatoire à la bactériémie à Salmonella chez les nourrissons peut être minime [4]. C’est pourquoi les hémocultures sont également recommandées pour les enfants non fiévreux âgés de moins de trois mois [6] et peut-être jusqu’à l’âge de six mois lorsque leurs selles contiennent la SNT.
Fièvre typhoïde ou paratyphoïde : Il faut prélever des hémocultures chez tous les enfants qui se mettent à faire de la fièvre sans raison dans les deux mois suivant leur retour d’un pays pauvre en ressources. La bactériémie est généralement faible, si bien que le prélèvement d’un volume suffisant de sang et l’obtention de deux hémocultures accroîtront le rendement. Les coprocultures sont positives chez seulement 30 % des patients [4], car l’infection intestinale est souvent résolue au moment du prélèvement. Les patients dont les coprocultures sont positives, mais dont les hémocultures sont négatives ont probablement tous eu une bactériémie à un moment ou à un autre.
Salmonella non typhique – voir les figures 1 et 2 pour la prise en charge initiale. Les autres points à envisager s’établissent comme suit :
Fièvre typhoïde ou paratyphoïde – voir les figures 1 et 2 pour la prise en charge initiale. Les autres points à envisager s’établissent comme suit :
Salmonella non typhique : Il est capital d’adopter une manipulation sécuritaire des aliments à la maison (www.cps.ca/documents/position/foodborne-infections) et un bon lavage des mains après un contact avec des animaux (particulièrement les bébés volailles, les reptiles et les grenouilles). Certains experts recommandent que les enfants d’âge préscolaire n’aient pas de contact avec ces animaux. La vaccination de la volaille semble avoir eu des conséquences importantes au Royaume-Uni [10], mais demeure volontaire au Canada.
Fièvre typhoïde ou paratyphoïde : Lors d’un voyage dans des pays pauvres en ressources, il est essentiel de choisir soigneusement les aliments et les boissons consommés et de pratiquer une bonne hygiène des mains (www.canada.ca/fr/sante-publique/services/ccmtmv/declaration-diarrhee-voyageur.html#a52).
Tous les enfants de 24 mois et plus qui se rendent en Asie du Sud (Afghanistan, Bangladesh, Bhoutan, Inde, Népal, Maldives, Pakistan et Sri Lanka) doivent se faire vacciner contre la typhoïde [12]. Il n’y a pas de vaccin homologué pour les enfants plus jeunes. La vaccination est à envisager pour les voyageurs vers d’autres pays pauvres en ressources s’ils sont susceptibles d’être exposés à des aliments ou de l’eau contaminés et qu’ils sont atteints d’achlorhydrie, d’asplénie ou d’anémie falciforme ou qu’ils sont immunodéprimés. Les contacts familiaux des porteurs doivent également être vaccinés.
Les vaccins suivants sont offerts au Canada (voir www.canada.ca/fr/sante-publique/services/publications/vie-saine/guide-canadien-immunisation-partie-4-agents-immunisation-active/page-23-vaccin-contre-typhoide.html pour obtenir plus d’information sur les doses) :
Les trois vaccins ne sont efficaces qu’à environ 50 % pour le S typhi. On pense que seuls les vaccins oraux offrent une certaine protection contre le S paratyphi.
Le comité des soins aigus et le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent point de pratique. Des représentants de l’Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada l’ont également révisé; nous les en remercions.
Membres : Michelle Barton-Forbes MD; Natalie A. Bridger MD; Shalini Desai MD; Michael Forrester MD; Ruth Grimes MD (représentante du conseil); Charles Hui (membre sortant); Nicole Le Saux MD (présidente); Joan L. Robinson MD (présidente sortante); Otto G. Vanderkooi MD (membre sortant)
Représentants : Upton D Allen MBBS, Groupe canadien de recherche pédiatrique et périnatale sur le VIH/sida chez les enfants; Tobey Audcent MD, Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages, Agence de la santé publique du Canada; Carrie Byington MD, comité des maladies infectieuses, American Academy of Pediatrics; Fahamia Koudra MD, Le Collège des médecins de famille du Canada; Marc Lebel MD, Programme canadien de surveillance active de l’immunisation (IMPACT); Jane McDonald MD, Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada; Dorothy L. Moore MD, Comité consultatif national de l’immunisation; Howard Njoo MD, Agence de la santé publique du Canada
Conseillère : Noni E. MacDonald MD
Auteure principale : Joan L. Robinson MD
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 7 février 2024