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Les recommandations en vigueur pour la prise en charge de l’acidocétose diabétique pédiatrique

Affichage : le 5 décembre 2022


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Auteur(s) principal(aux)

Karen E. Gripp, Evelyne D. Trottier, Sidd Thakore, Jonathan Sniderman, Sarah Lawrence; Société canadienne de pédiatrie, Comité des soins aigus

Paediatr Child Health 2023 28(2):133-38.

Résumé

Pour traiter l’acidocétose diabétique pédiatrique, il faut porter une attention particulière aux liquides et aux électrolytes pour limiter le risque de complications, telles qu’une lésion cérébrale, associée à une morbidité et une mortalité élevées. L’incidence d’œdème cérébral en cas d’acidocétose diabétique n’a pas diminué malgré les protocoles visant la limitation des liquides qui s’appuient sur la restriction de la réanimation liquidienne initiale. Selon de nouvelles données probantes, l’administration précoce de liquides isotoniques n’entraîne pas de risque supplémentaire et peut améliorer les résultats cliniques chez certains patients. Les protocoles et les directives cliniques sont adaptés et axés particulièrement sur la surveillance et le remplacement initiaux et continus des liquides et des électrolytes. Il est maintenant recommandé de commencer par une réanimation à l’aide de liquides isotoniques chez tous les patients dans les 20 à 30 minutes suivant leur arrivée à l’hôpital, suivie par la réplétion du déficit volumique sur une période de 36 heures, en association avec une perfusion d’insuline et des suppléments d’électrolytes, ainsi qu’avec la surveillance et la prise en charge attentives d’une éventuelle lésion cérébrale.

Mots-clés : acidocétose diabétique; diabète; lésion cérébrale; œdème cérébral; pédiatrie

LE CONTEXTE

L’acidocétose diabétique (ACD) désigne la présence d’hyperglycémie, de cétose et d’acidose, mesurée par le potentiel hydrogène (pH) ou le bicarbonate sériques (tableau 1) [1][2]. Elle peut se manifester chez tous les patients présentant un déficit en insuline absolu ou relatif. Les facteurs de risque d’ACD incluent un jeune âge, une défavorisation socioéconomique et un retard de diagnostic chez les nouveaux patients. Chez les enfants et les adolescents atteints d’un diabète connu, des facteurs de risque peuvent s’ajouter, y compris une ACD antérieure, un mauvais contrôle de la glycémie, un dysfonctionnement méconnu de la pompe à insuline, une infection, certains médicaments (p. ex., analogues de l’insuline à action prolongée, antipsychotiques atypiques, glucocorticostéroïdes), l’ethnie, un accès limité aux soins, la coexistence de problèmes de santé mentale ou de problèmes sociaux ou familiaux, la phase péripubertaire et l’adolescence [1][3].

Des conseils synoptiques sur la prise en charge initiale et subséquente de l’ACD figurent dans les sites Web suivants :

LE TABLEAU CLINIQUE ET LE DIAGNOSTIC

En cas d’ACD, l’hyperglycémie entraîne des pertes urinaires d’eau et d’électrolytes, responsables d’une déplétion volumique et de perturbations métaboliques. De faibles taux d’insuline réduisent l’utilisation de glucose, et la glucopénie cellulaire en résultant déclenche une libération accrue de glucagon, une lipolyse et une oxydation des acides gras libres qui entraînent une acidocétose [4][5]. Le taux de potassium sérique peut être normal ou élevé à cause des transferts extracellulaires, mais le capital potassique de l’organisme demeure toujours faible en raison de la diurèse osmotique et de l’excrétion urinaire active. Il faut distinguer l’ACD du syndrome d’hyperglycémie hyperosmolaire, caractérisé par une déplétion volumique plus marquée et par d’extrêmes déséquilibres électrolytiques en l’absence d’une cétose et d’une acidose importantes.

Les symptômes révélateurs d’ACD peuvent inclure la polyurie, la polydipsie, la polyphagie, la faiblesse, les nausées, les vomissements, les douleurs abdominales, une altération de l’état de conscience, la respiration de Kussmaul et l’odeur acétonique de l’haleine.

