Document de principes
Affichage : le 7 juin 2013 | Reconduit : le 1 juin 2022
April S Elliott; Société canadienne de pédiatrie, Comité de la santé de l’adolescent
Paediatr Child Health 2013;18(6):322-6
Les dispensateurs de soins qui voient des jeunes sans-abri ou des jeunes de la rue peuvent contribuer à réduire les conséquences de nombreux facteurs de risque d’ordre physique, mental, affectif et social, liés à la culture de la rue. Le présent document de principes présente les divers types et l’ampleur de l’itinérance au Canada et traite des raisons pour lesquelles les jeunes se tournent vers la rue, des risques de « l’économie de la rue » et des obstacles aux soins de santé. On y aborde les problèmes de santé physique et mentale courants, de même que les enjeux juridiques et éthiques susceptibles d’influer sur les soins. Les principes des soins, y compris l’accessibilité, la confidentialité et la réduction des préjudices, et les stratégies en vue de cibler et de faire participer cette population, ont suscité des recommandations en vue d’améliorer les services, les issues, la défense d’intérêts et le soutien gouvernemental accru.
Mots-clés : Health problems; Homelessness; SIY; Street; Youth
L’insuffisance des soins de santé, de l’éducation et de la défense d’intérêts pour les jeunes sans-abri et les jeunes de la rue (JdR) qui consultent dans divers milieux de santé chaque jour au Canada fait partie des grands besoins non respectés du pays. Le présent document de principes vise à aider les pédiatres, les médecins de famille et les autres dispensateurs de soins à constater et à réduire les risques multiples, qu’ils soient d’ordre physique, mental, affectif ou social, liés aux sans-abri ou aux JdR. Les recommandations sont conçues pour réduire les conséquences négatives des facteurs de risque sur la santé, la sécurité et le bien-être des jeunes.
Les chercheurs ont effectué une recherche dans MEDLINE entre 1950 et novembre 2012, au moyen des termes street youth et homeless youth, combinés à health care, health behaviour ou health, health resources/health services, oral health, delivery of health care, adolescent health services et preventive health services. Ils ont limité leurs recherches aux articles de langue anglaise, la majorité provenant du Canada et des États-Unis.
Le terme « jeune de la rue » (JdR) est très vaste, puisqu’il englobe divers degrés d’itinérance et toute une série de comportements à risque. Le présent document de principes porte sur le jeune qui n’est pas nécessairement « sans abri », mais qui est exposé à la culture de la rue et qui en vit les risques d’ordre physique, mental, affectif et social.
Des profils de risque élevés s’associent à la vie dans la rue, mais les études sur les JdR révèlent un spectre varié de caractéristiques et de modes de vie. Les chercheurs les ont divisés en diverses catégories pour des besoins d’étude et de classification.[1]-[5] Certains termes décrivent le chemin qu’empruntent les jeunes pour se trouver dans la rue, tandis que d’autres décrivent leur mode de logement courant. De nombreux JdR s’inscrivent dans de nombreuses catégories. Parmi les termes courants, qui se chevauchent souvent, soulignons « fugueur circonstanciel »,« fugueur », « laissé-pour-compte », « exclus du système »,[1] « jeune du trottoir », « enfant disparu » et jeune sans-abri.
