Document de principes
Affichage : le 8 septembre 2015 | Reconduit : le 11 janvier 2024
S Todd Sorokan, Jane C Finlay, Ann L Jefferies; Société canadienne de pédiatrie, Comité d’étude du fœtus et du nouveau-né, Comité des maladies infectieuses et d’immunisation
Paediatr Child Health 2015;20(6):316-20
Au Canada, la circoncision néonatale est moins fréquente depuis quelques décennies. Ce changement est considérablement influencé par les recommandations antérieures de la Société canadienne de pédiatrie et de l’American Academy of Pediatrics, qui ont toutes deux conclu que l’intervention n’était pas indiquée sur le plan médical. Selon des données probantes à jour, la circoncision préviendrait les infections urinaires et certaines infections transmises sexuellement, y compris le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), ce qui a incité la Société canadienne de pédiatrie à analyser les publications scientifiques récentes sur le sujet. Bien qu’elle puisse constituer un avantage pour certains garçons de populations à haut risque et dans des situations où l’intervention pourrait atténuer ou traiter des maladies, la Société canadienne de pédiatrie ne recommande pas la circoncision systématique des nouveau-nés.
La circoncision rituelle des garçons est pratiquée depuis des milliers d’années pour des motifs culturels et religieux. Son utilisation comme intervention médicale remonte à la fin du XIXe siècle en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Dans une perspective historique, la circoncision néonatale comportait des avantages d’ordre médical, soit de faciliter l’hygiène génitale, de réduire le risque de maladie et d’éviter la circoncision plus tard dans la vie. Au milieu du siècle dernier, la plupart des garçons canadiens étaient circoncis. Cependant, le taux de circoncision néonatale a diminué au fil du temps pour atteindre la moyenne canadienne actuelle de 32 %, qui comporte une importante variabilité régionale.[1] Dans son document de principes publié en 1996, la Société canadienne de pédiatrie (SCP) ne recommandait pas la circoncision néonatale systématique, car ses avantages et ses inconvénients s’équilibraient. L’American Academy of Pediatrics (AAP) a exprimé le même point de vue en 1999 et l’a réitéré en 2005.[2] Des données à jour sur les avantages de la circoncision pour prévenir les infections urinaires (IU) pendant la première enfance et certaines infections transmises sexuellement (ITS) à l’âge adulte ont incité la SCP à analyser les publications médicales récentes sur la circoncision néonatale. L’AAP a mis à jour son propre document de principes en 2012.[3] Ainsi, le présent article vise à orienter les dispensateurs de soins et à fournir de l’information à jour aux parents d’un garçon nouveau-né, afin qu’ils puissent prendre une décision éclairée au sujet de la circoncision.
Les auteurs ont extrait 1 596 articles de Medline après y avoir fait une recherche au moyen de la rubrique MESH circumcision, male. Ils en ont analysé le contenu, de même que celui des références lorsqu’elles étaient pertinentes. Ils s’intéressaient à la circoncision et à ses résultats cliniques chez les nouveau-nés et les nourrissons.
Ils ont appliqué la hiérarchie de preuves du Centre for Evidence-Based Medicine, au moyen des qualités de preuve de traitement et de pronostic.[4]
Chez le nouveau-né, les muqueuses du gland et de la face interne du prépuce adhèrent les unes aux autres. Le prépuce n’est alors pas un simple repli de peau; il se sépare graduellement du gland pendant l’enfance. À;;; l’âge de six ans, 50 % des garçons peuvent ainsi le rétracter, bien que le processus ne soit pas toujours complété avant la puberté. Cette proportion passe à 95 % à l’âge de 17 ans.[5] Les parents d’un garçon dont le prépuce ne se rétracte pas peuvent se sentir rassurés s’ils observent un jet urinaire non obstrué. Tant que ce processus de développement n’est pas terminé, le terme « prépuce non rétractable » décrit beaucoup mieux la situation que le terme « phimosis physiologique », ambigu et peut-être même erroné.
Les soins considérés comme appropriés pour le pénis non circoncis sont bien répertoriés.[6] Il faut fournir des conseils préventifs sur l’hygiène et expliquer qu’il est normal que le prépuce ne soit pas rétractable.
