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La prise en charge de la neutropénie fébrile chez les enfants et les adolescents immunocompétents

Affichage : le 29 juin 2023


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Auteur(s) principal(aux)

Marie-Pier Lirette MBChB, Nicola Wright MD, Evelyne D. Trottier MD, Carolyn E. Beck MD  , Comité des soins aigus

Résumé

La neutropénie fébrile est une manifestation clinique fréquente en pédiatrie, qui peut être associée à une infection bactérienne invasive. Cependant, le risque de ce type d’infection est faible chez les enfants et les adolescents autrement en santé qui font de la fièvre et présentent une neutropénie, la plupart des cas étant causés par une infection virale. Les enfants âgés de six mois à 18 ans qui ont l’air bien, ne souffrent pas d’un cancer, sont considérés comme immunocompétents et présentent un premier épisode de neutropénie, sans autres facteurs de risque, n’ont généralement pas besoin d’antibiotiques empiriques. Cependant, une évaluation approfondie est indiquée, y compris une anamnèse et un examen physique complets, de même qu’une hémoculture lorsque la numération absolue des neutrophiles est inférieure à 0,5 Í 109/L. Il est recommandé d’assurer un suivi étroit, de reprendre l’hémogramme et de donner des conseils préventifs stricts.

Mots-clés : fièvre; infection bactérienne invasive; neutropénie; pédiatrie

Contexte

La neutropénie fébrile est une manifestation clinique fréquente en pédiatrie, des soins primaires aux soins tertiaires. Le tableau clinique peut varier entre une maladie transitoire légère et une affection grave au potentiel mortel[1]. Les cliniciens craignent surtout le risque d’infection bactérienne invasive (IBI), comme une bactériémie et une méningite, particulièrement en cas de neutropénie grave. Les enfants et les adolescents immunosupprimés, tels que ceux qui sont atteints d’un cancer, sont très vulnérables à une IBI – jusqu’à 30 % des cas sont infectés par une bactérie pathogène[2][3]. On possède peu d’information sur le taux d’IBI dans la population pédiatrique autrement en santé atteinte de neutropénie fébrile[4][5], mais le taux d’IBI ne semble pas plus élevé chez ces enfants et ces adolescents que chez ceux qui ne sont pas atteints de neutropénie, et les hémocultures positives sont rares[1][6]-[12]. Les principales causes de neutropénie chez les enfants immunocompétents âgés de plus de trois mois qui ont l'air bien sont les affections virales[1][9]-[12] ou les infections bactériennes fréquentes[7][8]. En général, la neutropénie est transitoire; elle disparaît au bout de quelques semaines[8]. Les directives établies recommandent d’administrer des antibiotiques par voie intraveineuse et d’hospitaliser la plupart des patients pédiatriques atteints d’un cancer et d’une neutropénie fébrile, mais les recommandations à l’égard des enfants et des adolescents en santé qui sont atteints de neutropénie ne sont pas aussi claires en raison du manque de données probantes.

Selon le présent point de pratique, une prise en charge moins énergique est souvent appropriée chez les enfants et les adolescents autrement en santé qui ne présentent pas de facteurs de risque supplémentaires[4]-[7][13]. Elle s’applique aux enfants âgés de six mois à 18 ans qui ont l’air bien, ne sont pas atteints d’un cancer, sont considérés comme immunocompétents et vivent un premier épisode de neutropénie fébrile. La prise en charge vise à garantir des soins sécuritaires tout en contribuant à la gestion des ressources, tient compte de la gravité de la maladie et de la tolérance au risque et favorise la prise de décision partagée entre les cliniciens et les parents ou les proches. Les points de pratique exemplaires sont résumés à la figure 1 supplémentaire.

Définitions

La définition classique de neutropénie est une numération absolue des neutrophiles (NAN) inférieure à 1,5 Í 10 /L, y compris tous les neutrophiles, les neutrophiles non segmentés ( bands ), les myélocytes et les métamyélocytes. Une neutropénie grave est généralement définie par une NAN inférieure à 0,5 Í 10 /L, une neutropénie modérée, par une NAN de 0,5 Í 10 /L à moins de 1,0 Í 10 /L, et une neutropénie légère, par une NAN de 1,0 Í 10 /L à moins de 1,5 Í 10 /L ).

