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La prise en charge des nourrissons de 90 jours ou moins, fiévreux mais dans un bon état général

Affichage : le 27 octobre 2023 | Mise à jour : le 31 octobre 2023


La Société canadienne de pédiatrie vous autorise à imprimer une copie unique de ce document tiré de notre site Web. Pour obtenir l'autorisation d'en réimprimer ou d'en reproduire des copies multiples, lisez notre politique sur les droits d'auteur, à l'adresse www.cps.ca/fr/policies-politiques/droits-auteur.

Auteur(s) principal(aux)

Brett Burstein MDCM, Ph. D., MSP; Marie-Pier Lirette MBChB; Carolyn Beck MD; Laurel Chauvin-Kimoff MD; Kevin Chan MD, MSP, Comité des soins aigus

Paediatr Child Health 29(1):58–66.

Résumé

On constate des pratiques très variées en matière d’évaluation et de prise en charge des jeunes nourrissons fiévreux. Bien que la plupart des jeunes nourrissons fiévreux mais dans un bon état général soient atteints d’une maladie virale, il est essentiel de détecter ceux qui sont à risque de présenter des infections bactériennes invasives, notamment une bactériémie et une méningite bactérienne. Le présent document de principes porte sur les nourrissons de 90 jours ou moins dont la température rectale est de 38,0 oC ou plus, mais qui semblent être dans un bon état général. Il est conseillé d’appliquer les récents critères de stratification du risque pour orienter la prise en charge, ainsi que d’intégrer la procalcitonine à l’évaluation diagnostique. Les décisions sur la prise en charge des nourrissons qui satisfont aux critères de faible risque devraient refléter la probabilité d’une maladie, tenir compte de l’équilibre entre les risques et les préjudices potentiels et faire participer les parents ou les proches aux décisions lorsque diverses options sont possibles. La prise en charge optimale peut également dépendre de considérations pragmatiques, telles que l’accès à des examens diagnostiques, à des unités d’observation, à des soins tertiaires et à un suivi. Des éléments particuliers, tels que la mesure de la température, le risque d’infection invasive à Herpes simplex et la fièvre postvaccinale, sont également abordés.

Mots-clés : fièvre; infection bactérienne grave; infection bactérienne invasive; stratification du risque

Encadré 1. DÉFINITIONS [1]-[3]

  • La fièvre chez les nourrissons de 90 jours ou moins désigne une température rectale de 38,0 oC ou plus, mesurée à la maison ou en milieu clinique.
  • Les infections bactériennes graves (IBG) incluent les infections urinaires, la bactériémie et la méningite bactérienne.
  • Les infections bactériennes invasives (IBI) incluent la bactériémie et la méningite bactérienne.

CONTEXTE

Avant l’âge de trois mois, environ 2 % des nourrissons à terme et en santé sont emmenés en consultation médicale parce qu’ils font de la fièvre[1]-[4]. Même si la plupart de ces nourrissons sont atteints d’une affection virale autorésolutive, de 10 % à 13 % présentent une infection bactérienne grave (IBG)[5]. Les IBG comprennent l’infection urinaire, la bactériémie et la méningite bactérienne. La prévalence d’infections bactériennes invasives (IBI), plus précisément la bactériémie et la méningite bactérienne, est plus élevée dans le mois suivant la naissance, puis diminue avec l’âge[6][7]. Lors de l’évaluation des jeunes nourrissons fiévreux, les professionnels de la santé doivent soupeser les risques d’infection par rapport aux dangers d’effectuer trop d’examens et de prodiguer trop de traitements[8][9]. Aucune stratégie de prise en charge unique n’a été adoptée universellement, ce qui a entraîné de vastes variations des soins au Canada et ailleurs[5][10][11].

Les soins cliniques des nourrissons fiévreux de 90 jours ou moins ont fait l’objet de plusieurs initiatives d’amélioration de la qualité[12] et d’application des connaissances[13] à grande échelle. Plusieurs critères de stratification du risque permettent de détecter les nourrissons à faible risque d’IBG[14]-[16]. Cependant, les critères moins récents sont contradictoires et reposent tous sur des observations cliniques subjectives et des valeurs de laboratoire prédéterminées plutôt que sur des seuils dérivés de statistiques. Elles précèdent également l’utilisation généralisée des vaccins conjugués contre le pneumocoque et des vaccins contre l’Haemophilus influenzae de type b, de même que la prophylaxie intrapartum contre le streptocoque du groupe B[17][18], et n’incluent pas les nouveaux tests diagnostiques[19]-[21]. De plus, des stratégies moins récentes ont été créées pour dépister les IBG, qui sont des infections urinaires dans environ 80 % des cas[22][23], ce qui fausse les prédictions d’IBI. Les anciennes stratégies ne sont pas assez spécifiques pour dépister les IBI, si bien que des milliers de nourrissons sont soumis systématiquement à des prélèvements invasifs de liquide céphalorachidien (LCR), à des séjours hospitaliers prolongés et à une antibiothérapie à large spectre pour éviter de passer à côté de rares cas de méningite bactérienne[5].