La circoncision désigne l’excision partielle ou complète du prépuce par diverses méthodes.[6] Au Canada, la majorité des circoncisions néonatales sont effectuées par des médecins, tandis que la plupart des autres le sont par des prestataires traditionnels compétents. Quelle que soit la méthode utilisée, il est essentiel de respecter rigoureusement les principes d’hygiène et d’utiliser une analgésie efficace.
Le phimosis se définit par la cicatrisation et l’épaississement du prépuce qui en empêchent la rétraction derrière le gland.[7] Il peut être causé par des infections récurrentes, une inflammation ou un lichen scléreux. Il faut le distinguer du prépuce non rétractable normal.
Chez 1 % à 4 % des garçons non circoncis, le prépuce s’enflamme ou s’infecte (posthite), souvent en conjonction avec le gland (bala-noposthite).[8][9] Dans 0,5 % des cas, le prépuce peut également rester bloqué derrière le gland (paraphimosis). En général, ces deux problèmes fonctionnels se soignent à l’aide de médicaments, mais en cas de récurrences, ils peuvent entraîner un phimosis.[7][10] On estime que de 0,8 % à 1,6 % des garçons devront être circoncis avant la puberté, le plus souvent pour traiter un phimosis.[7] Le traitement médical de première ligne consiste à appliquer un stéroïde topique sur le prépuce deux fois par jour, accompagné d’une légère traction. Ce traitement vise à amincir les tissus et à décoller les adhérences, ce qui rend le prépuce rétractable dans 80 % des cas et permet donc d’éviter la circoncision.[11][12] Les stéroïdes topiques accélèrent également le traitement chez les garçons dont le prépuce ne se rétracte pas.[12] Plusieurs préparations de stéroïdes sont utilisées, y compris la bétaméthasone 0,05 % à 0,1 %, la triamci-nolone 0,1 % et le furoate de mométhasone 0,1 %.
D’autres dermatoses du pénis peuvent se manifester pendant l’enfance, et il faut les envisager lorsque la peau qui recouvre le corps de la verge, le prépuce ou le gland est anormale.[10][13] De telles présentations peuvent justifier une consultation auprès d’un urologue ou d’un dermatologue en vue d’obtenir un diagnostic et un traitement, qui peut inclure la circoncision.
L’espace entre le prépuce et le pénis est un milieu propice à la colonisation de l’urètre par des organismes uropathogènes qui peuvent provoquer des IU chez les nourrissons.[14] Environ un garçon sur 100 contracte une IU avant l’âge d’un mois. D’après une méta-analyse comportant un essai aléatoire et 11 études d’observation, les IU diminuaient de 90 % chez les nourrissons circoncis, pour un rapport de cotes significatif de 0,13 (95 % IC 0,08 à 0,20).[15] Dans une méta-analyse plus récente de 14 études, la prévalence regroupée d’IU chez les nourrissons fiévreux de moins de trois mois s’élevait à 7,5 % chez les fillettes, à 2,4 % chez les garçons circoncis et à 20,1 % chez les garçons non circoncis. La prévalence d’IU chez les garçons fiévreux (circoncis et non circoncis) reculait à 1,7 % entre l’âge de six et 12 mois, mais le ratio de dix pour un entre les enfants circoncis et non circoncis se maintenait.[16] Depuis la publication de cette méta-analyse, une autre étude de cohorte pros-pective, au cours de laquelle une série de cultures d’urine ont été prélevées chez des garçons jusqu’à l’âge de 15 mois, a également révélé une incidence plus faible d’IU chez les enfants circoncis à la naissance (0 % par rapport à 2 %, P<0,001).[17] Le risque d’IU diminue rapidement chez les garçons après quelques mois de vie, pour atteindre une incidence de un cas sur 1 000 à l’âge d’un an.[16] Au moyen d’une estimation du risque d’IU chez les hommes au cours de leur vie, une récente méta-analyse a démontré que le risque relatif d’IU s’élevait à 3,65 chez les sujets non circoncis comparativement aux sujets circoncis, et que 23 % de toutes les IU étaient attribuées à l’absence de circoncision.[18] Cependant, on peut douter de cette conclusion, car les données chez les adultes provenaient d’une étude auprès de seulement 78 hommes.