Les deux classifications des Nations Unies comparent les « sans-abri absolus » aux « sans-abri relatifs ». Les sans-abri absolus vivent à l’extérieur et dans des immeubles abandonnés ou dans des refuges d’urgence et des centres pour itinérants. Les sans-abri relatifs habitent dans des logements insalubres ou vétustes, louent une chambre d’hôtel ou de motel au mois ou habitent temporairement chez des amis ou des parents. On les appelle également les « sans-abri invisibles ».[6]
Les JdR affrontent les conséquences indésirables d’ordre physique, mental, affectif et social liées à la culture de la rue. Les dispensateurs de soins doivent dépister les enfants et les adolescents à risque, connaître les problèmes de santé et les problèmes sociaux propres à cette population et être en mesure de les orienter vers des ressources communautaires où ils peuvent obtenir un soutien.[1][2][5][7]
Dans une étude menée en 2007,[7] on explique les difficultés liées à l’estimation du nombre de JdR au Canada et les conséquences de cette difficulté pour les décideurs, les dispensateurs de services et les chercheurs. Cependant, les auteurs ont confirmé le besoin urgent de se préoccuper des jeunes sans-abri dans chaque grande ville canadienne, de réduire le nombre de JdR et de respecter les besoins de ceux qui s’y trouvent. D’après une étude menée en 1999,[8] on évalue à environ 150 000 le nombre de JdR au Canada, le même chiffre (quoi que résolument conservateur) étant cité dans une autre étude de 2007.[9]
La pauvreté, une vie familiale dysfonctionnelle, la violence, la maltraitance sexuelle et physique, les maladies mentales sous-jacentes, la consommation de drogues par les parents et la curiosité sont les thèmes récurrents incitant à se tourner vers la rue.[1][8]-[12] D’après une étude en milieu communautaire publiée en 2005,[10] les femmes qui signalent des antécédents de violence sexuelle risquaient au-delà de 2,5 fois plus d’adopter un des comportements de fugueuses. Les femmes signalant à la fois de la maltraitance physique et sexuelle risquaient près de quatre fois plus de devenir fugueuses que leurs camarades non violentées. Les jeunes aux prises avec le système de protection de la jeunesse deviennent des sans-abri lorsqu’ils s’enfuient d’un foyer de groupe ou d’un foyer d’accueil.[13]
Les besoins fondamentaux d’argent, de nourriture, d’un abri et des autres nécessités de l’existence s’associent à l’initiation précoce des activités sexuelles[14] pour rendre les JdR très vulnérables à une participation au commerce du sexe ou au « sexe de survie » en échange de nourriture, d’un abri, d’argent ou de drogues.[2][15][16]
La dépendance à certains aspects de « l’économie de la rue » (p. ex., le commerce du sexe, la vente de drogues ou la mendicité)rend non seulement les jeunes vulnérables à des préjudices psychologiques, mais également à des comportements aux graves conséquences médicales, tels que la consommation de drogue ou d’alcool, les infections transmises sexuellement (ITS), la violence et la maltraitance physique et sexuelle.[13] Les recherches canadiennes démontrent que plus le jeune habite longtemps loin de son domicile, plus il risque de participer au commerce du sexe.[2]
Cette population affronte plusieurs obstacles personnels et systémiques à l’égard des soins de santé.
Sur le plan individuel, les JdR ne possèdent souvent pas l’argent, les moyens de déplacement et les connaissances nécessaires pour accéder à des soins de santé convenables. Ils éprouvent également des problèmes de confiance envers les adultes ou les figures d’autorité et s’inquiètent du respect de la confidentialité, ce qui les empêche de rechercher des services de santé. Souvent, les jeunes sous la tutelle de la protection de la jeunesse qui se sont enfuis d’un foyer d’accueil ou qui ont des démêlés avec la justice évitent les établissements de santé, de crainte de « se faire prendre ». À; leur inquiétude relative au respect de la confidentialité s’ajoute la peur d’être dénoncés aux autorités.
Il y a également des obstacles plus prosaïques aux soins de santé, soit la nécessité de présenter une carte d’assurance-maladie ou de fournir une adresse permanente, la perception qu’il faut le consentement ou la présence d’un adulte, l’absence de connaissances sur les protocoles relatifs aux mineurs matures et des services mal coordonnés ou auxquels il est difficile d’avoir accès.[1][17] Les JdR qui se présentent dans des établissements de santé classiques ne révèlent pas toujours qu’ils sont sans-abri, et les dispensateurs de soins sous-estiment alors les facteurs de risque. Par exemple, un jeune sans argent ne fera peut-être jamais remplir une ordonnance pour traiter une pharyngite streptococcique. Il serait pourtant possible d’éviter ce problème par l’injection d’une dose de pénicilline benzathine par voie intramusculaire, qui équivaut à dix jours de pénicilline par voie orale et qui peut être administrée gratuitement dans certains établissements. Ce choix de traitement démontre l’importance de déterminer la situation économique et le lieu de résidence de chaque jeune dans le cadre de la prise des antécédents. En déterminant rapidement qui sont les jeunes à risque, on peut réduire les obstacles aux soins de santé et favoriser des possibilités de soutien ciblées grâce à des options thérapeutiques adaptées et à un aiguillage vers les ressources communautaires pertinentes.