Le dépistage des infections bactériennes invasives

Ces dernières décennies, la transition vers des résultats cliniques et vers la valeur des soins axés sur les patients a fait ressortir l’importance de limiter les tests et les traitements inutiles. Des recherches récentes ont porté sur la mise au point de règles de prédiction clinique dérivées des statistiques pour dépister les nourrissons courant un risque précis d’IBI plutôt que d’IBG. Plusieurs vastes études multicentriques ont dérivé et validé des approches pour dépister les nourrissons à faible risque qui peuvent être pris en charge sans ponction lombaire (PL), administration d’antibiotiques ni hospitalisation, notamment la règle de prédiction du Pediatric Emergency Care Applied Research Network (PECARN, ou réseau de recherche appliquée sur les soins d’urgence pédiatriques)[1], la méthode par paliers[2] et la règle Aronson[3] (tableau 1). Ces approches favorisent des biomarqueurs récents, tels que la procalcitonine et la protéine C-réactive, qui fonctionnent mieux que la numération absolue des neutrophiles et la numération leucocytaire pour prédire les IBI[19][21][24]. La procalcitonine est le biomarqueur des IBI le plus sensible et le plus spécifique, mais la disponibilité des tests et la période d’attente avant d’obtenir les résultats sont très variables[25][26]. C’est le test diagnostique de première intention, lorsqu’il est disponible, et les cliniciens devraient utiliser soit la règle de prédiction du PECARN, soit la méthode par paliers pour stratifier le risque. La règle Aronson ne fait pas appel à la procalcitonine, et c’est pourquoi il est raisonnable de maintenir un seuil plus bas pour effectuer une PL et procéder à une hospitalisation lors de son utilisation, même chez les nourrissons à faible risque[27].

Chez les nourrissons considérés comme à faible risque selon la règle Aronson, la méthode par paliers ou la règle de prédiction du PECARN, le risque d’IBI baisse à 0,6 % (IC à 95 %, 0,2 à 1,2), 0,7 % (IC à 95 %, 0,3 à 1,5) et 0 % (IC à 95 %, 0,0 à 0,8), respectivement. Puisque la bactériémie est environ quatre fois plus courante que la méningite bactérienne chez les nourrissons obtenant un diagnostic d’IBI[5][6], le nombre de patients à dépister par PL afin d’exclure un cas de méningite bactérienne chez les nourrissons à faible risque se situe entre 333 et 2 000 (Aronson), 267 et 1 333 (méthode par paliers) ou 500 et un nombre élevé non défini (PECARN).

Tableau 1. La stratification du risque chez les jeunes nourrissons fiévreux

Règle de prédiction du PECARN[1]

Faible risque si tous les critères sont observés :

  1. Analyse d’urine négative pour l’estérase leucocytaire, les nitrites et la pyurie (≤ 5 leucocytes par champ à fort grossissement)
  2. NAN ≤ 4 090/μL
  3. PCT ≤ 1,71 ng/mL

Validation interne

Sensibilité pour les IBI :

100 % (IC à 95 %, 77,2 à 100)

Spécificité pour les IBI :

60 % (IC à 95 %, 56,6 à 63,3)

VPN pour les IBI :

100 % (IC à 95 %, 99,2 à 100)

Méthode par paliers[2]

Faible risque si tous les critères sont observés :

  1. Bon état général
  2. 22 à 90 jours de vie
  3. Analyse d’urine négative pour les leucocytes
  4. PCT < 0,5 ng/mL
  5. PCR ≤ 20 mg/L et NAN ≤ 10 000/μL

Validation externe

Sensibilité pour les IBI :

92,0 % (IC à 95 %, 84,3 à 96,0)

Spécificité pour les IBI :

46,9 % (IC à 95 %, 44,8 à 49,0)

VPN pour les IBI :

99,3 % (IC à 95 %, 98,5 à 99,7)

Règle Aronson[3]

(lorsque la PCT n’est pas disponible)

Faible risque si ≤ 1 point :