L’évaluation clinique initiale doit inclure la stabilisation des voies respiratoires, de la respiration, de la circulation et de l’état neurologique (qu’on appelle souvent ABCD selon l’abréviation anglaise), de même que l’évaluation de la tachypnée et de l’altération du mode de respiration, de la perfusion et de l’équilibre liquidien. Pour approfondir l’évaluation, il faut s’informer des facteurs précipitants (p. ex., infection, intoxication) et de l’adhésion à la médication chez les personnes atteintes d’un diabète connu. Il peut être difficile d’évaluer la déplétion volumique, qui comporte une variabilité interévaluateur marquée [6]-[8]. Pour calculer les liquides, il est suggéré d’utiliser une déplétion minimale de 5 % chez un patient présentant une ACD bénigne, ou de 7 % à 10 % en cas d’ACD plus grave [1].

Les examens de laboratoire doivent inclure le taux de glucose plasmatique, d’électrolytes (y compris le calcium, le magnésium et le phosphate), d’urée et de créatinine, le trou anionique, la gazométrie sanguine, l’osmolalité et les cétones sériques et urinaires pour déterminer la gravité de l’ACD (tableau 2). Il faut mesurer le taux de bêta-hydroxybutyrate (BHB) lorsque les installations le permettent. Le taux de BHB sanguin est mieux corrélé avec les changements de pH et de bicarbonate sanguin que les cétones urinaires, qui peuvent être faussement négatives. Une amélioration du taux de BHB peut indiquer qu’une acidose persistante est causée par une hyperchlorémie. La nécessité de procéder à des études supplémentaires dépendra de la situation clinique (p. ex., hémoglobine A1c, évaluation de l’infection, électrocardiogramme si le taux de potassium sérique est élevé).

Tableau 1. La triade de résultats de laboratoire en cas d’acidocétose diabétique
  • Hyperglycémie (>11 mmol/L)
  • Cétose sérique (bêta-hydroxybutyrate ≥3 mmol/L) ou cétonurie (modérée ou importante)
  • Acidose (pH <7,3 ou bicarbonate mesuré <18 mmol/L) et trou anionique >12

mmol/L millimoles par litre

Données tirées des références 1,2

 

Tableau 2. La détermination de la gravité de l’acidocétose diabétique
Gravité de l’acidocétose diabétique Acidose Bicarbonate
Bénigne pH de 7,2 à 7,29 de 10 mmol/L à <18 mmol/L
Modérée pH de 7,1 à 7,19 de 5 mmol/L à 9 mmol/L
Grave pH <7,1 <5 mmol/L

mmol/L millimoles par litre; ; pH potentiel hydrogène

LES LÉSIONS CÉRÉBRALES EN CAS D’ACIDOCÉTOSE DIABÉTIQUE

Les lésions cérébrales (LC) sont plus courantes chez les enfants que chez les adultes [3][4][9]-[12] (tableau 3). La fréquence de LC importantes sur le plan clinique peut atteindre 1 %, et les personnes qui en sont atteintes présentent une morbidité de 21 % à 25 % et une mortalité de 21 % à 24 % [3][13]. Les LC cliniques sont plus fréquentes en cas d’ACD grave [9]-[11] et peuvent être présentes avant le début du traitement [10][14][15] (tableau 4). Même si l’ACD est accompagnée d’une déplétion volumique, les liquides intraveineux (IV) sont habituellement restreints chez les patients pédiatriques, à cause de la crainte de potentialiser la LC [16].

L’hypoperfusion et la reperfusion cérébrales jouent probablement un rôle important dans les cas de LC liée à une ACD et peuvent donc représenter une autre façon d’expliquer la LC que l’hypothèse osmotique habituelle. Plusieurs types de preuves, y compris la tomodensitométrie, l’imagerie par résonance magnétique et les études du débit sanguin cérébral, ont démontré des changements aux marqueurs biochimiques et une évolution de l’œdème cytotoxique vers un œdème vasogénique [17]-[19].

