Document de principes
Affichage : le 1 février 2022
Souvik Mitra, Dany Weisz, Amish Jain, Geert ‘t Jong; Société canadienne de pédiatrie, Comité d’étude du fœtus et du nouveau-né, Comité de la pharmacologie
Paediatr Child Health 2022 27(1): 63 (Abstract)
La prise en charge de la persistance du canal artériel est l’un des aspects les plus litigieux des soins aux nouveau-nés prématurés. On peut la classer en deux grandes catégories : la prophylaxie et le traitement en cas de symptômes. L’administration prophylactique d’indométacine par voie intraveineuse chez les nouveau-nés d’extrême petit poids à la naissance peut limiter les graves hémorragies intraventriculaires. L’échocardiographie est systématiquement recommandée pour confirmer une persistance du canal artériel avant d’envisager le traitement en cas de symptômes, qui peut prendre la forme d’un traitement conservateur, d’une pharmacothérapie ou d’une fermeture invasive. L’ibuprofène doit être considéré comme le traitement pharmacologique de première intention dans cette situation. Une forte dose peut être à privilégier, particulièrement chez les nouveau-nés prématurés de plus de trois à cinq jours de vie. Si deux traitements pharmacologiques consécutifs échouent ou si la pharmacothérapie est contre-indiquée, on peut envisager une fermeture invasive en cas de symptômes marqués lorsque l’échocardiographie révèle des signes de shunt à fort volume à travers le canal artériel et de circulation pulmonaire excessive.
Mots-clés : fermeture invasive du canal artériel; inhibiteurs de la cyclooxygénase; nouveau-nés prématurés; persistance du canal artériel; persistance du canal artériel importante sur le plan hémodynamique
La prise en charge de la persistance du canal artériel (PCA) chez les nouveau-nés prématurés est l’un des aspects les plus litigieux des soins intensifs néonatals. La PCA a été associée à de nombreux événements indésirables sans que des liens de causalité aient été établis, y compris la prolongation de l’assistance respiratoire, l’hémorragie pulmonaire, la pneumopathie chronique (PPC), l’entérocolite nécrosante (ECN), l’hémorragie intraventriculaire (HIV) et la mort [1][2].
Pour prendre la décision de recourir à un traitement prophylactique de la PCA à l’aide d’inhibiteurs de la cyclooxygénase (I-COX) le médecin traitant se fiera d’abord sur les avantages et les risques qu’il perçoit. Les études randomisées et contrôlées (ÉRC) n’ont démontré aucun avantage évident du traitement de la PCA symptomatique, notamment à cause d’importants problèmes méthodologiques comme des taux élevés de traitements de sauvegarde ouverts dans les volets expérimental et témoin, de même que l’absence de données de qualité sur des résultats cliniques importants comme l’ECN, la PPC, l’HIV et la mortalité. Une controverse subsiste quant à l’intérêt de traiter la PCA et, lorsqu’elle l’est, quant aux nouveau-nés à cibler, au moment et aux agents pharmacologiques à privilégier ainsi qu’aux facteurs justifiant une fermeture invasive du canal artériel (CA).
Selon les données du Réseau néonatal canadien, le traitement non pharmacologique conservateur de la PCA est devenu plus fréquent chez les nouveau-nés prématurés ces dernières années [3]. Il n’existe toutefois pas de consensus sur ce que signifie un traitement conservateur et sur les nouveau-nés qui constituent de bons candidats. De plus, en raison de l’augmentation de ce type de traitements, plus de nouveau-nés ramenés à l’unité néonatale de soins non tertiaires qu’auparavant ont une PCA tenace. Cette situation représente souvent un dilemme de prise en charge chez les médecins responsables de ces nouveau-nés qui sont autrement bien, mais qui peuvent éprouver des symptômes respiratoires continus attribuables à la PPC.
Le présent document de principes s’attarde systématiquement sur les questions les plus importantes susceptibles d’être à la source des variations à la prise en charge de la PCA en pratique clinique.
