Document de principes
Affichage : le 12 juin 2018
Marina I. Salvadori; Société canadienne de pédiatrie, Comité des maladies infectieuses et d’immunisation
Paediatr Child Health 2018, 23(4):266–270
On sait que le virus du papillome humain (VPH) cause des condylomes (des verrues génitales), le cancer du col de l’utérus, le cancer du pénis, le cancer anal et le cancer oropharyngé. En Amérique du Nord, l’incidence cumulative de l’infection par le VPH au cours de la vie est évaluée à plus de 70 % pour tous les types de VPH combinés. Un vaccin sécuritaire et efficace est offert contre neuf types de VPH. Le vaccin contre le VPH doit être administré systématiquement à l’ensemble des filles et des garçons âgés de neuf à 13 ans. Tous les jeunes qui n’ont pas été vaccinés dans le cadre d’un programme systématique devraient participer à un programme de rattrapage. Les médecins qui soignent des enfants et des adolescents devraient préconiser le financement et la mise en œuvre de programmes de vaccination universels contre le VPH.
Mots-clés : HPV; Vaccine
Les vaccins pour prévenir l’infection par le virus du papillome humain (VPH) sont approuvés au Canada depuis 2006. Entre 2007 et 2010, la totalité des provinces et des territoires a adopté des programmes systématiques de vaccination des filles contre le VPH à l’aide d’un vaccin quadrivalent (types 6, 11, 16 et 18), financés par le gouvernement. Ces programmes sont tous gérés par la santé publique, administrés en milieu scolaire et destinés à des enfants de niveaux précis (entre la quatrième et la huitième année), en fonction de la province ou du territoire. Certaines provinces ont adopté des programmes de rattrapage limités dans le temps pour les filles plus âgées. En février 2010, le Canada a approuvé le vaccin quadrivalent contre le VPH (VPH-4) pour les garçons de neuf à 26 ans. En janvier 2012, le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) a recommandé l’utilisation systématique du VPH-4 chez les garçons [1]. À l’été 2017, huit provinces avaient annoncé des programmes de vaccination contre le VPH qui incluaient les garçons (il est possible de consulter les calendriers de vaccination provinciaux et territoriaux à jour à l’adresse suivante : www.canada.ca/fr/sante-publique/services/renseignements-immunisation-provinces-et-territoires/programmes-vaccination-systematique-provinces-territoiresnourrissons-enfants.html). En 2015, un vaccin nonavalent (neuf-valent) contre le VPH (VPH-9) a également été autorisé au Canada et, en 2016, le CCNI a publié des recommandations à l’égard de son utilisation. Le présent document de principes met à jour les recommandations antérieures de la Société canadienne de pédiatrie au sujet du vaccin contre le VPH chez les enfants et les adolescents [2].
Le VPH est un virus à ADN bicaténaire (à double brin). On en dénombre plus de 100 types, dont une quarantaine peut infecter l’appareil génital humain. Les infections par le VPH sont transmises sexuellement par contact direct entre deux épithéliums. Dans de rares cas, la transmission du virus se fait par voie verticale à un nouveau-né exposé au virus dans la filière pelvigénitale de sa mère. Cette exposition peut donner lieu à une affection rare, mais grave, qu’on appelle la papillomatose respiratoire récurrente juvénile. Des infections de la tête et du cou s’observent également chez les adultes, la plupart en raison de contacts orogénitaux. Les manifestations cliniques de l’infection par le VPH incluent l’infection asymptomatique (de loin la plus courante), les condylomes et les cancers. Une infection persistante par un type de VPH à haut risque est la principale cause de cancer du col de l’utérus et l’une des causes de cancers de la vulve, du vagin, du pénis, de l’anus, de la bouche et de l’oropharynx. Les types de VPH à faible risque s’associent à l’apparition de dysplasies non malignes du col de l’utérus et à des condylomes (verrues) anaux ou génitaux.