On estime qu’il faudrait circoncire de 111 à 125 nouveau-nés normaux (chez qui le risque d’IU est de 1 % à 2 %) pour prévenir une seule IU.[15][16] Chez les garçons plus à risque, tels que ceux qui souffrent d’IU récurrentes ou d’une anomalie sous-jacente des voies urinaires (p. ex., reflux vésico-urétéral de haut grade ou uro-pathie obstructive), la circoncision peut être plus bénéfique. Dans de tels cas, on estime que seulement quatre garçons devront être circoncis pour prévenir une IU.[15] Cependant, il convient de souligner que les urines sont contaminées plus souvent chez les garçons non circoncis, ce qui peut susciter un surdiagnostic d’IU. Ainsi, le nombre de sujets à traiter pourrait être considérablement plus élevé que celui qui ressort de ces études. Dans 15 % des cas, les IU pendant l’enfance peuvent provoquer la formation de cicatrices rénales détectables à l’acide dimercaptosuccinique (DMSA).[19] Même si, en théorie, ces cicatrices peuvent nuire à la fonction rénale et favoriser l’hypertension à long terme, aucune donnée probante n’en fait foi, et la plupart des experts sont d’avis que, chez les enfants dont les reins sont normaux, les IU n’entraînent pas de séquelles à long terme.
Selon des études d’observation réalisées en Afrique et dans les pays industrialisés depuis l’émergence du VIH (virus de l’immunodéficience humaine)-sida, les hommes non circoncis sont plus à risque d’infection par le VIH.[20][21] La surface interne du prépuce est riche en cellules de Langerhans et en autres cellules ciblées par le VIH qui sont exposées à l’infection pendant les relations sexuelles. On spécule qu’il s’agit de l’un des mécanismes propices à l’acquisition du VIH.[22] Si c’est vrai, l’excision du prépuce aurait théoriquement un effet protecteur contre l’acquisition du VIH. Trois grands essais aléatoires et contrôlés auprès d’hommes et d’adolescents de l’Ouganda,[23] de l’Afrique du Sud[24] et du Kenya[25] ont démontré que la circoncision est partiellement efficace pour réduire le risque d’infection par le VIH à acquisition hétérosexuelle chez les hommes d’Afrique subsaharienne. Par rapport aux sujets témoins non circoncis, le nombre de nouvelles infections par le VIH était de 50 % à 60 % moins fréquentes chez les participants circoncis. Dans l’étude kényane, cet effet protecteur persistait pendant au moins 42 mois[25] (qualité de preuves 1). D’après des études d’observation effectuées en Afrique subsaharienne, le degré de protection est similaire lorsque la circoncision est réalisée pendant la période néonatale[20][26] (qualité de preuves 4).
Il reste toutefois à déterminer si ces conclusions s’appliquent aux populations des pays industrialisés, où le taux de séropré-valence du VIH est plus faible, et où la consommation de drogues injectables (CDI) et les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HARSH) sont des voies de transmission fréquentes du VIH.[27]
Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC, Géorgie, États-Unis) ont récemment publié une analyse d’efficience de la circoncision néonatale pour réduire le risque d’acquisition du VIH chez les hommes américains, présumant une efficacité à vie de 60 % et un risque d’acquisition du VIH de 0,94 % chez les hommes blancs à 6,22 % chez les hommes noirs.[28] Ainsi, les CDC ont estimé que le risque d’acquisition hétérosexuelle à vie diminuait d’un total de 16 %, soit 8 % chez les hommes blancs et près de 21 % chez les hommes noirs. L’analyse, qui reposait sur un coût d’intervention de 257 $US, a démontré des économies à la fois chez les hommes hispaniques et les hommes noirs. Le nombre de sujets à traiter pour prévenir une seule infection par le VIH oscillait entre 1 231 chez les hommes blancs et 65 chez les hommes noirs, pour une moyenne totale de 298 hommes. Le modèle ne tenait toutefois pas compte du coût des complications de la circoncision. En outre, les hommes risquent de surestimer l’effet protecteur de la circoncision et de ne pas adopter des pratiques sexuelles sécuritaires.
