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Contrer la réticence envers la vaccination dans les programmes de vaccination, les cliniques et les cabinets

Affichage : le 14 septembre 2018 | Mise à jour : le 23 mai 2024


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Auteur(s) principal(aux)

Noni E. MacDonald, Ève Dubé; Société canadienne de pédiatrie, Comité des maladies infectieuses et d’immunisation

Mise à jour par : Michelle Barton, Cora Constantinescu, Dorothy L. Moore

Résumé

Le présent point de pratique contient des conseils fondés sur des données probantes à l’intention des programmes de vaccination provinciaux et territoriaux, des cliniques et des cabinets afin de contrer la réticence envers la vaccination et d’améliorer les taux de vaccination. Les étapes à privilégier s’établissent comme suit : 1) définir les sous-groupes sous-vaccinés (ce qui exige la tenue de registres), les facteurs responsables de la réticence envers la vaccination et les interventions ciblées; 2) enseigner les pratiques exemplaires à tous les dispensateurs de soins qui participent à la vaccination; 3) faire appel à des stratégies fondées sur des données probantes pour accroître les taux de vaccination, y compris les rappels, un emplacement des cliniques et des heures d’ouverture pratiques et des communications adaptées; 4) informer les enfants, les adolescents et les adultes de l’importance de la vaccination pour la santé et 5) travailler en collaboration avec les régions sociosanitaires provinciales et territoriales et avec le gouvernement fédéral, les organismes non gouvernementaux, les leaders communautaires et les services de santé.

Mots-clés : acceptation des vaccins; adoption des vaccins; information sur les vaccins; réticence envers la vaccination; communication sur la santé

Il est bien connu que la vaccination est une intervention sanitaire importante pour améliorer l’état de santé de la population mondiale[1]. Malheureusement, le Canada ne fait pas bonne figure par rapport aux autres pays industrialisés en matière d’acceptation optimale des vaccins chez les enfants et les adolescents[2]. La réticence croissante envers la vaccination, qui désigne le fait de tarder à accepter la vaccination ou de la refuser même si les services sont disponibles, nuit aux taux de vaccination[3]. Le présent point de pratique contient des conseils fondés sur des données probantes à l’intention des programmes de vaccination provinciaux et territoriaux, des cliniques et des cabinets pour contrer le mieux possible la réticence envers la vaccination et améliorer les taux de vaccination. Deux documents destinés aux cliniciens, intitulés Les parents qui hésitent à faire vacciner leurs enfants : une mise à jour[4] et Le système d’innocuité vaccinale en huit étapes : des notions pour les travailleurs de la santé[5], complètent le présent point de pratique.

1. Définir les sous-groupes réticents envers la vaccination et agir auprès d’eux

Des raisons multiples et variables motivent la réticence envers la vaccination, laquelle ne se limite pas nécessairement à des groupes ou à des communautés en particulier[1][3]. Même dans une province ou un territoire donné, la réticence envers la vaccination n’est pas uniforme, mais tend à se manifester par grappes (p. ex., dans une communauté ou un groupe religieux axé sur les pratiques médicales naturelles ou non traditionnelles). Les taux de vaccination peuvent varier selon les groupes de population en raison de nombreux facteurs, comme la géographie, la culture et l’ethnie. On observe une couverture vaccinale plus faible chez les enfants qui habitent en région éloignée[6] ou qui sont issus de certains groupes racisés[7]. Par exemple, les taux de vaccination sont plus faibles dans les familles noires et plus élevés dans les familles chinoises ou philippines que dans les familles non racisées du Canada. Aucune différence significative n’a été constatée entre les enfants autochtones et non autochtones à l’âge de deux ans[7].

Dans certaines communautés racisées et autochtones, le manque de confiance envers le système de santé contribue à la réticence envers la vaccination[8][9]. Dans ce processus, il est essentiel de déterminer les facteurs responsables de la réticence envers la vaccination dans une communauté ou un groupe donné et les meilleurs moyens d’intervenir.