Tableau 3. Les facteurs de risque de lésion cérébrale
  • Diabète de novo
  • Longue durée des symptômes
  • Jeune âge (<5 ans)
  • Acidose grave (pH <7,1 ou HCO3 <5)
  • Grave déshydratation démontrée en laboratoire (urée et hématocrite élevés)
  • Hypocapnie (pCO2 <21)
  • Insulinothérapie pendant la première heure de prise en charge ou bolus d’insuline
  • Administration rapide de liquides hypotoniques
  • Utilisation de bicarbonate de sodium
  • Non-augmentation du sodium mesuré pendant le traitement

CO2 pression partielle en dioxyde de carbone; HCO3 bicarbonate

Données tirées des références 3,4,9-12

 

Tableau 4. Les signes annonciateurs d’une lésion cérébrale
  • Altération de l’état de conscience, particulièrement après une amélioration initiale
  • Céphalées, particulièrement si elles sont graves, qu’elles s’aggravent ou qu’elles se déclarent après le début du traitement
  • Irritabilité chez les jeunes enfants
  • Vomissements
  • Incontinence urinaire
  • Hypertension (peut être diastolique)
  • Bradycardie (non liée au sommeil ou à l’amélioration du volume vasculaire)
  • Dépression respiratoire ou désaturation en oxygène
  • Paralysies des nerfs crâniens

Données tirées de la référence 1

LES RECOMMANDATIONS EN MATIÈRE DE PRISE EN CHARGE

Le traitement de l’ACD inclut une expansion volumique progressive et une réduction prudente du glucose plasmatique. Il faut confirmer le diagnostic d’ACD (tableau 1) avant d’entreprendre une quelconque intervention. Il convient de se rappeler que l’ACD n’est pas prise en charge de la même façon chez les enfants et chez les adultes. Ainsi, les différences suivantes sont à prendre en compte chez les patients pédiatriques [3][4] :

  • La prise de précautions supplémentaires lors de l’administration de liquides IV
  • Le début de l’insulinothérapie seulement après l’administration de liquides IV
  • Le remplacement du potassium de manière plus précoce et plus énergique
  • L’évitement des bolus d’insuline et du bicarbonate de sodium

Les objectifs de prise en charge s’établissent comme suit :

  • Corriger la déplétion volumique.
  • Corriger l’acidose. 
  • Enrayer la cétogenèse.
  • Corriger les déséquilibres électrolytiques.
  • Rétablir une glycémie normale.
  • Surveiller et prévenir les complications (LC, hypoglycémie, déficits électrolytiques symptomatiques, acidose hyperchlorémique).
  • Prendre en charge les affections coexistantes ou les facteurs précipitants.

Les liquides

Tous les patients atteints d’ACD doivent faire l’objet d’une surveillance et d’une vigilance attentives à l’égard de l’administration des liquides, notamment chez les enfants et les adolescents plus vulnérables à une LC. Chez les patients pédiatriques qui ne présentent pas de symptômes cliniques de LC, il est démontré qu’aucun préjudice ne découle d’une réanimation liquidienne initiale plus généreuse, visant l’amélioration de la perfusion tissulaire [13][20][21].

Le soluté de chlorure de sodium à 0,9 % et les solutés équilibrés de cristalloïdes sont deux formes de liquides IV appropriées en cas d’ACD. Les cristalloïdes équilibrés (p. ex., lactate de Ringer, PlasmaLyte) peuvent remplacer le chlorure de sodium à 0,9 % en toute sécurité, à la fois sous forme de bolus et de perfusion continue, peuvent réduire l’acidose métabolique hyperchlorémique et pourraient atténuer le risque de LC et de lésion rénale [22]-[25]. Une perfusion continue de chlorure de sodium à 0,45 % et de dextrose à laquelle on ajoute du potassium peut être sécuritaire chez la plupart des patients atteints d’ACD dont l’état neurologique est normal, mais les liquides hypotoniques sont à éviter chez tous ceux qui présentent des symptômes de LC.

En cas d’ACD, les recommandations relatives aux perfusions de liquides se déclinent comme suit :