  1. Âge <21 jours de vie (1 point)
  2. Température la plus élevée mesurée à l’urgence
    • 38 oC à 38,4 oC (2 points)
    • ≥38,5 oC (4 points)
  3. NAN ≥5 185/μL (2 points)
  4. Analyse d’urine positive (estérase leucocytaire, nitrites ou > 5 leucocytes par champ à fort grossissement; 3 points)

Validation externe (27)

Sensibilité pour les IBI :

93,1 % (IC à 95 %, 85,6 à 97,4)

Spécificité pour les IBI :

26,6 % (IC à 95 %, 25,3 à 28,0)

VPN pour les IBI :

99,4 % (IC à 95 %, 98,8 à 99,8)

IBI infection bactérienne invasive; NAN numération absolue des neutrophiles; PCR protéine C-réactive; PCT procalcitonine; PECARN Pediatric Emergency Care Applied Research Network (réseau de recherche appliquée sur les soins d’urgence pédiatriques); VPN valeur prédictive négative

D’après les meilleures données probantes et les avis d’experts à jour, ces lignes directrices se veulent pragmatiques et applicables par les cliniciens dans de multiples milieux (p. ex., urgence, clinique, milieu urbain, milieu rural), tout en convenant de l’existence de différences régionales quant à l’accès aux tests, aux unités d’observation internes, au suivi et aux soins tertiaires. Les recommandations visent les nourrissons de 90 jours de vie ou moins qui sont dans un bon état général et ont fait une fièvre démontrée, définie comme une température rectale de 38,0 C ou plus, mesurée par un proche ou un professionnel de la santé à la maison ou en milieu clinique[28][29]. Fait important, même s’ils sont d’abord dans un bon état général, la situation des jeunes nourrissons fiévreux peut se détériorer relativement rapidement, et les cliniciens devraient toujours garder la possibilité d’infection à l’esprit dans ce groupe d’âge.

D’ordinaire, les études sur les jeunes nourrissons fiévreux excluent ceux qui présentent des facteurs de risque généralement acceptés (tableau 2). Étant donné le peu de données probantes au sujet de ces facteurs de risque, des soins personnalisés et la prise en considération d’un traitement conservateur s’imposent. Les nourrissons qui ont l’air malade devraient être évalués immédiatement à l’aide d’un outil d’évaluation structuré (p. ex., le triangle d’évaluation pédiatrique[30] ou un outil semblable). Chez ces nourrissons, il est prioritaire de stabiliser les voies respiratoires, la respiration et la circulation. Dans tous ces cas, le clinicien doit obtenir une hémoculture et une uroculture et envisager de reporter la PL jusqu’à ce que l’état du nourrisson se soit stabilisé sur le plan hémodynamique. Il ne faut toutefois pas retarder l’antibiothérapie empirique.

Tableau 2. Les facteurs de risque généralement acceptés

  • Prématurité (âge gestationnel < 37 semaines)
  • Hospitalisation antérieure ou séjour prolongé du nouveau-né en pouponnière
  • Affections médicales chroniques, anomalie chromosomique, dépendance à une technologie
  • Immunodéficience confirmée ou présumée
  • Exposition récente à des antibiotiques
  • Toute infection bactérienne focale (p. ex., cellulite, omphalite, infection ostéoarticulaire)