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a publié un document, intitulé Tailoring immunization programmes to reach underserved groups – the TIP approach[1] , qui peut être particulièrement utile aux provinces et aux territoires. L’application des conseils qui y sont dispensés a considérablement accru les taux de vaccination dans divers sous-groupes européens; il s’agit de les adapter au contexte canadien[10][11]. La première étape essentielle de ce programme consiste à définir les sous-groupes sous-vaccinés au Canada. Le meilleur moyen d’y parvenir consiste à créer des bases de données électroniques consultables sur la vaccination dans les provinces et les territoires[12]). Dans une clinique ou un cabinet doté de dossiers médicaux électroniques, il est possible de signaler les patients sous-vaccinés, de même que de nombreux autres facteurs sous-jacents déterminés par les dispensateurs de soins (DdS). Un sondage créé aux États-Unis pour repérer les parents réticents envers la vaccination[13] pourrait également être adapté aux contextes canadiens et utilisé dans les cliniques.

2. Enseigner les pratiques exemplaires à tous les dispensateurs de soins qui participent à la vaccination

Des études réalisées dans divers pays démontrent encore et encore que les convictions des DdS au sujet de la vaccination exercent une forte influence sur l’acceptation des vaccins par les patients[10]-[12] Plus les DdS font confiance à l’innocuité et à l’efficacité des vaccins, plus les parents qui les consultent partagent ces convictions. De plus, les parents qui font confiance aux DdS ont plus tendance à se fier à leurs conseils sur la nécessité de la vaccination. La méfiance des DdS a nui aux intentions de se faire vacciner contre la COVID-19, en grande partie à cause de l’inquiétude accrue qu’elle a suscitée envers la vaccination[17]. Le dossier de vaccination des DdS tend à se refléter dans celui de leurs patients. Ainsi, non seulement les perceptions et les convictions des DdS ont-elles une incidence sur les décisions des parents envers la vaccination, mais leurs attitudes et leurs comportements auprès des familles peuvent également contribuer aux inquiétudes des parents envers la vaccination ou à leur acceptation des vaccins[18]. Des études réalisées après la pandémie de COVID-19 ont porté sur les effets des positions divergentes à l’égard de la vaccination contre la COVID-19 sur les équipes soignantes, les patients et les familles et font ressortir encore davantage le risque d’éroder la confiance envers la vaccination[19].

Afin d’obtenir des résultats optimaux, tous les DdS doivent transmettre de l’information uniforme et exacte aux parents au sujet de l’innocuité et des bienfaits des vaccins, sur un ton respectueux et positif. Il est essentiel que la position personnelle d’un DdS envers un vaccin donné n’influence pas leur présentation de l’information scientifique, de l’efficacité et de l’innocuité des vaccins aux familles[5][20]. Pour assurer une continuité, les programmes de vaccination, les cliniques et les cabinets doivent s’assurer que tous les DdS qui leur sont associés maintiennent leur statut vaccinal à jour et sont formés pour transmettre l’information de manière exacte et positive. C’est important, parce que selon les études, certains DdS sont eux-mêmes réticents envers la vaccination[21]. Tous les DdS doivent posséder de bonnes connaissances sur les bienfaits des vaccins et les enjeux d’innocuité qui s’y rapportent. Ceux qui les administrent directement doivent également pouvoir parler des pratiques exemplaires, des risques particuliers et graves des maladies évitables par la vaccination, des effets secondaires possibles des vaccins, des systèmes de surveillance sur les effets indésirables au Canada, de l’importance d’un langage clair, de la formulation (privilégier les approches axées sur la présomption plutôt que sur la participation) et des techniques d’entrevue motivationnelle ainsi que des stratégies pour soulager la douleur[4][5][22]-[24]. Puisque les DdS subissent de nombreuses pressions pour se tenir informés dans divers domaines de pratique, les mises à jour sur la vaccination doivent être courtes, attrayantes et facilement accessibles.

3. Faire appel à des stratégies fondées sur des données probantes pour accroître les taux de vaccination

Parmi les stratégies dont l’efficacité est démontrée pour accroître les taux de vaccination, soulignons les suivantes :

