Document de principes
Affichage : le 1 mars 2011 | Reconduit : le 28 février 2018
KJ Barrington; Société canadienne de pédiatrie, Comité d’étude du fœtus et du nouveau-né
Paediatr Child Health 2011;16(3):165-71
L’intubation trachéale, courante dans les soins au nouveau-né, s’associe à de la douleur et à une instabilité cardiorespiratoire. Le recours à une prémédication réduit les réponses physiologiques indésirables de bradycardie, d'hypertension systémique, d'hypertension intracrânienne et d'hypoxie. Fait peut-être plus important, la prémédication réduit la douleur et l’inconfort associés à l’intervention. Tous les nouveau-nés devraient donc recevoir une prémédication analgésique avant l’intubation trachéale, sauf en situation d’urgence. Selon les données probantes à jour, un protocole optimal de prémédication consiste à administrer un vagolytique (20 µg/kg d’atropine par voie intraveineuse [IV]), un analgésique à action rapide (de 3 µg/kg à 5 µg/kg de fentanyl IV en perfusion lente) et un myorelaxant de courte durée (2 mg/kg de succinylcholine IV). Les intubations devraient être effectuées ou supervisées par du personnel formé, qui assure une surveillance étroite du nourrisson tout au long de l’intervention.
Mots-clés : Bradycardia; Endotracheal intubation; Hypertension; Hypoxia; Newborn; Pain; Premedication
L’intubation trachéale est une intervention courante dans les soins au nouveau-né. La fréquence d’utilisation de la prémédication en vue de l’intubation varie beaucoup, tout comme les médicaments utilisés [1][2]. L’expérience de l’intubation est désagréable [3] et douloureuse [3][4], et elle perturbe énormément l’état cardiovasculaire et respiratoire du nouveau-né. La réduction de la douleur est une obligation éthique dans les soins aux nouveau-nés [5]. Même si les infirmières et les médecins conviennent que l’intubation trachéale du nouveau-né est une intervention très douloureuse [4], ils omettent tout de même souvent de soulager la douleur [4].
Pour recourir à ces agents, il n’est pas nécessaire d’avoir la preuve irréfutable qu’ils améliorent l’état à long terme du nourrisson. Il est possible que ce ne soit pas le cas. Il n’y a pas de preuve absolue que l’intubation en état d’éveil nuise à long terme aux adultes qui subissent une intubation trachéale, mais on ne l’invoque pas comme excuse pour procéder à cet acte douloureux et désagréable sans prémédication. Les nourrissons sous nos soins sont plus susceptibles de ressentir de la douleur [6] et de présenter des conséquences indésirables à long terme découlant de la douleur importante éprouvée aux soins intensifs [6] que des adultes dans une situation semblable. Pour garantir une démarche humaine et éthique dans le cadre des interventions en soins intensifs néonatals, il faut recourir à une analgésie préemptive avant d’amorcer une intervention douloureuse planifiée [7].
Le présent document de principes vise à analyser les publications portant sur les prémédicaments pertinents en vue de l’intubation et à produire des recommandations probantes en vue de leur utilisation.
L’analyse bibliographique a inclus une recherche dans Medline mise à jour pour la dernière fois en juin 2010 au moyen de PubMed, à partir des termes de recherche suivants : intubation, endotracheal et newborn. La recherche était limitée aux études sur des humains menées en anglais, en français, en allemand ou en espagnol. Une recherche a été effectuée dans les résumés des Pediatric Academic Societies pour les années 1995 à 2007, ainsi que dans Embase pour les années 1966 à 2007. La hiérarchie de données probantes du Centre for Evidence-Based Medicine a été appliquée au moyen de la qualité des preuves à l’égard du traitement et du pronostic (dans le site http://www.cebm.net, cliquer sur l’onglet EBM Tools, ou aller directement à l’adresse www.cebm.net/index.aspx?o=1025).
En outre, l’auteur principal a fait des recherches dans ses dossiers de données personnelles et dans les listes de référence d’études publiées conservées en vue d’articles potentiels. Il a également consulté une analyse systématique publiée afin d’en extraire des références [8].