 Les principes généraux

  • Les nourrissons fiévreux de 90 jours de vie ou moins devraient être pris en charge dans un milieu où il est possible de procéder aux évaluations et aux examens appropriés.
  • Tous les nourrissons fiévreux devraient être soumis à une anamnèse et un examen physique approfondis, y compris une évaluation des signes vitaux et la température rectale.
  • Tous les nourrissons fiévreux devraient être soumis à une analyse d’urine et à une uroculture (avec antibiogramme). Il est préférable de recueillir l’urine à l’aide d’un cathéter urinaire ou par aspiration sus-pubienne plutôt que dans une poche de recueil d’urine. Le prélèvement d’urine à mi-jet (clean catch) est une solution acceptable, qui peut toutefois être difficile à obtenir[31][32].
  • L’évaluation des marqueurs inflammatoires (procalcitonine ou protéine C-réactive) améliore énormément la stratification du risque, mais il ne faut pas s’y fier en elle-même[19]. Les cliniciens devraient plutôt combiner ces marqueurs avec d’autres critères cliniques (tableau 1).
  • Il ne faut pas retarder la PL en présence de signes neurologiques. Il est important d’entreprendre le dépistage et le traitement empiriques du virus Herpes simplex (VHS) (voir la rubrique sur ce virus). Les cliniciens doivent envisager le dépistage et le traitement antiviral du VHS chez les nourrissons recevant un traitement contre la méningite.
  • La numération cellulaire du LCR est plus précise que la protéinorachie et la glycorachie pour prédire une méningite bactérienne. Les nourrissons ayant une pléiocytose du LCR, définie par plus de 15 cellules/mm3 chez ceux de 28 jours ou moins et plus de 9 cellules/mm3 chez ceux de plus de 28 jours[33], doivent recevoir un traitement empirique contre une méningite présumée (tableau 3).
  • Les cliniciens doivent envisager une radiographie thoracique chez les nourrissons qui conservent des symptômes respiratoires marqués malgré une aspiration nasale (c’est-à-dire un travail respiratoire accru, une saturation en oxygène de 96 % ou moins[34]), particulièrement lorsque la bronchiolite n’est pas le diagnostic le plus probable.
  • Les nourrissons à haut risque devraient recevoir une antibiothérapie empirique (tableau 3). Des antimicrobiens au spectre plus étroit peuvent être administrés une fois obtenus les résultats de l’uroculture, de l’hémoculture et de la culture du LCR.
  • Chez les nourrissons à faible risque qui sont hospitalisés, sont bien sur le plan clinique et s’hydratent seuls, il est possible de mettre un terme à l’antibiothérapie et d’autoriser le congé lorsque les résultats de toutes les cultures bactériennes prélevées avant la prise d’antimicrobiens demeurent négatifs au bout de 24 à 36 heures (ou ne contiennent que des contaminants non pathogènes)[35]-[38]. La présence d’un autre virus respiratoire que le rhinovirus, confirmée en laboratoire, appuie la décision d’autoriser le congé au bout de 24 heures si les résultats des cultures bactériennes sont négatifs (voir la rubrique intitulée Les manifestations de maladies virales).
  • Il est recommandé de maintenir en observation les nourrissons à haut risque qui sont hospitalisés jusqu’à ce que les résultats des cultures bactériennes demeurent négatifs pendant 36 heures. Ceux-ci peuvent obtenir leur congé s’ils sont dans un bon état général et boivent assez pour se maintenir hydratés.
  • Les cliniciens devraient planifier un suivi auprès d’un professionnel de la santé dans les 24 à 48 heures chez les nourrissons qui ont obtenu leur congé directement de l’urgence ou d’une clinique ambulatoire et donner des conseils préventifs aux parents quant aux signes d’inquiétude clinique à surveiller et aux situations qui justifient des soins d’urgence.
  • Les décisions cliniques doivent refléter une combinaison d’éléments : les objectifs de soins établis par les médecins et les parents, la tolérance au risque, la gravité de la maladie, les probabilités de maladie et, parfois, des facteurs pragmatiques[39]. Les cliniciens devraient faire participer les parents aux décisions lorsque plusieurs options sont recommandées[40].

RECOMMANDATIONS EN FONCTION DE L’ÂGE

Les nourrissons de zéro à 28 jours de vie (voir la figure 1)

À cet âge, les nourrissons fiévreux sont plus vulnérables à une IBI. On estime que 3,0 % (IC à 95 %, 2,3 à 3,9) d’entre eux auront une bactériémie et 1,0 % (IC à 95 %, 0,4 à 2,1), une méningite bactérienne [6]. Ils devraient tous être soumis à des tests diagnostiques : hémogramme avec numération leucocytaire différentielle, marqueurs inflammatoires (protéine C-réactive ou procalcitonine), hémoculture (avec antibiogramme), analyse d’urine et uroculture (avec antibiogramme). La décision d’effectuer une PL pour l’analyse du LCR peut s’appuyer sur la stratification du risque (conformément au tableau 1), mais un résultat positif à l’hémoculture ou à l’uroculture devrait justifier une analyse du LCR au plus tôt. D’autres examens (p. ex., tests virologiques, radiographie thoracique, dosage de l’alanine aminotransférase) peuvent être envisagés selon la situation.