En 2011, l’Agence de la santé publique du Canada a déclaré que 46,6 % des nouveaux cas de VIH au Canada pour lesquels on connaissait la catégorie d’exposition étaient attribués à des HARSH et 13,7 % à la CDI.[29] La proportion de nouveaux cas attribués à une transmission hétérosexuelle par des personnes ne provenant pas d’un pays où le VIH est endémique s’élevait à 20,3 %, tandis que 16,9 % étaient originaires de pays où le VIH est endémique. Selon ce rapport, le taux estimatif de nouvelle infection était neuf fois plus élevé dans ce deuxième groupe que dans l’ensemble de la population canadienne. Le nombre de nouveaux cas observés dans la population autochtone était disproportionné (12,2 %), car on estimait qu’il était 3,5 fois plus élevé que dans la population non autochtone. La CDI était la principale source déclarée d’exposition (58,1 %), suivie de l’exposition hétérosexuel-le (30,2 %).[29]
On présume qu’en réduisant le fardeau du VIH chez les hommes, la circoncision protégera indirectement les femmes. Pourtant, cette intervention ne semble pas réduire de manière significative le ratio de transmission du VIH entre les hommes et les femmes de couples sérodifférents.[30][31]
Les données extraites d’études d’observation selon lesquelles la circoncision peut réduire le risque d’autres ITS sont contradictoires. D’après l’analyse des données sur des sujets participant à des études aléatoires en Afrique subsaharienne, les taux de séroconversion du virus de l’herpès simplex-2 (VHS-2) (rapport de risque ajusté = 0,72) et d’acquisition des génotypes à haut risque de virus du papil-lome humain (VPH) (risque relatif ajusté = 0,65) étaient plus faibles chez les hommes circoncis pendant les deux ans de suivi assurés après l’intervention.[32] Le taux d’infection par le VPH était également plus faible chez les hommes circoncis de nombreux autres pays (rapport de cotes = 0,37)[32] (qualité de preuves 2). La circoncision n’était pas un facteur protecteur de la gonorrhée ou de la Chlamydia.[33] Aucune étude n’a traité des effets de la circoncision néonatale systématique sur d’autres ITS que le VIH.
Les femmes qui étaient les partenaires sexuelles d’hommes circoncis provenant des mêmes études africaines présentaient un taux de prévalence ajusté plus faible de 0,52 pour l’infection à Trichomonas vaginalis, de 0,60 pour la vaginose bactérienne et de 0,78 pour les ulcères génitaux.[34]
Même si la circoncision peut réduire le risque d’acquisition et de transmission des ITS, il convient de souligner l’importance de continuer d’enseigner et d’exercer d’autres mesures préventives, y compris l’abstinence, l’utilisation de condoms et d’autres pratiques sexuelles sécuritaires.
Les femmes qui sont les partenaires d’hommes circoncis courent un risque réduit de cancer du col de l’utérus, leur rapport de cotes se situant entre 0,18 et 1,61 selon le comportement sexuel à risque de leur partenaire[35] (qualité de preuves 3). Au Canada, l’incidence de cancer du col de l’utérus se situe entre neuf et 17 cas sur 100 000 femmes.
Le cancer du pénis est rare dans les pays industrialisés (un cas sur 100 000 hommes). Les carcinomes épidermoïdes du pénis se manifestent quasi-exclusivement chez des hommes non circoncis, et le phimosis en est le principal facteur de risque connexe (rapport de cotes de 11,4 [95 % IC 5,0 à 25,9]).[36] Cette observation fait ressortir l’importance de l’hygiène génitale, du dépistage et du traitement des cas de phimosis et des problèmes résiduels de prépuce non rétractable pour l’ensemble des hommes.
On constate une solide association entre l’infection par le VPH et le cancer du pénis, que les hommes soient circoncis ou non. En effet, 80 % des échantillons de tumeur étaient positifs à l’ADN du VPH.[37] On s’attend que la vaccination systématique des filles contre le VPH réduise considérablement l’incidence de cancers du col de l’utérus. Ce vaccin pourrait également réduire l’incidence de cancer du pénis, particulièrement si le programme est élargi pour inclure les jeunes hommes.