Il a posé les questions suivantes :
La majorité des études ne distinguent pas les réponses physiologiques causées par l’intubation de celles attribuables à la laryngoscopie. C’est important seulement parce que la laryngoscopie est parfois effectuée pour d’autres raisons, comme la vérification de la position de la sonde ou l’examen des voies aériennes supérieures. Dans une telle situation, il faut se souvenir que la laryngoscopie en elle-même peut provoquer des changements physiologiques indésirables [9]. En effet, l’intubation et la laryngoscopie provoquent une hypertension systémique et pulmonaire [10], une bradycardie, une hypertension intracrânienne [11] et une hypoxie. La bradycardie et l’hypoxie semblent être indépendantes. Il est possible de réduire ou d’éviter l’hypoxie grâce à la préoxygénation et à l’utilisation d’une lame de laryngoscope qui assure une insufflation d’oxygène continue dans le pharynx pendant l’intervention. Quant à la bradycardie, elle est surtout d’origine vagale, et on ne peut pas la prévenir par une préoxygénation et l’évitement de l’hypoxie [12]. L’augmentation de la pression intracrânienne semble résulter du fait que le nourrisson tousse et se débat [13]. L’hypertension artérielle systémique a fait l’objet d’études approfondies chez les adultes hypertensifs, et elle semble être causée par une augmentation de la résistance vasculaire systémique [14], découlant probablement de la libération de catécholamine en réponse à l’intense douleur [9]. L’hypertension pulmonaire entraînant une insuffisance ventriculaire droite pendant l’intubation est bien décrite chez les adultes [15], mais les pressions artérielles pulmonaires n’ont pas été mesurées chez les nouveau-nés pendant l’intubation.
Il est possible de réduire ou d’éliminer les réponses physiologiques à l’intubation par l’administration de vagolytiques, de myorelaxants, d’analgésiques, d’une préoxygénation et d’une technique tout en délicatesse. Plus précisément, on peut prévenir en grande partie la bradycardie par l’utilisation d’atropine [12], on peut limiter l’hypertension systémique par une analgésie pertinente, qui réduit également les réponses de l’endocrine et de l’endorphine [16], et on peut éviter l’hypertension intracrânienne par l’administration de myorelaxants [13] (qualités de preuve 1b dans tous les cas). L’intubation est beaucoup plus rapide lorsque le nourrisson est paralysé [13][17][18], qu’elle soit effectuée par des néonatologistes d’expérience [13], des anesthésistes [18] ou des résidents en pédiatrie [17] (qualité de preuve 1b), ce qui limite l’hypoxie. Il faut également moins de tentatives avant de réussir [19][20].
Dans le cadre de deux études récentes [19][20] tous les nourrissons ont reçu de puissants analgésiques et ont été répartis au hasard entre l’administration d’un myorelaxant ou d’aucun relaxant. Les deux études ont démontré les bienfaits supplémentaires du myorelaxant.
Sur le plan éthique, il est impératif d’administrer une analgésie avant des interventions douloureuses planifiées, à moins d’en démontrer le caractère néfaste. La réduction des séquelles physiologiques à court terme découle probablement, du moins en partie, de la diminution de la douleur et de l’inconfort.
Par rapport à un placebo, la morphine ne semble pas réduire l’occurrence de grave hypoxie accompagnée de bradycardie pendant l’intubation, probablement à cause de son action tardive [21]. Il est probable que le fentanyl soit plus efficace en raison de son action plus rapide. D’autres agents plus récents, qui agissent encore plus rapidement, peuvent également être plus efficaces. Le rémifentanil en est un exemple. Chez les sujets plus âgés, il agit en quelques secondes, et l’effet dure seulement quelques minutes [22][23]. Chez les nouveau-nés, on possède des données pharmacocinétiques (PC) et pharmacodynamiques (PD) limitées sur la morphine et le fentanyl, mais on en possède encore beaucoup moins sur le rémifentanil. Un essai aléatoire à l’insu [16] a révélé que la mépéridine réduisait les réponses endocriniennes à l’intubation. D’après les données PC ou PD très limitées chez les nouveau-nés, on constate une variabilité interindividuelle marquée de la clairance [24].