  • Les nourrissons qui satisfont aux critères de faible risque d’infection bactérienne invasive

    • La PL n’est pas nécessaire, mais peut dépendre de la stratégie de stratification du risque retenue, des considérations pratiques et des décisions communes.
    • Option 1 : Procéder à l’hospitalisation en vue du maintien en observation sans antibiothérapie empirique, OU
    • Option 2 : Effectuer une PL et procéder à l’hospitalisation lorsque la numération leucocytaire du LCR est normale; ajouter ou non une antibiothérapie empirique.
    • Administrer un traitement empirique contre une méningite bactérienne aux nourrissons ayant une pléiocytose du LCR (conformément au tableau 3).
    • Maintenir les nourrissons hospitalisés en observation jusqu’à l’obtention de résultats négatifs à toutes les cultures bactériennes sur une période de 36 heures OU de 24 heures en présence d’un autre virus que le rhinovirus confirmé en laboratoire (voir la rubrique intitulée Les manifestations de maladies virales ci-dessous).
  • Les nourrissons à haut risque d’infection bactérienne invasive

    • Effectuer une PL pour obtenir la numération des cellules du LCR, la protéinorachie, la glycorachie, la coloration de Gram et la culture bactérienne.
    • Entreprendre une antibiothérapie empirique avant l’obtention des résultats des tests (conformément au tableau 3).
    • Hospitaliser ces nourrissons et les surveiller de près sur une période d’au moins 36 heures en attendant les résultats des cultures.

Les nourrissons de 29 à 60 jours de vie (voir la figure 2)

Les nourrissons fiévreux de cet âge courent un risque d’IBI plus faible que les nouveau-nés. On estime que 1,6 % (IC à 95 %, 0,9 à 2,7) d’entre eux contracteront une bactériémie et 0,4 % (IC à 95 %, 0,2 à 1,0), une méningite bactérienne [6]. Tous les nourrissons fiévreux de cet âge devraient être soumis à des tests diagnostiques : hémogramme avec numération leucocytaire différentielle, marqueurs inflammatoires (protéine C-réactive ou procalcitonine), hémoculture (avec antibiogramme), analyse d’urine et uroculture (avec antibiogramme). D’autres examens (p. ex., tests virologiques, radiographie thoracique, dosage de l’alanine aminotransférase) peuvent être envisagés selon la situation.

  • Les nourrissons qui satisfont aux critères de faible risque d’infection bactérienne invasive

    • Il n’est pas nécessaire d’effectuer une PL, mais si elle est exécutée et qu’elle révèle une pléiocytose du LCR, procéder à l’hospitalisation et au traitement contre une méningite présumée.
    • Considérer comme à faible risque d’IBI les nourrissons dont les marqueurs inflammatoires sont normaux, même si les résultats de l’analyse d’urine sont positifs. En lui-même, un tel résultat n’est plus considéré comme indicateur d’un fort risque d’IBI (voir la rubrique intitulée Les infections urinaires présumées ci-dessous pour en savoir plus).
    • Administrer un traitement empirique d’antibiotiques par voie orale ou intraveineuse aux nourrissons dont les résultats de l’analyse d’urine sont positifs et dont les marqueurs inflammatoires sont normaux (conformément au tableau 3).
    • Option 1 : Autoriser le congé à domicile et organiser un suivi auprès d’un professionnel de la santé dans les 24 à 48 heures, OU
    • Option 2 : Procéder à l’hospitalisation en vue du maintien en observation jusqu’à ce que les résultats des cultures bactériennes soient négatifs sur une période de 24 heures.
  • Les nourrissons à haut risque d’infection bactérienne invasive

    • Considérer les nourrissons dont les marqueurs inflammatoires sont anormaux (conformément au tableau 1) comme à haut risque d’IBI.

    • Effectuer une PL pour obtenir la numération des cellules du LCR, la protéinorachie, la glycorachie et la culture bactérienne (avec antibiogramme).
    • Entreprendre l’administration empirique d’antimicrobiens (conformément au tableau 3).
    • Procéder à l’hospitalisation et au maintien en observation jusqu’à ce que toutes les cultures bactériennes demeurent négatives sur une période de 36 heures.

Les nourrissons de 61 à 90 jours de vie

Dans ce groupe d’âge, les estimations de la prévalence d’IBI sont moins précises que chez les nourrissons plus jeunes, mais les cas de bactériémie sont établis à moins de 1,5 % et ceux de méningite bactérienne, à moins de 0,25 %[5]. Les tests diagnostiques devraient inclure au moins une analyse d’urine et une uroculture. Cependant, les cliniciens peuvent choisir d’effectuer des examens et de suivre la stratification du risque prévue pour les nourrissons de 29 à 60 jours de vie (figure 2). Dans un tel cas, les nourrissons qui satisfont aux critères de faible risque et ceux qui présentent une infection urinaire isolée n’ont pas besoin d’être hospitalisés s’ils sont bien sur le plan clinique et qu’il est possible de planifier un suivi dans les 24 à 48 heures. Le traitement des infections urinaires chez les nourrissons de ce groupe d’âge est exposé dans le document de principes de la Société canadienne de pédiatrie intitulé Le diagnostic et la prise en charge des infections urinaires chez les nourrissons et les enfants.[41].