Les JdR qui sont accueillis par des critiques ou qui se frappent à l’un des obstacles décrits ci-dessus lorsqu’ils rencontrent du personnel soignant pour la première fois ont tendance à ne pas respecter leur suivi. Un bilan complet et approfondi lors de la première visite et le traitement rapide d’une ITS présumée sans confirmation de laboratoire représentent deux approches efficaces auprès des jeunes les plus vulnérables.[18] On constate un besoin urgent et constant de cliniques médicales accessibles et d’organismes pour les jeunes, axés vers cette population, conjointement à des programmes d’intervention ciblés pour assurer un suivi médical régulier et des tests d’ITS et de grossesse immédiats. Les dispensateurs de soins doivent fournir des conseils préventifs pour limiter les préjudices, prescrire des médicaments gratuits ou peu coûteux, choisir des posologies simples et faciliter le suivi grâce à des cliniques sans rendez-vous et à des heures d’ouverture le soir.
Il est essentiel de se débarrasser des obstacles systémiques, mais quels concepts liés à leur propre santé les JdR possèdent-ils qui influencent à la fois leur désir ou leur volonté d’accéder aux services ou même leur capacité à le faire?[7]
Les JdR ont des préoccupations en matière de santé physique et mentale qui s’associent à l’itinérance et aux comportements à haut risque.
Les JdR sont vulnérables à de nombreux problèmes de santé courants et aigus. Le milieu de la rue rend les jeunes sans-abri plus vulnérables aux problèmes respiratoires, y compris la tuberculose[18]-[20] et l’asthme.[21] Bien des jeunes consultent en milieu aigu parce qu’ils sont incapables de contrôler leur asthme dans la rue. La plupart ont déjà eu des médicaments qu’ils ont utilisés ou perdus ou qu’ils se sont fait voler, et ils ne possèdent pas les ressources pour les remplacer.
Les maladies dentaires sont courantes en raison de l’absence de soins buccodentaires, de l’hygiène déficiente, du tabagisme et de la consommation d’alcool.[22] Les problèmes dermatologiques courants sont les poux, la gale, l’acné, la dermatite atopique, l’impétigo et les infections causées par le Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline d’origine non nosocomiale.[23] Les affections des pieds représentent un problème important parce que les jeunes sans-abri ont les extrémités mouillées, froides et exposées aux intempéries et qu’ils ont un accès limité à des chaussettes propres et à des chaussures convenables.[5] La malnutrition est souvent secondaire à l’insécurité alimentaire (c’est-à-dire un apport insuffisant et le manque de ressources), à des connaissances insuffisantes et à la consommation de drogue.[5][10] Selon une étude menée à Toronto et publiée en 2002,[5] la vie quotidienne des JdR se caractérisait par une lutte continuelle pour trouver un abri sécuritaire, amasser de l’argent et obtenir une quantité suffisante de nourriture.
L’intoxication, les brûlures causées par des pipes de crack ou la violence (p. ex., jeunes attaqués, poignardés ou victimes d’une balle) sont également responsables de blessures.
Les perturbations à un sain développement peuvent porter atteinte à l’identité, et en raison de leur scolarisation limitée, les jeunes vulnérables ne possèdent souvent pas les aptitudes élémentaires à la vie quotidienne nécessaires pour fonctionner dans le monde adulte.