Un petit essai aléatoire mené chez des nourrissons à terme et peu prématurés [25] a établi que le thiopental, un barbiturique anesthésique, réduisait la douleur apparente chez les nouveau-nés qui se faisaient intuber par rapport à ceux qui ne recevaient pas de prémédication. Cependant, l’élimination très prolongée du thiopental chez le nouveau-né est préoccupante (demi-vie moyenne de l’élimination : 14,9 heure) [26]. Dans le cadre d’une étude sans contrôle, le méthohexital, un barbiturique à action très courte chez des sujets plus âgés, s’associe à des conditions d’intubation harmonieuses et à l’absence de détresse apparente pendant l’intubation [27]. Pour l’instant, il semble n’exister aucune donnée PC ou PD chez le nouveau-né.
Pendant un récent essai aléatoire et contrôlé [28] qui comparait l’utilisation du propofol à celui de la morphine, de l’atropine et de la succinylcholine pour intuber les nouveau-nés, l’intubation était plus rapide, la saturométrie mieux maintenue et le temps de rétablissement plus court dans le groupe prenant du propofol. On a craint que le propofol soit un agent hypnotique sans effet analgésique et qu’il soit nécessaire de l’associer à un analgésique comme un opiacé. Des données PC limitées démontrent une extrême variabilité de la clairance, ce qui laisse supposer la nécessité éventuelle de personnaliser les posologies. Chez les sujets plus âgés, le propofol est souvent responsable d’hypotension [29], et son utilisation prolongée ou répétée peut s’associer à de graves effets indésirables. Par conséquent, d’autres recherches sur son usage en monodose s’imposent avant d’en recommander une utilisation généralisée.
Par définition, les sédatifs non analgésiques ne réduisent pas la douleur. Il n’est donc pas pertinent de les utiliser seuls pour l’intubation. Le midazolam semble être le médicament le plus utilisé dans cette catégorie [30]. Il n’a pas été démontré qu’il réduit les changements physiologiques de l’intubation et il s’associe à de graves effets indésirables pendant l’intubation [31]. En effet, il est responsable d’hypotension [31]-[35], d’une diminution du débit cardiaque [32] et d’une baisse de la vélocité du débit sanguin cérébral [31][34], sans compter que sa cinétique est variable et que sa demi-vie peut dépasser les 22 heures [36][37]. De plus, lorsqu’il est utilisé sous forme de perfusion prolongée, il s’associe à une augmentation des conséquences neurologiques indésirables [38]. Le midazolam ne devrait donc pas être utilisé pour l’intubation des nouveau-nés.[29][39]
Le risque de complications est l’une des raisons souvent invoquées pour éviter d’utiliser les prémédicaments [40]. Pourtant, aucun des essais aléatoires et contrôlés n’a démontré de graves complications attribuables à des prémédicaments administrés avant l’intubation. Une étude d’observation multicentrique menée en France [30] a révélé que la fréquence des complications n’augmentait pas lorsque les nourrissons recevaient une prémédication. L’utilisation d’opiacés puissants à courte durée d’action est parfois suivie d’une augmentation du tonus musculaire, y compris un accroissement du tonus de la musculature de la paroi de la cage thoracique. Ce résultat semble être relativement rare si le médicament est administré lentement [41], et on peut le contrer en administrant un myorelaxant ou un antagoniste des opioïdes.