Tableau 3. Les antibiotiques et les antiviraux empiriques pour les nourrissons de 35 semaines d’âge gestationnel ou plus

Âge postnatal

Traitement empirique

0 à 7 jours

75 mg/kg/dose d’ampicilline IV toutes les 6 h ET 4 mg/kg/dose de gentamicine ou de tobramycine IV toutes les 24 h

En cas de présomption de méningite, remplacer l’aminoglycoside par 50 mg/kg/dose de céfotaxime IV toutes les 6 h ou ajouter la céfotaxime dans cette même indication.

En présence de facteurs de risque de VHS, ajouter 20 mg/kg/dose d’acyclovir IV toutes les 8 h.

8 à 28 jours

75 mg/kg/dose d’ampicilline IV toutes les 6 h ET 5 mg/kg/dose de gentamicine ou de tobramycine IV toutes les 24 h.

En cas de présomption de méningite, remplacer l’aminoglycoside par 50 mg/kg/dose de céfotaxime IV toutes les 6 h ou ajouter la céfotaxime dans cette même indication.

En présence de facteurs de risque de VHS, ajouter 20 mg/kg/dose d’acyclovir IV toutes les 8 h.

29 à 60 jours

100 mg/kg/dose de ceftriaxone IV toutes les 24 heures

En cas de présomption de méningite, ajouter 15 mg/kg/dose de vancomycine IV toutes les 6 h.

En présence de facteurs de risque de VHS, ajouter 20 mg/kg/dose d’acyclovir IV toutes les 8 h.

*En cas de présomption d’infection urinaire chez un nourrisson à faible risque, envisager d’administrer 8 mg/kg/dose de céfixime PO toutes les 24 h.

61 à 90 jours

100 mg/kg/dose de ceftriaxone IV toutes les 24 heures

En cas de présomption de méningite, ajouter 15 mg/kg/dose de vancomycine IV toutes les 6 h.

*En cas de présomption d’infection urinaire chez un nourrisson à faible risque, envisager d’administrer 8 mg/kg/dose de céfixime PO toutes les 24 h.

IV par voie intraveineuse; PO per os (par la bouche); VHS virus Herpes simplex

Adapté de la référence 13

LES CONSIDÉRATIONS PARTICULIÈRES

La précision et le seuil des mesures de température

Les critères modernes de stratification du risque définissent tous la fièvre comme une température rectale de 38,0 C ou plus[1]-[3]. Bien que les nourrissons qui présentent des critères subjectifs ou tactiles de fièvre puissent être plus vulnérables à une IBG ou une IBI[42], la mesure de la température rectale demeure la norme de référence[28] dans ce groupe d’âge. Les mesures axillaires, orales et tympaniques sont trop imprécises pour établir la température centrale des nourrissons. Malgré une certaine association entre des températures plus élevées et le risque d’IBI[43[44], les deux tiers des nourrissons atteints d’IBI ont une température inférieure à 39,0 oC[44]. De plus, de nombreux nourrissons qui ont fait de la fièvre seulement avant la consultation ne courent pas nécessairement un risque d’IBI moindre que ceux qui sont fiévreux au moment de cette consultation[45][46]. Ainsi, une température rectale de 38,0 oC ou plus devrait déclencher d’autres examens. Les nourrissons qui font de l’hypothermie (une température inférieure à 36,0 oC) courent également un risque élevé d’infection et devraient être pris en charge comme s’ils faisaient de la fièvre[47][48].

Le virus Herpes simplex

L’infection par le VHS peut être limitée à la peau, aux yeux ou à la bouche ou se manifester sous forme d’encéphalite (atteinte du système nerveux central) ou d’infection disséminée. Par le passé, le dépistage et le traitement empirique du VHS étaient hautement variables[49]. La plus vaste étude jusqu’à présent auprès de nourrissons de 60 jours de vie ou moins qui étaient soumis à une évaluation de la méningite à l’urgence a révélé que l’infection par le VHS se déclarait à un âge médian de 14 jours de vie (plage de deux à 56 jours; écart interquartile de neuf à 24 jours), et que sa prévalence s’élevait à 0,42 % (IC à 95 %, 0,35 à 0,51)[49], semblable à celle de la méningite bactérienne. La même cohorte a fait l’objet d’une étude pour dériver le score de risque du VHS (tableau 4). Un score inférieur à trois points définit des nourrissons à faible risque (95,6 %; IC à 95 %, 84,9 à 99,5) d’infection herpétique du système nerveux central ou d’infection disséminée par le VHS[50]. Il est à souligner que la présence de transaminite chez le nourrisson et d’antécédents de VHS chez la mère n’a pas fait l’objet d’études, mais l’une ou l’autre de ces observations devrait soulever une crainte de VHS. Les nourrissons présumés comme à risque, que ce soit à cause d’un score de risque ou d’autres considérations cliniques, devraient être soumis à une PL pour dépister le VHS dans le LCR, recevoir un traitement empirique à l’acyclovir IV (tableau 3) et être pris en charge conformément au document de principes de la Société canadienne de pédiatrie intitulé La prévention et la prise en charge des infections par le virus herpès simplex[51].

