Document de principes
Affichage : le 30 janvier 2020
Jeffrey N. Critch, Société canadienne de pédiatrie, Comité de nutrition et de gastroentérologie
Paediatr Child Health 2020 25(1):39–46.
L’adoption de politiques et de directives alimentaires dans les écoles canadiennes permet d’accroître l’offre et la consommation d’aliments riches en nutriments tout en réduisant l’accès à des aliments et des boissons riches en sucres, en sodium et en gras saturés. Ces politiques favorisent des changements positifs pour la santé des enfants et des adolescents, tels qu’un meilleur indice de masse corporelle. Cependant, elles ont des effets mitigés sur la performance scolaire. Le présent document de principes présente les principaux éléments des politiques alimentaires en milieu scolaire, notamment les normes nutritionnelles. Ces politiques doivent respecter les recommandations du Guide alimentaire canadien et promouvoir la consommation d’aliments et de boissons riches en nutriments, dont la teneur en gras saturé, en sucre et en sodium est plus faible.
Mots-clés : Comprehensive school health; School nutrition policy; Sugar sweetened beverages
Une bonne alimentation optimise la santé, le développement et la performance scolaire. Puisque les enfants et les adolescents consomment une forte proportion de leur apport énergétique quotidien à l’école [1], des mesures ciblant l’alimentation en milieu scolaire peuvent entraîner des changements bénéfiques en matière de comportement alimentaire, de santé et de performance scolaire. L’approche globale de la santé en milieu scolaire (AGSS) est un cadre de référence reconnu internationalement qui permet d’aborder la santé en milieu scolaire de manière planifiée, intégrée et holistique, dans le but d’améliorer les résultats scolaires des élèves [2]. L’AGSS vise l’ensemble du milieu scolaire et s’appuie sur quatre axes interdépendants : le milieu social et physique, l’enseignement et l’apprentissage, les politiques pour des écoles en santé et les partenariats et les services. L’AGSS mobilise les élèves, les parents, les enseignants, les communautés et les intervenants pour promouvoir des comportements sains tout au long de la vie [3].
Dans le cadre de l’AGSS, les politiques alimentaires en milieu scolaire (PAS) possèdent le potentiel de promouvoir des poids santé, de réduire le risque de maladie chronique et de soutenir l’apprentissage [4]. Elles fournissent un cadre sur lequel les écoles peuvent s’appuyer pour planifier, mettre en œuvre et évaluer des mesures nutritionnelles qui reflètent les directives alimentaires les plus récentes. Elles peuvent également tenir compte de multiples éléments connexes, y compris la disponibilité d’aliments et de boissons précis, les environnements alimentaires (nourriture disponible et lieux pour manger), l’enseignement en matière de santé et d’alimentation, les services de santé et les conseils nutritionnels, ainsi que les activités de sensibilisation dans les familles et les communautés. Les normes alimentaires, les programmes, les contrats et le marketing alimentaires font partie des sous-éléments éventuels [4]. Le présent document de principes traite des données probantes démontrant les retombées des PAS, notamment le volet sur les normes nutritionnelles, l’approvisionnement en aliments et en boissons, leur disponibilité et leur consommation, pour améliorer l’indice de masse corporelle (IMC) et la réussite scolaire.
Au Canada, il incombe aux gouvernements provinciaux et territoriaux et aux conseils ou commissions scolaires de planifier et de fournir les politiques, programmes et services alimentaires en milieu scolaire. Chaque province et territoire possède une PAS ou est en voie d’en créer une [3], même s’il existe des variations entre elles (p. ex., ministère responsable, normes nutritionnelles, mise en œuvre). En général, il incombe à chaque conseil ou commission scolaire de la mettre en œuvre.
Le surpoids et l’obésité chez les enfants et les adolescents constituent des problèmes de santé majeurs au Canada. En 2015, 30,9 % des Canadiens de cinq à 17 ans (près de 1,5 million) présentaient un surpoids (18,9 %) ou étaient obèses (12 %) [5]. Ces taux ont augmenté par rapport à 1978–1979, alors que 15 % des enfants de deux à 17 ans présentaient un surpoids (12 %) ou étaient obèses (3 %) [6]. L’augmentation du surpoids et de l’obésité touche tous les enfants d’âge scolaire, dans toutes les provinces et tous les territoires, même si les données de 2009 à 2011 laissaient croire à l’atteinte d’un plateau [7]–[9].