Les auteurs ont procédé à une recherche fouillée dans le registre central Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL 2020, numéro 12) de la Bibliothèque Cochrane, ainsi que dans MEDLINE (de 1996 au 14 décembre 2020), Embase (de 1980 au 14 décembre 2020) et CINAHL (de 1982 au 14 décembre 2020), au moyen des termes de recherche preterm/premature, patent ductus arteriosus, PDA, indomethacin, ibuprofen, paracetamol, acetaminophen, surgery transcatheter, ligation et des termes MeSH applicables. Les ÉRC, les études de cohorte et les analyses systématiques étaient particulièrement prisées. Les recherches n’étaient pas restreintes par la langue.
Les auteurs ont utilisé le cadre des données probantes vers la prise de décision de GRADE (acronyme de Grading of Recommendations, Assessment, Development and Evaluations, traduit par classement des recommandations, évaluation, développement et évaluation) pour formuler les recommandations [4]. Le détail de ce cadre, tel qu’il a été utilisé pour chaque question, peut être consulté dans l’annexe en ligne.
Au total, 19 ÉRC réalisées auprès de 2 872 nouveau-nés ont porté sur l’évaluation du recours à l’indométacine prophylactique. La plus vaste étude unique, effectuée en 2001, a restreint la participation aux nouveau-nés d’extrême petit poids à la naissance (moins de 1 000 grammes) [5]. L’administration prophylactique d’indométacine a réduit considérablement les taux d’HIV grave, de ligature chirurgicale du canal artériel (LCA) et de PCA symptomatique. Cependant, cette stratégie ne semblait pas réduire les taux de PPC, d’atteinte neurodéveloppementale grave et de paralysie cérébrale chez les survivants [6] (tableau 1). De plus, l’association d’indométacine prophylactique et de perforation gastro-intestinale est préoccupante chez les extrêmes prématurés, notamment en cas d’utilisation simultanée d’hydrocortisone prophylactique [7][8]. Ainsi l’utilisation prophylactique d’indométacine ne peut être envisagée que chez les nouveau-nés présentant des facteurs prédicteurs d’HIV grave, tels qu’un âge gestationnel très peu avancé, la non-administration de corticostéroïdes avant la naissance et l’accouchement hors d’un centre de soins tertiaires [9][10].
Il semble que l’administration prophylactique d’ibuprofène (sept ÉRC auprès de 931 nouveau-nés) puisse réduire légèrement les cas d’HIV grave et les LCA [11], mais elle n’est pas recommandée chez les nouveau-nés prématurés en raison de ses avantages minimes, du risque de hausse des hémorragies gastro-intestinales et des cas d’hypertension pulmonaire aiguë et grave qui y sont associés [11][12]. Par ailleurs, iI n’est pas démontré que l’administration prophylactique d’acétaminophène améliore nettement les résultats cliniques importants pour le patient (deux ÉRC auprès de 80 nouveau-nés) [13].
Sommaire : On peut envisager une prophylaxie sélective à l’indométacine par voie intraveineuse chez les nouveau-nés d’extrême petit poids à la naissance qui courent un risque élevé d’HIV grave (recommandation conditionnelle). Les données probantes sont insuffisantes pour recommander l’administration prophylactique d’ibuprofène ou d’acétaminophène chez les extrêmes prématurés ou les nouveau-nés d’extrême petit poids à la naissance.
Les données probantes tirées des ÉRC sur l’utilisation prophylactique d’I-COX sont résumées au tableau 1.