  • Administrer de 10 mL/kg à 20 mL/kg de liquides isotoniques (jusqu’à concurrence de 1 000 mL) sous forme de chlorure de sodium à 0,9 % ou de cristalloïdes équilibrés à tous les patients sur une période de 20 à 30 minutes, quel que soit leur état hémodynamique.
  • En cas d’hypotension ou de choc compensé, administrer un bolus de liquide sur une période de 10 à 15 minutes ainsi que des liquides isotoniques supplémentaires rapidement, par incréments de 10 mL/kg jusqu’à concurrence de 40 mL/kg, en consultation avec un intensiviste pédiatrique.
  • Après l’administration des bolus initiaux de liquides isotoniques, calculer un débit horaire qui tiendra compte à la fois des besoins d’entretien et du déficit des liquides, afin de corriger un déficit présumé de 10 % sur 36 heures [26] (tableau 5). Il est généralement sécuritaire d’administrer deux fois le débit habituel des liquides d’entretien en attendant le calcul détaillé des liquides. On peut envisager des changements au débit horaire chez les patients dont la déplétion volumique est moins marquée, et bon nombre peuvent passer en toute sécurité de la réhydratation IV à la réhydratation orale une fois l’acidocétose corrigée.
  • Poursuivre l’administration de liquides isotoniques sans dextrose, tout en s’assurant de ne pas réduire la glycémie de plus de 5 mmol/L/h, jusqu’à ce qu’elle se situe entre 15 mmol/L et 17 mmol/L. Ajouter ensuite du dextrose (généralement à 5 %) et en corriger la dose pour maintenir la glycémie entre 7 mmol/L et 11 mmol/L. Ces valeurs contribuent à réduire la glycosurie, qui se manifeste lorsque la glycémie dépasse 12 mmol/L.
  • Pour ajuster la concentration de dextrose avec rapidité et précision en fonction de la glycémie (et ainsi réaliser des économies), il est possible de privilégier un protocole à deux poches de perfusion, chaque poche contenant la même quantité d’électrolytes, mais une seule contenant du dextrose (tableau 6) [27]. La deuxième poche doit idéalement contenir du dextrose à 12,5 % pour maximiser l’administration veineuse périphérique, si la situation l’indique, mais il est également possible d’utiliser du dextrose à 10 %.
  • Il est possible d’administrer une moindre quantité de liquides IV ou des liquides par voie orale aux patients atteints d’une ACD bénigne qui tolèrent un apport entéral.
Tableau 5. Le calcul du débit horaire total par voie intraveineuse
Poids mL/kg/h
De 5 à <10 kg 6,5
De 10 à <20 kg 6
De 20 à <40 kg 5
³40 kg 4 (jusqu’à concurrence de 250 mL/h)

h heure; kg kilogramme; mL millilitre

Données tirées de la référence 26

 

Tableau 6. Protocole à deux poches de perfusion : vitesse de perfusion pour parvenir à la concentration de dextrose souhaitée*
Concentration de dextrose souhaitée Vitesse de perfusion de la poche 1 (Sans dextrose) Vitesse de perfusion de la poche 2 (Dextrose à 12,5 %)†
Pas de dextrose Débit horaire total IV × 1 Pas de perfusion
Dextrose à 5 % Débit horaire total IV × 0,6 Débit horaire total IV × 0,4
Dextrose à 7,5 % Débit horaire total IV × 0,4 Débit horaire total IV × 0,6
Dextrose à 10 % Débit horaire total IV × 0,2 Débit horaire total IV × 0,8
Dextrose à 12,5 % Pas de perfusion Débit horaire total IV × 1

*Les poches 1 et 2 doivent contenir les mêmes éléments, à part le dextrose. Les liquides recommandés incluent le lactate de Ringer, le PlasmaLyte ou le chlorure de sodium à 0,9 % (possibilité d’utiliser du chlorure de sodium à 0,45 % en l’absence de crainte de lésion cérébrale), contenant tous du chlorure de potassium (à 40 mmol/L).

†En cas d’utilisation de dextrose à 10 %, il est possible d’obtenir une concentration de dextrose à 5 % grâce au recours à un facteur de 0,5 pour chaque poche. Pour parvenir à une concentration souhaitée de 7,5 %, il faut multiplier la vitesse de perfusion de la poche 1 par 0,25, et celle de la poche 2, par 0,75.

IV par voie intraveineuse

L’insuline

Il faut commencer à administrer l’insuline seulement après avoir administré des liquides pendant une heure [9] ET lorsque les taux de potassium dépassent 3,0 mmol/L, mais jamais sous forme de bolus IV. Si les taux de potassium ne dépassent pas 3,0 mmol/L, le potassium doit être remplacé avant l’administration d’insuline.