Les enfants et les adolescents obèses courent un risque plus élevé de diabète de type 2, de dyslipidémie, d’hypertension et de maladie coronarienne au cours de leur vie [10]. Les étiologies de l’obésité croissante sont complexes et s’associent à des facteurs multiples et interdépendants, mais la plus grande consommation d’aliments riches en calories et faibles en nutriments y joue un rôle majeur. Il est démontré que, dans les écoles, l’accès facile aux aliments et aux boissons riches en calories et faibles en nutriments contribue à accroître l’IMC [11][12]. Fait encourageant, des études démontrent également que les enfants obèses qui perdent du poids peuvent réduire leur risque de diabète de type 2 et d’hypertension à l’âge adulte [13]. Il peut être difficile de perdre du poids, et c’est pourquoi les mesures pour accroître la prévention primaire représentent un enjeu essentiel en santé publique.
De nombreuses études d’observation démontrent le lien entre la faible qualité globale du régime alimentaire et de mauvais résultats scolaires. L’étude longitudinale Avon auprès des parents et des enfants a révélé qu’un régime riche en matières grasses et en glucides à l’âge de trois ans avait une incidence négative sur le QI à l’âge de 8,5 ans [14]. De plus, la consommation relativement élevée d’aliments riches en nutriments à l’âge de 8,5 ans avait une corrélation positive avec le QI. Dans une cohorte prospective de 602 enfants australiens, une plus forte consommation d’aliments prêts à manger (fast food), de viande rouge ou transformée, de boissons gazeuses et d’aliments frits ou raffinés à l’âge de 14 ans était liée à une fonction cognitive réduite à l’âge de 17 ans (après rajustement pour tenir compte de l’apport énergétique total, de la scolarisation de la mère, du revenu familial et d’autres facteurs) [15]. Selon une étude transversale auprès de 475 élèves norvégiens de neuvième et dixième année, la consommation moins fréquente de boissons édulcorées, de sucreries, de chocolat, de collations salées, de pizzas et de hot-dogs et le fait d’éviter de sauter des repas étaient liés à un risque plus faible de troubles d’apprentissage autodéclarés [16]. D’après une autre étude transversale auprès de 1 073 élèves chiliens de cinquième et neuvième année, la consommation d’aliments malsains à la collation était liée à une baisse de la probabilité qu’ils réussissent leurs cours de langue (rapport de cotes (RC) 0,44, IC à 95 %, 0,23 à 0,85) ou de mathématiques (RC 0,34, IC à 95 %, 0,19 à 0,64) [17]. Selon un sondage auprès de 5 200 élèves néo-écossais de cinquième année, on remarquait une association entre la faible qualité globale du régime alimentaire et une moins bonne performance scolaire lors de l’évaluation provinciale standardisée de l’alphabétisation [18]. Dans un sondage auprès de 8 544 élèves de cinquième année des États-Unis, une consommation plus élevée d’aliments prêts à manger était prédictrice d’une moins bonne réussite scolaire en lecture, en mathématiques et en sciences en huitième année, après rajustement compte tenu des notes en cinquième année, des indicateurs socioéconomiques, du taux d’activité physique et de l’écoute de la télévision [19].
De nombreux jeunes du Canada sont à risque de consommer des aliments inappropriés ou de ne pas assimiler une quantité suffisante de certains nutriments, notamment le calcium, la vitamine D et le magnésium [20]. Souvent, ils ingèrent également trop peu de fibres et de potassium et trop de sodium [21][22] et de sucre [23].
Les écoles fournissent d’excellentes occasions d’accroître la consommation d’aliments riches en nutriments chez les enfants, de limiter leur consommation d’aliments riches en calories et de promouvoir des choix et des comportements alimentaires plus sains.
La nourriture et les boissons consommés dans les écoles proviennent des programmes de déjeuner et de dîner organisés, des distributrices automatiques, des services de cafétéria, des repas ou des collations préparés à la maison et des activités de collecte de fonds ou d’autres activités spéciales. Les directives contenues dans les PAS peuvent être très diversifiées, selon leur portée, leur intention, leur lieu d’application et d’autres facteurs.
