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La prise en charge du croup à la salle d’urgence

Affichage : le 24 mai 2017


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Auteur(s) principal(aux)

Oliva Ortiz-Alvarez, Société canadienne de pédiatrie, Comité des soins aigus

Paediatr Child Health 22 (3): 170-173.

Résumé

Le croup est l’une des principales causes d’obstruction des voies respiratoires supérieures chez les jeunes enfants. Il se carac térise par l’apparition subite d’une toux aboyante, d’une raucité de la voix, d’un stridor inspiratoire et d’une détresse respiratoire attribuables à une inflammation des voies respiratoires supérieures découlant d’une infection virale. Selon les lignes directrices publiées sur le diagnostic et le traitement du croup, les stéroïdes devraient être le pilier du traitement de tous les enfants qui consultent à la salle d’urgence (SU) et présentent des symptômes du croup. La dexaméthasone, administrée par voie orale en dose unique de 0,6 mg/kg, est hautement efficace pour traiter les symptômes du croup. Malgré les données probantes qui appuient l’utilisation des stéroïdes comme pierre angulaire du traitement du croup, on constate d’importantes variations thérapeutiques chez les médecins qui traitent le croup à la SU. Le présent point de pratique porte sur la prise en charge du croup classique à la SU, en fonction des données probantes.

Mots-clés : Corticosteroids, Croup, Dexamethasone, Epinephrine, Heliox

HISTORIQUE ET ÉPIDÉMIOLOGIE

La plupart des enfants atteints du croup ont des symptômes légers et de courte durée; moins de 1 % des cas présentent des symptômes graves [1][2]. Cependant, le croup est responsable d’un taux important de consultations à la salle d’urgence (SU) et d’hospitalisations au Canada. D’ailleurs, selon une étude de population réalisée en Alberta, de 3,2 % à 5,1 % de toutes les consultations à la SU par des enfants de moins de deux ans étaient liées au croup [3]. Moins de 6 % des enfants qui consultent à la SU à cause de symptômes du croup doivent être hospitalisés, en général pour de courts séjours [3]. L’intubation trachéale est rare (de 0,4 % à 1,4 % des cas hospitalisés) et les décès, exceptionnels (0,5 % des cas intubés) [4]. On constate une importante variation du traitement du croup en milieu clinique. Les enfants atteints du croup sont moins susceptibles de recevoir des stéroïdes dans les petits centres que dans les grands centres canadiens, tandis que le recours aux antibiotiques et aux bêta-agonistes (rarement indiqués pour les soins des enfants atteints du croup) y est plus fréquent [5][6].

L’ÉTIOLOGIE ET LA PHYSIOPATHOLOGIE

Le croup est causé par des infections virales des voies respiratoires, généralement par des virus para-influenza de types 1 et 3. D’autres virus peuvent également en être responsables, tels que l’influenza A et B, l’adénovirus, le virus respiratoire syncytial et le métapneumovirus [7]. Ces infections sont respon sables d’une inflammation généralisée des voies respiratoires et d’un œdème de la muqueuse des voies respiratoires supérieures. La région sous-glottique se rétrécit, ce qui provoque une obstruction des voies respiratoires supérieures et les symptômes habituellement reliés au croup.

LA PRÉSENTATION CLINIQUE

Les symptômes classiques du croup se manifestent rapidement, sous forme de toux aboyante, de stridor inspiratoire, de raucité de la voix et de détresse respiratoire. En général, les symptômes non spécifiques de maladie des voies respiratoires supérieures précèdent les symptômes habituels du croup, qui ont souvent tendance à s’aggraver pendant la nuit. La forme classique du croup touche habituellement les enfants de six mois à trois ans. Les symptômes sont de courte durée: ils disparaissent habituellement au bout de trois à sept jours. Chez 60 % des patients, la toux aboyante disparaît au bout de 48 heures [1]. Dans moins de 5 % des cas, les symptômes peuvent durer plus de cinq nuits, et moins de 5 % des enfants présentent plus d’un épisode. Au Canada, la saison du croup atteint son apogée pendant l’automne et l’hiver [3][8][9].