  • Viser les sous-groupes sous-vaccinés pour leur offrir des interventions adaptées[1][2][5][26].
  • Offrir des services de vaccination plus pratiques et plus accessibles (p. ex., emplacement et heures qui répondent mieux aux besoins des patients). L’accès au vaccin antigrippal et au vaccin contre la COVID-19 saisonniers a augmenté dans plusieurs régions sociosanitaires depuis qu’il est administré dans les pharmacies[27].
  • Faire participer les leaders communautaires à la promotion de la vaccination, y compris (dans des situations particulières) les leaders religieux dans les communautés où le taux de réticence envers la vaccination est élevé[1].
  • Envoyer des rappels aux patients par textage, par courriel ou par la poste, selon le cas. Ces rappels doivent être intégrés aux pratiques des cabinets, là où les médecins administrent la plupart des vaccins systématiques, et aux cliniques de santé publique, là où les infirmières de la santé publique en sont responsables[28].
  • Il serait utile de s’assurer de l’uniformité de l’information partout au Canada, particulièrement à l’égard des bienfaits et des risques liés à la vaccination[29]. L’information contradictoire en provenance de diverses régions sociosanitaires peut susciter la confusion chez les parents et les DdS.
  • Promouvoir et utiliser des stratégies pour limiter la douleur causée par la vaccination[24].
  • Il serait bon d’envisager des mandats ou des mesures incitatives à l’égard de la vaccination. Ils ont été utilisés dans diverses régions sociosanitaires du Canada et d’ailleurs, mais leur intérêt et leur efficacité ne sont pas toujours évidents[30], particulièremement dans les communautés où les DdS ont trahi leur confiance par le passé. 
  • Il est fondamental d’instaurer un climat de confiance entre le programme de vaccination et la communauté, afin d’atténuer les crises de confiance envers les vaccins dans la communauté[31]. La participation d’un membre de l’équipe soignante qui fait partie d’une minorité visible peut contribuer à favoriser la confiance. 

4. Informer les enfants, les adolescents et les adultes de l’importance de la vaccination pour la santé

L’acquisition de connaissances sur l’immunisation est un facteur reconnu pour accroître les taux de vaccination[25]-[26], mais les connaissances seules ne suffisent pas. La transmission de convictions positives au sujet de la vaccination aux particuliers et à la communauté contribue de manière importante aux taux de vaccination. Il peut être utile de viser le cœur et l’esprit et de souligner que l’acceptation vaccinale est une norme sociale, mais il faut faire plus[32]. Il est toutefois possible de concevoir des campagnes de communication efficaces, même auprès des groupes difficiles à joindre, comme on l’a démontré en Australie[33]. Lors de la création de campagnes, il faut comprendre que divers sous-groupes de la population peuvent interpréter très différemment le même message[34]. Dans toute campagne, un élément fondamental consiste à en évaluer les répercussions et à rajuster le tir, au besoin[31]. Il faut mettre à l’essai les messages et les outils sélectionnés pour s’assurer de leur efficacité et de leur capacité à réduire la réticence dans le groupe visé. Entre les régions sociosanitaires, la transmission des « leçons apprises » et des outils et ressources dont l’efficacité est démontrée peut représenter un excellent investissement en temps et en argent. Le partage des ressources devient particulièrement pertinent lorsque les messages visent des sous-groupes non dominants (p. ex., jeunes des régions rurales ou éloignées ou des quartiers pauvres vulnérables ou groupe religieux précis). Il existe des conseils reposant sur des données probantes pour répondre aux détracteurs de la vaccination qui défendent haut et fort leurs convictions lors de séances publiques[35]. L’intégration de l’information sur la vaccination au programme scolaire peut aider à façonner les convictions et l’acceptation des élèves au sujet des vaccins et avoir des avantages semblables à ceux des programmes scolaires sur les enjeux environnementaux, l’intimidation et la défense des données scientifiques[1]. L’Ontario a inclus l’information sur les vaccins aux enfants et aux adolescents dans son plan de modernisation Immunisation 2020. Les données probantes s’accumulent pour démontrer qu’en faisant ressortir le consensus des chercheurs en médecine à l’égard de l’efficacité et de l’innocuité des vaccins, on peut accroître le soutien des vaccins par le public[36]. Le fait de court-circuiter les détracteurs de la vaccination en mettant en évidence les allégations fallacieuses et les tactiques qu’ils utilisent ainsi qu’en réfutant leurs contre-arguments potentiels s’est révélé bénéfique pour immuniser le public contre la rhétorique des climatosceptiques[37]. Le même principe pourrait s’appliquer aux « vaccinosceptiques ».

