Point de pratique
Affichage : le 5 mai 2020
Shazeen Suleman, Yasmine Ratnani, Christine Loock, Katrina Stockley, Susan Bennett, Radha Jetty, Katharine Smart, Sarah Gander, Section de la pédiatrie sociale
La pandémie de COVID-19 est une crise mondiale sans précédent qui touche des millions de personnes au Canada et dans le reste du monde et dont les répercussions dépassent largement la maladie. Les efforts pour limiter la propagation de l’infection et « aplatir la courbe » évitent peut-être une maladie aiguë aux enfants et aux adolescents, mais ces mesures sanitaires accentuent souvent et peuvent même aggraver les inégalités que vivent déjà les jeunes en situation précaire. Les pédiatres continuent d’avoir l’intérêt supérieur de leurs patients, des familles et des communautés à cœur, tout en assumant eux-mêmes des charges croissantes. Le présent point de pratique propose des conseils aux pédiatres et aux autres dispensateurs de soins (DdS) afin qu’ils soutiennent la santé et le bien-être des enfants et des adolescents pendant la pandémie (notamment les enfants et les adolescents à risque) et tient compte des difficultés qu’affrontent les DdS qui travaillent avec des enfants et des adolescents.
Une histoire sociale détaillée à chaque rencontre avec les patients permet de déterminer les cas et les situations où les grands déterminants sociaux de la santé sont amplifiés par la COVID-19. La dégradation de la situation financière provoquée par la pandémie accroît le risque et le taux de pauvreté infantile [1], d’insécurité alimentaire [2], d’insécurité en matière de logement [3], de troubles de santé mentale chez les parents et de violence familiale. Les enfants et les adolescents racialisés peuvent vivre plus de discrimination au quotidien, ce qui peut aviver leur stress et abaisser leur résilience [4]. Tout au long de la pandémie, les DdS devraient s’informer des facteurs de stress familiaux et des stratégies d’adaptation à chaque rencontre clinique, qu’elle soit virtuelle ou qu’elle ait lieu en personne.
La COVID-19 représente une menace particulièrement sérieuse dans les communautés autochtones éloignées, où l’accès insuffisant à l’eau potable et aux services de santé fait partie du quotidien, de même que la pénurie de logements, l’insécurité alimentaire et les taux élevés de maladies chroniques et transmissibles. Certaines familles autochtones évitent de faire appel aux services de santé, en raison du racisme, de la stigmatisation et des pratiques discriminatoires, qui sont des effets durables de la colonisation. De plus, lorsqu’ils doivent voyager pour recevoir des soins spécialisés, les enfants et les adolescents des communautés du Grand Nord sont durement touchés par les possibilités de déplacements limitées et les directives de confinement.
Une histoire sociale détaillée doit inclure des questions précises sur les principaux déterminants sociaux, l’adversité et les facteurs de résilience [5], y compris les éléments suivants :
Pour être complète, l’histoire sociale doit inclure les aspects suivants : revenu, transport, logement, instruction, situation juridique, littératie, sécurité personnelle, soutien (dont on peut se rappeler par le truc mnémotechnique IT HELLPS en anglais) [6][7]. Les DdS peuvent poser les questions suivantes, adaptées de la trousse sur la pauvreté infantile, créée en anglais par le groupe Health Providers against Poverty (DdS contre la pauvreté) [8] :
Les soins essentiels incluent également la vigilance à l’égard des signes de maltraitance d’enfant [10] ou de l’exposition à la violence conjugale ou familiale. Les DdS doivent signaler leurs inquiétudes aux services de protection de l’enfance désignés. Ils doivent utiliser le questionnaire ciblé HEEADSSS (l’abréviation anglaise de maison, éducation et emploi, alimentation, activités, drogues et médicaments, suicide et sécurité) à chaque rencontre avec des adolescents, tout en respectant la confidentialité de l’information, surtout pendant les rendez-vous virtuels [11]. Il est bon de connaître les ressources pour aider les enfants et les adolescents qui sont aux prises avec des problèmes d’adaptation, y compris Jeunesse, j’écoute, afin de renforcer leur confiance et de favoriser des relations axées sur la famille. D’autres ressources pour les familles figurent dans un document du site Soins de nos enfants.