LE DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Les enfants atteints du croup avant l’âge de six mois ou dont les symptômes sont récurrents, prolongés ou inhabituellement graves doivent subir une évaluation plus approfondie pour exclure un rétrécissement congénital ou acquis des voies respiratoires [1]. Les symptômes du croup, associés à de la fièvre, peuvent se prolonger en raison d’une infection bactérienne secondaire [1]. Moins de 1 % des enfants atteints du croup présentent des symptômes graves ou au potentiel fatal [1][2], mais plusieurs autres affections au potentiel fatal s’associent à un stridor. L’aspect toxique, la sialorrhée et la dysphagie sont d’importants indicateurs d’affections plus graves (tableau 1).

Tableau 1.
Le diagnostic différentiel
Affection Caractéristiques
Trachéite bactérienne Forte fièvre, aspect toxique et réponse médiocre à l’adrénaline nébulisée
Abcès rétropharyngé, parapharyngé ou péri-amygdalien Forte fièvre, douleur cervicale, maux de gorge et dysphagie, suivis d’un torticolis, de sialorrhée, d’une détresse respiratoire et d’un stridor
Épiglottite Absence de toux aboyante, apparition soudaine d’une forte fièvre, dysphagie, sialorrhée, aspect toxique et anxieux et tendance à s’asseoir en position de « reniflement »
Inhalation ou ingestion d’un corps étranger Toux aboyante, épisode de suffocation, respiration sifflante, raucité de la voix, stridor biphasique, dyspnée et diminution de l’entrée d’air
Réaction allergique aiguë (anaphylaxie ou œdème de Quincke) Apparition rapide de dysphagie, de respiration sifflante, de stridor et de possibles signes cutanés d’allergie, tels qu’une éruption urticarienne
Traduit et adapté de Bjornson et Johnson [9]

LE TRAITEMENT

La gravité de la détresse respiratoire de l’enfant à l’arrivée à la SU devrait orienter la prise en charge (tableau 2). Les scores cliniques utilisés dans les projets de recherche n’améliorent pas les soins cliniques [10][11]. La plupart des cliniciens qualifient la détresse respiratoire de légère, modérée ou grave ou d’insuffisance respiratoire imminente. À; l’aide de cette classification et par consensus, des experts ont produit un algorithme pour la prise en charge ambulatoire des enfants atteints du croup [12]. Les enfants qui présentent une grave détresse ou une insuffisance respiratoire imminente et dont la réponse clinique au traitement initial est médiocre ou n’est pas soutenue devraient être dirigés vers les soins intensifs pédia triques ou les services d’anesthésie afin de recevoir des soins avancés.

Tableau 2.
Gravité du croup
Caractéristique Léger Modéré Grave Insuffisance respiratoire imminente
Toux aboyante Occasionnelle Fréquente Fréquente Souvent peu importante en raison de la fatigue
Stridor Aucun ou minime au repos Facilement audible au repos Important à l’inspiration et occasionnel à l’expiration Audible au repos, mais peut être inaudible ou très discret
Tirage sus-sternal ou intercostal Aucun ou léger Visible au repos Marqué ou grave Peut ne pas être marqué
Détresse, agitation ou léthargie
(hypoxie du SNC)
Aucune Aucune ou limitée Possibilité de léthargie marquée Léthargie ou diminution du niveau de conscience
Cyanose Aucune Aucune Aucune Aspect cendré ou cyanosé sans oxygène d’appoint

SNC Système nerveux central

Traduit et adapté de Bhornson et Johnson [1]

Dans l’ensemble, les recommandations sur le traitement du croup se tradui sent par les mesures présentées ci-dessous (figure 1)

Les soins généraux

Il faut prendre des mesures pour assurer le confort des enfants. Les dispensateurs de soins doivent également s’efforcer de ne pas les effrayer pendant l’évalua tion et le traitement. Aucune donnée ne soutient l’utilisation de l’air humidifié pour le traitement du croup [13]. Les tentes à oxygène pour fournir de l’humi dité séparent les enfants des personnes qui s’occupent d’eux et peuvent disperser des champignons. Elle ne sont donc pas recommandées [13]. Par ailleurs, les antipyrétiques sont efficaces pour réduire la fièvre et les malaises.