Un cancer du col de l’utérus ne se manifestera pas sans la présence d’un VPH, mais l’infection doit persister pendant des années avant que les lésions deviennent malignes. Avant l’homologation des vaccins, le VPH des types 16 et 18 s’associait à environ 70 % des carcinomes squameux, à 86 % des adénocarcinomes du col de l’utérus, à 90 % des carcinomes anaux, ainsi qu’à environ 50 % des cancers du pénis et à 42,8 % des cancers de la vulve. On estime que les cinq nouveaux sérotypes contenus dans le VPH-9 (31, 33, 45, 52 et 58) favorisent la prévention supplémentaire de 15 % à 20 % des cancers du col de l’utérus, de 24 % des cancers du vagin, de 9 % des cancers péniens et anaux et de 2,5 % des cancers de la vulve. De plus, au moins 35 % des cancers oropharyngés s’associent au VPH, et la majorité sont causés par les types 16 et 18 [3]. Le VPH des types 6 et 11 est bénin et responsable de 90 % des condylomes.
En Amérique du Nord, l’incidence cumulative de l’infection par le VPH par au moins l’un des sérotypes est évaluée à plus de 70 % au cours de la vie. Sans vaccination, il est probable que la plupart des Canadiens ayant une vie sexuelle active contractent un jour une infection par le VPH. La prévalence la plus élevée s’observe chez les jeunes adultes de 20 à 24 ans. Puisque les maladies causées par le VPH ne sont pas à déclaration obligatoire au pays, que le virus est généralement asymptomatique et que les tests diagnostiques ne sont ni largement disponibles ni financés par les fonds publics, on possède peu de données épidémiologiques fiables sur le sujet. Selon des études canadiennes, l’incidence des condylomes se situe entre 131 et 154 cas sur 100 000 hommes et à environ 120 cas sur 100 000 femmes. En 2011, l’incidence de cancers du col de l’utérus au Canada était évaluée à sept cas sur 100 000 femmes. Tous les ans au Canada, on recense environ 1 300 cas de cancers du col de l’utérus et 350 décès. En 2005, l’incidence de cancers oropharynges et de cancers de la bouche chez les hommes s’élevait à 0,54 cas et à 5,2 cas sur 100 000 individus, respectivement [4]. Les femmes qui ont des relations sexuelles avec des hommes infectés par le VPH sont plus vulnérables à des lésions précancéreuses et à un cancer du col de l’utérus [5].
Les facteurs de risque d’infection par le VPH incluent un plus grand nombre de partenaires sexuels au cours de la vie, d’autres infections transmises sexuellement (ITS) auparavant, une histoire de violence sexuelle, un plus jeune âge lors des premières relations sexuelles, le nombre de partenaires sexuels du partenaire au cours de sa vie, le tabagisme ou la consommation de marijuana, l’immunosuppression et l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) [4]. L’infection par le VPH ainsi que les condylomes et les cancers anaux sont très courants chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HARSAH), particulièrement lorsqu’ils sont séropositifs pour le VIH [6].
Pour que le vaccin assure une protection optimale contre les complications à long terme de l’infection par le VPH, il doit être administré avant l’acquisition du virus. Puisque l’infection peut être causée par n’importe quel contact de nature sexuelle, il est important de vacciner la population avant les premières relations sexuelles [7]. Selon les données de Statistique Canada en 2005, 29 % des jeunes de 15 à 17 ans ont déjà eu leurs premières relations sexuelles. Ce pourcentage passait à 65 % chez les jeunes de 18 et 19 ans, mais les variations régionales étaient importantes [8].
Selon certaines données probantes, les filles à qui on offre ou qui reçoivent le vaccin contre le VPH ne sont pas plus susceptibles d’être sexuellement actives que celles à qui on ne l’offre pas. Le statut de vaccination contre le VPH n’accroît pas le taux d’ITS, et les jeunes vaccinés ne commencent pas à avoir des relations sexuelles plus tôt ni n’adoptent de comportements sexuels plus risqués [9].
Trois vaccins sont homologués contre le VPH au Canada. Le Gardasil 9, le plus récent, est un vaccin nonavalent contre le VPH des types 6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52 et 58, fabriqué par Merck Canada (VPH-9). Le vaccin quadrivalent (Gardasil ou VPH-4) cible le VPH des types 6, 11, 16 et 18 et le vaccin bivalent (VPH-2; Cervarix, fabriqué par GlaxoSmithKline), le VPH des types 16 et 18. Tous ces vaccins font appel à la technologie recombinante, qui produit des particules pseudovirales non infectieuses contenant les antigènes protéiques de chaque sérotype. Les vaccins contre le VPH préviennent avec une grande efficacité l’infection persistante liée aux divers types qu’ils renferment. Puisque le vaccin prévient l’infection par le VPH (une étape nécessaire dans l’apparition du cancer), la dysplasie cellulaire (néoplasie intraépithéliale) qui précède les cancers invasifs ne se manifeste pas, ce qui permet donc d’éviter l’apparition d’un cancer. Si le vaccin est administré avant l’exposition aux types de VPH visés, l’efficacité avoisine les 100 % à l’égard des maladies du col de l’utérus dont ces types de VPH sont responsables.
