Point de pratique
Affichage : le 16 septembre 2021
Peter D. Wong, Brian W. McCrindle, Kenny Wong, Michael Khoury, Kevin Chan, Marina Salvadori; Société canadienne de pédiatrie, Comité des soins aigus, Comité de la pédiatrie communautaire
Le présent point de pratique vise à donner des directives cliniques au sujet de la myocardite et de la péricardite qui se manifestent après l’administration d’un vaccin à ARNm contre la COVID-19 (Pfizer-BioNTech et Moderna). Les bienfaits de la vaccination contre la COVID-19 sont supérieurs à ses risques, et le vaccin est recommandé pour toutes les personnes admissibles, y compris les enfants et les adolescents de 12 ans et plus. Un risque légèrement plus élevé de myocardite et de péricardite (moins d’un cas sur 10 000 personnes) est signalé après la vaccination à ARNm contre la COVID-19 au Canada et dans le monde, surtout chez les adolescents et les jeunes adultes de moins de 30 ans, chez les personnes de sexe masculin et après la seconde dose. Même si ce signal relatif à la sécurité est plus fréquent que le taux de base prévu, la plupart des cas sont légers. Le présent document reflète l’avis d’experts et les données probantes disponibles, qui sont limitées. Il sera mis à jour lorsque d’autres renseignements seront disponibles et que des personnes plus jeunes seront vaccinées contre la COVID-19.
Mots-clés : jeunes; myocardite; péricardite; vaccin contre la COVID-19
Depuis mai 2021, l’Israël et les États-Unis ont publié des rapports sur des cas de myocardite et de péricardite après la vaccination à ARNm contre la COVID-19 (Pfizer-BioNTech et Moderna) [1]-[5]. Le Canada a également signalé des cas [6][7]. Au début de juin 2021, l’Agence de la santé publique du Canada a annoncé que les taux observés de myocardite et de péricardite n’étaient pas plus élevés que ceux auxquels on pouvait s’attendre dans la population générale et qu’aucune relation causale n’avait été clairement établie [6][8][9]. Cependant, l’augmentation subséquente du nombre de cas (moins de un sur 10 000) laisse croire à une association statistiquement significative [10]. Il est difficile d’en estimer correctement la véritable incidence en raison du vaste éventail de présentations cliniques et de la capacité limitée de reconnaître un événement rare lié à la vaccination.
Pour limiter la transmission de COVID-19 et éviter la maladie et les complications qui s’y rattachent, y compris le syndrome inflammatoire multisystémique de l’enfant, la vaccination continue d’être recommandée pour toutes les personnes admissibles, et dès l’âge de 12 ans. Les bienfaits associés à la réduction de l’ensemble des complications, des décès et des hospitalisations découlant de la COVID-19 continuent d’être supérieurs aux risques dans les populations admissibles [6][8][9][11].
Le présent point de pratique fournit des directives cliniques sur la myocardite et la péricardite après l’administration d’un vaccin à ARNm contre la COVID-19. Il sera mis à jour lorsque de nouveaux renseignements seront disponibles.
Selon les rapports internationaux sur la myocardite et la péricardite après l’administration d’un vaccin à ARNm contre la COVID-19 [1]-[3][10][12][13] :
La péricardite. Les maladies péricardiques peuvent avoir à la fois des causes infectieuses et non infectieuses. Dans les pays industrialisés, les virus en sont les principaux agents étiologiques, tandis que la tuberculose en est la cause la plus courante dans les pays en développement et à l’échelle mondiale [14]. Le diagnostic de péricardite aiguë nécessite la présence d’au moins deux des quatre éléments suivants [14] :
D’autres résultats appuient le diagnostic : des marqueurs inflammatoires élevés (protéine C-réactive, vitesse de sédimentation, numération leucocytaire) ou des manifestations d’inflammation péricardique à l’imagerie (tomodensitométrie, imagerie par résonance magnétique cardiaque). Cependant, la plupart des cas de péricardite déclarés après la vaccination à ARNm étaient associés à des marqueurs inflammatoires normaux ou légèrement élevés [15].
La myocardite. La myocardite est une maladie inflammatoire du myocarde [16][17]. Elle peut prendre la forme d’une série de symptômes cliniques, allant des légères douleurs thoraciques accompagnées de changements électrocardiographiques transitoires à des arythmies, une insuffisance cardiaque et un choc cardiogénique [18][19]. La collaboration Brighton a formulé une définition des cas définitifs, probables et possibles de myocardite d’après la présentation clinique et les critères diagnostiques, ce qui inclut des observations importantes à l’imagerie [16]. Les patients qui présentent une dyspnée, des douleurs thoraciques, une diaphorèse ou des palpitations après un vaccin à ARNm contre la COVID-19 devraient être évalués pour écarter la possibilité de myocardite [2][16].