Tableau 1. Sommaire des données probantes tirées des études randomisées et contrôlées sur la pharmacoprophylaxie de la persistance du canal artériel chez les nouveau-nés prématurés | |||
Auteur, année | Type d’étude | Intervention |
Principaux résultats (y compris la force des recommandations GRADE, lorsqu’elle est connue) |
Fowlie 2010 [6] | Analyse systématique (19 ÉRC; 2 872 nouveau-nés) | Indométacine |
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Ohlsson 2019 [11] | Analyse systématique (7 ÉRC; 931 nouveau-nés) | Ibuprofène |
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Ohlsson 2020 [13] | Analyse systématique (2 ÉRC; 80 nouveau-nés) | Acétaminophène |
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ECN entérocolite nécrosante, ÉRC étude randomisée et contrôlée, GRADE Grading of Recommendations, Assessment, Development and Evaluations − classement des recommandations, évaluation, développement et évaluation, HIV hémorragie intraventriculaire, IC intervalle de confiance, LCA ligature chirurgicale du canal artériel, PCA persistance du canal artériel, PPC pneumopathie chronique, RR risque relatif |
Le consensus sur la définition de PCA importante sur le plan hémodynamique est limité [2][14][15]. Les signes cliniques de PCA symptomatique incluent un souffle précordial en plus d’au moins l’une des manifestations suivantes : un précordium hyperactif, une tachycardie, des pouls bondissants, une augmentation de la tension artérielle différentielle et une aggravation de l’état respiratoire; ils ne permettent généralement pas de déterminer le volume du shunt à travers le CA avec fiabilité ni, par conséquent, la nécessité d’offrir un traitement [16][17]. Il ne faut donc jamais entreprendre le traitement de la PCA symptomatique en fonction du seul examen clinique [16][18]. Plusieurs paramètres échocardiographiques sont utilisés pour déterminer le volume du shunt à travers le CA. Un CA de plus de 1,5 mm et un ratio supérieur à 1,4 entre l’oreillette gauche et l’anneau aortique sont les deux mesures échocardiographiques les plus utilisées dans les ÉRC pour définir une PCA importante sur le plan hémodynamique [2]. Parmi ces paramètres, un diamètre du CA inférieur à 1,5 mm permet d’écarter la possibilité de shunt à fort volume avec une fiabilité raisonnable chez la plupart des nouveau-nés [17]. Certaines études ont visé à définir le volume du shunt en fonction de classifications ou de scores cliniques et échocardiographiques [19][20], mais aucune vaste ÉRC n’a validé l’utilité de tels scores pour définir la gravité de la PCA.
Sommaire : Il faut utiliser l’échocardiographie pour confirmer la présence d’un shunt gauche-droite à fort volume à travers le CA avant d’envisager un traitement (forte recommandation). Les données probantes sont insuffisantes pour que l’importance de la PCA sur le plan hémodynamique puisse être définie par un ensemble de critères échocardiographiques. Il est peu probable qu’un CA au diamètre inférieur à 1,5 mm soit responsable d’un shunt important sur le plan hémodynamique, et c’est pourquoi un traitement conservateur peut alors être privilégié, sans pharmacothérapie (recommandation conditionnelle).
Sept ÉRC (n=526) ont comparé un traitement pharmacologique précoce (entrepris dans les sept premiers jours de vie) et sept ÉRC (n=384), un traitement très précoce (entrepris dans les trois premiers jours de vie) à un traitement conservateur (non pharmacologique) précoce de la PCA [21][22]. (Le traitement conservateur est abordé plus loin). Le traitement pharmacologique précoce ou très précoce de la PCA semble accroître l’exposition globale aux I-COX chez les nouveau-nés prématurés, sans réduire le nombre de décès, d’HIV graves, de PPC, de LCA et d’atteintes neurodéveloppementales [21][22]. Deux autres ÉRC, qui comparaient le traitement pharmacologique entrepris entre six et 14 jours de vie à un traitement conservateur, n’ont pu démontrer de résultats significativement différents sur le plan clinique [23][24]. Cependant, seules six études ont porté exclusivement sur des extrêmes prématurés jusqu’à présent [22][23][25]-[28].