Après avoir établi les besoins des patients, l’orientation des familles vers des ressources locales fait partie des soins de qualité. Puisque les ressources varient énormément d’une région à l’autre, les DdS doivent connaître les sources de soutien offertes dans leur localité et être en mesure de les expliquer. Il est possible de trouver en ligne le résumé des programmes de prestation provinciaux et fédéraux existants (le lien anglais est plus complet que le lien français) et de ceux qui viennent d’être adoptés (le lien est offert en anglais seulement).
Les DdS devront peut-être aider certaines familles à remplir des demandes pour accéder aux programmes déjà en place (p. ex., le Crédit d’impôt pour personnes handicapées et l’Allocation canadienne pour enfants) et aux nouveaux programmes provinciaux et fédéraux découlant de la pandémie (p. ex., la Prestation canadienne d’urgence et le Programme de soutien aux familles de l’Ontario) lors du rendez-vous en cours ou d’un rendez-vous subséquent, et ce, même dans un contexte de soins aigus.
En raison de la pandémie actuelle, il est beaucoup plus difficile d’accéder à des traitements complémentaires et à d’autres types de soignants, ainsi qu’aux services essentiels (p. ex., les transports publics), particulièrement pour les enfants qui ont des besoins de santé complexes. S’ils examinent le contexte social des familles, les DdS peuvent améliorer et faciliter la prestation de services essentiels et de soutien axés sur les familles.
Les rendez-vous téléphoniques ou virtuels (p. ex., par Zoom ou FaceTime) [12] peuvent être une planche de salut pour les familles isolées ou en transition qui essaient de s’y retrouver dans le réaménagement des services, y compris les programmes de visites à domicile. Pour les nombreuses familles qui ont un accès limité à Internet, il peut être préférable d’opter pour des rendez-vous téléphoniques. L’embauche d’interprètes médicaux est à prévoir pour les conversations téléphoniques ou vidéo avec les familles qui comprennent mal le français ou l’anglais [13].
Les DdS doivent absolument s’informer aux familles de leur couverture d’assurance maladie et les prévenir de leur droit à obtenir des soins. Certaines régions (p. ex., l’Ontario et la Colombie-Britannique) ont temporairement abrogé la période d’attente de trois mois avant d’accorder l’assurance maladie provinciale. Il se peut que les familles admissibles dont la littératie est limitée aient besoin d’aide pour remplir leur demande [14][15]. Les enfants couverts par le Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI) devraient avoir accès à des soins continus, y compris des évaluations virtuelles.
Les pratiques de santé et de bien-être des familles autochtones, qui reposent sur la tradition et la culture, peuvent renforcer la résilience. Les DdS peuvent appliquer le principe de Jordan et l’Initiative : Les enfants inuits d’abord pour soutenir les besoins de santé des enfants et des adolescents des communautés inuites et des Premières Nations.
Pendant la pandémie et par la suite, les DdS peuvent soutenir le bien-être des enfants et des adolescents en préconisant des milieux sociaux solidaires et riches en ressources pour tous les enfants du Canada. La Société canadienne de pédiatrie incite fortement les décideurs à s’assurer de l’égalité d’accès au logement, à l’alimentation et aux soins de santé pour les communautés autochtones pendant cette période difficile [16].
Les DdS qui travaillent en milieu pédiatrique peuvent adopter les mesures suivantes pour soutenir les familles dont ils s’occupent :
La pandémie représente une période difficile pour tous les enfants et les adolescents, mais particulièrement pour ceux qui sont défavorisés sur le plan social ou financier. Les DdS qui comprennent leur environnement social et qui soutiennent les besoins des familles en période de changement inspireront la confiance, renforceront les liens et intensifieront leur collaboration avec le système de santé à court et à long terme.
Le comité de la pédiatrie communautaire, le comité de la santé de l’adolescent et le comité directeur de la section de la prévention de la maltraitance d’enfants et d’adolescents de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent point de pratique.
Shazeen Suleman, Yasmine Ratnani, Christine Loock, Katrina Stockley, Susan Bennett, Radha Jetty, Katharine Smart, Sarah Gander; Société canadienne de pédiatrie, section de la pédiatrie sociale
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 3 septembre 2024