Au Canada, les PAS sont généralement conçues et mises en œuvre par la province, le territoire ou les conseils ou commissions scolaires. Leur conception peut être complexe et faire appel à de multiples intervenants, y compris des administrateurs, des membres du personnel des services d’alimentation, des diététistes, des enseignants, des parents, des élèves et les services de santé publique. Leur objectif fondamental consiste toutefois à garantir que la qualité nutritionnelle des aliments proposés (servis ou vendus) reflète la mission quotidienne de l’école, soit de promouvoir la productivité et la santé des apprenants. Divers éléments des PAS ont une incidence sur les aliments offerts en milieu scolaire : les normes nutritionnelles, les programmes alimentaires et les contrats avec les producteurs d’aliments et les entreprises d’aliments et de boissons de marque déposée [4]. Des politiques détaillées peuvent également tenir compte d’environnements alimentaires particuliers, de l’éducation à la santé, des services de santé et de consultation ainsi que d’activités de sensibilisation des familles et des communautés [4].
Les PAS devraient au moins viser les objectifs suivants :
Les PAS devraient tenir compte des variations culturelles et être sensibles aux situations et milieux socioéconomiques. Elles doivent être axées sur des choix de vie équilibrés et sains et non sur la perte de poids [24][25].
Les PAS peuvent susciter des améliorations à la qualité des aliments et des boissons offerts aux élèves. Les normes nutritionnelles étatiques (Statewide School Nutrition Standards) de la Californie ont accru l’accès aux aliments et boissons conformes et réduit l’accès à ceux qui ne l’étaient pas, particulièrement les boissons édulcorées, les croustilles et les bonbons [26]. Cependant, l’environnement alimentaire en milieu scolaire et l’apport nutritionnel des élèves se sont peu améliorés, en partie parce que de nombreux produits conformes contenaient du gras et des sucres modifiés et avaient une faible valeur nutritive. Selon une analyse systématique [27] de 18 études, certaines politiques scolaires réussissaient à améliorer à la fois la qualité nutritionnelle des aliments et des boissons offerts en milieu scolaire et l’apport nutritif des élèves. Les effets indésirables possibles des PAS n’ont pas fait l’objet d’études systématiques.
L’Arkansas Act 1220 (2003) est une initiative étatique globale visant à lutter contre l’obésité par des changements en milieu scolaire. Les sondages annuels effectués depuis son adoption ont révélé un certain nombre de changements positifs dans les environnements et les politiques scolaires [28]. Les écoles étaient plus susceptibles d’instaurer les mesures suivantes :
Les PAS contribuent à améliorer les choix alimentaires des élèves. Dans une étude canadienne [29], des chercheurs ont mesuré les changements positifs à la consommation d’aliments des élèves après l’adoption d’une PAS à l’Île-du-PrinceÉdouard. Une analyse de 42 études européennes [30] a révélé que les interventions multiples en milieu scolaire qui font la promotion de régimes alimentaires sains contribuaient à améliorer les comportements alimentaires (autodéclarés).
L’amélioration des environnements alimentaires en milieu scolaire peut également avoir des répercussions positives sur les choix alimentaires personnels hors de l’école. Selon une étude transversale finlandaise, les enfants qui prenaient des repas préparés à l’école avaient tendance à faire des choix alimentaires plus conformes aux recommandations nutritionnelles que les autres [31]. De toute évidence, d’autres facteurs influent sur les choix alimentaires, y compris le contexte familial, les connaissances en matière d’alimentation et le revenu.
Un meilleur accès à des choix alimentaires plus sains peut correspondre aux préférences des étudiants : dans une étude, 69 % des étudiants ont déclaré qu’il était important de pouvoir acheter des fruits frais à l’école [32]. Cependant, même si les élèves à qui on servait des aliments sains dans le cadre d’un programme de dîners scolaires étaient plus susceptibles de les consommer, ils mangeaient aussi des aliments malsains lorsqu’on les leur offrait. Ainsi, il peut être acceptable pour les élèves de se voir offrir des choix alimentaires plus sains tout autant que de limiter l’accès aux aliments malsains dans les écoles.
Malgré leur mise en œuvre généralisée, très peu de PAS à grande échelle ont fait l’objet d’une évaluation officielle. Cependant, de nombreuses données probantes corroborent les effets bénéfiques des programmes et politiques en milieu scolaire sur l’IMC. D’après un sondage auprès de 5 200 élèves néo-écossais de cinquième année, des programmes de saine alimentation en milieu scolaire s’associaient à de plus faibles taux de surpoids et d’obésité et à un régime alimentaire global de meilleure qualité [33].