Fait intéressant, une analyse de suivi des nouveau-nés admissibles qui n’avaient pas participé à l’une des études récentes (PDA-TOLERATE) à cause d’un manque de véritable incertitude des médecins quant aux interventions les plus efficaces (manque d’équilibre clinique) a démontré que le groupe traité avant six jours de vie présentait une incidence considérablement plus faible de PPC ou de décès, malgré un âge gestationnel beaucoup moins avancé et une morbidité respiratoire initiale beaucoup plus élevée [29]. De plus, d’autres études observationnelles ont révélé que, chez les extrêmes prématurés, une PCA tenace et symptomatique est associée à un risque de mortalité plus élevé, tandis que l’échocardiographie de dépistage précoce, réalisée avant trois jours de vie, est associée à une baisse de la mortalité en milieu hospitalier et de la probabilité d’hémorragie pulmonaire [30]-[32].
Sommaire : Les cliniciens peuvent opter pour le traitement conservateur de la PCA symptomatique dans la semaine ou les deux semaines suivant la naissance (recommandation conditionnelle). Ils devraient toutefois faire preuve de prudence s’ils optent pour le traitement conservateur des extrêmes prématurés (de moins de 26 semaines d’âge gestationnel) dont l’état clinique est instable, car une pharmacothérapie plus précoce pourrait alors être envisagée.
Le traitement conservateur de la PCA: Il n’y a pas vraiment de consensus quant à ce que représente un traitement conservateur de la PCA. La restriction préventive de l’apport en liquides par voie intraveineuse pourrait réduire l’incidence de PCA symptomatique chez les nourrissons plus âgés, mais les avantages de cette pratique demeurent incertains chez les nouveau-nés de très petit poids à la naissance [33][34]. Aucune donnée probante n’appuie la restriction des liquides pour traiter la PCA symptomatique. On craint plutôt qu’une restriction marquée des liquides (à moins de 120 mL/kg/jour) limite considérablement la circulation sanguine régionale, et c’est pourquoi cette pratique n’est pas recommandée [35]. Les diurétiques de l’anse, comme le furosémide, sont souvent utilisés pour réduire l’œdème pulmonaire et améliorer le fonctionnement pulmonaire [36]. Les inquiétudes passées selon lesquelles la régulation positive de la prostaglandine E2 (PGE2) induite par le furosémide dans le rein inhibe la fermeture du CA n’ont pas été confirmées par des études récentes [37][38]. Selon une grande étude observationnelle récente (n=43 576), l’exposition au furésomide réduisait la probabilité de traitement de la PCA (rapport de cote rajusté (RC)=0,72, IC à 95 %, 0,65 à 0,79), ce qui en accrédite l’utilisation dans le cadre d’une stratégie de traitement conservateur [39]. Il est également démontré que d’autres interventions physiologiques, comme l’augmentation de la pression positive en fin d’expiration, réduisent le shunt gauche-droite sans vraiment nuire à la perfusion ou à l’oxygénation du cerveau [40].
Sommaire : On peut envisager le recours aux diurétiques et à la modulation de la pression positive en fin d’expiration pour le traitement conservateur de la PCA chez les nouveau-nés prématurés (recommandation conditionnelle). Étant donné les avantages peu évidents et les risques liés à la restriction des liquides chez les nouveau-nés de très petit poids à la naissance, il n’est pas suggéré d’opter pour une restriction marquée des liquides en cas de PCA symptomatique (recommandation conditionnelle).
Au moins 80 ÉRC ont comparé divers I-COX, de même que leurs diverses posologies et leurs diverses voies d’administration pour traiter la PCA symptomatique. La dose standard d’ibuprofène (10 mg/kg suivis de deux doses de 5 mg/kg à 24 heures d’intervalle) est la posologie la plus fréquente, et son profil d’innocuité est beaucoup plus positif que celui de l’indométacine (la norme de référence antérieure) [41]. L’acétaminophène fait désormais partie des traitements possibles pour fermer le CA, car sa formulation entérique est aussi efficace que la dose standard d’ibuprofène ou d’indométacine, et son profil d’innocuité gastro-intestinale et rénale est bien plus positif [13]. Selon une récente ÉRC, l’acétaminophène IV est toutefois beaucoup moins efficace que l’indométacine ou l’ibuprofène pour fermer le CA [42]-[44].