Un essai aléatoire du VPH-4 chez les patients de sexe masculin a démontré une efficacité vaccinale de l’ordre de 90,4 % contre les lésions génitales externes associées aux types ciblés, y compris les condylomes. L’efficacité contre l’infection persistante liée aux types du vaccin se situait entre 70 % et 96 %. Une sous-population d’HARSAH a été analysée, ce qui a révélé une efficacité de 77,5 % (IC à 95 % : 39,6 à 93,3) contre la néoplasie intraépithéliale anale liée au VPH des types 6, 11, 16 et 18 [10].
En 2007, l’Australie a adopté un programme de vaccination universel financé par les fonds publics chez les femmes de 12 à 26 ans. La surveillance nationale des condylomes réalisée après cette initiative a démontré que chez 65 % des femmes vaccinées, le taux de diagnostics de condylomes avait diminué de 59 %, alors que chez les hommes hétérosexuels, il avait reculé de 28 %. On ne constatait toutefois aucune baisse chez les HARSAH. D’après ces données, la vaccination des femmes pourrait prévenir la transmission aux hommes des types de VPH contenus dans le vaccin [11]. Aucune étude n’a encore démontré directement que la vaccination contre le VPH chez les hommes préviendra la transmission aux femmes des types de VPH contenus dans le vaccin. Cependant, d’après des modèles mathématiques et des hypothèses sur la transmission du VPH des hommes aux femmes, l’ajout d’un programme de vaccination systématique contre le VPH chez les hommes préviendrait l’apparition de nouveaux cas de condylomes et de cancers du col de l’utérus chez les femmes [12].
Comme pour tous les autres vaccins, les principaux effets indésirables des vaccins contre le VPH sont une douleur au point d’injection (dans 82 % à 92 % des cas), un œdème (24 % à 44 %) ou une rougeur (24 % à 48 %) [4]. Chez plus de 94 % des vaccinés, les réactions sont légères à modérées, se résorbent au bout de quelques jours et n’empêchent pas la poursuite du calendrier de vaccination. Depuis l’homologation de ces vaccins, des centaines de millions de doses ont été administrées dans le monde. Les données de surveillance de l’innocuité postcommercialisation demeurent conformes à celles obtenues avant la commercialisation [13]. Comme dans le cas des autres vaccins, les cas d’anaphylaxie après l’administration du vaccin contre le VPH sont possibles, mais rares [14][15]. Une syncope peut se produire après la vaccination, surtout chez les adolescents et les jeunes adultes. Pour la prévenir, il est recommandé de maintenir les vaccinés en observation 15 minutes après la réception de leur dose. Jusqu’à présent, aucune donnée publiée ne corrobore de lien entre les vaccins contre le VPH et le syndrome de Guillain-Barré, les maladies auto-immunes, les accidents vasculaires cérébraux, la thromboembolie veineuse, l’encéphalomyélite disséminée aiguë, la sclérose en plaques ou toute autre affection grave. Par ailleurs, la surveillance postcommercialisation n’a pas démontré l’occurrence d’un plus grand nombre de décès que prévu après l’administration d’un vaccin contre le VPH [15].
On sait que les HARSAH sont plus vulnérables à l’infection par le VPH des types 6, 11, 16 et 18 que les hommes hétérosexuels. L’incidence des cancers anaux et des condylomes est plus élevée chez les HARSAH. Lorsque les adolescents constatent et explorent leur identité sexuelle, les relations entre personnes du même sexe ne sont pas inhabituelles. Les garçons qui finissent par s’identifier comme des HARSAH peuvent hésiter à parler de leurs pratiques sexuelles avec un dispensateur de soins, surtout lorsqu’ils sont plus jeunes. Ils peuvent craindre d’être jugés ou de voir leur confidentialité trahie. C’est pourquoi la meilleure stratégie pour protéger les HARSAH contre les maladies liées au VPH est un programme de vaccination universelle des garçons, qui ne dépend pas de l’autodéclaration aux dispensateurs de soins. Grâce à une administration précoce, la population d’HARSAH devrait tirer le meilleur profit du vaccin contre le VPH.