Une température de plus de 38 °C est généralement considérée comme de la fièvre[15]. L’ Infectious Disease Society of America définit la fièvre chez les patients cancéreux atteints de neutropénie comme une seule mesure de la température par voie orale de 38,3 °C ou plus ou comme une température de 38 °C ou plus maintenue pendant une heure[16]. Il n’y a toutefois pas de définition claire de la fièvre chez les enfants atteints de neutropénie qui sont considérés comme immunocompétents. Il n’est pas recommandé de prendre la température par voie rectale chez les enfants atteints d’une neutropénie grave. Les mesures axillaire ou orale sont à privilégier (chez les enfants de plus de cinq ans qui collaborent)[15].

Points de pratique exemplaires

L’évaluation d’une infection bactérienne invasive

  • Procéder à une anamnèse et un examen physique complets, en s’attardant tout particulièrement aux facteurs de risque d’infection bactérienne invasive (IBI) (tableau 1). Les enfants qui présentent un facteur de risque sont considérés comme à haut risque et ont alors besoin de soins personnalisés.
  • Consigner l’état général et les signes vitaux, y compris une nouvelle prise de la température si elle n’a pas été mesurée récemment. Les enfants atteints de neutropénie qui ont l’air malades sont plus à risque d’IBI. Évaluer l’ouverture des voies respiratoires, la respiration et la circulation et stabiliser l’enfant[17], si la situation l’indique. S’assurer d’obtenir un récent hémogramme avec numération leucocytaire différentielle, une numération réticulocytaire et un frottis périphérique chez tous les patients chez qui on présume ou on confirme une neutropénie. En cas de thrombopénie, de lymphopénie ou d’anémie inexpliquée en plus de la neutropénie, envisager d’autres étiologies comme une leucémie ou une insuffisance médullaire.

Les enfants et les adolescents atteints de neutropénie À RISQUE d’infection bactérienne invasive (tableau 1)

  • Si le patient a l’air malade, obtenir une hémoculture et ne pas tarder avant d’administrer des antibiotiques empiriques à large spectre. Consulter le point de pratique de la Société canadienne de pédiatrie (SCP) sur le diagnostic et la prise en charge du sepsis pour en savoir plus.
  • Si le patient a l’air bien, la prise en charge doit être personnalisée, de préférence en consultation avec un spécialiste en pédiatrie. En général, ces enfants ont besoin d’antibiotiques par voie intraveineuse et sont hospitalisés ou obtiennent leur congé à domicile, mais sont soumis à un suivi ambulatoire étroit.

Les enfants et les adolescents atteints d’une neutropénie isolée, qui ne sont PAS À RISQUE d’infection bactérienne invasive

  • Le patient dont la NAN est de 1,0 Í10 /L ou plus peut être pris en charge comme s’il avait une NAN normale.
  • Le patient dont la NAN se situe entre 0,5 Í10 /L et moins de 1,0 Í 10 /L n’a pas systématiquement besoin d’antibiotiques empiriques. Son professionnel de la santé doit obtenir un nouvel hémogramme au bout de un à trois mois[5][7].
  • Chez le patient ayant une neutropénie grave (NAN inférieure à 0,5 Í 10 /L) :
    • s’assurer de prélever une hémoculture périphérique. Envisager d’effectuer une analyse ou une culture d’urine chez les enfants incontinents (en général, âgés de moins de 24 mois) ou qui présentent des symptômes ou des facteurs de risque d’infection urinaire[19]. D’après le tableau clinique, envisager également de procéder à des explorations comme une radiographie thoracique ou un test d’amplification en chaîne par polymérase (PCR) pour déceler les virus respiratoires.
    • on considère à faible risque le patient qui a l’air bien, dont la NAN est inférieure à 0,5 Í10 /L et qui ne présente pas de facteurs de risque d’IBI (tableau 1). Les antibiotiques empiriques ne sont généralement pas indiqués, mais peuvent être envisagés si la NAN se situe entre 0 Í 10 /L et 0,2 Í 10 /L. Organiser un suivi ambulatoire étroit dans les 24 à 48 heures. Donner des directives claires au sujet du congé et envisager de demander une consultation en pédiatrie ou en hématologie pédiatrique.
    • prévoir une consultation en pédiatrie ou en hématologie pédiatrique au bout de quatre à six semaines si sa NAN demeure inférieure à 0,5Í 10 /L, et plus rapidement si l’évaluation intérimaire révèle d’autres anomalies des lignées cellulaires. Tant que la neutropénie grave n’a pas disparu, l’enfant qui fait une nouvelle poussée de fièvre devrait être soumis à une évaluation d’urgence par un professionnel de la santé.
    • éduquer les parents, les autres proches et le patient (si la situation l’indique) avant le congé. Ils doivent comprendre les signes et symptômes de sepsis (p. ex., pâleur, léthargie ou faible niveau de conscience, confusion, vomissements persistants, fièvre persistante) et les raisons de solliciter des soins médicaux d’urgence.