D’après une récente méta-analyse en réseau de 68 ÉRC auprès de 4 802 nouveau-nés, de fortes doses d’ibuprofène (de 15 mg/kg à 20 mg/kg, suivis de deux doses de 7,5 mg/kg à 10 mg/kg à 24 heures d’intervalle), surtout lorsqu’elles sont administrées par voie entérale, seraient plus efficaces pour fermer le CA, sans accroître le risque de conséquences indésirables (telles que l’ECN) davantage que des doses standards d’ibuprofène, d’indométacine ou d’acétaminophène (faible certitude) [15]. Ces données confirment les résultats de récentes études selon lesquels il pourrait être nécessaire d’administrer de plus fortes doses d’ibuprofène après trois à cinq jours de vie pour obtenir des taux sériques thérapeutiques [24][45][46]. Cependant, les évaluations de l’effet de fortes doses d’ibuprofène étaient dérivées de quatre petites ÉRC (n=319), dont trois portaient sur des nouveau-nés d’un âge gestationnel moyen de 30 semaines ou plus. Par conséquent, on ne connaît pas l’efficacité et l’innocuité de fortes doses d’ibuprofène chez les extrêmes prématurés, ce qui donne lieu à une très grande variabilité des pratiques cliniques en soins intensifs néonatals au Canada. Les données probantes des ÉRC sur la pharmacothérapie de la PCA symptomatique sont résumées au tableau 2.
Sommaire : L’administration d’ibuprofène doit être considérée comme le traitement pharmacologique de première intention de la PCA symptomatique (forte recommandation). De fortes doses d’ibuprofène peuvent être considérées comme la posologie à privilégier, particulièrement chez les nouveau-nés prématurés de plus de trois à cinq jours de vie (recommandation conditionnelle). Il faut faire preuve de prudence lors du traitement des extrêmes prématurés (de moins de 26 semaines d’âge gestationnel) par de fortes doses d’ibuprofène, car les données en matière d’innocuité et d’efficacité sont limitées.
Tableau 2. Sommaire des données probantes des études randomisées et contrôlées sur la pharmacothérapie de la persistance du canal artériel symptomatique chez les nouveau-nés prématurés | |||
Auteur, année | Type d’étude | Intervention |
Principaux résultats (y compris la force des recommandations GRADE, lorsqu’elle est connue) |
Mitra 2018 [15] | Analyse systématique et méta-analyse en réseau (68 ÉRC; 4 802 nouveau-nés) | Comparaison entre l’indométacine, l’ibuprofène ou l’acétaminophène et un autre médicament, un placebo ou l’absence de traitement |
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Ohlsson 2020 [41] |
Analyse systématique (39 ÉRC; 2 843 nouveau-nés) | Comparaison entre diverses doses et diverses voies d’administration d’ibuprofène et entre l’ibuprofène et l’indométacine ou avec un placebo |
Comparaison entre l’ibuprofène et l’indométacine
Comparaison entre une forte dose et une dose standard d’ibuprofène
Comparaison entre l’ibuprofène par voie orale et à la dose standard IV
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Ohlsson 2020 [13] | Analyse systématique (8 ÉRC; 916 nouveau-nés) | Comparaison entre l’acétaminophène et l’ibuprofène ou l’indométacine |
Comparaison entre l’acétaminophène et l’ibuprofène
Comparaison entre l’acétaminophène et l’indométacine
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CA canal artériel, ECN entérocolite nécrosante, ÉRC étude randomisée et contrôlée, GRADE Grading of Recommendations, Assessment, Development and Evaluations − classement des recommandations, évaluation, développement et évaluation, HIV hémorragie intraventriculaire, IC intervalle de confiance, IV par voie intraveineuse, RR risque relatif |
Les données probantes sont insuffisantes pour déterminer l’efficacité et à l’innocuité des reprises de la pharmacothérapie en cas de PCA tenace. Selon des études observationnelles, un deuxième traitement à l’ibuprofène pourrait améliorer considérablement le taux global de fermeture des CA par rapport à un seul traitement, sans accroître les effets indésirables, mais les avantages d’un troisième traitement ne sont pas constants [47]-[50]. De même, la reprise d’un traitement à l’indométacine entraîne une amélioration des taux cumulatifs de fermeture des CA, mais le taux de leucomalacies périventriculaires augmente chez les nouveau-nés qui reçoivent plus de deux traitements de ce type [51].