Une étude de 2008 [34] a évalué les effets du programme des Gold Medal Schools (écoles médaillées d’or) conçu pour donner aux élèves de première, troisième et cinquième années de l’Utah plus d’occasions de sélectionner des aliments nutritifs et de faire de l’activité physique régulièrement. Les scores z de l’IMC ont augmenté de manière significative dans le groupe comparatif (0,53±0,38, P<0,05), mais pas dans le groupe d’intervention (0,21±0,47, P=0,484). Les enfants du groupe d’intervention ont également déclaré consommer moins de boissons édulcorées chaque jour après avoir suivi le programme pendant un an (P<0,001). Une autre évaluation de cinq millions d’observations auprès d’élèves californiens de cinquième et septième années a révélé une baisse statistiquement significative de la prévalence de surpoids chez les élèves de cinquième année de Los Angeles, de même que chez les garçons de cinquième année et les élèves de septième année du reste de la Californie (P<0,005), lorsqu’on comparait la période précédant l’adoption des PAS à la période subséquente [35]. De plus, d’après une étude transversale auprès de 2 228 élèves de première à douzième année des États-Unis, la participation au déjeuner à l’école était liée à une diminution statistiquement significative de l’IMC [36].
Des études sur l’association entre les PAS et les résultats scolaires ont donné des résultats mitigés. Une étude auprès de 97 élèves des écoles défavorisées de Boston a démontré une association entre la participation à un programme de déjeuner gratuit et universel à l’école et des améliorations considérables de la performance scolaire et du fonctionnement psychosocial, de même qu’une diminution de la faim au bout de six mois [37]. Selon une analyse systématique de 45 études, le déjeuner était plus bénéfique pour le rendement cognitif que l’absence de déjeuner, même si les effets étaient plus apparents chez les enfants ayant des carences nutritionnelles [38]. Les programmes de déjeuner dans les écoles s’associaient à une meilleure fréquentation et à une diminution des retards [39]. Dans les populations gravement sous-alimentées, les programmes de déjeuner dans les écoles semblent améliorer à la fois la performance scolaire et la fonction cognitive. Par exemple, le programme EATFit de la Californie était lié à une meilleure performance scolaire [40].
Dans une étude aléatoire et contrôlée auprès d’élèves jamaïcains de deuxième à cinquième année, 407 élèves sousalimentés et 407 enfants bien alimentés ont été répartis entre un groupe de déjeuner et un groupe témoin [41]. Au bout d’un an, la taille, le poids et la fréquentation scolaire s’étaient améliorés de manière considérable dans le groupe de déjeuner. Cependant, la performance scolaire des deux groupes avait peu progressé. Une étude aléatoire et contrôlée des sujets par grappes réalisée en Nouvelle-Zélande n’a pas démontré qu’un programme de déjeuner gratuit en milieu scolaire avait un effet statistiquement significatif sur la fréquentation et la performance scolaires, même s’il en avait un sur la satiété à court terme [42]. L’évaluation du programme Breakfast in the Classroom (déjeuner en classe) des États-Unis a révélé une meilleure fréquentation, mais pas de différence aux résultats des tests standardisés en mathématique et en lecture [43].
Le succès de la mise en œuvre des PAS dépend d’une série de facteurs, y compris un soutien approprié (p. ex., financement, disponibilité d’aliments sains, mobilisation du personnel, responsabilisation). Une étude [44] a évalué l’observance des normes nutritionnelles relatives aux aliments et aux boissons dans 56 écoles secondaires publiques de la Californie. Les écoles étaient plus susceptibles de respecter pleinement les normes relatives aux boissons qu’aux aliments. Puisque les normes nutritionnelles relatives aux aliments peuvent être difficiles à instaurer, des ressources suffisantes et la participation d’employés des services alimentaires bien informés peuvent accroître l’observance. S’appuyant sur un sondage auprès de 436 écoles canadiennes [45], les auteurs ont décrit les programmes de saine alimentation, l’éducation nutritionnelle et l’offre alimentaire à proximité. Seulement 53 % des écoles disposaient d’un comité pour superviser leur programme de saine alimentation, et la plupart des écoles autorisaient la vente de boissons gazeuses dans les distributrices automatiques installées sur les lieux.
Les PAS nationales et de district peuvent être des catalyseurs de changement, mais selon les données probantes, les programmes locaux peuvent gagner en efficacité s’ils sont supervisés par des conseils de nutrition en milieu scolaire. Une étude américaine a démontré que les écoles disposant d’un conseil de nutrition ont réduit considérablement l’offre de produits pauvres en nutriments et riches en calories dans les distributrices automatiques par rapport aux écoles qui ne disposaient pas d’un tel groupe (P=0,03) [46].