Il faut administrer aux JdR tous les vaccins recommandés par l’Agence de la santé publique du Canada dans le calendrier destiné aux enfants et aux adolescents (accessible à l’adresse http://www.phac-aspc.gc.ca/publicat/cig-gci/index-fra.php)[24]. Les programmes de vaccination dépendent des provinces et des territoires. Les professionnels de la santé doivent connaître le programme de leur propre territoire de compétence et des territoires avoisinants. Si un vaccin n’est pas subventionné, le dispensateur de soins devrait préconiser de l’administrer au JdR et de le faire rembourser par une autre source de financement, si elle existe.
Pour ce qui est de la vaccination contre les ITS, l’étude sur la surveillance accrue des jeunes de la rue au Canada (1999-2003)[25] indique que jusqu’à 40 % des JdR étaient susceptibles à l’infection par l’hépatite B. Cette population profiterait grandement d’un programme amélioré de vaccination contre l’hépatite B. Il faut s’assurer de s’informer du statut vaccinal des patients qui sont des JdR et de leur donner des conseils sur l’accès aux vaccins et sur les doses de rattrapage. Les JdR des deux sexes sont un groupe cible important du vaccin contre le virus du papillome humain, car la majorité n’a pas été vaccinée en milieu scolaire et est très vulnérable à un cancer du col de l’utérus et à des condylomes. Des politiques gouvernementales devraient appuyer pleinement les programmes de vaccination subventionnés.[26]
Les JdR affichent un taux beaucoup plus élevé d’infections par le VIH [6][8][15][16][27]-[29] et d’autres ITS.[23][30][31] L’utilisation non systématique du condom et les partenaires multiples accroissent le risque d’infection par le Chlamydia trachomatis (CT), la Neisseria gonorrheae et le virus d’herpès simplex 2 (VHS2), tandis que la consommation de drogues injectables accroît la transmission de l’hépatite B et de l’hépatite C. Les jeunes de 15 à 24 ans représentent plus des deux tiers de cas de CT au Canada,[8] le risque chez les JdR étant approximativement neuf fois plus élevé en raison des pratiques sexuelles à risque et de la consommation de drogues et d’alcool. On observe d’autres corrélats de CT chez les JdR canadiens, soit le statut d’Autochtone, l’autoperception du risque, l’absence de domicile permanent et un séjour en foyer d’accueil.[31]
Les JdR présentent toute une série de problèmes de santé mentale, qui coexistent souvent avec des dépendances et des problèmes de santé physique connexes.
Les recherches révèlent que les adolescents ayant des troubles de santé mentale risquent non seulement de fuguer, mais que les fugueurs courent également un fort risque de développer des troubles de santé mentale.[32]-[34] Les JdR risquent davantage de développer des troubles des humeurs, des troubles bipolaires, des troubles des conduites et un syndrome de stress post-traumatique et de faire des tentatives de suicide. Ces troubles augmentent lorsqu’ils s’associent à des antécédents de maltraitance sexuelle, et ils précèdent parfois l’itinérance.[35]-[36] Les JdR présentent un taux élevé de consommation de drogue et d’alcool. Ils utilisent parfois l’alcool et la drogue pour affronter leur situation ou dans le cadre de leur prise de risque, mais ces comportements entraînent inévitablement une morbidité et une mortalité accrues.[3][13][37] Le taux frappant de mortalité observé dans une étude prospective de cohorte menée à Montréal, au Québec, démontre que la santé mentale et la consommation de drogue et d’alcool sont des problèmes considérables que doivent aborder les dispensateurs de soins qui s’occupent de cette population.[16] Compte tenu du taux élevé de diagnostics de troubles de santé mentale chez les JdR, y compris les dépendances, il faudrait intégrer au moins un test de dépistage initial des problèmes de santé mentale dans les divers milieux de soins, axé sur le risque de suicide, l’automutilation et la possibilité que le jeune représente un risque pour les autres. De nombreux JdR ayant un diagnostic de maladie psychiatrique ont besoin de psychotropes. Leurs conditions de vie précaires s’associent souvent à l’incapacité financière de faire remplir une ordonnance ou à la perte ou au vol de leurs médicaments. Ainsi, cette population a besoin d’un soutien supplémentaire pour gérer ses problèmes de médicaments.