De nos jours, les nourrissons sont souvent intubés pour recevoir un surfactant, et on prévoit les extuber dès qu’ils répondent correctement. Dans un tel cas, l’une des priorités du schéma posologique de la prémédication consiste à éviter les effets respiratoires indésirables prolongés. Même si le fentanyl a une demi-vie sérique prolongée chez le nouveau-né, d’une moyenne de dix heures ou plus, la dépression respiratoire qu’il cause est de courte durée, et il est possible d’extuber les nourrissons en toute sécurité moins d’une heure après l’administration du médicament. L’un des avantages potentiels des agents à très courte durée d’action comme le rémifentanil, c’est une demi-vie sérique très courte, de seulement quelques minutes. On s’inquiète donc moins de leurs effets résiduels potentiels. De futures recherches sur la prémédication devraient porter sur les effets du schéma posologique sur la réussite de l’extubation.
Si les risques associés au médicament sont supérieurs à ceux de l’intubation sans prémédication, il serait acceptable de laisser tomber la prémédication. Cette situation peut se produire pendant la réanimation, que ce soit dans la salle d’accouchement ou pendant une détérioration aiguë ou une maladie grave qui se déclare après la naissance mais pendant la période néonatale ou le séjour aux soins intensifs néonatals. Pendant qu’on dégage les voies aériennes, qu’on procure une ventilation pertinente et qu’on s’assure d’une bonne fréquence cardiaque, il ne serait pas pertinent de recourir à la prémédication. Cependant, un nourrisson réanimé au masque qui doit être intubé parce qu’il a besoin d’un soutien respiratoire continu devrait recevoir une prémédication dès que l’accès vasculaire pertinent aura été établi, par accès intraveineux (IV) périphérique, par accès central ou par la veine ombilicale.
Pour les nourrissons chez qui on risque d’éprouver d’importantes difficultés à obtenir un accès vasculaire ou de devoir procéder à de multiples tentatives IV accompagnées d’inconfort, on pourrait envisager une autre voie pour administrer le médicament, telle que la muqueuse nasale (p. ex., le fentanyl est efficace par cette voie) ou l’inhalation (p. ex., le protoxyde d’azote [42] ou la sévoflurane [43]). Dans de rares cas, on peut envisager l’intubation en état d’éveil. Les nourrissons dont les voies aériennes sont très anormales seront probablement difficiles à intuber, et s’ils doivent fournir des efforts pour les maintenir ouvertes, ils ne devraient pas recevoir de prémédication. Il faut alors songer à une intubation bronchoscopique [44] ou au recours à un masque laryngé [45]. Si personne ne maîtrise ces techniques, il faut envisager un transfert dans un centre expérimenté et utiliser la ventilation au ballon et masque en attendant.
Au tableau 1 figure un résumé des prémédicaments qui ont fait l’objet d’études.
TABLEAU 1 La prémédication en vue de l’intubation trachéale néonatale – études publiées |
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Données probantes |
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Médicament |
Avantages |
Inconvénients |
Type d’étude |
n |
Sujets |
Observations |
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Blocage vagal |
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Atropine |
Dose nécessaire connue |
Risque de complications du SNC en cas de surdose |
EAC; atropine par rapport à l’absence de traitement [12] |
30 |
Nouveau-nés à terme et prématurés |
Prévention de la bradycardie par rapport à l’absence de traitement |
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Glycopyrrolate |
Ne traverse pas la barrière hématoencéphalique |
Dose incertaine chez le nourrisson très prématuré |
EAC; administré aux deux groupes [16] |
20 |
Nouveau-nés à terme et prématurés |
Aucune bradycardie |
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Analgésie ou anesthésie |
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Fentanyl |
Opiacé puissant; données PC disponibles [43] Bon effet analgésique |
Dose inconnue pour l’intubation du nouveau-né; rares occurrences de rigidité de la paroi de la cage thoracique [44], effet sédatif imprévisible [45] |
Étude de cohorte [40] Utilisé dans les deux volets de nombreux petits EAC |