  • Favoriser une perfusion d’insuline à action rapide à un débit de 0,05 unité/kg/h à 0,1 unité/kg/h, sans maximum en fonction du poids. Il est toutefois possible d’opter pour l’administration intermittente d’insuline par voie sous-cutanée si l’administration IV se révèle impossible ou dans certains cas d’ACD bénigne, sous réserve de consulter un expert.
  • Si la glycémie diminue de plus de 5 mmol/L/h ET que l’administration de dextrose IV est maximisée, réduire la perfusion d’insuline à 0,05 unité/kg/h.
  • Il est possible d’envisager de continuer de réduire graduellement la perfusion d’insuline jusqu’à un minimum de 0,025 unité/kg/h si la glycémie continue de baisser rapidement ou, lorsque l’acidose est déjà corrigée, en attendant le prochain repas (et la dose d’insuline sous-cutanée à laquelle il est associé).

Les électrolytes

Les patients atteints d’ACD présentent un déficit relatif ou corporel total en sodium, en potassium, en phosphate et en magnésium. L’hyperglycémie entraîne une fausse hyponatrémie, mais la mesure du sodium peut permettre de calculer le trou anionique initial [28]. L’évaluation et la prise de décision doivent reposer sur le sodium sérique corrigé (sodium corrigé = sodium mesuré + ({glucose – 5} x 0,3)). Un sodium corrigé élevé est indicateur d’une déplétion volumique plus marquée. Les taux de sodium corrigés sont à surveiller attentivement, car une diminution (ou une augmentation) de plus de 2 mmol/L/h à 3 mmol/L/h peut révéler une réanimation liquidienne excessive (ou insuffisante) accompagnée d’une augmentation du risque de LC ou de lésion rénale aiguë [29][30].

Le traitement de l’ACD provoque une diminution des taux de potassium. C’est pourquoi il faut ajouter au moins 40 mmol/L de potassium aux liquides IV lorsque le potassium mesuré est inférieur à 5 mmol/L et après une récente miction confirmée.

Le taux de phosphate sérique peut être normal ou élevé malgré un déficit corporel total. L’insulinothérapie réduit le taux de phosphate sérique, qu’il faut envisager de remplacer lorsque le phosphate mesuré est inférieur à 0,5 mmol/L ou qu’une crainte de dysfonctionnement cardiaque, d’insuffisance respiratoire, de dysmotilité gastro-intestinale ou d’encéphalopathie métabolique est soulevée [31][32]. Les protocoles locaux relatifs à l’administration de phosphate doivent être respectés.

Le bicarbonate de sodium est à éviter pour le traitement de l’acidose métabolique, car il accroît le risque de LC [25]. Un traitement approprié de liquides et d’insuline suffit pour corriger l’acidose, à moins d’une indication dans le cadre d’une réanimation cardiorespiratoire ou d’une hyperkaliémie symptomatique.

La surveillance et le traitement de l’œdème cérébral

Les examens de laboratoire doivent être repris au moins toutes les deux heures pendant la perfusion d’insuline, et la glycémie doit être mesurée toutes les heures. Les autres éléments à surveiller incluent l’état neurologique, l’état volumique et la diurèse, et la surveillance cardiaque doit s’ajouter en cas d’ACD grave responsable d’une perturbation métabolique importante du potassium ou du calcium.

Il est essentiel de réévaluer l’état neurologique fréquemment pour dépister les LC et les prendre en charge. En cas de présomption de LC, il ne faut pas attendre les résultats de l’imagerie cérébrale avant d’entreprendre le traitement. La prise en charge des LC inclut les éléments suivants :

  • Réduire les mouvements et l’agitation du patient au minimum.
  • Soulever la tête du lit à 30°.
  • Maintenir la tête du patient en position médiane.
  • Administrer des liquides isotoniques (passer aux liquides isotoniques en cas d’utilisation de chlorure de sodium à 0,45 %).
  • Réduire le débit de liquides IV à 75 % du débit horaire calculé, si celui-ci suffit pour maintenir une perfusion appropriée.
  • Administrer un traitement osmolaire, soit sous forme de 5 mL/kg de chlorure de sodium à 3 % sur une période de 10 à 15 minutes (jusqu’à concurrence de 250 mL) ou de 0,5 g/kg à 1 g/kg de mannitol sur une période de 15 à 20 minutes (jusqu’à concurrence de 100 g) [33][34].
  • Consulter d’urgence en soins intensifs.

