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Le risque d’hyponatrémie aiguë chez les enfants et les adolescents hospitalisés sous soluté d’entretien par voie intraveineuse

Affichage : le 18 décembre 2018 | Mise à jour : le 15 juillet 2024


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Auteur(s) principal(aux)

Jeremy N. Friedman; Société canadienne de pédiatrie, Comité des soins aigus

Mise à jour par : Jonathan Sniderman, Melani Buba, Kevin Chan

Résumé

L’hyponatrémie aiguë d’origine nosocomiale est de plus en plus reconnue comme une cause de morbidité et de mortalité chez les enfants. Elle est surtout attribuée à l’utilisation de solutés hypotoniques administrés par voie intraveineuse pour répondre aux besoins liquidiens et électrolytiques. Le présent point de pratique expose les connaissances actuelles du problème et contient un résumé des recherches récentes sur le sujet. Il contient également des recommandations détaillées sur la prescription de solutés d’entretien par voie intraveineuse chez les enfants âgés de un mois à 18 ans. On recommande d’utiliser des solutés isotoniques (solution glucosée à 5 % de PlasmaLyte, de lactate de Ringer ou de chlorure de sodium à 0,9 %) dans la plupart des cas. Il faut éviter les solutés hypotoniques par voie intraveineuse pour assurer l’apport liquidien d’entretien par voie intraveineuse habituel.  

Mots-clés : hyponatrémie aiguë; prescription de soluté par voie intraveineuse; solutés d’entretien par voie intraveineuse 

Le problème

L’hyponatrémie, qui désigne un taux de sodium sérique inférieur à 135 mmol/L, est de plus en plus reconnue comme une cause de morbidité et de mortalité chez les enfants hospitalisés [1]-[9]. Ces dernières années, on a constaté de nombreuses déclarations de grave morbidité, y compris de graves lésions neurologiques, ainsi que de nombreux décès chez des enfants qui avaient contracté une hyponatrémie d’origine nosocomiale tandis qu’ils recevaient un soluté par voie intraveineuse (IV) [1]-[9]. Dans une étude cas-témoin, 40 des 432 enfants hospitalisés sous soluté IV dont le sodium sérique de référence était normal (9 %) présentaient ensuite un sodium sérique sous les 136 mmol/L [3]. D’autres études ont démontré une incidence d’hyponatrémie pouvant atteindre les 24 % chez les enfants hospitalisés [10].

L’hyponatrémie est surtout attribuée à l’utilisation de solutés hypotoniques d’entretien IV. L’administration de ces solutés fournit une source d’eau sans électrolyte à une population d’enfants vulnérables à une plus grande sécrétion d’hormones antidiurétiques (HAD) [3][11][12]. Les séquelles cliniques de l’hyponatrémie aiguë (une baisse du sodium dans les 48 heures) découlent d’un œdème cérébral aigu et peuvent inclure des céphalées, une léthargie, des convulsions et peut-être même un arrêt respiratoire et cardiaque secondaire à une hernie du tronc cérébral. Ces pronostics cliniques sont plus susceptibles de survenir après une hyponatrémie aiguë sévère (sodium inférieur à 130 mmol/L). En raison du ratio plus élevé entre le cerveau et le volume intracrânien, les enfants risquent davantage de présenter ces séquelles que les adultes.

La pratique habituelle qui consiste à administrer des solutés hypotoniques d’entretien IV, qui contiennent généralement de 20 mmol/L à 30 mmol/L de sodium, se fonde sur l’article fondamental de Holliday et Segar [13] publié en 1957, qui préconise l’utilisation d’un mélange de chlorure de sodium à 0,2 % et de dextrose à 5 %. Cette recommandation découlait de la dépense calorique des enfants en santé, tandis que la composition électrolytique était dérivée de celle du lait humain et du lait de vache.

Il est établi que la grande majorité des enfants hospitalisés sont vulnérables à une sécrétion d’HAD non physiologique causée par les nausées, le stress, la douleur, les troubles du système pulmonaire et du système nerveux central, les interventions chirurgicales et des médicaments souvent utilisés, tels que le sulfate de morphine. Ainsi, les recommandations consacrées de Holliday et Segar quant à l’utilisation de soluté hypotonique IV sont probablement malavisées. Le fort pourcentage d’eau sans électrolyte contenue dans les solutés hypotoniques IV (78 %) par rapport au chlorure de sodium (0 %), combiné à une réduction de la capacité d’excréter l’eau en raison de la sécrétion d’HAD, fait courir aux enfants hospitalisés un plus grand risque d’hyponatrémie aiguë.