Compte tenu du meilleur profil d’innocuité de l’acétaminophène, certains centres peuvent choisir un troisième traitement à l’aide d’acétaminophène tout en envisageant une fermeture invasive du CA. Une récente étude observationnelle rétrospective a révélé que les nouveau-nés prématurés ayant une PCA tenace et symptomatique et qui recevaient un traitement à l’acétaminophène par voie orale sur une période de trois à sept jours après deux échecs de traitement à l’indométacine ou à l’ibuprofène, étaient beaucoup moins nombreux à devoir subir une LCA , mais voyaient leur taux de PPC augmenter [52].
Sommaire : En l’absence de contre-indications, un deuxième traitement d’I-COX doit être envisagé plutôt qu’une fermeture invasive en cas de PCA tenace et symptomatique (forte recommandation). Les avantages d’un troisième traitement à l’aide d’acétaminophène par voie entérale sont incertains, mais ce traitement peut être envisagé après un échange avec les parents ou les tuteurs du nouveau-né, notamment dans l’attente d’une fermeture invasive du CA (recommandation conditionnelle).
La fermeture invasive du CA : Un débat sévit au sujet de l’utilité et du moment de la fermeture invasive du CA chez les nouveau-nés prématurés. Il est démontré que la PCA tenace et symptomatique est associée à un risque accru de décès ou de PPC [53][54]. Puisque la plupart des données probantes pour ou contre l’intervention proviennent d’études qui n’ont pas tenu compte des facteurs confusionnels par indication thérapeutique, les résultats cliniques après la LCA sont controversés. Dans une récente étude observationnelle canadienne (n=166), un diamètre de CA supérieur à 2,5 mm et une dilatation ventriculaire gauche (score z de 2 ou plus) avant l’intervention étaient prédicteurs d’une extubation plus rapide après la LCA chez les nouveau-nés et le nourrissons prématurés sous assistance respiratoire. D’après cette observation, la LCA comporterait des avantages respiratoires à court terme dans le sous-groupe des nouveau-nés et des nourrissons prématurés présentant des marqueurs échocardiographiques de shunt à fort volume et de circulation pulmonaire excessive [55].
Sommaire : La fermeture invasive peut être envisagée chez les nouveau-nés et les nourrissons en cas de PCA tenace, même après deux traitements pharmacologiques ou lorsque l'administration de médicaments est contre-indiquée, si les symptômes cliniques sont iportants et de l'échocardiographie révèle des signes de chunt a fort volume et de circulation pulmonaire excessive (recommendation conditionnelle).
La LCA est associée à des complications comme le syndrome cardiaque post-ligature, la parésie des cordes vocales, la paralysie du nerf phrénique, la scoliose thoracique et la ligature involontaire de l’artère pulmonaire gauche et de l’aorte, les taux variant énormément entre les centres [56][57]. D’après une analyse systématique, l’incidence de paralysie de la corde vocale gauche après la LCA s’élève à 9 % (IC à 95 %, 5 à 15) chez les extrêmes prématurés, mais varie beaucoup d’une étude à l’autre [58].
La fermeture percutanée du CA par cathéter est une option émergente pour les nouveau-nés prématurés. D’après une récente analyse systématique, le taux de réussite technique s’élève à 96 % (IC à 95 %, 93 à 98) chez les nouveau-nés prématurés de 1,5 kg ou moins. Cependant, cette observation est ternie par un taux global d’événements indésirables de 27 % (IC à 95 %, 17 à 38), un taux d’événements indésirables importants sur le plan clinique de 8 % (p. ex., perforation cardiaque ou vasculaire, embolisation du dispositif et sténose de l’artère pulmonaire gauche qui exige une intervention; IC à 95 %, 5 à 10) et un taux de mortalité lié à l’intervention de 2 % (IC à 95 %, 1 à 4) [59]. Aucune ÉRC n’a encore comparé l’efficacité et l’innocuité de ces deux approches. Les données sur le rapport coût-efficacité de la fermeture par cathéter sont également limitées chez les nouveau-nés prématurés.