253 |
Nouveau-nés à terme et prématurés |
A démontré l’innocuité d’un protocole incluant du fentanyl et de la succinylcholine |
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Alfentanil |
Opiacé puissant |
Dose et cinétique inconnues |
EAC; en association avec la succinylcholine par rapport à la mépéridine sans myorelaxant [20] |
20 |
Nouveau-nés à terme et prématurés |
Intubation plus rapide et réduction de la durée de l’hypoxie grâce à l’alfentanil et à la succinylcholine |
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Morphine |
Opiacé; données PC disponibles Effet sédatif |
Dose inconnue pour cette indication; l’action tardive en limite l’efficacité pour cette indication |
EAC; morphine par rapport à l’absence de prémédication [21] |
60 |
Nouveau-nés à terme et prématurés |
Aucun effet sur la gravité de la perturbation physiologique pendant l’intubation |
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EAC; en association avec la succinylcholine et l’atropine [17] par rapport à l’absence de médicament |
20 |
Nouveau-nés à terme et prématurés |
Intubation plus rapide (60 s au lieu de 590 s), moins de tentatives et moins de bradycardie |
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Mépéridine |
Opiacé à l’effet sédatif |
Cause des nausées chez les patients plus âgés |
EAC; mépéridine par rapport à l’alfentanil et à la succinylcholine [16] |
20 |
Nouveau-nés à terme et prématurés |
Plus d’hypoxie que le groupe comparatif |
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Rémifentanil |
Opiacé puissant Action rapide, clairance très rapide et courte durée d’action, fournit un bon niveau d’anesthésie |
Peut causer une rigidité de la paroi de la cage thoracique; effets hémodynamiques incertains chez le nouveau-né; données PC limitées chez le nouveau-né |
EAC; rémifentanil par rapport à la morphine [48] |
20 |
Nouveau-nés prématurés |
Meilleures conditions d’intubation avec le rémifentanil |
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Étude de cohorte [49] |
21 |
Nouveau-nés prématurés de 29 à 32 semaines d’âge gestationnel |
Bonnes conditions d’intubation, extubation rapide |
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EAC; rémifentanil par rapport au fentanyl associé à la succinylcholine [23] |
30 |
Nouveau-nés à terme et prématurés |
Conditions d’intubation et complications similaires, intubation plus longue et plus de rigidité de la paroi de la cage thoracique qu’avec le rémifentanil seul, non statistiquement significatif |
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Méthohexital |
Analogue des barbituriques Action rapide, fournit un bon niveau de sédation |
Inconnu de nombreux néonatologistes, aucunes données PC |
Étude de cohorte [27] |
18 |
Nouveau-nés de >32 semaines d’âge gestationnel |
Bonne sédation et bonnes conditions d’intubation |
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Propofol |
Action très rapide, fournit un bon niveau d’anesthésie |
Peut causer une hypotension, toxicité inconnue chez le nouveau-né, peu de données PC, mais clairance réduite chez le nouveau-né |
Étude de cohorte [50] |
100 |
Nouveau-nés et nourrissons de 2,1 kg à 9,2 kg sous anesthésie à l’halothane |
Intubation rapide, excellentes conditions d’intubation |
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EAC; propofol par rapport à la morphine, à la succinylcholine et à l’atropine [28] |
63 |
Nouveau-nés à terme et prématurés |
Intubation plus courte et moins d’hypoxie avec le propofol |
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Thiopental |
Anesthésique à action rapide |
Cause une hypotension chez les enfants plus âgés, clairance prolongée et d’une extrême variabilité |
EAC [25]; thiopental par rapport à l’absence de médicament |
30 |
Nouveau-nés de >2 kg |
Atténue la réponse hypertensive |
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Myorelaxation |
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Pancuronium |
Agent non dépolarisant, peu d’effets secondaires |
Durée prolongée |
EAC; atropine seule par rapport à l’atropine associé au pancuronium et par rapport à l’absence de traitement [12] |
30 |
Nouveau-nés à terme et prématurés |