Tableau 1. Les facteurs de risque associés aux infections bactériennes invasives chez les enfants et les adolescents atteints de neutropénie

Facteurs de risque

Anamnèse

Situation d’immunosuppression

  • Cancer ou transplantation
  • Immunodéficience primaire
  • Traitement immunosuppresseur (y compris l’utilisation chronique de stéroïdes)
  • Anémie aplasique ou autre insuffisance médullaire

Antécédents de neutropénie

    • Épisodes antérieurs
    • Neutropénie congénitale ou cyclique
    • Neutropénie auto-immune

Infection grave ou récurrente antérieure (p. ex., méningite, pneumonie grave, sepsis, abcès récurrents, ostéomyélite, cellulite)

Dispositif intravasculaire

Autres affections importantes

    • Affection chronique (p. ex., anémie falciforme, pneumopathie chronique, myocardiopathie)
    • Affection génétique présumée ou confirmée
    • Retard staturopondéral ou petite taille

Vaccins contre des bactéries encapsulées non à jour (pneumocoque, méningocoque, Haemophilus influenzae de type b)

Histoire familiale

  • Immunodéficience connue
  • Neutropénie chronique
  • Insuffisance médullaire
  • Leucémie

Examen physique

Aspect malade

Hépatosplénomégalie ou lymphadénopathie diffuse

Dysmorphies ou anomalies congénitales

Explorations

Suppression d’autres lignées cellulaires (thrombopénie, lymphopénie ou anémie inexpliquée)

Volume corpusculaire moyen élevé

Figure 1. La fièvre accompagnée d’une neutropénie grave (numération absolue de neutrophiles <0,5 x 109/L) chez les enfants de six mois et plus

VOIR DOCUMENT CI-JOINT

Conclusion

Les enfants âgés de six mois à 18 ans qui ont l’air bien, sont autrement en santé, ne souffrent pas d’un cancer, sont considérés comme immunocompétents et présentent un premier épisode de fièvre et de neutropénie sont peu vulnérables à une IBI et n’ont généralement pas besoin d’antibiotiques empiriques. Cependant, en cas de neutropénie grave, une évaluation approfondie s’impose, y compris une anamnèse ciblée, un examen physique et une hémoculture. En présence d’un facteur de risque supplémentaire, les enfants et les adolescents doivent recevoir une prise en charge personnalisée, qui peut inclure une hospitalisation et la prise d’antibiotiques par voie intraveineuse ou un suivi ambulatoire étroit. En l’absence de facteurs de risque d’IBI, une prise en charge non interventionniste peut suffire, dans le cadre d’un suivi étroit. Les adolescents et les parents de jeunes enfants doivent recevoir des conseils préventifs stricts.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier Charlotte Grandjean-Blanchet, MD, FRCPC, du CHU Sainte-Justine, pour sa révision attentive du présent point de pratique, qui a également été révisé par le comité des maladies infectieuses et d’immunisation et le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie, de même que par le comité directeur de la section de la médecine d’urgence pédiatrique.


COMITÉ DES SOINS AIGUS DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE (2021-2022)

Membres : Carolyn E. Beck MD, Kevin Chan MD (président), Kimberly Dow MD (représentante du conseil), Karen Gripp MD (membre sortante), Marie-Pier Lirette MBChB (membre résidente), Jonathan Sniderman MD, Evelyne D. Trottier MD, Troy Turner MD

Représentants : Laurel Chauvin-Kimoff MD (présidente sortante 2012-2019), section de la médecine d’urgence pédiatrique; Sidd Thakore MD, section de la pédiatrie hospitalière de la SCP

Auteures principales : Marie-Pier Lirette MBChB, Nicola Wright MD, Evelyne D. Trottier MD, Carolyn E. Beck MD  


Références

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Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.

Mise à jour : le 4 septembre 2024