On sait que les événements indésirables liés au VPH sont plus marqués chez les personnes infectées par le VIH. Les condylomes sont fréquents et difficiles à traiter au sein de cette population. Les cancers anaux sont particulièrement courants chez les HARSAH infectés par le VIH. Selon une petite étude réalisée auprès de garçons et de filles infectés par le VIH, le VPH-4 était sécuritaire et immunogène. Leurs titres d’anticorps au virus des types 6 et 18 étaient plus faibles que ceux observés chez des enfants du même âge non infectés par le VIH, mais on ne connaît pas encore la signification clinique de cette observation [16].
Les vaccins contre le VPH ne sont pas vivants et peuvent donc être administrés aux patients immunodéprimés. La réponse immune n’a pas fait l’objet d’études approfondies auprès de ces populations, qui peuvent présenter une réponse sous-optimale au vaccin. Néanmoins, puisqu’on sait que les patients immunodéprimés sont plus vulnérables aux effets indésirables de l’infection par le VPH, il faut leur offrir le vaccin.
À l’origine, tous les vaccins contre le VPH ont été étudiés et administrés dans le cadre d’un calendrier à trois doses. Des données démontrent que les enfants de neuf à 14 ans qui reçoivent deux doses du vaccin ne produisent pas moins d’anticorps que les femmes de 15 à 26 ans qui en reçoivent trois [17][18]. Les deux doses doivent être administrées à au moins six mois d’intervalle. On ne connaît pas encore l’efficacité et l’efficience à long terme de ce calendrier à deux doses. Les enfants immunodéprimés ou infectés par le VIH devraient plutôt recevoir trois doses du vaccin. Il n’y a pas de données sur le calendrier à deux doses chez les personnes de 15 ans et plus.
Lorsqu’on examine les objectifs de santé du vaccin contre le VPH, il semble prudent d’assurer une protection contre les condylomes et les cancers associés au virus. Le VPH-9 prévient 90 % des condylomes et de 80 % à 90 % des cancers anogénitaux. Cependant, les hommes tirent proportionnellement moins d’avantages des sérotypes additionnels contenus dans le VPH-9 que les femmes. On prévoit que les sérotypes supplémentaires préviendront 320 cancers anogénitaux chaque année au Canada (300 chez les femmes, 20 chez les hommes). Moins de 1 % des cancers de la tête et du cou sont attribuables aux sérotypes supplémentaires contenus dans le VPH-9.
Même si cette mesure n’est pas recommandée pour l’ensemble de la population, les personnes qui ont été immunisées par un autre vaccin contre le VPH peuvent souhaiter profiter de la protection additionnelle apportée par les types supplémentaires contenus dans le VPH-9. Le calendrier de rattrapage actuellement recommandé consiste à administrer toute les doses prévues pour le VPH-9, selon un calendrier adapté à l’âge.
Le comité de la santé de l’adolescent et le comité de la pédiatrie communautaire de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent document de principes.
Membres : Michelle Barton-Forbes MD; Natalie A Bridger MD; Shalini Desai MD; Michael Forrester MD; Ruth Grimes MD (représentante du conseil); Charles Hui (membre sortant); Nicole Le Saux MD (présidente); Timothy Mailman MD; Joan L Robinson MD (présidente sortante); Marina I Salvadori MD (membre sortante); Otto G Vanderkooi MD
Représentants : Upton D Allen MBBS, Groupe de recherche canadien sur le sida chez les enfants; Tobey Audcent MD, Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages, Agence de la santé publique du Canada; Carrie Byington MD, comité des maladies infectieuses, American Academy of Pediatrics; Fahamia Koudra MD, Le Collège des médecins de famille du Canada; Rhonda Kropp B. Sc. inf. MHP, Agence de la santé publique du Canada; Marc Lebel MD, Programme canadien de surveillance active de l’immunisation (IMPACT); Jane McDonald MD, Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada; Dorothy L Moore MD, Comité consultatif national de l’immunisation
Conseillère : Noni E MacDonald MD
Auteure principale : Marina I Salvadori MD
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 30 mai 2024