Plus petite augmentation de la pression intracrânienne et moins d’hypoxie pendant l’intubation |
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Succinylcholine |
Action rapide, courte durée d’action |
Agent dépolarisant, rares complications graves, hyperthermie maligne, hyperkaliémie, rhabdomyolyse |
81 |
Nouveau-nés à terme et prématurés |
Réduit l’augmentation de la pression intracrânienne, la durée de l’intervention, le nombre de tentatives et le traumatisme |
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Mivacurium |
Agent non dépolarisant, peu d’effets secondaires, courte durée d’action |
Étude de cohorte de son utilisation associée au fentanyl et à l’atropine [51] |
34 |
Nouveau-nés à terme et prématurés |
Action rapide (1 à 3 min), courte durée d’action (5 à 15 min), conditions d’intubation très stables |
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EAC; mivacurium par rapport à l’absence de mivacurium (tous les nourrissons ont reçu du fentanyl et de l’atropine) [19] |
41 |
Nouveau-nés à terme et prématurés |
Intubation beaucoup plus courte et moins d’hypoxémie avec le mivacurium |
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Rocuronium |
Agent non dépolarisant à action rapide |
Durée prolongée et variable (jusqu’à 1 heure) |
EAC; rocuronium par rapport à l’absence de relaxant (tous les nourrissons ont reçu du fentanyl et de l’atropine) [48] |
44 |
Nouveau-nés prématurés |
Beaucoup plus susceptibles d’être intubés à la première tentative que les sujets témoins |
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EAC essai aléatoire et contrôlé; PC pharmacocinétique; SNC système nerveux central |
D’après l’analyse précédente, il semble qu’étant donné les connaissances actuelles, le protocole optimal consiste à administrer un vagolytique, un analgésique et un myorelaxant. Il faudra effectuer d’autres recherches sur les agents hypnotiques et anesthésiques comme le propofol avant d’en recommander l’utilisation.
Le glycopyrrolate et l’atropine sont tous deux efficaces et n’ont pas fait l’objet d’une comparaison directe. On ne connaît pas les doses de glycopyrrolate à utiliser chez les petits prématurés [46]. L’atropine ne s’associe pas à des effets indésirables significatifs lorsqu’on l’administre une fois à la dose exacte. Il convient de souligner qu’il n’y a pas de dose minimale totale – une dose de 10 µg/kg à 20 µg/kg est à la fois efficace et sécuritaire.
L’analgésique optimal pour l’intubation agirait très rapidement en épargnant la mécanique respiratoire, assurerait une action de courte durée mais une bonne sédation et aurait une cinétique fiable. Aucun des agents sur le marché ne correspond à ce profil. Le fentanyl, l’analgésique le plus utilisé, atténue la perturbation physiologique pendant l’intubation chez les adultes et les enfants plus âgés et possède un bon profil d’innocuité. Il n’existe aucun essai aléatoire comparant le fentanyl à d’autres agents utilisés comme prémédication en vue de l’intubation. Aux doses généralement administrées, la rigidité de la paroi de la cage thoracique est un phénomène rare. On peut supprimer cet effet secondaire au moyen de naloxone ou par l’administration immédiate d’un myorelaxant à action rapide, ou peut-être le prévenir par la coadministration de ce relaxant. Le fentanyl peut réduire la pulsion respiratoire. Par conséquent, l’équipe doit être prête à maintenir l’ouverture des voies aériennes et la respiration du nourrisson dès l’administration du médicament.
D’après plusieurs études [1][4], la morphine est le médicament le plus utilisé en vue de l’intubation. Cependant, utilisée seule, elle n’améliore pas la stabilité physiologique pendant l’intubation. Ce phénomène s’explique peut-être parce qu’il faut au moins dix minutes pour obtenir une bonne analgésie après son administration IV, ce qui laisse croire que son choix comme analgésique avant l’intubation ne serait pas optimal. L’action très rapide et de courte durée du rémifentanil est attrayante. Il faudrait faire des recherches plus approfondies sur son utilisation chez le nouveau-né. Le méthohexital et le thiopental n’ont fait l’objet d’études que sur des prématurés de plus gros poids et des nourrissons à terme, mais d’autres recherches s’imposent.