Il est préférable d’éviter l’intubation. Toutefois, l’hyperventilation observée au départ doit être maintenue en cas d’insuffisance respiratoire et d’altération de l’état de conscience. Il est conseillé de consulter un intensiviste pédiatrique avant l’intubation.

LA PRISE EN CHARGE SUBSÉQUENTE

Il est possible de corriger certaines ACD bénignes à l’urgence, mais la plupart des patients atteints devraient être hospitalisés pour assurer une surveillance et une prise en charge continues, soutenues par la consultation d’experts. Tout état mental anormal chez un enfant ou un adolescent atteint d’ACD justifie une orientation d’urgence vers le centre de soins tertiaires le plus près.

Il faut consulter un intensiviste pédiatrique en cas de signes ou symptômes de LC. Une consultation en soins intensifs est également à envisager en présence d’une ACD plus grave et d’un pH inférieur à 7,0 ou d’un bicarbonate inférieur à 5 mmol/L, ainsi qu’en présence de manifestations moins graves chez les enfants de moins de cinq ans, particulièrement si elles se produisent hors d’un centre de soins tertiaires.

SOMMAIRE

La prise en charge de l’ACD continue d’évoluer à mesure que de nouvelles publications sont diffusées et que la compréhension de la physiopathologie et du traitement optimal s’approfondit. Le traitement de l’ACD inclut la correction de la déplétion volumique, de l’acidose, des déséquilibres électrolytiques et de l’hyperglycémie. D’après les données probantes en vigueur, l’administration d’une perfusion initiale de 10 mL/kg à 20 mL/kg de liquide isotonique IV aux patients pédiatriques atteints d’ACD est à la fois sécuritaire et souhaitable dans le cadre de directives de prise en charge établies et fondées sur des données probantes.

Pratiques exemplaires recommandées

  1. Commencer par administrer de 10 mL/kg à 20 mL/kg de liquides isotoniques à tous les patients, que ce soit sous forme de chlorure de sodium à 0,9 % ou de cristalloïdes équilibrés.
  2. Calculer les liquides à administrer en continu sur 36 heures conformément aux directives du TREKK  – Partage des connaissances pédiatriques en urgence, compte tenu d’une déshydratation de 10 %.
  3. Envisager d’administrer les liquides par un système à deux poches de perfusion pour mieux contrôler la glycémie et limiter la glycosurie.
  4. Administrer l’insuline seulement après avoir administré des liquides par voie intraveineuse pendant une heure, et jamais sous forme de bolus.
  5. Surveiller les taux de sodium corrigés pour évaluer si le remplacement liquidien est approprié.
  6. Remplacer le potassium rapidement et anticiper la nécessité de remplacer le phosphate.
  7. Éviter le bicarbonate de sodium.
  8. Anticiper une lésion cérébrale, la surveiller et la prendre en charge, au besoin.

Remerciements

Le comité de la pédiatrie communautaire ainsi que les comités directeurs de la section de la médecine d’urgence pédiatrique et de la section de la pédiatrie hospitalière ont révisé le présent point de pratique, de même que les membres du Groupe canadien d’endocrinologie pédiatrique. La docteure Sarah Lawrence mérite des remerciements particuliers pour avoir offert au comité des soins aigus son apport précieux, ses points de vue et ses compétences en endocrinologie pédiatrique.


COMITÉ DES SOINS AIGUS DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE (2021-2022)

Membres : Carolyn Beck MD, Kevin Chan MD (président), Kimberly Dow MD (représentante du conseil), Karen E. Gripp MD (ancienne membre), Kristina Krmpotic MD (ancienne membre), Marie-Pier Lirette MD (membre résidente), Jonathan Sniderman MD, Evelyne D. Trottier MD, Troy Turner MD

Représentants : Laurel Chauvin-Kimoff MD (ancienne présidente, 2012-2019), section de la médecine d’urgence pédiatrique de la SCP; Sidd Thakore MD, section de la pédiatrie hospitalière de la SCP

Auteurs : Karen E. Gripp MD, Evelyne D. Trottier MD, Sidd Thakore MD, Jonathan Sniderman MD, Sarah Lawrence MD


Références

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Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.

Mise à jour : le 8 février 2024