Les modes de prescription de solutés IV chez les enfants varient considérablement selon les médecins, qu’ils travaillent dans le même hôpital ou non. Selon une étude transversale menée dans de multiples hôpitaux du Royaume-Uni, 77 des 99 enfants à qui on a administré un soluté IV pendant la même journée d’une semaine donnée ont reçu des solutés hypotoniques. Ainsi, 21 des 86 enfants (24 %) chez qui on avait mesuré les électrolytes sériques présentaient une hyponatrémie, et la majorité avait reçu un soluté hypotonique IV [10].

Afin d’éviter l’apparition d’une hyponatrémie aiguë, il est recommandé de privilégier un soluté isotonique (tel qu’une solution glucosée à 5 % de PlasmaLyte, de lactate de Ringer ou de chlorure de sodium à 0,9 %) comme soluté d’entretien IV standard [2][11][12][14]. Le chlorure de sodium contient 154 mmol/L de sodium, qui est isotonique par rapport à la membrane cellulaire. Cette suggestion soulève des inquiétudes quant au potentiel d’hypernatrémie et de surcharge en sel et en eau [15]. Cependant, à moins que l’enfant présente une capacité réduite à excréter le sodium, un déficit de la concentration rénale, une perte liquidienne importante ou une restriction liquidienne prolongée, ces risques semblent être largement théoriques. Il est plus efficace de réduire le risque d’acidose métabolique hyperchlorémique par un soluté équilibré (comme le PlasmaLyte ou le lactate de Ringer) que par du chlorure de sodium à 0,45 %, parce que l’acidose est causée par la forte différence d’ions contenus dans le soluté et non par le chlorure même [16].

De nouvelles données

Les premières études prospectives comparant la tonicité des solutés IV portaient principalement sur les populations ayant subi une intervention chirurgicale ou ayant été hospitalisées en soins intensifs, certaines études plus petites incluant des enfants admis dans des unités hospitalières [17]-[25]. Cinq analyses systématiques et méta-analyses publiées en 2014-2015 ont conclu que les solutés isotoniques d’entretien posaient un moindre risque d’hyponatrémie que les solutés hypotoniques [26]-[30]. Deux précisaient toutefois que les données portaient sur des populations ayant subi une intervention chirurgicale ou ayant été hospitalisées en soins intensifs et que les données étaient insuffisantes pour qu’il soit possible de généraliser les recommandations à toutes les unités médicales [26][27].

Plus récemment, trois études randomisées et contrôlées ont porté sur la question de la tonicité des solutés d’entretien IV et de l’hyponatrémie dans les populations hospitalisées ou opérées d’âge pédiatrique [31]-[33]. La première étude, réalisée en Australie, est la plus vaste jusqu’à présent, puisqu’elle a réparti au hasard 690 enfants hospitalisés ou opérés entre des solutés isotoniques (140 mmol/L de sodium) et hypotoniques (77 mmol/L de sodium) [31]. Les solutés à l’étude ont été maintenus jusqu’à ce que les patients reçoivent moins de 50 % de leurs besoins d’entretien IV, sans dépasser une période de 72 heures. Pour être significatif sur le plan clinique, le résultat primaire était l’occurrence d’hyponatrémie, définie comme un sodium sérique inférieur à 135 mmol/L et une diminution minimale de 3 mmol/L par rapport au début du traitement. Les chercheurs ont conclu que les solutés isotoniques étaient associés à un moindre risque d’hyponatrémie que les solutés hypotoniques (4 % par rapport à 11 %; p=0,001), sans augmentation des effets indésirables [31].

La méthodologie de la deuxième étude, menée au Canada, était semblable à celle effectuée en Australie [32]. Au total, 110  enfants, tous hospitalisés à l’unité de pédiatrie générale, ont été répartis au hasard entre un soluté isotonique d’entretien IV (chlorure de sodium à 0,9 % ou 154 mmol/L de sodium) ou hypotonique (chlorure de sodium à 0,45 % ou 77 mmol/L de sodium). Le résultat clinique primaire, soit le sodium sérique moyen au bout de 48 heures (p=0,60), n’était pas différent entre les deux groupes, mais les chercheurs ont observé deux cas d’hyponatrémie dans le groupe ayant reçu un soluté hypotonique et aucun dans celui ayant reçu un soluté isotonique.