Tableau 4. Score de risque de virus Herpes simplex invasif

Facteur

Point(s)

Âge

<14 jours

3

14 à 28 jours

2

>28 jours

0

Convulsions à la maison

2

Aspect malade*

2

Température anormale au triage (38,0 oC ou <36,4 oC)

1

Éruption vésiculaire

4

Thrombopénie (plaquettes <150 000/μL)

2

Pléiocytose du LCR (leucocytes >15/μL si ≤28 jours; >9/μL si >28 jours)

2

Prématurité (naissance <37 semaines d’âge gestationnel)

1

LCR liquide céphalorachidien

Adapté de la référence 50

* « Malade, détérioration marquée de l’état général, apparence d’état de choc », détérioration ou diminution de la fonction mentale, agitation, inconsolabilité, méningisme (signe de Kernig ou de Brudzinski ou raideur de la nuque), éruption pétéchiale, perfusion réduite, pouls faibles

Les infections urinaires présumées

Par le passé, on croyait que les infections urinaires chez les nourrissons de 90 jours de vie ou moins représentaient un risque de méningite bactérienne par propagation hématogène. Les définitions cliniques d’infection urinaire reposent sur les résultats des urocultures[52], qui ne sont pas disponibles à l’évaluation initiale. Ainsi, un diagnostic présumé d’infection urinaire au moment de l’évaluation initiale dépend des résultats de l’analyse d’urine (positifs à l’estérase leucocytaire, aux nitrites ou à la coloration de Gram ou révélateurs d’une pyurie, laquelle est définie comme >10 leucocytes/mm3 à l’hémocytomètre sur un prélèvement non centrifugé ou >5 leucocytes par champ à fort grossissement sur un prélèvement centrifugé)[53]. Les résultats de l’analyse d’urine présentent une haute sensibilité et une haute spécificité à l’égard des infections urinaires dans cette population[54].

Jusqu’à présent, toutes les règles publiées sur la stratification du risque classent les nourrissons dont les résultats de l’analyse d’urine sont positifs comme à haut risque, ce qui justifie l’analyse du LCR, une hospitalisation et l’administration empirique d’antibiotiques[55]. Cependant, une vaste méta-analyse a déterminé que, chez les nourrissons de 29 à 60 jours de vie qui sont dans un bon état général, la prévalence de méningite bactérienne n’était pas plus élevée lorsque les résultats de l’analyse d’urine étaient positifs (0,25 % à 0,44 %) que lorsqu’ils étaient négatifs (0,28 % à 0,50 %)[56]. Le groupe du PECARN a récemment indiqué qu’aucun cas de méningite bactérienne n’avait été observé chez 697 nourrissons de 29 à 60 jours de vie dont les résultats de l’analyse d’urine étaient positifs, mais que neuf cas de méningite l’avaient été chez les 4 153 nourrissons dont les résultats de l’analyse d’urine étaient négatifs (différence 0,2 % (IC à 95 %, -0,4 à -0,1 %))[57]. Ainsi, chez les nourrissons de 29 à 60 jours de vie, la décision d’effectuer une PL devrait être orientée par les marqueurs inflammatoires plutôt que par la seule analyse d’urine.

Les ponctions lombaires traumatiques

La PL est dite traumatique lors de l’introduction iatrogène de sang dans le prélèvement de LCR, ce qui complique l’interprétation de la numération cellulaire. Les PL traumatiques se produisent dans 20 % à 60 % des tentatives, selon l’expérience du professionnel qui l’exécute[58][59], et entraîne souvent une reprise de l’intervention, une hospitalisation prolongée et l’utilisation inutile d’antimicrobiens[58].