Les approches relatives à la prise d’antécédents et à l’examen physique figurent au tableau 1.[38]
Les questions importantes s’établissent comme suit, sans s’y limiter :
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Maison, éducation, alimentation, activités, drogues, sexualité, suicide, sécurité (acronyme anglais : HEEADSSS)[38] Effectuer une évaluation HEEADSSS approfondie, en s’attardant particulièrement aux éléments suivants :
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Examen physique Il est important d’effectuer un examen physique complet, parce que de nombreux jeunes de la rue n’en ont jamais subi. Éléments à ne pas oublier :
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Les dispensateurs de soins qui s’occupent de jeunes s’inquiètent souvent de la question du consentement au traitement. Les JdR posent un dilemme particulier parce qu’ils arrivent souvent seuls à l’établissement ou la clinique de soins aigus. La prise de décision doit respecter la loi provinciale ou territoriale relative au consentement aux soins de santé, selon laquelle le consentement à un traitement médical dépend de la capacité mentale du patient plutôt que de son âge chronologique (comme c’est le cas en Ontario).[39][40]
La participation à l’économie de la rue rend le JdR très vulnérable à la victimisation. Certains gouvernements se sont dotés de lois pour protéger les jeunes. Il est important de connaître les lois de son territoire de compétence et des territoires avoisinants. L’Alberta, par exemple, s’est dotée de deux lois. L’une porte sur le commerce de la drogue (The Protection of Children Abusing Drugs Act [PCHAD]: www.albertahealthservices.ca/2547.asp) et l’autre, comparable, sur le commerce du sexe (Protection of Sexually Exploited Children Act [PSECA] : www.calgaryandareacfsa.gov.ab.ca/home/613.cfm).[41]
Il faut répondre aux besoins de santé propres à cette population en lui proposant des services médicaux accessibles adaptés à son contexte de vie. Ces services devraient se composer de soins complets et confidentiels, y compris, sans s’y limiter, les soins généraux, la santé sexuelle (soit la contraception, les ITS, les conseils sur les possibilités offertes), l’évaluation de la consommation de drogue et d’alcool et une évaluation et un aiguillage en matière de santé mentale. Puisqu’il devra traiter de problèmes délicats et graves, le personnel devrait posséder une formation spéciale en pratiques exemplaires de réduction des préjudices et en techniques d’entrevue motivationnelle. Pour en savoir plus, on peut lire La réduction des méfaits : Une démarche pour réduire les comportements à risque des adolescents en matière de santé, un document de principes de la Société canadienne de pédiatrie publié en 2008 (www.cps.ca/fr/documents/position/reduction-des-mefaits-comportement-a-risque).
Les aiguillages peuvent provenir d’établissements de soins aigus, de médecins de famille, d’infirmières de la santé publique ou de CLSC, de travailleurs sociaux et d’autres services en contact étroit avec les jeunes à risque. Tout aiguillage devrait s’associer à un élément d’auto-aiguillage ou d’arrivée sans rendez-vous. Ainsi, les jeunes dont les soins médicaux sont limités ou sporadiques auront un accès unique à une évaluation médicale, à un traitement et à un plan de soins médicaux et de suivi à plus long terme. Pourquoi les modèles cliniques de soins aux adultes sans-abri ne suffisent pas pour le traitement des JdR? Les jeunes ont tendance à éviter ces établissements parce qu’ils ne pensent pas « être descendus aussi bas » ou ont l’impression que les problèmes propres aux adolescents ne sont pas abordés.[42] Il faut des cliniques médicales accessibles aux JdR et des organismes pour les jeunes afin d’offrir à cette population des programmes d’intervention ciblés qui garantiront un suivi médical régulier. Par ailleurs, il faudrait élargir la portée des programmes fondés sur des données probantes, tels que le modèle de foyer de transition pour les JdR[9][12][43], et les financer. Il est essentiel que les services destinés aux jeunes collaborent entre eux et soient coordonnés. Une telle clinique, la Calgary Adolescent Treatment Services (CATS) Clinic, existe en Alberta : www.woodshomes.ca. [44]
D’autres organismes (figurant à la référence 1) ont élaboré quelques-unes des recommandations suivantes.