Les corticoïdes

Les bienfaits cliniques des corticoïdes sont bien établis pour traiter le croup [2][14]-[16]. Il faut les envisager auprès de tous les enfants atteints du croup et de symptômes légers à graves. En général, l’état des enfants s’améliore dans les deux à trois heures suivant une seule dose de dexamé thasone par voie orale et se maintient pendant 24 à 48 heures [2][15][16]. Dans une récente analyse Cochrane, les chercheurs ont examiné les résultats de 38 essais aléatoires et contrôlés (n=4 299) qui associaient la prise de corticoïdes à une amélioration clinique, mesurée d’après le score du croup de Westley au bout de six, 12 et 24 heures [14]. La dexaméthasone était le corticoïde évalué dans la plupart de ces essais cliniques (31 sur 38). Deux études ont comparé la prise de dexamé thasone par voie orale à celle de prednisolone par voie orale. Dans l’une, la dexaméthasone était considérée comme supérieure et dans l’autre, les deux médicaments étaient tout aussi efficaces [14].

L’administration de corticoïdes par voie orale ou intramusculaire est aussi efficace que sous forme nébulisée ou lui est supérieure [1][14]. L’ajout de budésonide inhalé à la dexaméthasone par voie orale n’apporte pas d’avantages supplémentaires aux enfants hospitalisés à cause du croup [17]. D’un point de vue pratique, la déxaméthasone par voie orale cause moins de vomissements [14]. La voie orale est favorisée. Lorsque l’enfant atteint de croup présente des vomissements persistants ou une détresse respiratoire importante, la voie intramusculaire peut être indiquée [1]. Dans la plupart des essais cliniques, on utilise 0,6 mg/kg/dose de dexaméthasone [14]. Les études qui font appel à des doses de 0,15 mg/kg à 0,3 mg/kg n’établissent pas clairement si ces doses plus petites sont tout aussi efficaces [18]. D’après une méta-analyse de six études, une dose plus élevée pourrait être plus bénéfique chez les enfants atteints d’une maladie grave [15].

Dans l’ensemble, les enfants qui reçoivent des corticoïdes demandent moins de nouvelles consultations et sont moins hospitalisés. La moitié des enfants atteints d’un croup léger qui prennent des corticoïdes sont peu susceptibles de recevoir d’autres soins médicaux à cause de symptômes persistants. Ils dorment mieux, et leurs parents signalent une diminution du stress [2]. Chez les enfants atteints d’un croup modéré à grave qui prennent des corticoïdes, on a décrit une diminution moyenne du séjour à la SU ou à l’hôpital de 12 heures. Les besoins d’adrénaline nébulisée diminuaient de 10 % et le taux de nouvelles consultations ou d’hospitalisation, de 50 % [14]. Aucun événement indésirable ne s’associait à une seule dose de corticoïde pour traiter le croup.

L’adrénaline

L’adrénaline nébulisée est recommandée pour un croup modéré à grave. Les rapports sur l’administration d’adrénaline aux enfants atteints d’un croup grave ont démontré que peu de cas ont besoin d’être intubés ou de subir une trachéotomie [19]. Par rapport à un placebo, l’adrénaline nébulisée réduisait les signes de détresse respiratoire dans les dix à 30 minutes suivant le début du traitement. Son effet clinique se maintenait pendant au moins une heure, mais avait disparu au bout de deux heures [19]. Un premier essai prospectif a évalué le caractère sécuritaire du congé après le traitement de patients ambulatoires à l’aide d’une combinaison de dexaméthasone et d’adrénaline nébulisée. Cet essai incluait une période d’observation de deux à quatre heures et concluait à l’innocuité de cette mesure [20]. Aucune réaction indésirable n’a été signalée. Ces résultats, de même que les données de deux études de cohorte rétrospectives, corroborent de toute évidence le caractère sécuritaire du congé des enfants, pourvu que les symptômes de croup ne récidivent pas de deux à quatre heures après le traitement [1][21][22].