Il existe plusieurs méthodes de correction par ratio pour contribuer à l’interprétation de la numération leucocytaire dans le LCR en cas de PL traumatique. Dans une étude faisant appel à un ratio correctif déterminé par estimations statistiques qui soustrayait un leucocyte par 877 globules rouges dans les échantillons de LCR en cas de PL traumatique, il a été établi que cette méthode était supérieure à toutes les autres[60]. L’arrondissement du ratio correctif à 1 000:1 donnait des résultats semblables[60][61]. Ces études appuient l’utilisation d’un facteur de correction en présence d’échantillons de LCR traumatiques, afin de limiter les hospitalisations inutiles et le recours à des antibiotiques, particulièrement chez les nourrissons de 29 à 60 jours qui satisfont à d’autres critères de faible risque[60,][61]. La correction du LCR est à éviter lorsque les échantillons contiennent plus de 100 000 globules rouges/mm3[61].

Les manifestations de maladies virales

Les cliniciens intègrent souvent les connaissances sur les symptômes viraux à leurs décisions cliniques auprès des jeunes nourrissons fiévreux[62]. Les nourrissons atteints d’une infection virale confirmée en laboratoire sont à plus faible risque d’IBG que ceux chez qui aucun virus n’a été décelé[20][63]. Cependant, même en présence d’une infection virale confirmée, un risque non négligeable de bactériémie (0,8 %; IC à 95 %, 0,3 à 1,4) et de méningite bactérienne (0,4 %; IC à 95 %, 0,1 à 1,0) subsiste (20). De plus, les nourrissons de 90 jours de vie ou moins ayant une infection à rhinovirus confirmée par amplification en chaîne par polymérase sont plus susceptibles de souffrir d’une IBG que ceux qui sont atteints d’autres virus (7,8 % par rapport à 3,7 %)[64]. Le rhinovirus est également un virus respiratoire omniprésent, souvent accompagné d’une période d’excrétion prolongée et souvent asymptomatique[65]. Ainsi, même en présence de symptômes respiratoires ou d’agent pathogène viral démontré, l’évaluation diagnostique initiale devrait respecter les recommandations exposées ci-dessus en fonction de l’âge. Les cliniciens peuvent ensuite s’appuyer sur le diagnostic d’un virus donné (sauf le rhinovirus) pour orienter leurs décisions de prise en charge (telles que l’abstention ou l’arrêt des antibiotiques ou l’hospitalisation ou le congé de nourrissons autrement à faible risque).

La fièvre postvaccinale

Environ la moitié des nourrissons font de la fièvre après avoir reçu un vaccin systématique[66]. Ceux qui sont fiévreux dans les 24 heures suivant l’administration d’un vaccin sont à faible risque d’IBG (0,6 %; IC à 95 %, 0,0 à 1,9). Toutefois, le risque augmente lorsque la fièvre persiste plus de 24 heures (8,9 %; IC à 95 %, 1,5 à 16,4)[67]. Les marqueurs inflammatoires sont souvent élevés après la vaccination et sont donc peu susceptibles de contribuer à déterminer les nourrissons à risque[67]-[69]. Deux études auprès de nourrissons fiévreux récemment vaccinés ont révélé que toutes les IBG décelées étaient des infections urinaires et qu’il n’y avait aucun cas d’IBI[67][69]. Des tests urinaires sont recommandés pour les nourrissons dont la fièvre persiste plus de 24 heures après la vaccination.

Remerciements

Le comité d’étude du fœtus et du nouveau-né, le comité des maladies infectieuses et d’immunisation et le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent document de principes, de même que la section de la médecine d’urgence pédiatrique et la section de la pédiatrie hospitalière de la Société canadienne de pédiatrie et des membres de la section de la médecine d’urgence pédiatrique de l’Association canadienne des médecins d’urgence.


COMITÉ DES SOINS AIGUS DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE (2021-2022)

Membres : Carolyn Beck MD, Kevin Chan MD, MSP (président), Kimberly Dow MD (représentante du conseil), Karen Gripp MD (membre sortante), Marie-Pier Lirette MBChB (membre résidente), Jonathan Sniderman MD, Evelyne D. Trottier MD, Troy Turner MD

Représentants : Laurel Chauvin-Kimoff MD (ancienne présidente, 2012-2019), section de la médecine d’urgence pédiatrique de la SCP; Sidd Thakore MD, section de la pédiatrie hospitalière de la SCP

Auteurs principaux : Brett Burstein MDCM, Ph. D., MSP; Marie-Pier Lirette MBChB; Carolyn Beck MD; Laurel Chauvin-Kimoff MD; Kevin Chan MD, MSP


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Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.

Mise à jour : le 10 octobre 2024