Au Canada, une étude a démontré que les dépenses publiques nécessaires pour mettre en œuvre et maintenir des programmes d’alimentation conformes à l’AGSS en Nouvelle-Écosse étaient modestes [47].
Les PAS peuvent favoriser des comportements alimentaires plus sains dans le cadre de politiques d’AGSS plus vastes. D’autres éléments de l’AGSS, tels que l’intégration de l’éducation nutritionnelle au cursus scolaire, sont essentiels pour influer sur le changement de comportement. Les PAS doivent respecter les initiatives nationales, telles que le Guide alimentaire canadien [48], de même que les programmes provinciaux ou territoriaux. Plus précisément, elles doivent limiter les boissons et les aliments qui sont faibles en nutriments et riches en calories, en matières grasses, en sucres ou en sodium (y compris les boissons à saveur de fruits, les boissons gazeuses, les boissons pour sportifs, les boissons énergétiques [49] et les boissons édulcorées chaudes ou froides). Il est à souligner que l’American Academy of Pediatrics (AAP) recommande également de réduire l’excès de calories, les gras solides, les sucres ajoutés et le sodium dans les écoles [50]. Quant à l’European Society of Pediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition, elle recommande de remplacer les boissons édulcorées par de l’eau et les boissons au lait ou produits laitiers sucrés par des boissons ou des produits laitiers non sucrés, dont la quantité de lactose ne dépasse pas celle normalement contenue dans le lait [51].
De multiples facteurs contribuent à l’obésité juvénile, mais les données actuelles appuient la restriction des boissons édulcorées dans les écoles. Une analyse systématique associait clairement la consommation accrue de boissons édulcorées à la prise de poids et à l’obésité [52], et ce résultat a été reproduit maintes fois. Une méta-analyse de 88 études a renforcé l’association évidente entre la consommation accrue de boissons gazeuses, l’apport énergétique accru et le poids [53]. Dans une sous-analyse de 33 études, les mêmes auteurs ont calculé une taille d’effet statistiquement significative, qui correspondait à un changement de 0,08 écart-type de l’IMC par changement d’un écart-type de l’apport énergétique provenant de boissons édulcorées. Selon une méta-analyse de 30 essais aléatoires et contrôlés et de 38 études de cohorte, la consommation de sucres libres et de boissons édulcorées est un facteur déterminant du poids corporel [54].
Des données expérimentales démontrent que l’éducation des élèves quant aux boissons édulcorées est reliée à une diminution de la consommation et à des effets positifs sur l’IMC. Un essai aléatoire et contrôlé de sujets par grappes a porté sur 644 enfants (de sept à 11 ans) répartis entre un programme d’éducation en milieu scolaire pour réduire la consommation de boissons gazeuses (le groupe d’intervention) et un groupe témoin [55]. Le groupe d’intervention a réduit sa consommation de boissons gazeuses de 0,7 verre sur trois jours (moyenne de 250 mL/verre) (IC à 95 %, 0,1 à 1,3) par rapport au groupe témoin. Au bout de 12 mois, on a constaté une augmentation de 7,7 % (IC à 95 %, 2,2 % à 13,1 %) d’enfants en surpoids ou obèses dans le groupe témoin par rapport au groupe d’intervention. Dans une autre étude [56], les chercheurs ont réparti au hasard 103 adolescents (de 13 à 18 ans) qui consommaient régulièrement des boissons édulcorées entre un groupe d’intervention et un groupe témoin. Le groupe d’intervention a reçu des boissons non caloriques à domicile pour remplacer les boissons édulcorées. La consommation de boissons édulcorées sur 25 semaines a diminué de 82 % dans le groupe d’intervention, mais n’a pas changé dans le groupe témoin. On n’a pas remarqué de différence significative de l’IMC entre les deux groupes.
Les données appuient l’association entre la consommation fréquente de boissons édulcorées et l’obésité. Selon des données de 2015, les boissons édulcorées représentaient la plus grande part de l’apport de sucre dans le régime alimentaire des enfants canadiens de deux à huit ans (21,8 %) et des jeunes de neuf à 18 ans (29,8 %) par rapport aux autres sources de sucre diététique [23]. De plus, ces boissons chez les enfants et les adolescents semblent avoir supplanté le lait, qui est riche en calcium et en vitamine D [57]–[60]. Puisqu’elles sont riches en calories et faibles en nutriments, il n’y a aucune raison d’en soutenir l’offre dans les écoles. D’ailleurs, l’AAP recommande depuis longtemps d’y restreindre l’accès aux boissons édulcorées [60].