En cas de présomption clinique de myocardite ou de péricardite, particulièrement dans les deux semaines suivant un vaccin à ARNm contre la COVID-19, les patients doivent être évalués en personne. Il est important de maintenir un vaste diagnostic différentiel, quel que soit le moment où le vaccin à ARNm contre la COVID-19 a été administré. Les premières explorations doivent inclure une électrocardiographie, un taux de troponine sérique et des marqueurs inflammatoires, tels que la protéine C-réactive et la vitesse de sédimentation [12][15]. Les autres examens varieront selon le diagnostic différentiel et leur disponibilité, tels qu’un bilan septique, un écouvillon nasopharyngé en cas de SRAS-CoV-2 aigu (p. ex., test d’amplification en chaîne par polymérase, ou PCR) ou un test sérologique pour dépister une infection antérieure par le SRAS-CoV-2 (p. ex., la détection des anticorps contre la nucléocapside du SRAS-CoV-2), un bilan rhumatologique et des tests viraux et microbiologiques des causes connues de myocardite et de péricardite [12][15].
Les patients qui présentent un électrocardiogramme anormal (tableau 1), dont le taux de troponine est élevé ou chez qui on établit une forte présomption clinique de péricardite ou de myocardite doivent être envoyés en consultation en cardiologie et être soumis à une échocardiographie [15]. On peut demander une imagerie par résonance magnétique cardiaque lorsque le tableau clinique n’est pas clair. Les taux de troponine peuvent être extrêmement élevés (plus de 10 000 ng/L). Il est important d’écarter les autres causes potentielles de péricardite [14] et de myocardite [16], et les patients manifestement malades doivent être maintenus en observation pour déceler toute manifestation d’insuffisance cardiaque, de tamponnade cardiaque ou d’arythmie. Il faut envisager une consultation en infectiologie ou en rhumatologie si d’autres diagnostics sont envisagés [12][15].
Péricardite |
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Myocardite |
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Traduit et adapté de la référence [15] |
La péricardite. En général, la plupart des cas de péricardite aiguë après l’administration d’un vaccin à ARNm contre la COVID-19 sont légers et autorésolutifs et répondent aux anti-inflammatoires non stéroïdiens. Seuls quelques-uns ont été atteints d’une maladie grave. Dans les cas de péricardite légère, l’ibuprofène est recommandé à une dose de 10 mg/kg/dose toutes les huit heures pendant une semaine (jusqu’à concurrence de 400 mg/dose, mais sans dépasser 40 mg/kg/jour ou 1 200 mg/jour), puis de 5 mg/kg/dose toutes les huit heures pendant une semaine (jusqu’à concurrence de 200 mg/dose). Un suivi en milieu ambulatoire peut être approprié après l’évaluation cardiologique. On peut envisager la colchicine chez les patients qui ne répondent pas aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, car elle est efficace pour soulager la douleur et prévenir la récurrence d’une péricardite [20]. Les corticostéroïdes sont à éviter en première ligne à cause de leur association avec un risque accru de récurrence de péricardite [14]. Les patients qui présentent une fièvre élevée et persistante, un épanchement péricardique important, une tamponnade cardiaque ou une réponse insuffisante aux anti-inflammatoires non stéroïdiens ou à la colchicine doivent être hospitalisés pour être maintenus en observation et pris en charge [15]. L’hospitalisation peut également être envisagée si le patient habite loin des points de service. Les immunoglobulines par voie intraveineuse ne sont pas recommandées.
La myocardite. En général, la plupart des cas de myocardite déclarés après l’administration d’un vaccin à ARNm contre la COVID-19 sont légers et répondent aux anti-inflammatoires non stéroïdiens. Cependant, une hospitalisation ou une surveillance ambulatoire étroite sont à envisager jusqu’à ce que l’évolution clinique de la maladie soit établie. Les patients atteints d’une myocardite grave incluant une insuffisance cardiaque, une arythmie ou d’autres complications doivent être hospitalisés et recevoir des soins intensifs comportant une surveillance et une prise en charge appropriées.