Les interventions chirurgicales, y compris la circoncision, sont douloureuses. Malgré l’analgésie pendant l’intervention, les personnes opérées ressentent des douleurs qu’il faut soulager. En raison de ces interventions douloureuses, les nouveau-nés réagissent différemment à la vaccination par la suite, car leur score de douleur est plus élevé.[38]
Les complications aiguës de la circoncision néonatale sont les saignements mineurs, les infections locales et un résultat esthétique insatisfaisant. Les graves complications, telles que l’amputation partielle du pénis et le décès causé par une hémorragie ou un sepsis, sont rares. Une récente méta-analyse d’études prospectives et rétrospectives sur la circoncision a révélé un taux médian de complications de 1,5 % chez les nouveau-nés ou les nourrissons. Lorsque la circoncision était effectuée pendant l’enfance, ce taux passait à 6 %, ce qui est similaire à celui déclaré dans les études sur la circoncision des adolescents ou des adultes.[39]
La sténose méatique, qui est la principale complication tardive de la circoncision (2 % à 10 %), peut nécessiter une dilatation chirurgicale.[40] Pour en prévenir presque tous les cas, il faut appliquer de la gelée de pétrole sur le gland pendant une période pouvant atteindre six mois après l’intervention.[41] Il n’est pas rare que la peau du pénis réadhère partiellement au gland. Ce problème se règle souvent spontanément avant la puberté, mais lorsqu’il est important, il peut être soigné à l’aide d’un stéroïde topique. La lyse chirurgicale est rarement requise.[42]
Le prépuce, doté d’une abondance de nerfs sensoriels, sert à recouvrir le gland,[5] mais selon les études médicales, la circoncision n’a pas d’effet négatif sur la fonction ou sur la satisfaction sexuelle des hommes ou de leurs partenaires.[43]-[45] Selon certains comptes rendus, des parents ou des garçons plus âgés sont insatisfaits des résultats esthétiques de l’intervention, mais aucune donnée précise tirée des publications scientifiques ne quantifie ce mécontentement.
Les dispensateurs de soins devraient connaître les contre-indications potentielles de la circoncision néonatale. L’hypospadias doit être évalué par un urologue avant qu’on envisage la circoncision. Tout risque de diathèse hémorragique justifie des examens plus approfondis et des discussions avec des professionnels et des décideurs pertinents avant la circoncision.
La circoncision néonatale est controversée au Canada. L’intervention soulève souvent des questions éthiques et juridiques, en partie parce qu’elle a des conséquences sur toute la vie et qu’elle est effectuée chez un nouveau-né qui n’est pas en mesure de donner son consentement. Les nouveau-nés ont besoin qu’un substitut, en général leurs parents, prenne la décision et agisse dans leur intérêt. Pourtant, ces substituts n’ont pas une autorité absolue. En effet, dans la plupart des régions sociosanitaires, l’autorité se limite aux interventions jugées comme nécessaires sur le plan médical. Dans les cas où cette nécessité n’est pas établie ou qu’un traitement proposé dépend d’une préférence personnelle, il faut reporter l’intervention jusqu’à ce que la personne concernée puisse faire ses choix elle-même.[46]
Sur le plan médical, la nécessité de circoncire les nouveau-nés n’est pas clairement établie. Toutefois, cette intervention comporte certains avantages pour la santé, particulièrement au sein de populations particulières. De plus, la circoncision des garçons plus âgés, en mesure de consentir à la chirurgie, peut également être plus risquée et coûter plus cher.[39] Ainsi, certains parents trouvent que la circoncision est dans l’intérêt de leur enfant. Un exposé complet sur les enjeux éthiques et juridiques liés à la circoncision néonatale dépasse la portée du présent document de principes. Les lecteurs sont invités à lire le numéro du Journal of Medical Ethics de juillet 2013, qui est consacré à ce sujet.[47] Les deux parents et les dispensateurs de soins devraient connaître les enjeux juridiques liés au consentement.