Convenir que les JdR forment une population hétérogène plus ou moins intégrée à la rue. Puisqu’ils consultent dans divers milieux de santé, les dispensateurs de soins ont généralement besoin de mieux connaître les problèmes et facteurs de risque qui leur sont particuliers.
Connaître les protocoles portant sur les mineurs matures et informer les jeunes de leur droit à la confidentialité. Il faudrait toujours revoir les questions de confidentialité avant la rencontre de santé officielle.
Il faudrait intégrer un test de dépistage initial en santé mentale aux divers milieux de santé, axé sur le suicide, l’automutilation et le risque possible du jeune pour les autres.
Déterminer la situation de logement et la situation économique pendant la prise des antécédents. De nombreux jeunes hésitent à révéler l’information, de crainte des préjugés.
Demander si le jeune peut s’acheter les médicaments et les utiliser en toute sécurité.
Demander au jeune s’il peut respecter les aiguillages. Convenir que les JdR mènent une vie imprévisible et qu’ils ne respecteront peut-être pas leur suivi. Tenter de prioriser les éléments suivants :
Répondre aux problèmes immédiats du jeune à la première visite, puis aborder les autres à la visite suivante.
On peut recommander certains examens et traitements dès la première visite si le suivi n’est pas assuré (c’est-à-dire, après avoir obtenu un consentement éclairé, diagnostiquer la grossesse, le CT et la N gonorrheae au moyen d’un examen gynécologique ou d’un prélèvement d’urine). Il faut diagnostiquer et traiter le CT, la gonhorrée et les autres ITS conformément aux lignes directrices de l’Agence de la santé publique du Canada : www.phac-aspc.gc.ca/std-mts/sti-its/index-fra.php.
En cas de risque de VIH, de virus de l’hépatite B ou de virus de l’hépatite C réel ou présumé (p. ex., en raison de l’exposition aux activités sexuelles, de la maltraitance ou de la consommation de drogues injectables), procéder au moins au test de dépistage du VIH à la première visite. Un diagnostic rapide peut contribuer à prévenir la propagation. S’assurer également de discuter du mode de transmission de ces pathogènes dès la première visite, parce que l’occasion ne se présentera peut-être plus.
S’assurer que les dispensateurs de soins administrent les vaccins applicables dès que l’occasion se présente. S’informer du statut de vaccination de tous les jeunes. Leur donner des conseils pour se faire administrer les vaccins de rattrapage ou les nouveaux vaccins. Mieux encore, être prêt à les administrer sur place, quel que soit le milieu de soins.
Préconiser que les JdR reçoivent les vaccins non subventionnés grâce à d’autres sources de financement, si elles existent.
Maintenir les posologies les plus simples et directes possible. Simplifier les mesures de suivi par des cliniques sans rendez-vous et des heures d’ouverture le soir.
S’informer des services aux jeunes offerts dans la collectivité pour pouvoir y aiguiller les jeunes rapidement et amorcer des soins et un soutien coopératifs.
Préconiser une meilleure formation postdoctorale interdisciplinaire sur les problèmes propres à cette population.[1]
Le comité des maladies infectieuses et d’immunisation et le comité de la santé mentale et des incapacités du développement de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent document de principes.
COMITÉ DE LA SANTÉ DE L’ADOLESCENT DE LA SCP
Membres : Franziska Baltzer MD (membre sortante); Giuseppina Di Meglio MD; April S Elliott MD (membre sortante); Johanne Harvey MD; Natasha I Johnson MD; Deborah K Katzman MD (membre sortante); Margo A Lane MD (présidente); Stan Lipnowski MD (représentant du conseil); Jorge L Pinzon (président sortant); Danielle Taddeo MD (membre sortante); Gillian Thompson MN, NP
Représentant : Mark Norris MD, section de la santé de l’adolescent de la SCP
Auteure principale : April S Elliott MD
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 7 février 2024