La troisième étude a été effectuée au Mexique auprès d’une population mixte de patients d’âge pédiatrique hospitalisés ou opérés [33]. Ainsi, 151 enfants ont été répartis au hasard entre deux solutés hypotoniques (chlorure de sodium à 0,3 % ou à 0,45 %) ou des solutés isotoniques d’entretien (chlorure de sodium à 0,9 %). Le sodium sérique moyen au bout de huit heures, qui constituait le résultat primaire, était plus faible dans les deux groupes ayant reçu un soluté hypotonique que dans celui ayant reçu un soluté isotonique (p<0,0001).

Ces récentes études randomisées et contrôlées ont élargi la portée des publications sur la tonicité des solutés d’entretien IV en pédiatrie et ont continué de démontrer uniformément que, par rapport aux solutés hypotoniques, les solutés isotoniques d’entretien réduisent le risque d’hyponatrémie iatrogène aiguë, sans augmentation des effets secondaires importants.

Tableau 1. Définitions
Définition Ions sodium sériques, en mmol/L
Normonatrémie de 135 à 145
Hyponatrémie <135
Hyponatrémie aiguë sévère < 130 dans les 48 h chez un enfant dont le sodium de référence
Hypernatrémie >145

Recommandations [34]-[36]

Les recommandations suivantes [34]-[36] s’appliquent à la prescription de soluté d’entretien IV chez les enfants d’un mois d’âge corrigé à 18 ans, à l’exception des patients ayant une affections rénale ou cardiaque, une acidocétose diabétique, de graves brûlures ou d’autres affections sous-jacentes qui nuisent considérablement à la régulation des électrolytes.

Les principes généraux

  1. Tout enfant hospitalisé qui a besoin de soluté par voie intraveineuse (IV) devrait être considéré comme vulnérable à une hyponatrémie en raison de son risque plus élevé de sécrétion d’hormones antidiurétiques (HAD). Sont particulièrement à risque :
    • les enfants qui se font opérer,
    • les enfants ayant une infection neurologique ou respiratoire aiguë (p. ex, méningite, encéphalite, pneumonie, bronchiolite).
  2. Les liquides administrés par voie orale contiennent généralement très peu de sodium (ils sont hypotoniques). Lorsque l’apport liquidien total combine des liquides administrés par voie orale et des solutés IV, il faut tenir compte des deux types de liquides.
  3. Puisque les nourrissons et les jeunes enfants possèdent des  réserves limitées de glycogène, le dextrose devrait être inclus dans la prescription de soluté d’entretien IV (p. ex., solution glucosée à 5 % de chlorure de sodium à 0,9 %, de lactate de Ringer ou de PlasmaLyte) en l’absence d’autre source de glucose.
  4. L’approche adoptée pour prescrire des solutés IV devrait être tout aussi prudente que s’il s’agissait de médicaments, et il faudrait porter une grande attention aux indications, à la surveillance, au type de soluté ainsi qu’au volume et au rythme d’administration.

La surveillance

  1. Il faudrait mesurer les électrolytes sériques et la fonction rénale de référence (sodium, potassium, glucose, azote uréique sanguin, créatinine) avant d’entreprendre une thérapie liquidienne IV chez des enfants hospitalisés.
  2. Les enfants qui reçoivent un soluté d’entretien IV devraient être soumis à une vérification régulière de leurs électrolytes sériques; les patients susceptibles d’être à haut risque d’anomalies de l’excrétion rénale de l’eau devraient être soumis à une vérification quotidienne, sinon plus fréquente.
  3. Il faut surveiller de près l’absorption et l’excrétion de tous les enfants qui reçoivent un soluté d’entretien IV et les peser tous les jours.
  4. Les cliniciens devraient connaître les symptômes d’hyponatrémie, qui peuvent inclure des céphalées, des nausées et des vomissements, de l’irritabilité, une diminution du niveau de conscience, des convulsions et de l’apnée.
  5. Les enfants qui reçoivent un traitement par soluté IV devraient être réévalués au moins une fois par jour et de préférence plus souvent, afin d’établir si la dose peut être réduite ou supprimée.