Sommaire : Si l’établissement possède les compétences nécessaires et que les caractéristiques du patient s’y prêtent, on peut envisager la fermeture percutanée du CA par cathéter plutôt que la LCA (recommandation conditionnelle). Il faudra obtenir d’autres données sur l’innocuité et le rapport coût-efficacité avant de pouvoir recommander fortement ce type de fermeture en première intention plutôt que la LCA.
Un shunt persistant à faible volume à travers le CA chez un nouveau-né prématuré qui est dans un état stable, est en croissance et ne présente pas d’atteinte cardiorespiratoire risque peu d’avoir une incidence sur le pronostic clinique [60]. La plupart des shunts bénins se ferment spontanément avant l’âge gestationnel corrigé correspondant au terme [61][62]. Cependant, il y a eu des signalements d’hypertension pulmonaire chronique chez des nourrissons prématurés en raison d’une exposition prolongée à un shunt à fort volume à travers le CA [63][64].
Sommaire : Avant l’âge gestationnel corrigé correspondant au terme, il n’est pas recommandé de diriger systématiquement les nouveau-nés prématurés dont l’état clinique est stable et qui sont en croissance vers un centre de soins tertiaires en vue de l’évaluation échocardiographique d’une PCA tenace (forte recommandation). Il faut les diriger en cardiologie pédiatrique afin d’obtenir une évaluation et un suivi lorsque la PCA est toujours présente au congé (forte recommandation).
Les recommandations conditionnelles sont des occasions de parvenir à des décisions communes avec les parents ou les tuteurs du nouveau-né et de faire des choix reposant sur des échanges approfondis à l’égard des avantages et des risques, du pronostic prospectif et des valeurs et préférences de la famille. Elles sous-tendent également que la force et l’orientation des recommandations peuvent changer au fur et à mesure de l’émergence de nouvelles données probantes.
Le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie a révisé le présent document de principes, de même que les membres du Canadian Targeted Neonatal Echocardiography Consortium (CANTEC).
COMITÉ D’ÉTUDE DU FŒTUS ET DU NOUVEAU-NÉ DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE (2020-2021)
Membres : Gabriel Altit MD, Nicole Anderson MD (membre résidente), Heidi Budden MD (représentante du conseil), Leonora Hendson MD (membre sortante), Souvik Mitra MD, Michael R. Narvey MD (président), Eugene Ng MD, Nicole Radziminski MD, Vibhuti Shah MD (membre sortante)
Représentants : Radha Chari MD (La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada), James Cummings MD (comité d’étude du fœtus et du nouveau-né, American Academy of Pediatrics), William Ehman MD (Le Collège des médecins de famille du Canada), Danica Hamilton inf. (Association canadienne des infirmières et infirmiers en néonatologie), Chloë Joynt MD (section de la médecine néonatale et périnatale de la SCP), Chantal Nelson Ph. D. (Agence de la santé publique du Canada)
COMITÉ DE LA PHARMACOLOGIE ET DES SUBSTANCES DANGEREUSES DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE (2020-2021)
Membres : Jean-François Turcotte MD (représentant du conseil), Yaron Finkelstein MD, Shinya Ito, Geert ‘t Jong MD (président), Tom McLaughlin MD, Shahrad Rassekh MD, Smita Roychoudhury MD (membre résidente)
Représentant : Michael J. Rieder MD Ph. D. (Société canadienne de pharmacologie et de thérapeutique)
Auteurs principaux : Souvik Mitra MD, M. Sc., Dany Weisz MD, Amish Jain MBBS, MRCPCH, Ph. D., Geert ‘t Jong MD
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 8 février 2024