D’après les données à jour, la circoncision présente des avantages potentiels pour la santé, particulièrement au sein des populations à haut risque. La circoncision néonatale réduit l’incidence d’IU chez les jeunes garçons et évite la circoncision médicale pendant l’enfance en cas de balanoposthite récurrente, de paraphimosis ou de phimosis. Les hommes circoncis présentent un risque plus faible de cancer du pénis, tandis que les femmes qui sont leurs partenaires sexuelles présentent également une plus faible incidence de trichomonase, de vaginose bactérienne et de cancer du col de l’utérus. La circoncision peut réduire le risque d’ITS chez les hommes adultes (particulièrement le VIH, le VHS et le VPH). Elle peut provoquer des complications mineures, mais les complications majeures sont rares. Le risque de complications est plus faible chez les nourrissons que chez les enfants plus âgés. Le taux de complications diminue considérablement lorsque l’intervention est effectuée par un professionnel de la santé expérimenté et est accompagnée d’un suivi étroit pendant quelques jours afin de s’assurer que les saignements ne s’aggravent pas. Il est important de se souvenir que la plupart des données sur les avantages et les résultats cliniques de la circoncision proviennent d’autres pays, ce qui peut en rendre l’application difficile au sein de la population canadienne.
Puisque les risques et les avantages de la circoncision néonatale systématique sont pratiquement équilibrés selon les recherches à jour (tableau 1), il est difficile de faire des recommandations définitives applicables à toute la population de garçons nouveau-nés du Canada. Pour certains garçons, la probabilité d’avantages est plus élevée, et la circoncision pourrait être envisagée pour soulager ou traiter une maladie. Les professionnels de la santé devraient fournir aux parents l’information la plus à jour, la plus impartiale et la plus personnalisée possible afin qu’ils puissent soupeser les risques et les avantages de la circoncision selon la situation de leur enfant et leurs convictions familiales, religieuses et culturelles. S’ils possèdent l’information pertinente, ils pourront prendre la meilleure décision pour leur garçon. Des aides à la décision reposant sur de l’information médicale à jour pourront leur être utiles.
TABLEAU 1 | |
Les risques et les avantages potentiels de la circoncision néonatale | |
Résultat clinique | Ampleur de l’effet (référence) |
Risques potentiels | |
Saignement mineur | 1,5 % (combiné) |
Infection locale (mineure) | NNEN = 67 [39] |
Infection majeure | D’une extrême rareté |
Décès causé par une hémorragie non diagnostiquée | D’une extrême rareté |
Résultats esthétiques insatisfaisants | |
Sténose méatale | NNEN 10 à 50 (<1 % en cas d’utilisation de gelée de pétrole) |
Avantages potentiels | |
Prévention du phimosis | NST = 67 [7] |
Diminution du nombre d’IU précoces | NST = de 111 à 125 [16] |
Diminution du nombre d’IU chez les garçons présentant des facteurs de risque (anomalie ou infection récurrente) |
NST = de 4 à 6 [15] |
Diminution de l’incidence d’acquisition du VIH | NST = 298 (de 65 à 1 231 selon la population) [28] |
Diminution de l’incidence d’acquisition du VHS | NST = 16 [32] |
Diminution de l’incidence d’acquisition du VPH | NST = 5 [32][35] |
Diminution du risque de cancer du pénis | NST = de 900 à 322 000 [36][37] |
Diminution du risque de cancer du col de l’utérus chez les partenaires de sexe féminin | NST = de 90 à 140 [35] |
IU Infection urinaire; NNEN Nombre nécessaire pour obtenir un effet nocif; NST Nombre de sujets à traiter; VHS Virus de l’herpès simplex; VPH Virus du papillome humain |
Le comité de bioéthique et le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent document de principes.
Membres : Ann L Jefferies MD (présidente sortante), Thierry Lacaze MD (président), Leigh Anne Newhook MD (représentante du conseil), Leonora Hendson MD, Brigitte Lemyre MD, Michael R Narvey MD, Vibhuti Shah MD, S Todd Sorokan MD (membre sortant) Hilary EA Whyte MD (membre sortante)
Représentants : Linda Boisvert inf., Association canadienne des infirmières et infirmiers en néonatologie; Andrée Gagnon MD, Le Collège des médecins de famille du Canada; Robert Gagnon MD, Société des obstétriciens et gynécologues du Canada; Juan Andrés León MD, Agence de la santé publique du Canada; Patricia A O’Flaherty M. Sc. inf., M. Éd., Canadian Perinatal Programs Coalition; Eugene H Ng MD, section de la médecine néonatale et périnatale de la SCP; Kristi Watterberg MD, comité d’étude du fœtus et du nouveau-né, American Academy of Pediatrics
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 31 mai 2024