5. Travailler en collaboration

Pour répondre aux besoins de certains programmes de vaccination provinciaux et territoriaux, il est préférable de collaborer avec le gouvernement fédéral[5] ou avec des organismes non gouvernementaux de pointe, tels que la Société canadienne de pédiatrie ou l’Association canadienne de santé publique. La collaboration avec des chefs communautaires respectés peut également élargir le soutien de la communauté envers la vaccination et accroître les taux de vaccination[1]. Selon une analyse sur les principales religions mondiales, la plupart des doctrines préconisent les soins à autrui, la préservation de la vie et les responsabilités communautaires. Seul le mouvement religieux la Science chrétienne interdit expressément la vaccination, et même ce principe n’est pas rigide[38]. Il faut non seulement faire savoir aux concepteurs des programmes de vaccination et aux DdS de première ligne que de nombreuses doctrines appuient la vaccination, mais également en tirer profit. Lorsque des objections sont soulevées au sujet d’un vaccin dans une localité, des mesures de collaboration entre une communauté culturelle ou religieuse et les DdS qui s’y rattachent peuvent contribuer à contrer le problème[39][40]. Les leaders religieux qui s’associent aux autorités sanitaires pendant une éclosion peuvent avoir un effet puissant et ont d’ailleurs contribué à une augmentation significative de l’acceptation des vaccins dans certaines communautés[40].

En résumé, pour contrer la réticence envers la vaccination au sein des programmes de vaccination provinciaux et territoriaux, des cliniques ou des cabinets, il faut de la planification et la participation de multiples intervenants. La collaboration, une communication adaptée, l’évaluation des résultats cliniques et le partage des leçons acquises sont essentiels pour améliorer les taux de vaccination au Canada.

Remerciements

Le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie a révisé le présent point de pratique.


COMITÉ DES MALADIES INFECTIEUSES ET D’IMMUNISATION DE LA SCP (2018)

Membres : Natalie A. Bridger MD; Shalini Desai MD; Ruth Grimes MD (représentante du conseil); Timothy Mailman MD; Joan L. Robinson MD (présidente); Otto G. Vanderkooi MD

Représentants : Upton D. Allen MBBS, Groupe de recherche canadien pour le sida chez les enfants; Tobey Audcent MD, Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages, Agence de la santé publique du Canada; Carrie Byington MD, comité des maladies infectieuses, American Academy of Pediatrics; Fahamie Koudra MD, Le Collège des médecins de famille du Canada; Rhonda Kropp B. Sc, inf. MHP, Agence de la santé publique du Canada; Nicole Le Saux MD, Programme canadien de surveillance active de l’immunisation (IMPACT); Jane McDonald MD, Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada; Dorothy L. Moore MD, Comité consultatif national de l’immunisation

Conseillère : Noni E. MacDonald MD

Auteures principales : Noni E. MacDonald MD, Ève Dubé, Ph. D.

Mise à jour par : Michelle Barton MD, Cora Constantinescu MD, Dorothy L. Moore MD


Références

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  2. Centre de recherche de l’UNICEF, 2013. Le bien-être des enfants dans les pays riches – Vue d’ensemble comparative. Bilan Innocenti 11. Centre de recherche de l’UNICEF, Florence. www.unicef-irc.org/publications/pdf/rc11_fre.pdf (consulté le 17 août 2017)
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  4. MacDonald NE, Desai S, Gerstein B. Société canadienne de pédiatrie, comité des maladies infectieuses et d’immunisation. Les parents qui hésitent à faire vacciner leurs enfants : une mise à jour.
  5. MacDonald NE, Law BJ, Société canadienne de pédiatrie, comité des maladies infectieuses et d’immunisation. Le système d’innocuité vaccinale en huit étapes : des notions pour les travailleurs de la santé. Paediatr Child Health 2017;22(4):236, e17.20.(résumé) https://cps.ca/fr/documents/position/systeme-innocuite-vaccinale
  6. Gouvernement du Canada. Faits saillants de l’Enquête nationale sur la couverture vaccinale des enfants (ENCVE) de 2021. Date de modification : 2023-06-20. https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/immunisation-vaccins/couvertures-vaccinales/2021-faits-saillants-enquete-nationale-couverture-vaccinale-enfants.html (consulté le 25 mars 2024).
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Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.

Mise à jour : le 7 octobre 2024