Tous les cas présumés et confirmés de myocardite et de péricardite après l’administration d’un vaccin à ARNm contre la COVID-19 doivent être suivis par leur médecin traitant, de même que par des spécialistes sélectionnés selon la gravité et de l’évolution clinique de la maladie. Les cas non hospitalisés doivent faire l’objet d’un suivi dans la semaine suivant la consultation si leurs symptômes s’atténuent. Les patients dont le diagnostic de péricardite est confirmé doivent éviter les sports intensifs ou compétitifs pendant une période de trois ou quatre semaines ou jusqu’à la résolution des symptômes et la normalisation des marqueurs de laboratoire, de l’électrocardiographie et de l’imagerie. Par ailleurs, les patients dont le diagnostic de myocardite est confirmé et certains cas de péricardite pourraient devoir modifier leurs exercices pendant au moins un mois ou conformément aux recommandations de leur spécialiste [15]. Les signes et symptômes de myocardite et de péricardite disparaissent en quelques jours grâce à des soins de soutien, et même si on n’en connaît pas les effets à long terme, on anticipe un pronostic positif.
Tous les cas de myocardite et de péricardite après un vaccin à ARNm contre la COVID-19 doivent être signalés aux autorités sanitaires conformément aux directives locales, provinciales ou territoriales. Il faut envisager de diriger le patient vers une clinique spéciale d’immunisation [21] où il pourra discuter de sa situation et obtenir des conseils sur les prochaines doses du vaccin contre la COVID-19 [8][9][22]. Les personnes qui ont déjà souffert d’une myocardite ou d’une péricardite qui n’avait rien à voir avec un vaccin à ARNm contre la COVID-19 devraient consulter leur équipe clinique pour faire évaluer leur situation et recevoir des recommandations. Le Comité consultatif national de l’immunisation recommande de reporter la seconde dose du vaccin contre la COVID-19 chez ceux qui ont souffert d’une myocardite ou d’une péricardite après la première, en attendant d’obtenir plus d’information sur la question [23].
Santé Canada, l’Agence de la santé publique du Canada et les autorités sanitaires provinciales et territoriales continuent de surveiller la question de près dans le cadre de la surveillance des effets secondaires signalés après la vaccination contre la COVID-19 [7]. Les autorités sanitaires provinciales et territoriales déclarent les manifestations cliniques inhabituelles à l’Agence de la santé publique du Canada dans le cadre de ses efforts continus en matière d’innocuité [24]. Qui plus est, le Programme canadien de surveillance active de l’immunisation (IMPACT), un réseau de surveillance pédiatrique national en milieu hospitalier, procède à la surveillance active des rendez-vous d’urgence et des hospitalisations dans des centres de soins tertiaires à cause d’une myocardite ou d’une péricardite [25].
Le comité directeur de la section de la médecine d’urgence pédiatrique et de la section de la pédiatrie communautaire ainsi que le comité des maladies infectieuses et d’immunisation et le comité des soins aigus de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent point de pratique, qui a été également révisé et approuvé par l’Association canadienne de cardiologie pédiatrique.
Membres : Carolyn Beck MD, Kevin Chan MD (président), Kimberly Dow MD (représentante du conseil), Karen Gripp MD (membre sortante), Marie-Pier Lirette MD (membre résidente), Jonathan Sniderman MD, Evelyne D. Trottier MD, Troy Turner MD
Représentants : Laurel Chauvin-Kimoff MD (présidente sortante 2012-2019), section de la médecine d’urgence pédiatrique de la SCP; Sidd Thakore MD, section de la pédiatrie hospitalière de la SCP
Membres : Tara Chobotuk MD, Michael Hill MD, Audrey Lafontaine MD, Meta van den Heuvel MD Ph. D., Marianne McKenna MD (représentante du conseil), Julia Orkin MD (présidente sortante), Peter Wong MD (président)
Représentante : Karen Cozens MD, section de la pédiatrie communautaire de la SCP
Auteurs principaux : Peter D. Wong1,2, Brian W. McCrindle3, Kenny Wong4, Michael Khoury5, Kevin Chan6,7, Marina Salvadori8
1 Division de médecine pédiatrique, département de pédiatrie, Université de Toronto
2 École de santé publique Dalla Lana, Université de Toronto
3 Division de cardiologie, département de pédiatrie, Université de Toronto
4 Division de cardiologie, département de pédiatrie, Université Dalhousie
5 Division de cardiologie, département de pédiatrie, Université de l’Alberta
6 Santé des femmes et des enfants, Partenaires de santé Trillium
7 Division de médecine d’urgence, département de pédiatrie, Université de Toronto
8Agence de la santé publique du Canada; département de pédiatrie, Université McGill
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 7 décembre 2023