Il existe toute une série de recommandations sur le sucre et de définitions de ce terme. La National Academy of Medicine, consciente que la consommation de micronutriments diminue davantage lorsque les sucres ajoutés dépassent 25 % des calories totales, propose des recommandations provisoires plus libérales afin que les sucres totaux contenus dans les collations, les aliments et les boissons ne fournissent pas plus de 35 % des calories par portion emballée [59]. En 2015, l’Organisation mondiale de la Santé a fortement recommandé que les adultes et les enfants limitent leur consommation quotidienne de sucres libres (c’est-à-dire les sucres ajoutés et les sucres présents naturellement dans le miel, les sirops, les jus de fruits et les concentrés) à moins de 10 % de leur apport énergétique total [61]. Au Canada, les tableaux de valeur nutritive figurant sur les aliments et les boissons préemballés devront bientôt préciser un pourcentage de la valeur quotidienne pour les sucres totaux. Une valeur quotidienne par portion supérieure à 15 % pour les sucres totaux est indicatrice d’un produit riche en sucre [62].
Les PAS devraient favoriser la consommation d’aliments entiers et non transformés, conformément au Guide alimentaire canadien [48]. Ces politiques visent à réduire dans les écoles la présence et la consommation d’ingrédients inquiétants pour la santé publique, notamment les gras saturés, les sucres et le sodium [63].
Les écoles fournissent un environnement idéal pour donner accès à des aliments sains aux enfants. La création et la mise en œuvre continues de PAS peuvent améliorer les comportements alimentaires et la santé des enfants et des adolescents. La réussite scolaire peut également en profiter, même si les données cliniques sont mitigées à cet égard.
L’optimisation de la densité nutritionnelle (les nutriments ingérés par calorie) dans la plage calorique recommandée représente un principe fondamental des PAS. Cette stratégie doit porter à la fois sur la réduction du sodium, des gras et du sucre, conformément aux recommandations du Guide alimentaire canadien, et sur la promotion d’un choix d’aliments et de boissons riches en nutriments. Cette approche assurera un équilibre énergétique et nutritionnel optimal, favorable à l’apprentissage, à l’activité, à la santé et à la croissance. Il est important d’harmoniser les PAS avec le Guide alimentaire canadien, de mobiliser tous les intervenants et d’assurer que des ressources de soutien suffisantes sont offertes pour obtenir une mise en œuvre et des résultats optimaux.
La Société canadienne de pédiatrie appuie la création et le soutien de politiques alimentaires en milieu scolaire (PAS) dans le cadre d’une approche globale de la santé en milieu scolaire (AGSS) dans chaque école, conseil ou commission scolaire, province ou territoire, selon la région. Les mesures suivantes peuvent contribuer à réduire les indices de masse corporelle (IMC), améliorer les choix alimentaires et contribuer à la performance scolaire chez les enfants et les adolescents du Canada :
L’auteur tient à remercier Becky Blair, M. Sc. D.Pt., des Diététistes du Canada, pour son aide précieuse lors de la correction du présent document de principes. Le comité de la santé de l’adolescent, le comité de la pédiatrie communautaire et le comité d’une vie saine et active de la Société canadienne de pédiatrie l’ont révisé.
COMITÉ DE NUTRITION ET DE GASTROENTÉROLOGIE DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE
Membres : Dana L. Boctor MD (membre sortante), Linda M. Casey MD, Jeffrey N. Critch MD (président sortant), Manjula Gowrishankar MD (membre sortante), Eddy Lau MD (représentant du conseil), Catherine M. Pound MD (présidente), Ana M. Sant’Anna MD, Pushpa Sathya MD, Christopher Tomlinson MB, ChB, Ph. D., Sharon L. Unger MD (membre sortante)
Représentants : Becky Blair M. Sc. Dt.P., Les diététistes du Canada; Patricia D’Onghia MHP Dt.P., Santé Canada; Tanis R. Fenton Ph. D. Sc. Dt.P., Les diététistes du Canada; Laura Haiek, Comité canadien pour l’allaitement; Deborah Hayward, Bureau des sciences de la nutrition, Santé Canada; Sarah Lawrence MD, Groupe canadien d’endocrinologie pédiatrique; Sarah Jane Scwarzenberg MD, comité de nutrition, American Academy of Pediatrics
Auteur principal : Jeffrey N. Critch MD
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 8 février 2024