Le myorelaxant optimal en vue de l’intubation aurait une action rapide et de courte durée et peu d’effets secondaires. La succinylcholine est la plus utilisée, mais dans de rares cas, elle entraîne des effets secondaires graves. De plus, elle accroît la tension artérielle et provoque simultanément une dépolarisation. On peut observer une hyperkaliémie, mais les élévations marquées sont peu courantes et s’observent généralement en association avec une lésion tissulaire importante [47]. La succinylcholine peut déclencher une hyperthermie maligne, c’est-à-dire une affection autosomique dominante rare du muscle squelettique qui demeure asymptomatique à moins que des substances déclenchantes ne soient administrées. C’est pourquoi il ne faudrait pas administrer de succinylcholine aux nourrissons ayant une hyperkaliémie ou des antécédents familiaux d’hyperthermie maligne.
Parmi les agents non dépolarisants, le mivacurium s’approche le plus du profil idéal. Sa durée d’action de huit à 12 minutes est suffisante pour permettre de fixer la sonde après l’intubation et pour procéder à un court sevrage et à l’extubation si le nourrisson est intubé pour une courte intervention, telle que l’administration d’un surfactant. Cependant, le mivacurium n’est pas commercialisé en Amérique du Nord et les autres agents (p. ex., le cisatracurium) devraient faire l’objet d’études. Le rocuronium a été étudié et a l’avantage d’agir rapidement, mais pour la plupart des indications, la myorelaxation est trop longue (jusqu’à une heure) et ne conviendrait pas.
Si on décide d’intuber un nourrisson au moyen d’un opiacé puissant, mais sans myorelaxation, nous recommandons de préparer la bonne dose de myorelaxant, qui sera prête à utiliser en cas de rigidité de la paroi de la cage thoracique. Dans une telle situation, la succinylcholine, qui agit le plus rapidement, conviendrait.
L’intubation trachéale est une intervention stressante au potentiel dangereux qui exige une surveillance attentive, une excellente technique et toutes les mesures nécessaires pour en limiter les dangers, sans compter qu’il faut envisager une prémédication. Il faut procéder à la préoxygénation afin de réduire l’hypoxie, limiter la durée des tentatives à une période maximale raisonnable (telle que 30 secondes), assurer une observation et une surveillance attentives pendant l’intervention (notamment la saturométrie), de même que confirmer la bonne installation de la sonde au moyen de la détection du gaz carbonique en fin d’expiration. L’intervention doit être effectuée ou supervisée par des personnes possédant la formation et l’expérience pertinentes.
TABLEAU 2 Protocole suggéré pour administrer la prémédication |
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Médicaments |
Posologie suggéré |
Atropine |
20 µg/kg par voie intraveineuse |
Fentanyl |
De 3 µg/kg à 5 µg/kg par voie intraveineuse (perfusion lente) |
Succinylcholine |
2 mg/kg par voie intraveineuse |
Aucun de ces medicaments n’est utilize dans une indication autorisé en néonatologie |
Le comité de soins aigus, le comité de la pédiatrie communautaire et le comité de la pharmacologie et des substances dangereuses de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent document de principes.
Membres : Robert I Hilliard MD (représentant du conseil); Ann L Jefferies MD (présidente); Abraham Peliowski-DavidovichAbraham Peliowski-Davidovich MD; S Todd Sorokan MD; Hilary EA Whyte MD; Robin K Whyte MD
Représentants : Michael S Dunn MD, section de la médecine néonatale et périnatale, Société canadienne de pédiatrie; Sandra Dunn, Partenariat des programmes périnatals du Canada; Andrée Gagnon MD, Collège des médecins de famille du Canada; Robert Gagnon MD, Société des obstétriciens et gynécologues du Canada; Catherine M McCourt MD, Agence de la santé publique du Canada, Santé Canada; Patricia A O’Flaherty, Association canadienne des infirmières et infirmiers en néonatologie; Lu-Ann Papile MD, comité d’étude du fœtus et du nouveau-né, American Academy of Pediatrics
Conseillers : Keith James Barrington MD; Haresh M Kirpalani MD
Auteur principal : Keith James Barrington MD
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 7 février 2024