L’adrénaline racémique a longtemps été utilisée pour traiter les enfants atteints du croup. Ce type d’adrénaline n’est toutefois pas facile à obtenir au Canada. Cependant, un essai aléatoire et contrôlé a démontré que la L-adrénaline 1:1 000 nébulisée est sécuritaire et tout aussi efficace. Des doses équivalentes de 0,5 mL d’adrénaline racémique ou de 5 mL de L-adrénaline 1:1 000 sont tout aussi efficaces. Ces doses standards peuvent être utilisées pour tous les patients, quels que soient leur âge et leur poids [23].

L’héliox

L’héliox, un mélange d’hélium et d’oxygène, peut réduire la détresse respiratoire chez les enfants atteints d’un croup grave. On peut expliquer son mécanisme d’action par le fait que la densité plus faible de l’hélium réduit la turbulence de la circulation d’air dans les voies respiratoires rétrécies. L’héliox est parfois utilisé dans les cas graves pour éviter l’intubation. Il ne soulage pas les symptômes du croup davantage que les traitements standards et n’est donc pas recommandé systématiquement [24].

Les autres traitements

Il est rarement indiqué d’utiliser des antibiotiques et des bronchodilatateurs béta2-agonistes de courte durée d’action chez les enfants atteints d’un croup classique, à cause de la faible incidence d’infection bactérienne (moins de un cas sur 1000) et pour des raisons physiologiques. Lorsque les symptômes du croup demeurent graves malgré le traitement, il est indiqué de consulter en otorhinolaryngologie (ORL) pour évaluer les voies respiratoires. Il est recommandé d’orienter les patients vers une consultation ambulatoire en ORL lorsqu’ils ont plusieurs épisodes de croup ou qu’ils ne font pas partie du groupe d’âge habituel du croup classique (figure 1).

Algorithme pour la prise en charge ambulatoire du croup chez les enfants, selon le niveau de gravité

Traduit et adapté de la référence 12

Remerciements

Le comité de la pédiatrie communautaire, le comité des maladies infectieuses et d’immunisation et le comité directeur de la section de la médecine d’urgence pédiatrique de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent document de principes.


COMITÉ DES SOINS AIGUS DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE

Membres : Carolyn Beck MD, Laurel Chauvin-Kimoff MD (présidente), Isabelle Chevalier MD (représentante du conseil), Catherine Farrell MD (membre sortante), Jeremy Friedman MD (membre sortant), Kristina Krmpotic MD, Kyle McKenzie MD, Oliva Ortiz-Alvarez MD, Evelyne D Trottier MD

Représentants : Dominic Allain MD, section de la pédiatrie d’urgence de la SCP; Niraj Mistry MD, section de la pédiatrie hospitalière de la SCP

Auteure principale : Oliva Ortiz-Alvarez MD


Références

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  2. Bjornson CL, Klassen TP, Williamson J et coll.; Pediatric Emergency Research Canada Network. A randomized trial of a single dose of oral dexamethasone for mild croup. N Engl J Med 2004;351(13):1306-13.
  3. Rosychuk RJ, Klassen TP, Metes D, Voaklander DC, Senthilselvan A, Rowe BH. Croup presentations to emergency departments in Alberta, Canada: A large population-based study. Pediatr Pulmonol 2010;45(1):83-91.
  4. McEniery J, Gillis J, Kilham H, Benjamin B. Review of intubation in severe laryngotracheobronchitis. Pediatrics 1991;87(6):847-53.
  5. Hampers LC, Faries SG. Practice variation in the emergency management of croup. Pediatrics 2002;109(3):505-8.
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Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.

Mise à jour : le 7 décembre 2023