La prescription de solutés d’entretien par voie intraveineuse

  1. Chez les enfants dont le sodium sérique de référence est normal, mais qui sont considérés comme particulièrement à haut risque de sécrétion d’HAD (p. ex., ils sont dans la période périopératoire ou postopératoire ou sont atteints d’une infection respiratoire ou neurologique), il est recommandé d’utiliser un soluté isotonique (solution glucosée à 5 % de PlasmaLyte, de lactate de Ringer ou de chlorure de sodium à 0,9 %).
  2. Pour ce qui est des autres enfants hospitalisés dont le sodium sérique est normal, une solution glucosée à 5 % de lactate de Ringer, de PlasmaLyte ou de chlorure de sodium à 0,9 % est privilégiée, particulièrement pour éviter l’administration d’un soluté hypotonique lorsque le sodium sérique se trouve dans le seuil inférieur de la plage normale (135 mmol/L à 137 mmol/L, inclusivement).
  3. Il faudrait éviter les solutés hypotoniques IV qui contiennent moins de 0,45 % de chlorure de sodium pour assurer l’entretien liquidien systématique et ne pas les rendre généralement disponibles dans les unités de pédiatrie.
  4. Lorsqu’on ne connaît pas encore les résultats des électrolytes sériques, il est recommandé d’installer un soluté d’entretien IV de solution glucosée à 5 % de lactate de Ringer, de PlasmaLyte ou de chlorure de sodium à 0,9 %.
  5. Si le sodium sérique se situe entre 145 mmol/L et 154 mmol/L, il faudrait envisager d’administrer une solution glucosée à 5 % de chlorure de sodium à 0,45 % et en assurer une surveillance fréquente. En général cependant, la préférence va toujours vers un soluté isotonique, à moins que le clinicien désire utiliser un soluté hypotonique pour remplacer le déficit hydrique du patient de manière plus énergique.
  6. Les solutions glucosées à 5 % de chlorure de sodium à 0,9 %, de lactate de Ringer et de PlasmaLyte sont désormais largement commercialisées, avec ou sans dextrose ajouté et avec ou sans potassium ajouté, et peuvent être entreposées dans n’importe quel hôpital qui décide de l’utiliser.

Les présentes recommandations visent seulement les nourrissons et les enfants âgés de un mois à 18 ans.

Tableau 2. Solutés par voie intraveineuse disponibles
Liquide Na K CI Lactate Acétate et gluconate Autre Tonicité
NaCl à 0,9 % 154 0 154 0 50 0 Isotonique
NaCl à 0,45 % 77 0 77 0 50 0 Hypotonique
NaCl à 0,2 % 33 0 33 0 50 0 Hypotonique
2/3–1/3 45 0 45 0 33 0 Hypotonique
Lactate de Ringer 130 4 110 28 0 Ca2+ 2 Isotonique
PlasmaLyte 140 5 98 0 27 et 23 Mg2+ 3 Isotonique
Tableau 3. Recommandations sur les solutés d’entretien par voie intraveineuse d’après le taux d’ions sodium plasmatiques
Enfants de un mois à 18 ans Solutés IV recommandés
Na <138 mmol/L Solutés isotoniques IV
Na de 138 mmol/L à 144 mmol/L Solutés isotoniques IV, de préférénce
Na de 145 mmol/L à 154 mmol/L Solutés isotoniques IV souvent préférés; des solutés hypotoniques peuvent être utilisés si l’état clinique justifie un plus grand apport hydrique
Période périopératoire Solutés isotoniques IV
IV par voie intraveineuse; Na sodium

Remerciements

Le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie a révisé le présent point de pratique.


COMITÉ DES SOINS AIGUS DE LA SCP (2013)

Membres : Laurel Chauvin-Kimoff MD (présidente); Isabelle M. Chevalier MD (représentante du conseil); Catherine A. Farrell MD; Jeremy N. Friedman MD; Angelo Mikrogianakis MD (président sortant); Oliva Ortiz-Alvarez MD
Représentants : Dominic Allain MD, section de la médecine d’urgence pédiatrique de la SCP; Marilyn Monk, Association canadienne des centres de santé pédiatriques; Jennifer Walton MD, section de la pédiatrie hospitalière de la SCP
Auteur principal : Jeremy N. Friedman MD
Mise à jour en décembre 2018  par Carolyn Beck MD

Mise à jour en juillet 2024 par Jonathan Sniderman MD, Melani Buba MD, Kein Chan MN


Références

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Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.

Mise à jour : le 14 janvier 2025